Suisse : Sortir de l’Eglise tout en restant catholique ?

Apic dossier

Pas d’hémorragie de contribuables dans les cantons

Andrea Krogmann / Bernard Bovigny, Apic

Fribourg, 12 mars 2008 (Apic) En novembre 2007, le Tribunal fédéral à Lausanne acceptait dans le cas d’une Lucernoise le principe d’une « sortie partielle » de l’Eglise. Ce jugement devait ouvrir une brèche en permettant aux catholiques de sortir de leur paroisse, et ainsi ne plus payer leurs impôts ecclésiaux, tout en ayant droit aux sacrements. Les instances ecclésiastiques cantonales n’ont pourtant pas assisté à une hémorragie de contribuables.

Le jugement du Tribunal fédéral aurait pu avoir des conséquences importantes pour l’Eglise. Mais les instances cantonales ne paniquent pas pour le moment. Elles attendent d’ailleurs toujours les considérants écrits du jugement prononcé en novembre. La question reste pourtant importante : Que va-t-il se passer, à l’avenir, lorsque des catholiques veulent quitter l’organisation ecclésiastique pour ne pas payer d’impôts, tout en souhaitant profiter des prestations de leur paroisse ? Y aura-t-il une tabelle des tarifs pour les non membres ?

La plupart des Eglises cantonales attendent d’abord les considérants écrits du jugement avant de réagir. Une réaction partagée par les évêques suisses. Walter Müller, chargé d’information à la Conférence des évêques suisses (CES), a confirmé à l’Apic qu’aucune prise de position n’est prévue pour l’instant. Mais en novembre aura lieu à la Faculté de théologie de Lugano une journée de travail sur les rapports entre Eglises et Etat, durant laquelle ces sujets seront traitées. Par ailleurs, la question se pose différemment d’un canton à l’autre, selon Walter Müller.

On attend les considérants écrits du jugement

La Conférence centrale catholique romaine (RKZ), l’organisation faîtière des instances ecclésiastiques cantonales en Suisse, attend également le jugement écrit de Mon-Repos. Et c’est seulement après pris connaissance des considérants et les avoir minutieusement analysés qu’un jugement pourra être porté sur cette affaire, affirme Daniel Kosch, secrétaire général de la RKZ. Ce dernier confirme à l’Apic que quelques cas isolés de « sorties partielles » en référence au jugement de Mon-Repos sont apparus en Suisse.

Daniel Kosch annonce que la RKZ veut rédiger à l’intention de ses membres des recommandations pour traiter ces situations. Elles recommanderont aux paroisses de refuser comme jusqu’à maintenant les « sorties partielles », ou de suspendre la démarche. Le principe de ne pas donner suite aux demandes pendantes de « sorties partielles » en attendant le jugement écrit du Tribunal fédéral ou de traiter les cas de façon provisoire est actuellement mis en pratique par les instances ecclésiastiques des cantons d’Argovie, Bâle-Campagne et St-Gall.

Dans l’ensemble, la décision de Mon-Repos a eu un très léger effet dans les cantons. Sur Fribourg, où l’impôt paroissial est obligatoire, la Corporation ecclésiastique catholique a pris connaissance de « quelques tentatives isolées de sorties partielles », selon son secrétaire général Hans Rahm. Les paroisses concernées se sont adressées à la Corporation cantonale, laquelle attend les considérants écrits du jugement de Mon-Repos avant de se prononcer. « En attendant, ceux qui ont demandé une sortie partielle continuent de payer leurs impôts. Mais ils leur seront remboursés en cas d’acceptation de leur demande », précise Hans Rahm.

Pour le Jura pastoral, le délégué épiscopal Pierre Rebetez signale également deux demandes de sortie partielle, dans la partie francophone du canton de Berne. Là aussi, la situation est en attente. Le Jura pastoral ne peut se prononcer seul. Une solution commune doit être adoptée pour l’ensemble du diocèse, selon l’abbé Rebetez.

Dans les autres cantons romands, du fait que l’impôt ecclésial n’existe pas ou n’est pas obligatoire, une sortie partielle n’a pas beaucoup de sens, selon les informations récoltées par l’Apic.

A Bâle-Ville, selon Xaver Pfister, responsable du service d’information catholique, depuis novembre deux sorties mentionnant le jugement fédéral sont parvenues à l’Eglise catholique à Bâle-Ville et une à Bâle-Campagne.

