Les défis d’une future instructrice en nullité de mariage
En qualité d’instructrice, Mirjam Clavadetscher participera bientôt à des procès en nullité de mariages pour l’officialité du diocèse de Bâle. La Soleuroise explique en quoi consiste sa future mission, ce qui l’attire dans cette fonction et les défis auxquels elle devra faire face.
Barbara Ludwig, kath.ch / traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
Vous allez bientôt travailler comme instructrice auprès de l’Officialité du diocèse de Bâle. Qu’est-ce qui vous rend compétente pour cette fonction?
Mirjam Clavadetscher: Ce sont tout d’abord mes études de droit, une formation en médiation et une formation continue en coaching systémique. Dans le cadre de mes études de théologie, je suis également des cours de droit canonique et je terminerai ce semestre avec un diplôme en droit matrimonial canonique. Une préparation spécifique à la fonction d’instructrice dans le cadre d’une formation interne est notamment requise. Cela vaut aussi pour les aumôniers et les prêtres qui souhaitent exercer cette fonction. Je n’ai pas encore suivi cette formation.
«C’est comme dans la police ou au ministère public. On apprend à poser les bonnes questions»
Qu’allez-vous y apprendre?
C’est comme dans la police ou au ministère public: on apprend à poser les bonnes questions afin d’obtenir les réponses nécessaires pour établir les preuves requises. Les questions pièges et suggestives sont bannies. Les questions complémentaires posées au cours de l’entretien servent uniquement à établir les preuves.
Quelle sera votre tâche en tant qu’instructrice?
Je m’occuperai exclusivement des procédures en nullité de mariage. Si un couple marié à l’église divorce et qu’une des parties dépose une telle demande, je suis mandatée pour clarifier les faits et présenter des preuves en interrogeant un ou plusieurs témoins.
Mais l’instructrice est surtout chargée d’auditionner les témoins lorsque cela ne peut se faire au siège du tribunal, à Soleure. Il y a toujours des témoins qui n’habitent pas à proximité du tribunal. J’habite à Olten, qui est idéalement situé, et je pourrai à l’avenir utiliser une salle appropriée dans la Maison paroissiale d’Olten pour cette tâche.
«Je contribuerai à ce que les juges puissent se faire une idée de la situation au moment du mariage»
Et en quoi consistera concrètement votre travail?
L’official me chargera d’interroger un certain témoin. Je commencerai par me familiariser avec l’affaire. Je recevrai la plainte et échangerai avec l’official. Ensemble, nous déterminerons les questions à poser. Je saurai donc avant le début de l’audition de quelles preuves le juge aura besoin. Je rencontrerai le témoin dans une salle neutre de la Maison paroissiale d’Olten et lui poserai les questions adéquates. Un procès-verbal de l’entretien sera établi et signé par les deux parties. Par mon travail, je contribuerai à ce que les juges puissent se faire une idée de la situation au moment du mariage avant de rendre leur jugement.
Qui peut être témoin dans une telle procédure?
Il peut s’agir du requérant ou de la requérante, c’est-à-dire l’un des conjoints. Il peut également s’agir d’un frère, d’une sœur ou d’une connaissance du couple.
Serez-vous informée de l’issue de l’affaire?
Oui. Soit la demande en nullité est acceptée, soit elle est rejetée. Dans le premier cas, le mariage est déclaré nul et les personnes concernées peuvent se remarier à l’église. Dans le second cas, le mariage est valide et un autre mariage religieux est exclu.
«Le travail d’une instructrice a une forte dimension pastorale»
Qu’est-ce qui vous attire dans cette activité?
En particulier la proximité avec les gens. Le travail d’une instructrice a une forte dimension pastorale. D’autre part, mon intérêt pour le droit et l’éthique. Je trouve très intéressant de me pencher sur les aspects théologiques et moraux. J’imagine que le travail est très varié.
Mirjam Clavadetscher, âgée de 55 ans, étudie la théologie depuis 2024. Elle a d’abord suivi une formation commerciale, puis a étudié le droit à Zurich et Neuchâtel. Mère de trois enfants, elle a travaillé dans différentes entreprises en tant qu’assistante de direction, responsable de cabinet et chef de service. BAL
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la dimension pastorale?
Les situations dans lesquelles se trouvent les parties en présence sont sources de grandes tensions émotionnelles. Le passé resurgit. L’interrogatoire peut susciter des sentiments désagréables. Car un mariage raté est toujours douloureux. Je ne suis pas thérapeute. Mais il est utile, en tant qu’instructrice, de pouvoir s’appuyer sur une formation pastorale ou de coach systémique.
«L’Église veut aller au fond des choses dans les procédures en nullité de mariage»
L’enseignement de l’Église concerne également les questions de morale sexuelle. Selon le droit canonique, le mariage et la famille ne relèvent pas de la sphère privée, que chacun peut organiser à sa guise. C’est pourquoi elle veut aller au fond des choses dans les procédures en nullité de mariage. La condition préalable à un mariage valide est, par exemple, la consommation du mariage. L’Église s’intéresse à savoir si les époux ont eu des rapports sexuels ou non. Les questions peuvent toucher à la vie intime. Il peut arriver qu’en tant que juge d’instruction, on doive poser la question: «Avez-vous eu des rapports sexuels?»
Cela peut être désagréable…
Un mariage catholique implique une ouverture fondamentale à l’égard des enfants. C’est l’une des conditions préalables à sa validité.
Qu’est-ce qui pourrait constituer des difficultés dans votre future activité?
Aujourd’hui, la plupart des gens se présentent devant le tribunal ecclésiastique lorsque le mariage civil est déjà dissous et qu’ils ne partagent plus ni le même lit ni la même table depuis longtemps. Généralement il s’agit de cas où l’un des deux conjoints, voire les deux, souhaitent se remarier à l’église. Mais il arrive que l’un des partenaires refuse la nullité du mariage. Pour cette personne, la procédure peut être très pénible. Et pour l’instructrice, c’est certainement un défi.
Y a-t-il des aspects du droit matrimonial ecclésiastique ou de la procédure en nullité qui vous mettent mal à l’aise?
Le droit canonique fixe des objectifs moraux élevés au mariage. Le point central est l’indissolubilité. Le mariage entre chrétiens est un sacrement, une consécration en quelque sorte. Beaucoup de couples échouent. Même si je comprends la nature du mariage, je ne saisis pas toujours pourquoi l’Église s’en tient à ces objectifs élevés.
«Le sacrement du mariage recèle beaucoup de beauté et de force. Néanmoins, le mariage ne réussit pas toujours»
Je ne suis toutefois pas favorable aux divorces à la légère et je crois qu’il est possible d’avoir un mariage heureux – qui dure toute la vie. Le sacrement du mariage est l’une des plus belles choses qui soient. Il recèle beaucoup de beauté et de force. Néanmoins, le mariage ne réussit pas toujours. Je regrette que les personnes divorcées remariées soient notamment exclues de la communion.
Aspireriez-vous à une carrière professionnelle au sein d’un tribunal ecclésiastique?
Cela m’intéresse, mais je ne sais pas encore si je suis prête à m’engager dans cette voie. Pour faire cela je devrais, après mes études de théologie, suivre un cursus de trois ans en droit canonique. À Rome, Munich ou Münster. (cath.ch/kath/bal/rz)