Italie: Loppiano, ou la cité des espoirs

Apic Reportage

Et si l’utopie de la «citadelle» prenait un jour le pas sur les réalités?

Pierre Rottet, de l’Apic

Florence, 2 décembre 2004 (Apic) Il fallait bien la Toscane, ses cyprès et ses couleurs, pour accueillir la Citadelle de Loppiano, cité pilote du mouvement Focolari, située à un jet de pinceau de Florence. Portrait d’une ville-témoin. Où l’homme vit l’»aventure» de la vie dans le partage, y compris en créant des entreprises de travail qui ne ressemblent à nulle autre, à l’abri des actionnaires, donc des licenciements. Pas banal, par les temps qui courent, où les bourses réagissent positivement à chaque nouvelle charrette de chômeurs.

Loppiano vient de fêter le 40e anniversaire de son existence. L’événement valait bien quelques coups de projecteurs, sur les 900 à 1’000 personnes de plus de 70 pays qui y vivent. Un éclairage sur ce qui fait son charisme, certes, mais aussi et surtout sur son organisation sociale, ses centres et lieux de travail, où l’homme semble avoir repris sa véritable place. Avant l’argent. Bien avant. Hommes, femmes, enfants, jeunes, familles, laïcs de tous métiers, religieux, prêtres, de toutes cultures et ethnies y vivent pour un temps, un an ou deux, et même à jamais en ce qui concerne de nombreuses familles, implantées, pour certaines, depuis trois générations. Cela, selon l’unique loi de la «multinationale» qu’est cette école de vie, celle de l’Evangile: l’amour réciproque et la fraternité universelle.

Loppiano? Une cité pas comme les autres, ou pas tout à fait. On y parle de paix dans toutes les langues, et entre gens de toutes les couleurs. On y vit le partage et l’amour du prochain, on y essaime quotidiennement la notion d’unité. Discours illusoire, presque irréel, fait à la mesure d’un rassemblement d’ingénus? D’illuminés? Cela dans un monde alentour, qui semble prendre plaisir à cultiver ce qui désunit. Le discours a au moins le mérite de surprendre, dans le flux des informations quotidiennement débitées, entre attentats, guerres et catastrophes assénés minute après minute, comme si la violence, les armes, la haine, les famines et la misère étaient une fatalité pour l’homme. Assurément, l’utopie de la cité tranche avec ce monde, où les fusils et le «fric» font table rase de la raison. Loppiano? Un instant de vie, et une bouffée d’air à respirer sur place.

Le décor

Sur la route nationale menant de Florence à Arrezo, peu après la localité d’Incisa, un simple panneau indique la direction: Loppiano. La route monte, sinueuse, pour s’enfoncer à l’intérieur de cette campagne, jusqu’aux premières maisons de la «Citadelle», disséminées à souhait, comme pour déjà inviter au calme. Le paysage favorise la réflexion et la contemplation, avec ses verts que même l’hiver ne parvient pas à atténuer, en cette période d’ultimes récoltes des olives. Alors que déjà se tire le vin de la dernière vendange.

Un constat: vivre un jour ou deux à Loppiano n’est pas banal. Rien, du reste, ne l’est ici, où pas grand-chose ne se fait comme ailleurs. Et surtout pas le centre industriel du bois et de l’électronique. Près de 170 personnes y travaillent à plein temps ou partiellement, pour permettre aux jeunes «Focolarini» de se former à l’esprit du mouvement. 120 d’entre elles y fabriquent des meubles en bois pour des chambres d’enfants, des lits aux armoires, en passant par les commodes. et même des jouets. Le tout placé sous le label de l’ingéniosité et de la qualité. Les autres fabriquent des appareils haut de gamme destinés à l’industrie de l’électricité ou font de la recherche électronique, sous la direction de quatre ingénieurs.

Bref, une affaire qui marche, sur les bases de n’importe quelle fabrique, avec un chiffre d’affaires annuel de plus de 12 millions d’euros.