Dans le canton d’Argovie aussi, quelques rares demandes ont été déposées, confirme le secrétaire cantonal de l’Eglise catholique, Otto Wertli. Et sur Zürich, aucune sortie explicitement en lien avec le jugement fédéral n’a été repérée, selon le responsable de l’information, Aschi Rutz. En règle générale, les demandes ne contiennent pas d’informations exactes sur les motifs de sortie, du fait qu’elles ont été déposées directement dans les paroisses et transmises ensuite sans informations sur les motivations.

Traitements différents des cas selon les cantons

Il n’y a cependant pas unité dans les Eglises cantonales sur les conséquences qu’implique pour les concernés une « sortie partielle » de l’Eglise. Sur Uri, selon le président de l’Eglise cantonale Hans Stadler-Planzer, ils devront compter avec une taxe spéciale pour les éventuelles prestations ecclésiales. Mais le montant réclamé ne devra pas être prohibitif.

L’Eglise cantonale d’Argovie se montre par contre sceptique face à une taxation des prestations pour les non membres. Une telle mesure ne va pas dissuader des catholiques de quitter l’Eglise et serait contre-productive au regard d’une pastorale de réintégration, selon un rapport rédigé sur demande du Conseil de l’Eglise cantonale argovienne.

Aschi Rutz recommande à l’Eglise cantonale zurichoise d’agir avec générosité face à des sortants qui demandent une prestation. D’une part, il est intéressant de garder un contact avec eux, et d’autre part cela ne concerne que quelques cas isolés. Et par ailleurs, le statut de corporation de droit public de l’Eglise catholique lui octroie une responsabilité globale pour l’ensemble de la société. Mais si le problème devait gagner en importance en raison d’une augmentation des cas, Aschi Rutz plaiderait pour la mise en place d’une tarification unique dans le canton.

Il est par contre clair pour toutes les Eglises cantonales que, du point de vue ecclésial, il ne peut y avoir en fait de sorties d’Eglise. Les impôts ecclésiaux sont une contribution à la mission d’ensemble de l’Eglise dans la société. La « sortie partielle » constitue dans ce sens une atteinte au devoir de solidarité, mais ne peut être sanctionnée légalement.

Encadré :

Un jugement qui fera date

Les Eglises catholiques cantonales ne peuvent exiger de leurs membres qui veulent la quitter qu’ils renient leur foi. C’est à cette conclusion qu’est arrivé en novembre 2007 le Tribunal fédéral, qui a tranché dans l’affaire d’une femme qui voulait quitter la paroisse de Lucerne sans sortir de l’Eglise. Par sa décision, Mon-Repos a donc admis le principe d’une «sortie partielle» de l’Eglise catholique.

La paroisse de Lucerne n’avait pas accepté une telle demande de sortie sans quitter l’Eglise. Pour elle, quitter une communauté paroissiale devait être la conséquence d’un renoncement à la foi catholique. La décision de la paroisse avait été confirmée par le Conseil synodal cantonal. Les juges de Mon-Repos ont décidé que pour une sortie, il ne pouvait pas être exigé que la personne délivre une déclaration dans laquelle elle ne veut plus faire partie de l’Eglise catholique romaine. Selon eux, une telle prescription viole l’article 15 de la Constitution fédérale sur la liberté de foi et de conscience.

Le reniement de sa confession implique une dimension spirituelle, ainsi qu’une sortie de l’Eglise universelle, ce qui n’est d’ailleurs pas possible selon le droit canonique. Le tribunal fédéral en a déduit qu’une déclaration claire de sortie de l’Eglise cantonale était suffisante. Quant aux conséquences pastorales, à savoir la privation de prestations comme les sacrements, elles sont du ressort de l’Eglise elle-même.

Avec cette décision, le Tribunal fédéral est revenu sur un jugement qu’il avait prononcé il y a quatre ans. Il avait alors décidé qu’une sortie de l’Eglise cantonale uniquement n’était pas possible pour quelqu’un qui se reconnaissait membre de l’Eglise catholique romaine.

