Bernard Litzler

La mer amère

Le communiqué de presse commence à vieillir, déjà. Pourtant il a moins de deux mois: le 14 mai dernier, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, estimait que 1200 personnes fuyant les combats en Libye avaient péri en mer. 1200 personnes au total: des drames humains imperceptibles, silencieux, autant de vies détruites pour avoir voulu fuir un régime politique détesté.

 

La Méditerranée, issue accessible, s’est transformée en linceul. La mer garde un goût amer: 1200 personnes, ce sont 10% des quelque 12’000 réfugiés arrivés en Italie et à Malte. Dans ces chiffres froids et scandaleux, une ombre supplémentaire: selon le HCR, la non-assistance opposée par des navires militaires à un bateau transportant 72 personnes et qui seraient décédées de soif, de faim et d’épuisement. Un drame qui se serait produit fin mars ou début avril.

 

La mer, symbole de nos évasions vacancières, a mis un frein aux espoirs des réfugiés. Pour ces défunts, aux corps à jamais dispersés, la révolte contre Kadhafi se termine de façon tragique. Alors que nos regards pensent à l’été, aux vagues, aux plages, d’autres riverains de l’étendue salée la perçoivent comme un moyen d’évasion définitif. Pour ces derniers, partir signifie tout quitter. Avec le risque de ne pas «mourir un peu…», mais de mourir tout simplement.

 

Disproportion criante entre les deux rives de la Méditerranée. Paradoxe cruel entre un paradis monégasque au luxe tapageur (comme en témoigne le mariage princier du 2 juillet) et une Libye contraignant à l’exil nombre de ses ressortissants. Sur le plan maritime, l’été 2011 sera celui des écarts.

 

En 2007, Nicolas Sarkozy avait rêvé à une «Union pour la Méditerranée» afin que les pays proches bénéficient d’un développement comparable. Non seulement cette noble idée est presque enterrée, mais jamais comme en ces jours la réalité des peuples du Nord et du Sud n’a paru aussi éloignée. Les distances géographiques sont restées identiques, mais l’éloignement mental paraît astronomique: Tunisiens, Libyens et Egyptiens pensent à leur avenir, gravement. Nous autres songeons à nos vacances… Sans vagues, évidemment.

Bernard Litzler

30 juin 2011 | 22:37
par Bernard Litzler
Temps de lecture : env. 1  min.
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