Comme n’importe quelle industrie? «La notion de licenciement n’existe pas, c’est vrai, et c’est peut-être aussi en partie ce qui explique la sérénité du climat – bien visible – dans ces ateliers», assure Umberto Giannettoni, directeur de ce département. «Azur», du nom de ce centre du bois et de l’électronique, a vu le jour en 1974. La menuiserie ne produisait alors que de petits jouets. Des gadgets à usage d’enfants. L’agrandissement a été fulgurant, sans aide financière de personne, hormis la mise en application d’une simple conception, fort éloignée de la philosophie néo-libérales et des grandes industries du bénéfice à tout prix: «Donnez, il vous sera donné».

Le résultat ne s’est pas fait attendre: 500 gros distributeurs en Italie, visités par une quinzaine de représentants, et un label de qualité reconnu, y compris au niveau des critères écologiques quant aux matériaux utilisés. Pour le reste, l’organisation de l’entreprise peut se comparer à n’importe quelle autre: marketing, «lutte» contre la concurrence, publicité, recherche de nouveaux «designs», de nouveaux débouchés. avec un gros plus pour la sécurité sociale. Bref, une réputation qui a largement dépassé Loppiano. Pas étonnant, dès lors, que l’on «se batte» pour se faire engager ici: «Plusieurs de nos collaborateurs habitent les villages voisins, sans forcément appartenir aux Focolari», convient Umberto Giannettoni.

A des années lumières.

Ceci explique aussi cela: les salaires vont de 2’000 à 3’000 euros, alors que les conventions collectives dans ces domaines fixent le minimum à 1’150 euros. Le tout, assorti de plages horaires aménagées pour les besoins de l’entreprise, des collaborateurs et de leurs familles, a rendre paisible le syndicaliste le plus récalcitrant. Les cadres et les directeurs? «Ils sont traités comme les autres, au même niveau salarial, sur la base des mêmes critères. La différence des salaires s’expliquant par les besoins et les nécessités des familles, plus ou moins peuplées d’enfants». A des années lumières de certains bureaux des multinationales, de Bâle à Vevey, par exemple. Ou dans ceux d’Unaxis, l’émanation de l’ex-Oerlikon-Bührle, dont l’annonce de la suppression de 500 emplois a fait bondir la bourse. Pour la plus grande joie des actionnaires.

Il y a quelques mois, raconte le directeur, son meilleur représentant a voulu quitter «Azur». Il avait reçu des offres terriblement alléchantes de la concurrence. «Peiné, il est venu me trouver afin d’annoncer sa décision de nous quitter». Semblable occasion en or ne pouvait en effet se refuser. Le même soir, poursuit le directeur, il était passé 9 heures, ce représentant m’a téléphoné: «Je n’ai pas pu rentrer à la maison. J’ai perdu la paix». Il venait de refuser l’offre. «La valeur humaine ne se mesure pas seulement en termes d’argent». Significatives anecdotes: dernièrement, deux des collaborateurs d’»Azur» se sont vu refuser un prêt pour l’achat de leur maison, en raison du manque de garantie. Que l’entreprise s’est chargée d’apportée.

Epilogue

Dans l’un des ateliers, un jeune Focolarino fabrique des tiroirs, beaucoup de tiroirs, «400 pour la seule journée d’hier». Le travail du bois lui était aussi inconnu il y a 6 mois que la notion de partage du pouvoir à un dictateur. Dans son pays, le Chili, il était toubib. Dans quelques mois, il y retournera. Pour y apporter sa contribution, avec la conviction qu’il est possible de faire bouger les choses. D’agir.

A Florence, dans les locaux de la mairie communiste, un secrétaire fait part de sa sympathie pour ce mouvement. Il rappelle que la ville a accordé la citoyenneté d’honneur à sa fondatrice, Chiara Lubich.