(apic/ak/bb)

12 mars 2008 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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Voyage du pape en Terre Sainte (20-26 mars)

APIC – Dossier

Historique, attendu, astreignant, et non sans risques

Rome, 16 mars 2000 (APIC) Le pape Jean Paul II effectuera son pèlerinage tant attendu en Terre Sainte du lundi 20 au dimanche 26 mars. Plusieurs temps forts figurent au programme de ces sept journées particulièrement chargées de ce qui sera son 91e voyage pastoral hors d’Italie, effectué un mois après celui qui l’a conduit en Egypte (24-26 février).

En Jordanie

Trente-six ans après le pape Paul VI, Jean Paul II atterrira à Amman, la capitale de la Jordanie, le 20 mars en début d’après-midi, pour une visite de deux jours. Une visite très attendue, assure Mgr Khaled Akasheh, seul Jordanien de la Curie romaine, chargé de l’Islam au sein du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.

Pour Mgr Akasheh, il y a trois aspects importants dans la venue du pape en Jordanie. Jean Paul II y accomplira d’abord une étape de son pèlerinage jubilaire. Il pourra aussi encourager la petite communauté catholique locale, et enfin rendre hommage au rôle joué par la famille royale de Jordanie pour la coopération interreligieuse dans le pays et pour le processus de paix au Moyen-Orient.

Une autre facette de Moïse

Si Jean Paul II se rend en Jordanie, c’est en effet d’abord pour y poursuivre son pèlerinage sur les traces de Moïse, après son passage au Mont Sinaï le 26 février dernier. Le pape se rendra en privé sur le Mont Nebo dès son arrivée, dans l’après-midi du 20 mars. Au sud-ouest d’Amman, à une dizaine de kilomètres de la ville de Madaba, il se trouvera au lieu où, selon la Bible, Moïse est mort dans les années 1300 avant JC. Là se trouve un petit monastère franciscain de l’époque byzantine, dans un parc archéologique d’où l’on peut apercevoir la vallée du Jourdain, la ville de Jéricho et, la nuit, les lumières de Jérusalem.

«Après le Mont Sinaï, le Mont Nebo permet de découvrir une autre facette de Moïse, commente Mgr Khaled Akasheh. On a admiré la grandeur de sa vocation en tant que guide du peuple juif recevant de Dieu les tables de la Loi, et l’on voit maintenant sur le Mont Nebo ses faiblesses et ses limites, puisqu’il meurt sans entrer lui-même dans la Terre promise».

Le pèlerinage de Jean Paul II en Jordanie se poursuivra par son passage le 21 mars sur le site de Wadi Al-Kharrar, au bord du Jourdain, récemment mis en valeur et présenté par les Jordaniens comme l’endroit où le Christ aurait été baptisé. Le pape désire s’y arrêter pour mettre en parallèle le passage du Jourdain par le peuple juif et le baptême, qui est pour le chrétien l’entrée dans une vie nouvelle.

1 % de catholiques

En se rendant en Jordanie, le pape entend aussi encourager la population chrétienne locale. Les catholiques ne représentent qu’un peu plus de 1% de l’ensemble de la population, soit environ 60’000 personnes. Le matin du 21 mars, le pape célébrera une messe en l’honneur de saint Jean-Baptiste, patron de la Jordanie, dans le stade de l’»Al-Hussein Sports City» d’Amman. Célébrée selon le rite latin, cette messe comprendra quelques aspects rituels particuliers, comme une aspersion des fidèles avec de l’eau bénite du Jourdain, en commémoration du sacrement du baptême. D’après Mgr Khaled Akasheh, les grecs-orthodoxes de Jordanie – soit les deux tiers de sa population chrétienne – et même les musulmans devraient être nombreux à assister à la cérémonie.

Visite à la famille royale

Lorsque Paul VI avait été accueilli à Amman en janvier 1964 par le roi Hussein, celui-ci l’avait accompagné pendant tout son séjour sur son territoire, qui était beaucoup plus vaste que le royaume jordanien actuel, puisqu’il comprenait à l’époque la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

Trente ans après cette visite, des relations diplomatiques ont été établies entre la Jordanie et le Saint-Siège, le 3 mars 1994, quelques mois après l’accord de Washington conclu entre Israël et l’OLP le 13 septembre 1993. Le 15 juin 1994 le Saint-Siège établissait des relations diplomatiques avec Israël cette fois. Enfin, au mois d’octobre suivant, la paix signée entre Israël et la Jordanie ouvrait une ère nouvelle dans les relations entre les deux pays. Celles-ci s’étaient en effet aggravées pendant la guerre des Six jours de 1967, alors que l’armée israélienne s’était emparée de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, que la Jordanie avait annexées en 1949.

