Fribourg: Tolérance religieuse ou défense d’une école laïque? Le voile islamique en question
Apic Dossier
La directrice des écoles de la ville et Mgr Genoud s’expriment
Fribourg, 27 novembre 2003 (Apic) Le voile islamique est au coeur du débat français sur le port des signes religieux dans les espaces publics, et plus précisément à l’école. Le gouvernement Chirac veut une nouvelle loi, à laquelle sont opposés catholiques, juifs et musulmans, les protestants étant plus nuancés. Qu’en est-il en Suisse, où, malgré des traditions historiques différentes, la question se pose aussi, et particulièrement en ville de Fribourg. L’Apic s’est penché sur la question. Dans les classes, la religion musulmane est en effet devenue la deuxième confession.
Deux interviews exclusives éclairent le problème en ville de Fribourg de manière contrastée: La directrice des écoles de la ville, Marie-Thérèse Maradan Ledergerber, voit dans le port du voile une exclusion des filles. Elle y est opposée. L’évêque de Fribourg, Genève et Lausanne, Mgr Genoud, admet au contraire le voile, sous réserves de la bonne marche de l’école. Il se réfère à la Constitution fédérale, qui garantit à chacun la liberté de croyance. L’un et l’autre ont fait part de leur position à l’Apic. Notre dossier.
La question du voile islamique est au coeur du débat français sur les signes religieux dans les espaces publics, et plus particulièrement à l’école. Une loi sur la laïcité est en effet en phase préparatoire. Selon un sondage, les Français sont favorables à une loi interdisant le port de tout symbole religieux. La Conférence des évêques français, ainsi que les communautés musulmanes et juives y sont opposées, alors que les milieux protestants de France accueillent favorablement une loi qui rappellerait ce qu’est la laïcité. «Nous avons besoin d’une laïcité modeste», a estimé le président de la Fédération protestante de France.
Et les crucifix à l’école?
Dans la Suisse fédéraliste, la longue cohabitation des deux confessions principales et l’absence d’une séparation complètement étanche entre l’Eglise et l’Etat, comme en France, posent les marques d’une tradition de plus ou moins grande tolérance, dans les cantons.
En effet, en Suisse, de nouvelles religions ont fait leur apparition à la faveur de l’arrivée d’une population de plus en plus diverse et multiculturelle. Ainsi, la religion musulmane est désormais la deuxième dans les écoles de la ville de Fribourg, derrière la confession catholique, mais devant la protestante.
Dans une interview à l’Apic, la directrice des écoles de la ville de Fribourg, Marie-Thérèse Maradan Ledergerber déplore que le port du voile exclue les filles, et seulement elles, estime-t-elle. La Conseillère communale de la direction des Ecoles et des Affaires sociales de la ville dit pourquoi elle n’est pas favorable au voile ni aux dispenses scolaires: pour des raisons d’égalité hommes/femmes, surtout. A titre personnel, elle pense même qu’on peut se passer des crucifix dans les salles de classe.
L’évêque de Fribourg, Genève et Lausanne, Mgr Genoud, également interviewé par l’Apic, déclare qu’il est «normal que l’école permette aux élèves d’exprimer leur appartenance religieuse. Sous réserve, précise-t-il, que ces signes religieux n’entravent pas le cursus scolaire et ne nuisent pas aux relations interpersonnelles. Il se fonde sur la Constitution fédérale, qui garantit à chacun la liberté de croyance. S’exprimant aussi sur la loi sur la laïcité, en préparation en France, il dit ne pas y être favorable. A propos des crucifix dans les salles de classes, il serait «très déçu» de leur suppression.
La situation juridique qui prévaut à Fribourg
Quelle est la situation légale qui prévaut dans le canton de Fribourg? Le voile islamique y est admis, sous réserves. Une circulaire datée du 22 décembre 1997, émise par le Département cantonal de l’instruction publique (DICS), précise: «L’école fribourgeoise, fondée sur le respect des droits fondamentaux de la personne, admet le port du voile islamique par les élèves (.), pour autant que cette prescription religieuse soit exempte de tout prosélytisme et ne mette pas en cause un enseignement ordonné et efficace».
