Guy Musy

Besoin de grandeur

Guy Musy | Jean-Claude Guillebaud, journaliste, éditeur et essayiste français, m’a accompagné au cours des dernières vacances. Plus précisément son dernier livre, intitulé: La foi qui reste. Chrétien de tradition sans vraie conviction, Guillebaud ne devint croyant qu’au terme de longues années d’errance et d’interrogation.

Son livre veut faire le point sur l’itinéraire qui l’a conduit depuis le jour où il recouvra la foi jusqu’à aujourd’hui. Un voyage qui fut souvent un passage à vide à travers les turbulences et les tempêtes qui secouent notre Eglise contemporaine. Une Eglise malgré tout éclairée par quelques rayons de lumière, autrement dit: la foi qui reste.

Guillebaud n’est pas un chrétien solitaire. Son questionnement est corroboré par une foule de témoins qui ont jalonné sa route. Je n’en cite qu’un, sans doute inconnu en terre helvétique, mais célèbre au Québec. Il s’agit du dominicain Benoît Lacroix (1915-2016), fin connaisseur et amoureux de la religion populaire qui a imprégné profondément la «Belle Province» jusqu’au jour où elle fut balayée par une laïcisation agressive et triomphante. Guillebaud a été impressionné par les pages que Benoît Lacroix consacre à la religion de son père, né en 1883, agriculteur dans la paroisse de Saint-Michel-de-Bellechase, face à l’Ile d’Orléans. Pour les avoir lues aussi, je partage son ravissement. J’y retrouve certainement la religion des paysans du petit village fribourgeois qui m’a vu naître, voici un peu plus de 80 ans. Universalité «catholique» par-delà les rives de l’Atlantique.

«Vous ne dites plus assez la Parole»

Pas plus que le Benoît Lacroix, je ne souhaite revivre cette chrétienté révolue, mais elle avait pour elle un soc et une stabilité qui fait défaut aux jeunes et aux moins jeunes de notre temps. Un seul exemple suffira. Le père de Benoît a bien dû s’habituer aux messes en français, tout en regrettant les prônes clairs et nets de son curé qui parlait «des grands mystères de la vie et de la mort, du péché, de Marie et des fins dernières». En comparaison, les homélies modernes lui paraissent fades et répétitives, ne parlant que d’amour, sans jamais évoquer les grands sujets qui avaient solidement fondé sa foi et sa vie. Tu répètes toujours la même chose, reprochait-il à son fils dominicain. Et, finalement, ces mots qui en disent long: «Vous ne dites plus assez la Parole».

«Quel force donnons-nous au mot amour?»

Et nous voilà au pied du mur, prêcheurs des temps nouveaux. Craignons-nous d’évoquer ces thèmes fondamentaux ou en doutons-nous? Servons-nous du petit lait, alors qu’on nous demande une nourriture solide? Bien sûr, nous ne voulons plus revenir à une religion fondée sur l’obligation et la terreur. Dieu est amour, répétons-nous jusqu’à devenir lassants. Mais quelle force, donnons-nous à ce mot amour? Quel exemple offrons-nous aux jeunes qui nous entendent et nous voient vivre? Sauront-ils découvrir en nous la force tranquille et la référence paisible dont ils ont besoin ?

Récemment une jeune catholique canadienne lançait ce slogan: «Nous les jeunes avons besoin de grandeur». Sans le savoir peut-être, elle reprenait le titre d’un essai ou d’un pamphlet que notre Charles Ferdinand Ramuz adressait aux Suisses de sa génération, si peu exaltants, repliés sur leurs petits profits. A leur tour, les jeunes qui nous entourent, sans qu’ils ne le disent trop, sont à la recherche de «grandeur», d’idéaux et d’exemples entraînants. Leurs aînés sauront-ils les satisfaire?

Guy Musy

12 septembre 2018

 

 

Les jeunes sont à la recherche de grands idéaux (Pixabay.com)
12 septembre 2018 | 08:34
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 2 min.
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