En Terre Sainte

La venue de Jean Paul II en Terre Sainte comprendra plusieurs moments forts sur le plan religieux. Le 22 mars, il sera à Bethléem, à 10 kilomètres au sud de Jérusalem, dans les Territoires autonomes palestiniens. Il y célébrera la messe le matin sur la Place de la Mangeoire, en face de la basilique de la Nativité. Construite au-dessus de la grotte qui aurait abrité le Christ à sa naissance – que le pape visitera en privé en début d’après-midi -, cette église byzantine est aujourd’hui desservie par les grecs-orthodoxes. Si cette messe sera célébrée par le pape en rite latin, la participation de la communauté de langue arabe et des différents rites catholiques présents en Terre Sainte sera manifeste au cours de la cérémonie, notamment par le chant du «Notre Père» en arabe. Jean Paul II devrait insister dans son homélie sur l’Incarnation du Christ, dont on célèbre cette année le 2000e anniversaire, en présentant cet événement comme le point culminant de la recherche de l’homme par Dieu, qui a changé définitivement le cours de l’histoire de l’humanité. Le pape devrait aussi lancer un appel particulier pour la paix, en rappelant le souhait formulé par les anges dans l’Evangile au moment de la naissance du Christ: «Paix aux hommes sur la terre !», comme l’avait fait Paul VI le 6 janvier 1964, en s’adressant aux chefs d’Etat du monde entier.

Des commandements aux béatitudes

Le 23 mars, Jean Paul II se rendra dans la chapelle du Cénacle de Jérusalem, sur le Mont Sion, au sud de la vieille ville, là où le Christ a institué l’Eucharistie quelques heures avant sa mort, puis où il est apparu ressuscité à ses disciples, et enfin où ceux-ci ont reçu l’Esprit le jour de la Pentecôte. Le pape y concélébrera une messe privée (l’endroit étant très petit) avec les évêques du lieu des différents rites, en priant en particulier pour l’unité des chrétiens.

Le 24 mars, le pape partira cette fois pour la Galilée, au nord d’Israël. Il arrivera près du Lac de Tibéériade, jusqu’au village de Korazim, cité dans l’Evangile comme l’une des villes où le Christ a fait le plus de miracles, et qu’il a invectivée pour le manque de repentir de ses habitants. À quelques mètres de là, il se rendra sur le Mont des Béatitudes, colline surplombant le lac d’une centaine de mètres, reconnue comme l’endroit où le Christ a prononcé le Sermon sur la montagne. Il y célébrera une messe pour quelque 100’000 jeunes de 37 pays – estime-t-on -, du Moyen-Orient mais aussi d’Italie et d’Espagne.

Devant ces jeunes, Jean Paul II devrait faire le lien entre les dix commandements remis à Moïse au Sinaï et les huit Béatitudes proposées par le Christ dans l’Evangile. Il voudrait faire ainsi remarquer que la «loi nouvelle» proposée par le Christ présente la foi en Dieu de manière positive – «heureux ceux qui» – et souligner que morale chrétienne est une invitation au bonheur.

Le même jour, le pape fera quelques kilomètres dans l’après-midi le long du lac de Tibériade, pour gagner le petit village de abgha. Là il visitera en privée l’église dite «de la multiplication des pains», une basilique moderne qui contient une célèbre mosaïque du IVe siècle représentant les pains et les poissons multipliés par le Christ. La particularité de cette mosaïque est qu’on n’y trouve représentés que quatre pains au lieu des cinq cités dans l’Evangile. Placée autrefois sous l’autel d’une basilique byzantine, elle laissait entendre que le cinquième pain était l’Eucharistie. A quelques centaines de mètres de là, le pape visitera également en privé l’église dite «du primat de Pierre», rappelant le moment où le Christ a posé à Pierre la question: «Pierre, m’aimes-tu ?». Jean Paul II a récemment évoqué ce passage de l’Evangile comme le fondement de la mission confiée à Pierre, qui justifie la primauté de ses successeurs, garante de l’unité de l’Eglise et de la transmission de la foi. Il a aussi rappelé au Caire, le 25 février dernier, qu’il invite les théologiens et les pasteurs de toutes les Eglises chrétiennes à réfléchir sur les formes selon lesquelles le pape peut exercer ce ministère pour qu’il soit reconnu par tous comme un «service d’amour».

