Aquarius: «on ne peut pas rejeter les personnes qui arrivent», estime le pape

Immigration, Chine, réforme de la Curie, renonciation… : le pape François a répondu à un long entretien accordé à l’agence de presse anglo-saxonne Reuters et publié le 20 juin 2018. Il y critique notamment avec fermeté la politique migratoire des Etats-Unis et de l’Europe.

Alors que l’Italie a refusé d’accueillir début juin l’Aquarius, un navire avec à son bord plus de 600 migrants secourus en Méditerranée, le pape estime qu’on «ne peut pas rejeter les personnes qui arrivent». Celles-ci doivent au contraire être accueillies et réparties à travers toute l’Europe.

«Ce n’est pas facile, mais le populisme n’est pas la solution», ajoute-t-il. Selon lui, les populistes «créent une psychose» sur la question de l’immigration, alors même que des sociétés vieillissantes comme l’Europe font face à «un grand hiver démographique» et ont besoin de plus d’immigrants.

La politique de Donald Trump visée

Le successeur de Pierre pointe également la politique ‘tolérance zéro’ sur l’immigration du président américain Donald Trump. Sur ce dossier, le pape François souligne «se tenir aux côtés» de la conférence des évêques américains, qui a fermement condamné ces mesures comme immorales. Elles prévoient que les clandestins franchissant illégalement la frontière soient poursuivis au pénal. Or les enfants ne peuvent pas être incarcérés, et sont donc séparés de leurs parents.

Le pontife confie également être attristé par la décision du président américain, l’an dernier, d’appliquer de nouvelles restrictions sur les échanges avec Cuba. Lui-même avait contribué à la rencontre de l’ancien président Barack Obama avec Raul Castro en mars 2016, inaugurant de nouvelles relations entre les deux pays.

Sur le chapitre des Etats-Unis encore, le retrait américain des accords de Paris, déclare-t-il, lui a «causé de la peine car le futur de l’humanité est en jeu». Il espère ainsi que le président Trump revienne sur sa décision.

Les négociations avec la Chine sont en bonne voie

Concernant la Chine, le pape rejette la critique – émise notamment par le cardinal Joseph Zen, évêque émérite de Hong Kong – de ›vendre’ les catholiques chinois restés fidèles à Rome. Le pontife considère que les négociations pour un accord avec Pékin sont en bonne voie. Portant notamment sur les nominations d’évêques, cet accord a été annoncé comme imminent à plusieurs reprises depuis février 2017.

Sur les abus sexuels au Chili, il affirme qu’il pourrait accepter d’autres démissions, après celles de Mgr Juan Barros et de deux de ses confrères le 11 juin. Le 17 mai dernier, les évêques chiliens ont présenté collectivement leur démission au pape.

L’évêque de Rome indique également avoir appris par la presse la contestation interne de quatre cardinaux sur Amoris laetitia. «Cette façon de faire n’est pas ecclésiale, indique-t-il, mais nous faisons tous des erreurs», ajoutant qu’il prie pour ses contradicteurs.

En novembre 2016, avec Carlo Caffarra et Joachim Meisner, tous deux décédés en 2017, les cardinaux Raymond Burke, préfet émérite du Tribunal suprême de la Signature apostolique, et Walter Brandmüller, ancien président du Comité pontifical des sciences historiques, avaient rendu public leurs interrogations – dubia – au sujet de l’exhortation du pape sur la famille (2016).

La largesse de l’Eglise

A ce sujet, le chef de l’Eglise catholique cite volontiers la comparaison, faite par un cardinal italien, de l’Eglise avec un large fleuve incluant de multiples points de vue. «Nous devons être respectueux et tolérants, et si quelqu’un se trouve dans le fleuve, allons de l’avant», expose-t-il, invitant ainsi à ne pas s’arrêter aux divisions.

Pour ce qui concerne la réforme de la Curie romaine, celle-ci avance, mais «nous devons travailler plus». Il souligne en outre sa volonté de nommer d’autres femmes à des postes à responsabilité au sein de la Curie. Selon lui elles sont en effet meilleures à résoudre les conflits. Cette féminisation de la Curie, met-il toutefois en garde, ne doit pas être seulement un «masculinisme en jupe».

Le pontife est également revenu sur sa possible renonciation pour raison de santé. «Pour le moment, je n’y pense même pas», remarque-t-il. En 2014, dans l’avion de retour de Corée du Sud, il avait envisagé cette possibilité. La démission de Benoît XVI en 2013 a »ouvert une porte qui est institutionnelle, et non pas exceptionnelle», avait-il alors considéré. (cath.ch/imedia/mp)

Migrants et réfugiés sont en quête d'un avenir meilleur
20 juin 2018 | 13:59
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 3 min.
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