Claude Ducarroz

Dans le guidon?

C’était un pur hasard. En ballade dans le sud de la France, je me suis retrouvé un jour nez à nez avec…le Tour de France. Au-delà du tintamarre publicitaire, en observant les coureurs, j’ai mieux compris ce que pouvait signifier l’expression «avoir le nez dans le guidon». Voir à court terme, se concentrer sur l’immédiat, foncer dans l’inconnu. Mais gare à la chute ou à la sortie de route!

Sympathique rencontre avec un confrère bien placé dans les structures de notre Eglise. Et il avoue: les problèmes à résoudre dans l’urgence sont tels que nous sommes presque toujours «le nez dans le guidon», à savoir incapables de creuser plus en profondeur et de regarder au-delà des nécessités imminentes.

Peut-être est-ce la grâce de l’été! A savoir prendre du recul, consacrer du temps à analyser davantage et à réfléchir plus gratuitement, se poser des questions plus essentielles. Autrement dit: creuser au lieu de bricoler, retrouver la rude solidité des bases évangéliques, imaginer l’avenir au-delà des collines qui bordent nos lacs de confort familier, dans la routine des traditions qu’on estime inamovibles. Oui, oser la haute mer de l’histoire du salut et s’embarquer en Eglise pour une aventure qui fait davantage confiance au souffle surprenant de l’Esprit plutôt qu’aux courtes habiletés des marins d’eau douce.

Dans nos Eglises respectives, du moins chez nous, la déprime des statistiques, la raréfaction des ouvriers, la complexité des situations, et jusqu’aux fragilités des personnes et des personnels: tout peut conduire nos responsables à se contenter de gérer, tant bien que mal, des urgences incontournables, jusqu’à épuisement des solutions et des forces. Et après?

«Oui, oser la haute mer de l’histoire du salut et s’embarquer en Eglise»

Et qu’en pense Jésus ? Avant les choix importants, il gravissait la montagne, il se retirait dans la solitude, il priait longuement dans le silence, il adaptait son regard à celui du Père pour voir plus profond et plus loin. Telles étaient ses tranches de vacances d’été, au fur et à mesure des évènements. Après quoi, requinqué dans l’Esprit, réconforté dans sa mission, il pouvait prendre des décisions graves (par exemple l’appel risqué des apôtres en Marc 3,13-19), annoncer l’Evangile aux foules (Marc 4), se plonger dans la pastorale des malades et des pécheurs (Marc 3,20), affronter les pièges tendus par ses contradicteurs (Marc 3,22-30) et même corriger les relations qu’il entretenait avec sa propre famille (Marc 3, 22 et 31-35). En résumé: une vraie vie de pasteur en pleine pâte humaine.

Peut-on souhaiter un tel été à nos chers «ministres», sans oublier que ce qui vaut pour eux vaut aussi pour chacun de nous, chacun selon la grâce qu’il a reçue, en vue du bien commun? Évidemment.

Bon été. A vélo peut-être, mais pas toujours le nez dans le guidon. Il y a aussi l’appel du large et de beaux paysages à contempler! Et une belle Eglise à servir. Et une immense humanité à aimer.

Claude Ducarroz

17 juillet 2019

Comme les coureurs du Tour de France, nous sommes parfois «le nez dans le guidon» (Pixabay.com)
17 juillet 2019 | 07:53
par Claude Ducarroz
Temps de lecture: env. 2 min.
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