Toujours au bord du Lac de Tibériade, Jean Paul II se rendra à Capharnaüm, site archéologique particulièrement riche, qui évoque la ville prospère présentée dans l’Evangile comme celle où le Christ a habité, dans une société où les prostituées et les pécheurs étaient nombreux. C’est à Capharnaüm en effet que se trouvait la maison de Pierre, qui semble être devenue celle du Christ. Le pape visitera le sanctuaire moderne qui protège aujourd’hui les ruines du Ier siècle de ce qui semble avoir été cette maison.

A Nazareth

Le 25 mars, fête de l’Annonciation, Jean Paul II ira le matin à Nazareth, toujours au nord du pays. Arrivé en hélicoptère, il parcourra quatre kilomètres en papamobile pour saluer la population, la ville abritant aujourd’hui la plus importante agglomération arabe de l’Etat d’Israël. Il arrivera ensuite dans la grotte traditionnellement reconnue comme une dépendance de l’habitation de la Vierge Marie au moment de l’Annonciation. Nazareth était en effet autrefois une ville d’habitations troglodytiques. Aujourd’hui, la grotte s’ouvre sur le choeur central de l’étage inférieur de la basilique de l’Annonciation, construite dans les années 60 après la destruction d’une église antérieure.

Le même jour, en fin d’après-midi, Jean Paul II, de retour à Jérusalem, se rendra en privé dans la basilique du Jardin de Gethsemani, sur le flanc de la colline du mont des Oliviers, à l’est de la vieille ville de Jérusalem. Cette basilique, érigée au début du XXe siècle, recouvre le rocher que la tradition identifie comme celui auprès duquel le Christ a vécu son agonie.

La Custodie de Terre Sainte

Enfin, le 26 mars, le pape célébrera la messe en fin de matinée dans l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem, édifiée sur le rocher du Golgotha la «colline du Crâne» où le Christ a été crucifié, puis enseveli.

Jean Paul II y sera accueilli par les représentants de trois communautés, franciscaine, grecque-orthodoxe et arménienne, qui gèrent les parties communes de l’église. Cette basilique dont la plupart des constructions remontent au XIIe siècle, est en effet partagée entre les communautés arménienne, copte, grecque-orthodoxe, syrienne et latine, depuis la définition de ce statu quo par le sultan ottoman Abdul Mejid en 1852. C’est le Custode de Terre Sainte, le Père franciscain Jean Battistelli, qui guidera Jean Paul II dans la basilique. La Custodie franciscaine est la seule entité catholique reconnue par les autres Eglises, notamment au Saint-Sépulcre, explique le Père David Marzaroli, franciscain italien, responsable de la Terre Sainte au sein de la Congrégation romaine pour les Eglises orientales. «Quand le patriarche latin de Jérusalem Michel Sabbah va au Saint-Sépulcre, il est lui-même l’hôte du Custode, qui joue un rôle oecuménique important».

Dans la basilique, Jean Paul II s’arrêtera en prière près de la pierre de l’Onction, située entre l’endroit où le Christ semble avoir été crucifié et celui où il aurait été enseveli. C’est là que son corps a été aromatisé avant d’être enveloppé dans un linceul. Le pape célébrera ensuite quelques mètres plus loin une liturgie commémorant à la fois la passion et la résurrection du Christ, sous le dôme de la basilique, là où se trouve le sépulcre lui-même.

La Custodie de Terre Sainte a été constituée en 1342 par une bulle du pape Clément VI, qui confiait la charge des lieux saints aux franciscains, en leur donnant un mandat spécial de représentation du Saint-Siège dans une région marquée par une forte présence islamique. Aujourd’hui plus de 300 franciscains de la Custodie, d’une trentaine de nationalités différentes, s’occupent surtout du Saint-Sépulcre, de Bethléem, de Nazareth, du Mont Thabor, de Carpharnaüm et des autres sites du lac de Tibériade. Mais ils sont présents également en Egypte, au Liban, en Syrie, en Jordanie, et dans les îles de Chypre et de Rodhes.