La circulaire ajoute: «Ces principes, qui découlent du droit constitutionnel, s’accompagnent d’une exigence, à savoir que les jeunes filles concernées doivent suivre l’ensemble des cours prévus au programme. Il n’y a pas lieu d’accorder des dispenses générales pour les cours d’éducation physique, à l’exception des cours de natation».
Sur cette question, il existe un arrêt du Tribunal fédéral, daté de 1995, qui fait jurisprudence. Cet arrêt concerne le recours d’un père musulman sollicitant pour des motifs religieux une dispense pour sa fille au cours obligatoire de natation à l’école primaire. Après que les instances cantonales zurichoises aient rejeté cette demande, le TF a accepté le recours du père, car «il n’est pas compatible avec la liberté de conscience et de croyance de contraindre une fillette à participer à la leçon obligatoire de natation, laquelle implique qu’elle se présente en maillot de bain devant d’autres personnes».
Selon Laurent Passer, chef du service du DICS, il n’existe pas de statistiques cantonales combinant nationalité et appartenance religieuse. «Nous n’établissons pas ce genre de statistiques.» Au niveau communal, on n’établit pas non plus de statistiques liant nationalité et religion.
En quelques chiffres.
En ville de Fribourg, on comptabilise 42 nationalités dans les écoles primaires francophones de la ville et 25 dans les écoles de langue allemandes. Les classes enfantines françaises comptent 50,6% d’élèves étrangers (classes allemandes: 23,5%). Les classes primaires comptent 48,2% d’élèves étrangers (classes allemandes: 22,6%).
Sur les 42 pays d’origine des élèves de l’école primaire à Fribourg (classes françaises), les quatre principaux sont par ordre décroissants, le Portugal, les pays de l’ex Yougoslavie, la Turquie, l’Italie. Les principales confessions : catholique 64,1%, musulmans 16,2%, autres confessions 5,8%, protestants 5,2%, israélite 0,3%, sans confession 8,4%.
Dans les classes primaires de langue allemande, il y a 25 nationalités représentées. Les élèves de l’ex Yougoslavie sont les plus nombreux parmi les élèves étrangers. Les autres provenances sont en dessous de 1%. Enfin, au niveau du Cycle d’orientation, on ne tient pas ce genre de statistiques. VB
Fribourg: la directrice des écoles s’exprime sur les symboles religieux en classe
Pas de couvre-chef à l’école
Valérie Bory, Apic
Fribourg, 27 novembre 2003 (Apic) Le port du voile est un signe religieux qui exclut les filles, et seulement les filles, estime à Fribourg la Conseillère communale de la direction des Ecoles et des Affaires sociales de la ville. Dans une interview accordée à l’Apic, Marie-Thérèse Maradan Ledergerber dit pourquoi elle n’est pas favorable au voile ni aux dispenses scolaires, pour des raisons d’égalité hommes/femmes. A titre personnel, elle pense qu’on peut se passer des crucifix dans les salles de classe. Rencontre
Apic: Y-a-t-il eu à Fribourg des problèmes de foulard islamique à l’école?
M-T. Maradan Ledergerber: Quelques-uns, mais cela s’est réglé de cas en cas. Il existe une directive du Département de l’instruction publique, qui dit en substance que ce n’est pas formellement interdit (voir encadré). Personnellement, cela me pose un problème d’égalité de droits hommes/femmes. Le port du voile est un signe religieux qui exclut les filles, et seulement les filles. Cela est contraire à l’égalité des droits, fondement constitutionnel et fondement des droits de l’être humain. Je dirais aussi que pour moi le voile ramène la jeune fille à un rang, je dirais, d’objet.
Apic: Pourquoi?
M-T. Maradan Ledergerber: Parce que le port du voile veut éviter que les hommes «ne désirent les femmes», il faut donc les cacher. Si certaines jeunes filles de confession musulmane ne peuvent aller à la piscine, c’est parce qu’elles sont considérées comme «un objet de désir» pour les hommes.
Apic: Quel est le pourcentage d’élèves musulmans dans les écoles à Fribourg.