Des illuminés?, répète-t-il, songeur. Avant de faire fuser sa réponse: «Et si les illuminés, c’étaient eux, les dirigeants de ce monde, à Washington, à Pékin ou à Moscou, à Rome ou ailleurs sur cette planète. Et si c’étaient les faiseurs de guerre, et les marchands de canons, les multinationales et les affameurs?». Dans quelques jours, les dirigeants du monde, dont certains se réclament de Dieu pour justifier leurs actions, y compris la guerre, délivreront une fois de plus leurs messages de paix et de solidarité. Ils résonneront à nouveau aussi creux que d’habitude. Loin de celui apporté par les habitants de Loppiano. Calqué sur un autre. apporté au monde par celui dont les chrétiens célébreront bientôt la naissance, il y a un peu plus de 2000 ans maintenant. Mais c’est là une autre histoire. PR

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Les bons sentiments n’empêchent pas les émotions

Les bons sentiments n’empêchent pas les émotions. Et plus particulièrement celles qui déchaînent les passions. Comme le football. Parce qu’à Loppiano aussi, on joue et on aime le foot. Difficile, parfois, de demeurer à l’écoute de l’autre, surtout quand le Brésil, à la TV, se mesure à l’Italie, par exemple. Pire, lorsque le premier nommé marque un but. Le cri du «gooooool» a de quoi mettre en sourdine l’enthousiasme de l’autre, le supporter malheureux de l’équipe adversaire. «Les sports, le foot surtout, avec le nombre de latins qui vivent à Loppiano, représente à coup sûr le plus grand obstacle à la construction de l’unité», reconnaît, mi-figue mi raisin, Marc, un jeune Français, notre cicérone, chargé de nous guider à travers le lieu, en compagne de Stefania. Un aveu qui fait du reste l’unanimité auprès des 9 jeunes Focolarini, rassemblés dans la maison qui leur sert de toit: 3 Sud-Américains, un Russe, 2 Asiatiques et 3 Italiens. Leurs formations sont les plus diverses: économiste, vétérinaire, ouvrier. A midi, tous se retrouvent au réfectoire de Loppiano pour y prendre le repas que partagent régulièrement plusieurs centaines de personnes. Un enrichissement, certes, mais sans doute moins apprécié que celui qui les fait se retrouver dans l’appart pour le repas du soir, assis à la table de cuisine. Pour y manger ce que les pays comptent de meilleur à savourer. Le mariage de la gastronomie et des cultures. PR

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Production variée

En dehors des activités liées au bois et à l’électronique, une dizaine d’autres fleurissent à Loppiano: fabrication de housses de duvet, de taies d’oreiller et de draps, objets décoratifs pour chambres de bébé. y compris des petits sacs finement dessinés pour contenir les bibelots de l’enfant; atelier de céramique; de mode pour dames; d’architecture, dont la dernière réalisation n’est autre que l’église. L’art n’est pas non plus absent de l’endroit: deux artistes, Hung le Chinois et Chiro l’Italien exercent leurs talents loin à la ronde. Le premier en travaillant et sculptant le fer, le second en récupérant et en transformant en tableaux tout objet préalablement voué à être jeté. La musique, enfin, avec un studio d’enregistrement, sans compter les deux orchestres, «Gen Verde» et «Gen Rosso», d’une vingtaine de musiciens chacun. L’un est composé de filles, l’autre de garçons. Enfin, pour ne rien laisser au hasard, au bonheur du terroir, Loppiano possède une coopérative, et non des moindres: on y produit un vin AOC, de l’huile d’olives et du miel. Le tout muni du label bio. PR

Encadré

Une histoire en quelques lignes

Il y a 40 ans, en 1964, Loppiano s’est animée avec l’arrivée d’une dizaine, puis d’une centaine de jeunes Focolarini, venus défricher, donner vie et forme au lieu, pour construire des maisons, rénover des bâtisses, créer des ateliers. Aujourd’hui, près de 30 familles, leurs enfants voire leurs petits-enfants, vivent en sédentaires dans cette cité. Quelque 300 personnes en tout. Les autres n’y demeurant que pour un temps de formation, prêts à repartir dans leur pays. Et à travailler dans l’esprit dit «Focolari». Des gens d’autres religions et confessions n’hésitent pas à séjourner à Loppinao: chrétiens. mais aussi musulmans et bouddhistes. 32 autres «citadelles» sont implantées dans les cinq continents. Rappel: ce mouvement est une organisation visant au renouveau spirituel et social, fondé en 1943 à Trente par Chiara Lubich. Suscité par la spiritualité de l’unité enracinée dans l’Evangile, il est aujourd’hui répandu dans 182 pays et compte plus de 2 millions de membres et sympathisants. Nombre d’entre eux, laïcs consacrés, ont un jour fait le choix de vivre sous le régime de la communion des biens, en d’autres termes, du partage total. PR