Jéricho: la plus grande discrétion

Jean Paul II devrait se rendre en privé à quelques kilomètres de Jéricho pour y visiter le site d’Al-Maghtas, situé au bord du Jourdain. Là le Christ aurait été baptisé par Jean-Baptiste.

Cette visite – qui n’a pas encore été officiellement confirmée – devrait avoir lieu le matin du mercredi 22 mars, avant l’arrivée du pape à Bethléem. Elle se fera dans la plus grande discrétion et ne durera que quelques minutes. La zone est en effet sous le contrôle militaire des Israéliens depuis 1967, mais fait actuellement l’objet de réclamations de la part des Palestiniens. Il n’est pas question en revanche que le pape se rende à Jéricho même, une telle visite risquant d’avoir une trop grande connotation politique, puisque la ville est le siège des institutions de l’Autonomie palestinienne.

Les patriarches et les évêques catholiques de Terre Sainte

Si les patriarches catholiques du Moyen-Orient vont accompagner Jean Paul II sur la plupart des lieux qu’il visitera en Terre Sainte, le pape les rencontrera plus spécialement avec leurs évêques à deux occasions, au vicariat latin d’Amman en Jordanie, le 21 mars, puis au patriarcat latin de Jérusalem le 26 mars.

Parmi les sept patriarches catholiques au Moyen-Orient, le patriarche latin, Mgr Michel Sabbah, le seul à résider à Jérusalem, a un statut particulier. Premier arabe à ce poste, alors que ses prédécesseurs étaient italiens, il est à la tête, non pas d’un patriarcat à proprement parler, mais d’un «diocèse patriarcal», qui rassemble les chrétiens de rite latin d’Israël, des territoires palestiniens et de Jordanie. Son titre est donc essentiellement honorifique. Il a toutefois une importance non négligeable puisqu’il a été élu président de la Conférence des évêques latins des régions arabes et président de l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte, rassemblant les catholiques des différents rites. Les six autres patriarches, en revanche, dépendent de la Congrégation pour les Eglises orientales. Ils sont à la tête de plusieurs diocèses, et ont des exarques patriarcaux dans le monde entier. Chacune de leurs Eglises a une structure ecclésiale particulière et une certaine autonomie.

Ces six patriarches sont aujourd’hui: le patriarche copte catholique d’Alexandrie, Stephanos II Ghattas, qui réside au Caire, en Egypte; le patriarche des Syriens catholiques d’Antioche, Ignace Moussa I Daoud (Beyrouth, au Liban); le patriarche des Grecs-Melkites d’Antioche, Maximos V Hakim, qui a aussi le titre de patriarche d’Alexandrie et de Jérusalem et réside à Damas en Syrie; le patriarche des Maronites, le cardinal Nasrallah Pierre Sfeir, avec résidence à Bkerké, au Liban; le patriarche de Babylonne des Chaldéens, Raphaël I Bidawid (Bagdad, en Irak); le patriarche de Cilicie des Arméniens (depuis octobre 1999) Nersès Bédros XIX Tarmouni (Beyrouth, au Liban).

Tous ces patriarches accompagneront le pape pendant son voyage, sauf Maximos V Hakim, très malade, qui enverra un délégué. Son Eglise est pourtant celle qui est la plus enracinée en Terre Sainte, puisqu’elle compte environ 46’000 fidèles installés surtout en Galilée. Les Latins représentent la deuxième communauté quant au nombre de ses fidèles, avant les maronites et les syriens. Les arméniens quant à eux sont très peu nombreux. La visite de Jean Paul II est un soutien énorme pour ces Eglises, les chrétiens étant très nombreux à quitter la région.

Dimension oecuménique

Au cours de ce pèlerinage, les intentions de prières de Jean Paul II seront centrées sur l’unité des chrétiens, tandis que le pape insistera spécialement sur ce point le 25 mars. Il participera ce jour-là en effet à une rencontre oecuménique au patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem, là même où Paul VI avait rencontré le patriarche de Constantinople Athénagoras Ier au cours de voyage de 1964.

