Entraves à l’accès aux dossiers sur les abus? L’Incertitude générale règne
Plusieurs journaux alémaniques ont récemment relayé des accusations selon lesquelles des institutions catholiques en Suisse, en particulier le diocèse de Bâle, bloqueraient l’accès à des dossiers sur les abus sexuels. Les recherches de cath.ch relèvent surtout une incertitude assez généralisée concernant cette affaire.
Le diocèse de Bâle veut-il encore protéger ses prêtres en entravant les recherches de l’Université de Zurich sur les abus sexuels commis dans un contexte ecclésial? Telle est l’accusation qui a sous-tendu plusieurs articles de la presse alémanique parus début juin 2025. La «dénonciation» a tout d’abord été lancée par le Sonntagsblick (Sobli).
Pas de confirmation de l’Université de Zurich
L’hebdomadaire assurait, le 1er juin, avoir appris «de plusieurs sources» (non identifiées) que les historiennes de l’Université de Zurich étaient «irritées» par le comportement de Mgr Gmür, qui entraverait l’accès aux dossiers sur les abus sexuels. Les expertes en question ont été mandatées par l’Église catholique en Suisse pour faire la lumière sur les cas d’abus dans le milieu ecclésial depuis les années 1950.
Une telle «irritation» existe-t-elle du côté de l’Université de Zurich? Les historiennes mandatées constatent-elles de telles «entraves» face à leurs démarches? Interpellées par cath.ch à ce sujet, les expertes se contentent de répondre: «Nous sommes actuellement en train de compléter le corpus de sources. Les dernières vérifications et entretiens avec différentes institutions sont en cours. Nous avons bon espoir de pouvoir consulter bientôt les dossiers essentiels pour le projet de recherche.» Elles assurent ne pas pouvoir se prononcer sur le reste.
Le diocèse contre-attaque
Les accusations émises par le Sobli ont été reprises par plusieurs journaux, dont la NZZ am Sonntag (NZZaS), la Berner Zeitung (BZ), et le Bund. Ces publications se sont vues reprocher par le diocèse de Bâle de pratiquer un «journalisme déloyal». Dans un communiqué virulent diffusé le 9 juin, le Vicariat général dément absolument une quelconque entrave aux dossiers de la part de Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle. Le texte affirme que «la NZZaS et le Sobli ne s’en tiennent pas aux faits, n’étayent pas leurs affirmations par des preuves, présentent des mensonges comme des vérités, se réfèrent uniquement à des éléments établis par ouï-dire et à la prétendue protection des sources, dépassent massivement les limites de la décence, ce qui équivaut à une diffamation, et dénigrent de manière ignoble le diocèse de Bâle, son évêque et, par conséquent, l’Église catholique dans son ensemble.» Un second communiqué de la même teneur a ciblé quelques jours plus tard (le 11 juin) la BZ et le Bund.
Pas de «froid» entre la CES et la RKZ
Entre-temps, le Sobli a produit d’autres articles censés venir étayer les accusations contre le diocèse de Bâle. Le 8 juin, un papier paraissait avec le titre «Akteneinsicht verweigert: Oberster Katholik kritisiert Schweizer Bischöfe» (Accès aux dossiers refusés: un haut responsable catholique critique les évêques suisses). «Un titre qui constitue une interprétation», souligne Roland Loos, «l’Oberster Katholik» en question, à cath.ch. Le président de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) (l’organisation faîtière des corporations ecclésiastiques) confirme que le Sobli l’a bien interpellé en rapport aux accusations contre le diocèse de Bâle. Ce par quoi il a répondu en envoyant au journal un texte écrit retraçant les grands principes régissant le travail de recherche sur les abus. Le Sobli reprend ainsi un certain nombre de citations de Roland Loos.
La RKZ n’a pas d’opinion
Le texte en question, que cath.ch a pu consulter, rappelle notamment que «les mandants de l’étude, à savoir la Conférence des évêques suisses (CES), la Conférence centrale [RKZ] et la KOVOS [les congrégations religieuses], se sont engagés par contrat à demander à leurs membres de garantir à l’équipe de recherche le libre accès aux dossiers et aux archives dans leur domaine de compétence respectif et de les soutenir dans la recherche des sources. Concrètement, la CES doit donc demander aux évêques et aux diocèses de garantir le libre accès aux dossiers (…). Sont réservées les restrictions qui sont obligatoires en raison de la protection des données.» La Conférence centrale confirme finalement «qu’elle s’engage activement pour que le projet de recherche puisse maintenir le cap.»
Ce discours signifie-t-il que Roland Loos sait quelque chose concernant d’éventuels cas d’entrave de la part d’institutions religieuses? Il semble que non. «En l’état, la RKZ n’est pas en mesure de se forger une opinion sur les polémiques en cours», assure le président de la faîtière à cath.ch. Il relève que l’affaire sera l’objet de discussions prochainement entre les principaux acteurs de l’Église en Suisse.
Plainte ou pas plainte?
Certains journaux ont également tissé un lien entre l’affaire de Bâle et le récent licenciement de la rédactrice en chef du Pfarrblatt (le journal de l’Église bernoise), Annalena Müller. La thèse étant que la journaliste aurait été mise à l’écart sous pression du diocèse de Bâle (auquel appartient le canton de Berne) parce qu’elle s’apprêtait à révéler des éléments sur cette affaire. Une allégation démentie également par l’évêché, qui a rappelé au passage qu’il n’était aucunement impliqué dans la gestion de la publication. Annalena Müller, sollicitée par cath.ch, n’a pas voulu non plus s’exprimer sur le sujet.
Au-delà des «sources anonymes» dont fait état le Sobli, aucun indice concret n’émerge donc sur la réalité des accusations contre le diocèse de Bâle. La vérité sera-t-elle connue un jour? Elle pourrait peut-être se profiler dans le cadre d’une plainte en justice de la part du diocèse incriminé à l’encontre des journaux ayant repris à leur compte l’information. Une telle option pointe dans l’utilisation, dans le communiqué, de termes telles que «diffamation» ou «calomnies». Le diocèse de Bâle a cependant indiqué à cath.ch qu’il ne voulait pas se prononcer à ce sujet. Une incertitude générale demeure ainsi sur la nouvelle polémique allumée par la presse. (cath.ch/ag/arch/com/rz)