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Le rendez-vous des familles

Depuis le mois de septembre, neuf familles vivent un temps d’expérience à Loppiano. Elles y resteront jusqu’en juin, avant que d’autres ne les suivent: la liste d’attente est longue, assure-t-on. La plupart des 29 enfants – le plus jeune a 4 semaines, le plus âgé 15 ans -, vont à l’école à Incisa. Chaque famille jouit de son propre appartement. Pour les adultes, les tâches sont les mêmes que pour tous: le travail la journée, les moments d’étude, les rencontres de partage, les loisirs. Pas triste, si l’on considère leur lieu de provenance: Chili, Mexique, Canada, Roumanie, Allemagne, Italie et Corée du Sud. Certains, parmi les plus privilégiés, deux ou trois professeurs, sont au bénéfice d’une année sabbatique. Mais les autres ont tout quitté: appartements, job, et pas des moindres, pour venir ici. C’est le cas de la famille sud-coréenne. Lui est ingénieur. Il est loin d’être certain de retrouver sa place à son retour: «C’est un peu l’inconnu, c’est vrai. Mais l’aventure vaut la peine d’être vécue. Je n’ai jamais été autant en relation avec mes enfants que ces temps. Dieu ne nous demande-t-il pas parfois un brin de folie». Et les enfants? «Tous ont été consultés avant de prendre notre décision. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne se réjouissent pas de rentrer». PR

Des illustrations de cet article peuvent être commandées à l’agence CIRIC, Bd de Pérolles 36 – 1705 Fribourg. Tél. 026 426 48 38 Fax. 026 426 48 36 Courriel: ciric@cath.ch (apic/pr)

2 décembre 2004 | 00:00
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APIC – Reportage

«Montrez-moi une belle chose, et je m’arrête»

Le camp vélo 93: les arrêts aussi importants que la course (100893)

Soeur Claudia Bachmann, Agence APIC

Assens, 10août(APIC) Jeudi, 5 août. 17 h 50. Dans la chapelle du monastère des Bernardines à Collombey, les 8 jeunes et les 6 animateurs du camp

vocations vélo sont plongés dans un silence lourd de la présence du Seigneur. Quelques craquements de bancs seulement, le sifflement du tram qui

passe… Au milieu de leur semaine de réflexion autour de l’Eucharistie,

les voilà arrêtés devant le Seigneur Eucharistie, Pain de vie.

Ce temps d’adoration suit la prière des Vêpres des moniales à laquelle

les jeunes et les animateurs du camp vélo viennent d’assister. Auparavant

ils ont échangé avec l’une des religieuses, Soeur Camille: «cool», dit Véronique, et «elle avait l’air contente». Elle leur a donné cette merveilleuse définition de la contemplation: «Montrez-moi une belle chose, et je

m’arrête». Une parole prononcée par un détenu à la veille de sa libération

lors d’une rencontre avec les Soeurs. «Pour lui, évidemment, la ’belle chose’ c’était une moto découverte en vitrine…» précise Soeur Camille, «mais

cela ne l’a pas empêché de comparer la fascination qui alors attirait son

être à celle qui devrait attirer notre être à celui que nous aimons».

Soeur Camille dit faire partie des «jeunes vieilles Soeurs». Elle avait

47 ans, en 1976, quand elle est venue ici à Collombey s’»enfermer derrière

ces barreaux», après avoir vécu l’expérience d’une vie de communauté active. Un passage du récit de la «Samaritaine» dans l’Evangile de Jean, l’a

poussée à entrer chez les Soeurs contemplatives: «Le Père cherche des adorateurs». «Je faisais de tout, avoue Soeur Camille, mais pas d’adoration.

Je ressentais un manque profond d’une prière prolongée.»