Toutes les Eglises chrétiennes, même non catholiques, regardent avec beaucoup d’intérêt la visite du pape en Terre Sainte, même si le patriarcat grec-orthodoxe est réputé pour sa méfiance vis-à-vis des initiatives oecuméniques. Malgré les dissensions, ces Eglises perçoivent en effet le pape comme celui qui défend la réalité de la chrétienté arabe, en Terre Sainte et au Moyen-Orient en général.

Le patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem Diodoros Ier, qui accueillera Jean Paul II, représente pour sa part la tradition non-catholique la plus importante à Jérusalem, et son Eglise a une place importante dans la préservation des lieux saints. Son équilibre est toutefois assez précaire du fait que sa hiérarchie est essentiellement grecque alors que son clergé et ses fidèles – environ 45’000 en Terre Sainte – sont arabes.

Dimension interreligieuse

Jean Paul II participera à une rencontre interreligieuse le 23 mars à l’Institut catholique Notre-Dame de Jérusalem, un territoire pontifical extraterritorial – situé à l’extérieur des murs de la vieille ville. Là, un auditorium moderne permettra de recevoir des personnalités chrétiennes, juives et musulmanes. «Cette rencontre n’est pas simple à organiser», explique Mgr Michael Fitzgerald, secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, qui précise que l’on ne sait pas encore quels sont les représentants de ces religions qui viendront. «Si le souhait du pape d’une rencontre interreligieuse sur le Mont Sinaï n’a pas pu se réaliser, celle-ci est hautement plus significative du fait qu’elle se déroule à Jérusalem», estime Mgr Fitzgerald. «Le pape devrait y parler de la ville comme de la Cité de la paix, où juifs, chrétiens et musulmans doivent apprendre à vivre ensemble».

«Du point de vue religieux, je vois là une grande chance pour les juifs et les musulmans de se rencontrer», affirme pour sa part le Père Rémi Hoeckman, un dominicain belge qui est secrétaire de la Commission des relations religieuses avec les juifs au sein du Conseil pontifical pour l’Unité des chrétiens. Le Père Hoeckman fait remarquer que si beaucoup de catholiques visitent la Terre Sainte, l’Etat d’Israël ne s’intéresse à eux qu’au plan du tourisme et de l’économie. «Mais les juifs ne rencontrent pas les chrétiens comme des personnes de foi, souligne-t-il. Il y a donc là une grande possibilité pour eux de mieux connaître les catholiques à travers Jean Paul II».

Le pape se rendra le matin du dimanche 26 mars chez le grand mufti de Jérusalem, le Cheikh Ikrimah Sabri, docteur de la loi nommé par l’Autorité palestinienne, qui émet des décrets religieux pour les musulmans des territoires palestiniens. Cette rencontre sera pour Jean Paul II l’occasion de pénétrer sur «l’Esplanade du Temple», qui leur appartient, même si elle est située juste au-dessus du «Mur des Lamentations», à l’emplacement de l’ancien temple juif, détruit par les Romains en 70 après JC. C’est sur cette esplanade que se trouve la mosquée el-Aqsa achevée au début du VIIIe siècle, l’un des sanctuaires musulmans les plus vénérés après La Mecque et Médine, et le «Dôme du Rocher», dont la coupole brillante, achevée à la fin du VIIe siècle, est sensée abriter le rocher où Abraham aurait été appelé à offrir son fils.

Le pape et les juifs

La visite de Jean Paul II au mémorial de l’holocauste juif de Yad Vashem à Jérusalem, le 23 mars, est présentée par l’ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège, Aharon Lopez, comme «le moment plus important du voyage». Dans ce vaste complexe commémorant la Shoah, le pape se rendra dans un sanctuaire dont le sol est décoré de mosaïques où sont inscrits les noms des camps de concentrations de la seconde guerre mondiale. Jean Paul II allumera là une lumière auprès d’une tombe symbolique qui contient des cendres recueillies dans ces camps.