M-T. Maradan Ledergerber: On compte 19,6% d’élèves de confession musulmane, essentiellement turcs, albanais. Mais dans certaines classes, il y a 50% d’élèves musulmans. Je précise que dans la population de religion musulmane, nous avons aussi des Suisses convertis et des personnes naturalisées, qui sont de culture islamique. La religion musulmane est la seconde religion à l’école. Personnellement je pense qu’il faut sortir les religions de l’école. Les crucifix, à mon avis, on peut s’en passer dans les salles de classe. Ce sera le seul moyen, si on tient à la laïcité en tant que garant de la liberté de chacun.
Apic: Ainsi, il faudrait supprimer les crucifix que l’on voit encore dans les classes?
M-T. Maradan Ledergerber: Je parle de crucifix particulièrement prédominants.
Apic: Il est difficile de fixer une limite en matière de symboles religieux dans les écoles publiques.
M-T. Maradan Ledergerber: Je prône tout de même un peu de souplesse. Personnellement je ne mettrais pas en cause le port d’une petite croix ni le port du Croissant ou d’une main de Fatma ou d’une étoile de David. On peut très bien porter une chaînette qui représente ses convictions, de façon non ostentatoire. Le voile est très ostentatoire. On devrait être clair: pas de voile en classe.
Apic Pas de kipa non plus ?
M-T. Maradan Ledergerber: Pas de kipa. Mais l’on n’autorise pas non plus le port de la casquette de rappeur dans les classes. Pas de couvre-chef!
Apic: Revenons à la question de l’intégration et du foulard
M-T. Maradan Ledergerber: Si on tolère le foulard – par foulard, j’entends le foulard de type tchador – à l’école primaire ou secondaire, comment va-t- on intégrer ces jeunes filles par la suite dans le monde du travail? Les patrons engageront-ils des apprenties qui portent le foulard?. Pour moi c’est un instrument d’exclusion. Dans notre société d’égalité des droits, et on s’est battus pour cela – .c’est une régression.
Apic: Quelle est votre position face aux dispenses de cours (religion, gymnastique, natation, etc.)
M-.T. Maradan Ledergerber: .Je constate que dans certaines classes, nous avons presque 50% d’enfants d’une confession autre que catholique ou réformée et cela pose des problèmes de dédoublement des classes. Auparavant seuls un ou deux élèves étaient dispensés des cours d’éducation religieuse et on les prenait avec soi à la salle des maîtres. Lorsque vous avez une classe de 25 élèves dont la moitié ne fréquente pas un cours, il faut trouver une autre salle de classe. Nous avons une forte progression de la population d’âge scolaire et nous avons simplement des problèmes de mise à disposition de locaux. En outre, cela crée une sorte de séparation finalement entre les élèves qui n’y assistent pas et les autres, alors qu’on tente de faire de l’intégration.
Le même problème se pose pour les dispenses de cours de gymn ou pour la piscine parce que ces cours sont mixtes. On devrait se dire que ce sont des cours obligatoires et nécessaires au développement de nos enfants, et aussi aux filles de confession musulmane. Or, ces restrictions ne s’appliquent qu’aux filles. Les dispenses empêchent les enfants de s’intégrer là où justement ils peuvent être valorisés dans une pratique autre que celle de la langue ou des mathématiques. Ou bien alors chacun peut choisir d’être dispensé de ces cours. C’est ma position. Je défends les valeurs laïques.
Apic: Et pour les dispenses de fêtes religieuses?
M-.T. Maradan Ledergerber: Cela pose effectivement des questions d’autorisation pour les manifestations religieuses. Va-t-on octroyer trois jours de congé à un enfant qui va fêter l’Aïd-El-Kébir comme en a le droit l’écolier qui fait sa première communion? Et pour l’enfant de confession juive qui va fêter Bar – Mitsva, a-t-il aussi droit à des jours de congé? A l’heure actuelle, cela n’est pas réglé. Seules les religions officielles, catholique et réformée, ont droit à ces dispenses. VB
Fribourg : Mgr Genoud défend une liberté religieuse qui doit profiter à tous
Signes religieux à l’école: pas d’interdit
Fribourg, 27 novembre 2003 (Apic) A l’évêché de Fribourg, le débat est perçu différemment. Selon Mgr Genoud, il est normal que l’école permette aux élèves d’exprimer leur appartenance religieuse. Sous réserve que ces signes religieux n’entravent pas le cursus scolaire et ne nuisent pas aux relations interpersonnelles. S’exprimant sur la loi sur la laïcité en préparation en France, il n’y est pas favorable.
