Jérôme Jean Hauswirth

Apparition de Jésus ou comment reconnaître le ressuscité? Homélie du 3e dimanche Pâques C (Jn 21, 1-19)

Si on avait voulu inventer la Résurrection, toute l’insistance se serait portée sur la pleine corporéité, sur le fait d’être immédiatement reconnaissable et, en plus, on aurait peut-être imaginé un pouvoir particulier comme signe distinctif du Ressuscité….

Voilà un évangile qui sent bon la fraîcheur du matin! Le vaste lac de Tibériade, dont les eaux se confondent à l’horizon avec l’azur du ciel, devient l’image de l’avenir ouvert de l’Eglise, où Ciel et Terre se rejoignent. Oui, ce bel évangile nous donne courage en ces temps difficiles: on peut s’aventurer sur la mer du temps à venir, parce que Jésus est réellement présent sur la rive, et parce que sa parole accompagne notre traversée.

Au début du récit, il y a un certain contraste entre les disciples et Jésus: Les disciples sont sur la mer, au contraire, Jésus est à terre. Les disciples ont peiné toute la nuit, au contraire, Jésus apparaît dans la joyeuse lumière du matin. Les disciples ont faim et n’ont rien à manger, au contraire, Jésus rassasié leur a préparé un repas.

Il est étonnant que Jésus ne soit pas reconnu immédiatement. C’est le cas d’ailleurs de tous les récits où Jésus ressuscité apparaît. Et voilà que l’on peut s’interroger, pourquoi ne le reconnaissent-ils pas? Parce que faire l’expérience de Jésus ressuscité n’est pas une évidence comme l’est la rencontre d’un vieil ami perdu de vue!

Le pape Benoît écrivait «[qu’il] y a une étonnante dialectique entre identité et altérité, entre corporéité réelle et liberté vis-à-vis des liens du corps… Les deux choses sont vraies: il est le même – un homme en chair et en os – et il est aussi le Nouveau, celui qui est entré dans un type d’existence différent… Si on avait voulu inventer la Résurrection, toute l’insistance se serait portée sur la pleine corporéité, sur le fait d’être immédiatement reconnaissable et, en plus, on aurait peut-être imaginé un pouvoir particulier comme signe distinctif du Ressuscité… Mais non, les rencontres avec le Ressuscité sont quelque chose de différent d’évènements intérieurs ou d’expérience mystiques – ce sont des rencontres réelles avec le Vivant qui, d’une manière nouvelle, possède un corps et demeure corporel

Bref, pour reconnaître Jésus, il faut s’ouvrir à une nouvelle forme de présence, pas moins réelle mais d’un autre ordre. Ainsi, Jésus ressuscité n’est-il pas moins réel, seulement moins visible aux yeux de chair.

Vous l’avez entendu, ce ne sont pas les disciples, égarés par la fatigue et la nuit, qui voient Jésus sur le rivage. Au contraire, l’initiative vient de Jésus, il les appelle! Il se donne à voir! Il les rejoint après la nuit, dans leur peine, dans leur souci, dans leur faim. De même pour nous aujourd’hui, c’est souvent quand nous avons peiné toute la nuit, sans rien prendre, que Dieu est plus facile à voir et à entendre!

Certainement que Dieu ne se donne pas plus à nous durant le combat de la nuit. Il est cependant plus difficile de l’écouter et de le voir, quand nous sommes encore suffisamment forts pour pouvoir tout gérer par nous-mêmes.

Paradoxalement, il est plus facile d’écouter l’appel de Jésus une fois que nous avons éprouvé, par nous-mêmes, notre stérilité! Etonnement, Jésus ressuscité devient plus concret quand on n’a rien pris, quand on est fatigué, quand on est affamé. Autrement dit, quand l’évidence de notre faiblesse est manifestée, il est plus facile de faire l’expérience du Ressuscité.

Autre chose maintenant : Alors que les disciples reviennent vers Jésus, les filets chargés de poissons voilà que quelque chose de curieux se produit : Jésus n’a pas besoin de leurs poissons ! Il a déjà préparé le repas… et en plus, il les attend pour manger avec eux.

Petite parenthèse : St Luc parle toujours de trois éléments qui caractérisent la présence du Ressuscité auprès des siens : il leur apparut, il leur parla, et il partagea le repas avec eux. Apparaître – parler – être à table ce sont là les trois manifestations du Ressuscité par lesquelles il se révèle comme le Vivant.

Entendez comme c’est beau : C’est lui l’hôte… et il leur donne à manger. Le fruit de leur pêche miraculeuse, ce n’est pas le dîner du jour, mais c’est pour eux ! Jésus n’en pas besoin.  Pour le dire autrement : Jésus n’a pas besoin de leurs 153 poissons, parce que Jésus est lui-même la nourriture ! Ce qu’il veut donner, ce n’est pas du poisson et du pain, mais ce qu’il veut, c’est se donner lui-même !

Dans notre foi, Il est le Pain de Vie, il est celui qui se donne en nourriture, Il est le grain de blé mort qui meurt pour porter du fruit en abondance pour la multitude.

Nous en avons tous fait l’expérience : ce qui est matériel ne fait que diminuer à mesure qu’on le partage. Au contraire l’amour croît d’autant plus qu’il se donne davantage. L’amour grandit et se multiplie quand il est donné.

Aussi ce petit déjeuner offert par Jésus, à la lisière du temps et de l’éternité, est une allusion à l’Eucharistie.

Jésus est le pain, mais il est aussi le poisson, poisson immergé pour nous dans les eaux de la mort, pour nous chercher là où nous sommes perdus … et nous trouver.

En somme Jésus nous dit : « Venez et mangez ! ». Ainsi il nous fait franchir la frontière du temps et de la mort.

Merci Seigneur, parce que tu viens nous rejoindre au matin,
quand la nuit a fini son œuvre, quand nous sommes fatigué et découragé.

Ta présence Seigneur nous aide à réaliser ce qui nous manque,
ce que toi seul possède, ce que tu veux donner à chacun, personnellement.

Seigneur, sans toi, tout est stérile, sans toi, je ne peux rien faire,
ou alors je ne peux faire que du rien.

Seigneur, tu ne veux pas me prendre le fruit de mon travail, mon poisson,
tu veux simplement te donner, parce que le propre de l’amour
c’est de donner gratuitement, sans autre raison que de donner.

Aide-moi Seigneur à te reconnaître sur le rivage.
Aide-moi Seigneur à te reconnaître dans l’eucharistie.
A te goûter  dans le Pain de Vie,
où tu te donnes réellement !

Alors avec Pierre, le cœur plein de joie, je pourrais dire pendant la messe :
« C’est le Seigneur ! ».

Amen.
Père Jérôme Jean.

15 avril 2013 | 20:30
par Jérôme Jean Hauswirth
Temps de lecture: env. 4 min.
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