Rédaction

AdC: une transition pour répondre à la clameur de la terre

En réponse au commentaire du Frère Guy Musy intitulé «La façade ravaudée de l’Action de Carême», publié le 16 février sur cath.ch

Cher Monsieur Musy, cher Frère,

Merci d’avoir soulevé vos réflexions au sujet de l’identité visuelle rafraîchie d’Action de Carême. Cela montre votre attachement non seulement à notre image mais, surtout, aux valeurs que nous véhiculons depuis plus de 60 ans. Afin de dissiper tout malentendu, je me permets d’évoquer, en réponse à vos interrogations, l’objectif de la récente évolution de notre marque.

Ces dernières années, nous avons constaté que les programmes internationaux et les programmes pays d’Action de Carême – avec 300 projets dans 14 pays –, les campagnes et les actions de sensibilisation jouissent d’une popularité décroissante. Nous avons ainsi relevé le défi de trouver un équilibre entre renouveau et tradition afin de toucher d’autres publics tout en conservant l’appui des paroisses et de celles et ceux qui nous sont fidèles depuis des décennies.

La façade change, les valeurs restent

Depuis sa fondation, l’idée à la base d’Action de Carême n’a cessé d’être approfondie: aider les plus démuni·e·s à manger à leur faim et en même temps s’attaquer aux causes plutôt que pratiquer une «politique de rafistolage», lutter pour la justice et favoriser un mode de vie qui n’hypothèque pas l’avenir. Cette vision n’a jamais été autant d’actualité si nous voulons être à la hauteur des enjeux soulevés par les changements climatiques et par notre promesse d’une «vie en abondance pour tous et toutes» (Jn 10, 10).

Notre slogan «Éliminer la faim ensemble» est un raccourci – un slogan est par définition une formule concise qui résume la valeur essentielle que l’on veut mettre en avant — qui englobe un discours beaucoup plus complexe. Alors oui, éliminer la faim est bien l’objectif premier de notre lutte, mais nos actions n’ont jamais visé l’aide d’urgence en cas de catastrophe.

Comme vous le suggérez vous-même, la famine est le résultat de plusieurs facteurs comme les déséquilibres économiques au niveau mondial, les guerres, la démographie ainsi que les perturbations climatiques, politiques ou socio-culturelles.

C’est pourquoi Action de Carême s’engage aussi politiquement, ce qui lui vaut parfois des critiques. À ce titre, il est important que l’objectif qui sous-tend cet engagement – éliminer la faim et la pauvreté – soit compris tant par les gens que par l’Église. Ces deux fléaux ne sont en effet pas le fruit de la nature, mais bien la conséquence d’actions humaines telles que l’oppression, l’exclusion et les inégalités structurelles. Dans son encyclique Laudato si‘, le pape François nous rappelle, à juste titre, que les souffrances humaines et les atteintes environnementales sont en étroite corrélation.

Un engagement tripartite

Même s’il nous arrive d’évoquer l’urgence face à des situations extrêmes telles que la récente sécheresse prolongée à Madagascar, pays où nous menons des projets, nous agissons systématiquement sur trois niveaux. Sur le plan politique, nous formulons des revendications concrètes à la Confédération – comme celle d’atteindre la neutralité carbone en Suisse d’ici 2040 – en forgeant parfois des alliances. En ce qui concerne la sensibilisation, nous proposons des outils servant à promouvoir une transition individuelle à travers des modes de vie durables.

Dernier point, mais non des moindres, dans de nombreux pays du Sud, nous appuyons nos organisations partenaires à mener des projets qui, notamment, transmettent aux paysans et aux paysannes des techniques qui augmentent la production locale de denrées alimentaires tout en respectant l’environnement. Les familles paysannes qui, depuis des millénaires, sélectionnent, utilisent et reproduisent des semences, contribuent de la sorte à préserver la biodiversité.

En conclusion

L’encyclique Laudato si’ du pape François fait de l’enseignement social de l’Église catholique un programme tourné vers l’avenir qui nous invite à un changement de cap radical. Action de Carême reprend cet appel à écouter la clameur de la terre et des pauvres en renouvelant son engagement à mettre en place une conversion écologique et sociale profonde, ici et ailleurs.

En relisant vos propos et les valeurs auxquelles vous rattachez notre œuvre d’entraide, je constate qu’au fond nous partageons bel et bien les mêmes valeurs. La nouvelle image d’Action de Carême ne serait-elle pas simplement une transition nécessaire pour mieux répondre, ensemble, aux défis actuels et émergents auxquels l’humanité doit faire face?

Bernd Nilles, directeur d’Action de Carême

18 février 2022

Bernd Nilles, directeur d'Action de Carême | © Jacques Berset
18 février 2022 | 16:32
par Rédaction
Temps de lecture: env. 3 min.
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