Apic: Interdire tout signe d’appartenance religieuse à l’école, donc même une petite croix chrétienne en pendentif, dans un souci de pacification entre les différentes communautés, comme on en débat en France, est-ce une solution pour vous ?
Mgr Genoud : Absolument pas ! La Constitution fédérale nous rappelle dans son article 15 la liberté de croyance et de conscience de chaque citoyen de ce pays. Chaque individu a le droit d’exprimer sa foi, pour autant que cette démarche ne perturbe ou n’entrave pas le bon déroulement de la vie sociale. La base légale est ainsi claire. Chaque citoyen peut, dès lors, s’il croit en Jésus-Christ, exprimer sa foi en portant par exemple une croix en pendentif. Il en va de même pour celui qui adhère à une autre communauté religieuse. Il reste que, comme nous, l’islam doit apprendre à distinguer la loi religieuse de la loi civile Encore une fois, l’essentiel est que l’expression de la foi ne perturbe pas les relations interpersonnelles.
Apic: Qu’en est-il dans l’école fribourgeoise ?
Mgr Genoud : L’école dans le canton de Fribourg est actuellement une école laïque, c’est-à-dire qu’elle n’adhère pas elle-même à un système religieux ou politique, mais elle accueille, en ses murs, l’enseignement confessionnel de deux Eglises reconnues par l’Etat. Il est donc normal que l’école permette aux élèves d’exprimer leur appartenance religieuse par le port d’un signe identitaire. Ce signe ne doit cependant pas entraver le cursus scolaire.
Apic : Devrait-on supprimer les crucifix à l’école ?
Mgr Genoud : Pour ma part, comme pour bon nombre de nos concitoyens d’ailleurs, j’en serait très déçu ! Je sais que cela dépend du statut juridique de l’école. S’il s’agit d’une école privée catholique, il va de soi que le crucifix doit demeurer. S’il s’agit par contre d’une école dite laïque, on peut se poser la question de savoir si le crucifix est ou non l’expression d’une adhésion de l’école à un patrimoine religieux reconnu. Qui ne reflète pas, dès lors, l’adhésion à une autre religion, telle que l’islam. Car l’école se définit comme laïque en affirmant qu’elle tolère la présence d’un enseignement confessionnel et religieux sous son toit. Elle- même est confessionnellement neutre, tout en reconnaissant explicitement les fondements historiques de notre civilisation.
Je ne crois pas qu’il y ait un problème à laisser une croix dans une classe, pour la simple raison que c’est souvent par respect pour l’extraordinaire patrimoine chrétien – qui est la base de notre culture, ne l’oublions pas -, que l’on souhaite garder, dans de nombreuses écoles, les croix dans les salles de classe.
Apic : Pensez-vous que les pays européens, de tradition judéo chrétienne, pays d’accueil de cultures de plus en plus diverses, devraient affirmer davantage leur appartenance à ce bassin culturel commun ou continuer à adopter un profil bas face au défi que représente le multiculturalisme dans nos pays ?
Mgr Genoud : La condition même d’un authentique accueil est d’avoir le droit et le courage de rester soi-même. Le syncrétisme ambiant que nous vivons en occident est dangereux : il conduit à un nivellement du religieux. De fait, c’est en rappelant son identité de foi (appartenance à une Eglise ou à une communauté religieuse) que l’on est capable, par la suite seulement, d’accueillir l’autre dans sa différence religieuse et dans sa richesse. Il ne s’agit pas d’adopter un profil bas, mais bien plus de rappeler, sans prosélytisme, mais aussi sans complexe et avec clarté, l’identité de sa propre foi. C’est ma pensée profonde.