18 h 15. Une religieuse vient retirer le Saint-Sacrement, et hop! Tout

le monde se précipite sur son vélo. La dernière étape de ce jeudi sera Collombey-Massongex où les cyclistes sont attendus aux Paluds, une maison des

Chanoines de Saint-Maurice.

Découvrir… du pays, et l’autre

L’équipe du camp vélo a abordé jusque-là un périple de près de 200 km.

Partant d’Assens (VD) lundi matin, elle a fait étape à Coppet (GE), puis à

Bons, en France, et est montée mercredi à Morgins, en passant par Abondance. «Là, ça a bien grimpé», confie Véronique, une Valaisanne de 17 ans,

sans pour autant être essoufflée et encore moins découragée. «L’orage a juste éclaté quand nous arrivions au but.» Penser retrouver des jeunes «claqués», se plaignant de courbatures et de coups de soleil, étalant leurs récits de sueurs et d’épuisement… voilà l’erreur! La transpiration et la

fatigue font pourtant bien partie de la course, comme les bleus dus aux

chutes, les crevaisons et les chaînes «déchaînées». Mais cela ne semble pas

important. «Il y a une solidarité, une très bonne ambiance entre tous», déclare Sylvain, Valaisan lui aussi.

Dès le premier jour, Luc a été touché par l’amitié qui règne dans le

groupe: «On s’est vu, on s’est tout de suite apprécié». Luc a 17 ans. Il

est Vaudois et affirme être content de «trouver des gens du milieu, des

chrétiens.» Sa vocation… il ne sait pas encore. La foi est importante

pour lui, mais, dit-il: «Je ne me verrais pas prêtre, en tout cas pas pour

l’instant». François est gymnasien à Neuchâtel. Il a 18 ans. Venant, lui

aussi, d’un entourage plutôt protestant, il est heureux de se retrouver durant quelques jours avec «d’autres jeunes qui vont au fond des questions.

Le camp voc m’aide à raffermir ma foi. Parmi mes camarades je suis le seul

catholique pratiquant. C’est souvent dur.»

La question de la vocation ne prime pas non plus pour Sébastien, un Jurassien de 15 ans. Il est venu au camp pour «passer une semaine avec des

copains». Comme Sylvain, il aime «se déplacer, voir du pays». Un camp où on

reste toute la semaine sur place ne l’aurait guère intéressé. L’impression

la plus forte de la journée est pour lui l’histoire de fidélité de la soeur

la plus âgée du monastère à Collombey. Entrée à 14 ans et demi, à plus de

90 ans elle se lève tous les jours à 4 h 30 «comme une fleur», a affirmé

Soeur Camille.

Ouvert pour l’imprévu de Dieu

Vendredi, la route se poursuit. L’équipe grimpera à Châtel-St-Denis,

pour regagner la cure d’Assens dans le courant du samedi. Encore quelque 85

km. Pour le frère Jean-Claude Christe, responsable du camp, le fait de rejoindre les jeunes «dans ce qu’ils aiment faire» est important. «Ils sont

tous sportifs… et c’est les vacances.» Lui aussi trouve important de

«bouger». «Je ne pourrais plus prendre le «rythme scolaire» d’un camp «habituel». «On ne demande pas de qualification spéciale pour le camp vélo, il

n’y a pas de compétition, mais c’est un moyen excellent de sortir de soi»,

précise-t-il, sachant bien de quoi il parle, même si une vilaine angine l’a

empêché de faire une seule étape à vélo: cela fait partie de l’imprévu pour

lui et pour les animateurs, qui ont bien préparé tout le parcours. Chaque

jour de cette semaine Jean-Claude a offert sa souffrance de ne pouvoir participer à l’effort. L’imprévu de Dieu a sa place…

«Le petit nombre de jeunes pour ce camp n’était pas prévu non plus. Ils

ont été plus nombreux les années précédentes. Et trois inscrits se sont désistés à la dernière heure.» Gênant, pour les courses et les réservations.