C’est ensuite à l’entrée de ce sanctuaire que le pape prononcera un discours très attendu, en présence du Premier ministre israélien. «En lisant tout ce qu’il a dit sur la Shoah dans le passé, je pense que nous aurons là un message clair et très fort», affirme l’ambassadeur d’Israël. «Nous considérons ce voyage comme une partie du processus de réconciliation entre le peuple juif et l’Eglise catholique», ajoute-t-il. «Les efforts pour ne jamais oublier le passé et l’engagement pour combattre toute forme de racisme peuvent être incarnés dans cette visite». L’ambassadeur signale par ailleurs qu’un groupe de juifs ayant vécu à Wadowice, la ville natale du pape, et survécu à la guerre, seront présents. «Jean Paul II a appris dès son enfance à apprécier le peuple juif et il s’est montré sensible face aux événements tragiques de la Shoah, souligne-t-il. Son engagement pour combattre l’antisémitisme a conquis nos cœurs».«

Outre cette visite, Jean Paul II rencontrera le même jour les deux grands rabbins chefs d’Israël, le rabbin ashkénaze Lau, et le rabbin séfarade Bakshy-Doron, au siège du Grand Rabbinat d’Israël «Hai Chal Shlomo» de Jérusalem.

Enfin, Jean Paul II se rendra dans la matinée du dimanche 26 mars auprès du Mur des Lamentations, appelé plutôt «mur occidental» par les Israéliens depuis qu’ils ont repris Jérusalem. Le pape récitera un psaume devant l’unique pan de mur qui reste de l’ancien Temple construit par Hérode, après sa destruction par l’empereur romain Titus en 70 après JC. «La prière du pape au mur des Lamentations est une manière pour le pape de montrer son respect pour la communauté juive en tant que communauté de foi», fait remarquer le Père Rémi Hoeckman. «Il n’est pas facile de distinguer les domaines politiques et les domaines religieux quand on s’adresse aux juifs, ajoute-t-il. Cette visite du pape en Israël est inévitablement très importante pour la politique de son gouvernement».

Les aspects plus politiques de la venue de Jean Paul II en Israël seront la visite de courtoisie qu’il rendra au président de l’Etat, à Jérusalem, le 23 mars, puis son entretien avec le Premier ministre israélien le 24 mars, en Galilée sur le Mont des Béatitudes. Il n’était pas envisageable en effet que le pape rencontre Ehud Barak à Jérusalem, cela risquant d’apparaître comme une reconnaissance de l’occupation de la ville par Israël.

Au cours de cette rencontre, seront probablement abordés les deux éléments qui ont récemment suscité des tensions entre Israël et le Saint-Siège. Il s’agit d’une part de l’accord donné le 13 octobre 1999 par Israël à la construction en 2001 d’une mosquée près de la basilique chrétienne de Nazareth, et d’autre part de l’affirmation par le Saint-Siège de la nécessité d’un statut international pour Jérusalem, exprimé dans le préambule de l’accord qu’il a signé avec l’OLP 15 février dernier.

Dans les territoires palestiniens

Accueilli le matin du mercredi 22 mars à Bethléem, en Cisjordanie, dans les Territoires autonomes palestiniens, Jean Paul II prononcera un discours dès sa descente d’hélicoptère. Il devrait insister à cette occasion sur l’importance de la convivialité entre chrétiens et musulmans, dans une ville où ces derniers sont de plus en plus nombreux. Le pape ira ensuite célébrer la messe sur la «Place de la Mangeoire», face à la basilique de la Nativité, et c’est seulement dans l’après-midi qu’il pourra s’entretenir en privé avec le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat. Il se rendra ensuite au camp de réfugiés palestiniens de Deheisha, situé au sud-est de Bethléem, pour y prononcer un discours à tonalité humanitaire.

Pour Afif Safieh, directeur du Bureau de représentation de l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP) auprès du Saint-Siège, cette visite du pape est l’occasion de montrer au monde  » la souffrance du peuple palestinien qui a vécu trop longtemps dans une cage d’occupation. Nous espérons que les médias entendront notre cri pour la liberté «, confie-t-il. Lui-même chrétien, Afif Safieh attire l’attention sur le fait que les chrétiens ne représentent plus aujourd’hui que 2 % des Palestiniens de Terre Sainte, alors qu’ils constituent en réalité si l’on compte ceux de la diaspora – 13 % de l’ensemble de sa population.  » Israël était supposé être la solution au problème juif, continue Afif Safieh. Ce sont maintenant les Palestiniens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, qui attendent une réponse équitable et satisfaisante de la part de la communauté internationale. Nous sommes devenus les juifs des juifs, les victimes des victimes de l’histoire européenne» (apic/imed/cip/pr)

16 mars 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 17  min.
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