Apic : Quelle est votre position sur la loi qui se prépare en France?
Mgr Genoud : Je n’y suis pas favorable. On légiférerait pour l’ensemble de la population l’interdiction de porter des signes religieux. Si à cause du voile, on dit: aucun signe religieux ne peut être porté à l’école, alors on devrait attaquer celui qui porte une petite croix. J’y vois là une régression par rapport à toute liberté religieuse. Dans la mesure où cela ne nuit pas à la marche de l’école, il n’y a pas de raison d’interdire. Aujourd’hui, on fête même en classe Halloween. Il ferait beau qu’on fête Noël!
Apic : En somme les chrétiens ont besoin de la liberté d’expression pour continuer à arborer leurs propres symboles religieux ?
Mgr Genoud : Je ne le vois pas comme ça. Mais plutôt comme un combat de fond sur la liberté religieuse qui est un des schémas de Vatican II. On a à affirmer la liberté de la conscience du citoyen. Et si l’Etat va contre cette liberté, notamment en interdisant le port de signes religieux, on se sent autant attaqués que les autres. On défend le principe de la liberté religieuse auquel les autres ont aussi droit. Et tant mieux s’ils en bénéficient, dans cette défense que nous pouvons faire avec force.
Pendant des siècles, l’Eglise a été mécène et a défendu les arts, la nature. Aujourd’hui, l’Eglise a à défendre l’homme, qui est devenu au fond la réalité la plus vulnérable, parce que c’est l’homme qui s’attaque à l’homme. Et l’une des grandes libertés de l’homme, c’est sa liberté religieuse, sa liberté de croyance. Donc, en défendant l’homme, l’Eglise va jusqu’au bout, elle défend sa liberté.
Apic : Notre société individualiste a mis d’une autre manière l’homme en son centre.
Mgr Genoud : Oui, mais l’homme n’est pas le centre de tout. L’homme est une réalité théocentrée, centrée sur Dieu aussi. Si l’homme se centre sur lui- même, ce narcissisme conduit à son suicide. Narcisse se mirant dans l’eau a voulu étreindre son image. Moralité? Il s’est noyé ! Je crois qu’on est dans une civilisation qui risque la même chose. (apic/vb)
88e voyage du pape hors d’Italie pour la béatification de l’évêque de Maribor
APIC – Dossier
Un voyage d’un jour pour un acte symbolique
Rome/Maribor, 10 septembre 1999 (APIC) Le pape Jean Paul II se rendra en Slovénie le 19 septembre 1999, pour une visite d’un jour, afin de précéder à la béatification de Mgr Anton Martin Slomsek (1800-1862), évêque de Maribor, en Slovène. Ce nouveau voyage, le second dans ce pays, sera le 88ème voyage du pape hors d’Italie. Le nouveau bienheureux s’est consacré à l’Eglise, bien sûr, mais aussi à «la nation» slovène, dont il a passe pour être le fondateur.
Anton Martin Slomsek a été «le promoteur de la renaissance slovène au XIXème siècle et un véritable père spirituel pour la nation, à l’époque où la Slovénie faisait partie de l’empire austro-hongrois», explique l’ambassadeur de Slovénie près le Saint-Siège
Accueilli dans la matinée du 19 septembre à l’aéroport de Maribor, au nord-est du pays, Jean Paul II se rendra ensuite à quelques kilomètres de là, dans le parc du château baroque de Betnava. Entre 200 et 300’000 personnes sont attendues. C’est là que le pape célébrera à 11 heures la messe de béatification de l’évêque slovène Mgr Anton Martin Slomsek.
Jean-Paul II déjeunera ensuite à l’évêché de Maribor avec Mgr Franc Kramberger, évêque de Maribor, et les autres évêques slovènes, avant de se rendre dans la cathédrale de la ville dans l’après-midi, pour y prier sur la tombe de Mgr Slomsek, comme il l’avait déjà fait lors de sa précédente visite en mai 1996, au cours de son 71ème voyage hors d’Italie.
