Denis Müller

Semper reformanda

Les protestants, dont je suis, sont les champions tous azimut de la réforme. L’année 2017 vient de nous le rappeler à satiété. Mais il ne faut pas que cette pulsion réformatrice devienne trompeuse. Fêter les 500 ans de Luther, c’est bien. Pas seulement pour les protestants. Catholiques et orthodoxes ont aussi bénéficié des apports de la Réformation. Le Concile de Trente et surtout celui de Vatican II ont indirectement recueilli les fruits du protestantisme.

«Nous sommes retombés depuis quelques décennies dans une certaine rigidité confessionnelle.»

Nous sommes cependant retombés depuis quelques décennies dans une certaine rigidité confessionnelle, chaque Eglise stagnant sur ses positions. La tendance du protestantisme est assez paradoxale; les évangéliques cultivent souvent un conservatisme peu critique, là où les libéraux sont tentés de fuir en avant, confondant l’esprit de la réforme avec l’adaptation illimitée aux modes du temps présent.

Or la vraie Réforme comporte deux implications rigoureuses et exigeantes: la fidélité à l’Evangile, d’une part, le respect de la communion fraternelle, d’autre part. La fidélité à l’Evangile ne signifie pas le fondamentalisme littéraliste, mais demande de nous laisser inspirer par l’Esprit de l’Evangile. Par exemple, l’amour inconditionnel des personnes homosexuelles va dans ce sens, mais pas nécessairement l’idée d’un mariage pour tous, peu conforme à l’idée du mariage chrétien. Le respect de la communion fraternelle n’exige pas une unanimité de doctrine et d’éthique, mais la capacité de vivre ensemble des divergences pratiques et théoriques.

Entre catholiques et protestants, nous avons encore de grandes différences doctrinales, par exemple sur la question des ministères et des sacrements. Comme protestants, nous considérons depuis belle lurette que les femmes sont tout aussi bien habilitées à exercer le saint ministère pastoral que les hommes, et qu’elles peuvent donc également célébrer tous les sacrements. Et, de même, nous reconnaissons pleinement le droit des pasteurs, hommes ou femmes, à se marier. Nous sommes persuadés que l’Eglise catholique finira un jour par adopter de tels points de vue. Pour le moment, nous vivons ces réalités dans la divergence, sans que cela doive entraver nos relations œcuméniques. C’est dire que l’œcuménisme n’est jamais une paisible ou insipide cohabitation entre des points de vue figés: il est toujours légitime et fécond de nous interpeller mutuellement. Je respecte le point de vue catholique; mais je ne l’estime jamais définitif ni intouchable. Comme l’Eglise protestante, l’Eglise catholique est sans cesse à réformer. Aimons-nous, sans jamais renoncer au questionnement réciproque.

Denis Müller | 06.11.2017

«L’œcuménisme n’est jamais une paisible ou insipide cohabitation entre des points de vue figés» (© DR)
7 novembre 2017 | 13:48
par Denis Müller
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