Mais, dit Véronique, une animatrice vaudoise, institutrice de métier,

«c’est un avantage. On est plus proche les uns des autres, on peut mieux se

connaître.» Le camp vélo 93 est son 11e camp vocations, dont le 5e comme

animatrice. Le vélo ne semble être que prétexte, moyen. «On est pratiquement sûr de trouver toujours une bonne ambiance dans ces camps-là», constate Anne-Laure, une Valaisanne de 17 ans. «Ici, tous se sont inscrits au nom

de la foi.» «Oui, complète Véronique, la Valaisanne, c’est différent des

retraites organisées dans le cadre de l’école et sympa d’être dans un camp

où tous sont engagés dans la religion. Il se passe quelque chose ’en plus’

que dans la vie de tous les jours, et ça, ça reste.»

«Ca change quoi» , un camp voc?

Ce que ça change? «Je vous le dirai après», plaisante Frédéric. Il est

Fribourgeois et a 15 ans. C’est son premier camp voc. Ses parents l’ont encouragé à s’inscrire. «C’est autre chose qu’un camp de ski. Je savais qu’il

y aurait la prière, la réflexion, la messe tous les jours. Peut-être

qu’après j’irai plus volontiers à la messe.» «Pour moi, c’est un approfondissement de la messe», dit François.

Sylvain, lui, est resté impressionné par le texte biblique du Pain de

vie de l’Evangile de Jean. Les jeunes y ont réfléchi ensemble vendredi. Ils

en ont analysé le dévéloppement, le contenu. «Je n’avais jamais regardé un

texte biblique.» Sébastien rapporte avec enthousiasme ce que veut dire être

un témoin: «Voir quelque chose, la faire partager aux autres». Une moto?

Non, pour lui et pour tous les participants du camp vélo, il y a eu autre

chose à voir. Quelqu’un à voir, devant qui s’arrêter, le Christ à rencontrer.

«J’étais époustouflé jusqu’au bout! Vraiment, cette équipe m’a beaucoup

ému. Il y avait une très grande sensibilité, une attention à l’autre,»

s’émerveille frère Jean-Claude. «Durant ces jours, l’imprévu et l’initiative personnelle ont eu leur place, ce qui a permis de découvrir le coeur généreux de ces jeunes…» Pour en donner une image: le petit déjeuner du

dernier jour, par eux-mêmes servi au lit à la cuisinière et à l’intendant

du camp. Ils se sont levés tôt pour chercher à vélo, à 7 km, les croissants

sortant du four.

Dimanche 8 août, le camp arrive à son terme. La dernière étape du périple est l’animation de la messe paroissiale à Assens. A la place de l’homélie traditionnelle, les jeunes témoignent dans un dialogue des difficultés

qu’ils rencontrent pour participer à l’Eucharistie et des découvertes de

cette semaine, d’une course aux arrêts importants. Un témoignage renouvelé.

Leurs parents, frères, soeurs et amis ont rejoint la famille paroissiale ce

matin-là et partagent ensuite un pique-nique avec les «heureux coureurs».

(apic/cb)

Encadré

Les «camps voc» 1993

17 camps vocations se sont déroulés cet été en Suisse romande. Ils ont regroupé près de 600 enfants et jeunes entre 10 et 25 ans et environ 170 animateurs. Il y en a eu pour tous les goûts, proposant en parallèle avec le

cheminement «spirituel» une semaine de chant, de marche, de barque, la mise

sur pied d’un spectacle… Leur but: apprendre la vie de groupe; réfléchir

sur les orientations de la vie, les choix, les responsabilités, le rôle de

chacun dans le monde et l’Eglise d’aujourd’hui. Ces camps sont généralement

accompagnés par une équipe formée de couples, religieux, prêtres, jeunes

filles et jeunes gens pour présenter la diversité des vocations à la recherche du Christ. Ils sont proposés par le Centre Romand des Vocations

(CRV) à Lausanne qui a fêté en 1992 ses 25 ans et se tient à disposition

pour tout renseignement: CRV, Grotte 8, 1003 Lausanne, tél. 021/23 41 12.

(apic/cb)

Des photos de ce reportage peuvent être obtenues auprès de l’Agence CIRIC,

à Lausanne, tél. 021 25 28 29

10 août 1993 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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