A 18 h 45, Jean Paul II rencontrera en privé le président de la République slovène, Milan Kucan, à l’aéroport de Maribor, avant de prendre congé et de repartir pour Rome. Milan Kucan est président de la Slovénie depuis la proclamation de l’indépendance du pays, en juin 1991. Il avait à ce titre déjà accueilli le Pape en mai 1996.
Au service de l’Eglise et de «la nation»
Né en 1800, Anton Slomsek grandit dans une famille chrétienne de paysans, non loin de la ville de Celje, au centre de l’actuelle Slovénie, qui faisait partie à l’époque de l’empire austro-hongrois. Manifestant un goût évident pour les livres, il obtint la possibilité de partir étudier à Celje d’abord, puis à Ljubljana, la capitale. Il donnait alors des cours aux enfants de familles riches, pour payer une partie de sa nourriture et de son logement.
Devenu séminariste, le jeune Slomsek organisa cette fois des cours gratuits de slovène pour ses camarades de classe, avec l’accord du directeur du séminaire, dans un contexte où l’esprit germanique était pourtant dominant. Il estimait en effet que c’était une nécessité pour les futurs prêtres de parler la langue des gens simples dont ils auraient à s’occuper.
Devenu curé en 1838, il redonna vie à une paroisse en déclin, notamment en organisant pour les enfants une école du dimanche, tout en publiant un manuel sur les matières qu’il leur enseignait. Outre le catéchisme, la lecture et l’écriture en slovène, il leur donnait des bases d’allemand et de mathématiques, mais aussi d’hygiène, de botanique, d’astronomie… En même temps, il travaillait à encourager les publications en langue du pays.
Le siège de Maribor enfin transféré
Nommé en 1846 évêque de Lavant, dont le siège se trouvait en Autriche, à Saint Andraz, il consacra beaucoup de temps à la formation des prêtres, à une époque où l’Europe était agitée par les révolutions nationales. Mgr Slomsek n’était pas partisan d’une révolution violente, mais se préoccupait de préparer la population slovène aux responsabilités qu’elle aurait à prendre après avoir obtenu plus de liberté. En même temps, il faisait des démarches pour obtenir le transfert de son siège épiscopal à Maribor, en Slovénie, voulant que les limites des diocèses soient redessinées, pour qu’elles correspondent à celles des régions slovènes. Il en obtint finalement l’autorisation du pape et de l’empereur d’Autriche, et partit pour Maribor en 1859. Là, il devait encore contribuer à développer l’éducation jusqu’à sa mort, en 1862, tout en publiant de nombreux livres, en plus de ses tâches sacerdotales et épiscopales.
En trois points
Trois points sont à retenir au sujet du futur bienheureux, estime aujourd’hui Mgr Maksimilijan Jezernik, recteur du Collège pontifical slovène de Rome, et depuis 1965 postulateur de la cause de béatification de Mgr Slomsek. «Il a d’abord été l’artisan d’une évolution chrétienne vers plus de reconnaissance de la Slovénie», explique-t-il à l’APIC. «Grâce à lui, la Slovénie a acquis de l’autonomie sans révolution, en accord avec les autorités de Vienne».
«Il a sensibilisé les catholiques à la question de l’unité des chrétiens», continue Mgr Jezernik. Mgr Slomsek a en effet fondé en 1851 la Confrérie des saints Cyril et Mééthode, consacrée à la prière pour l’unité des chrétiens, en pensant particulièrement aux orthodoxes. Confirmée ensuite par le pape Pie IX, cette confrérie s’est étendue dans toute l’Europe.
Mgr Jezernik indique enfin que Mgr Slomsek était très soucieux des missions, et se préoccupait en particulier des Indiens d’Amérique. «Il voyait une similitude entre les Indiens et les Slovènes», explique le recteur du Collège pontifical slovène, «dans la mesure où les deux peuples avaient besoin de voir leur culture valorisée». Parmi les prêtres envoyés par Mgr Slomsek auprès des Indiens d’Amérique, Mgr Jezernik cite le Père Baraga, dont la cause de béatification est déjà introduite auprès de la Congrégation pour les causes des Saints, et qui a travaillé à la rédaction d’une grammaire et d’un dictionnaire pour les Indiens. (apic/imed/pr)