Guy Musy

Estavayer: Sept siècles de prière!

Estavayer! Chef lieu de la «Broye lacustre», comme l’indique un panneau d’autoroute. Curiosités locales: le musée des grenouilles et un monastère de dominicaines toujours en service depuis…700 ans!

L’événement valait bien un livre* de quelques 200 pages pour en faire mémoire. Huit auteurs s’y sont attelés: historiens et historiennes, conservateurs de biens culturels, paléographe et même trois moniales vivant dans ce «lieu clos». Un intéressant cocktail de chapitres brefs et illustrés dont il est aisé de reconnaître la paternité ou la maternité.

Le dominicain broyard qui signe ces lignes a suivi avec ravissement le fil continu de cette histoire qui fait partie de son patrimoine et de sa tradition spirituelle. Laissons au lecteur le plaisir d’en découvrir et savourer toutes les facettes. Contentons-nous d’une réflexion en forme de bilan.

«Se sont épanouies à Estavayer d’authentiques fleurs de sainteté».

Le Père Lacordaire, après son passage à Estavayer en 1842, écrivait aux moniales: «Je vais où Dieu me mène, incertain de moi, mais sûr de Lui». Incertitudes, allers et retours, fragilités des personnes et des situations et même l’une ou l’autre aberration ont traversé le cours des siècles qu’a vécu ce monastère. Comme toute autre histoire humaine. Mais la grâce a surabondé et sauvegardé le propos initial d’une vie de femmes, entièrement données à Dieu ou à sa recherche.

Se sont épanouies à Estavayer d’authentiques fleurs de sainteté, non seulement parmi les anciennes moniales, mais au sein des plus jeunes, enfants consumés à l’approche de leurs vingt ans. Plus encore, des exemples de courage, de ténacité et de fidélité alors que le «monde» et sa mondanité envahissaient les cloîtres et programmaient leur prochaine destruction. L’argent – la dot! – y exerça aussi son pouvoir, créant parmi les sœurs une ségrégation entre celles confinées au chœur et à la broderie fine et d’autres renvoyées, faute de culture et de moyens financiers, au four et au moulin. Il fallut des siècles pour prendre conscience de cette incongruité très peu évangélique.

Aujourd’hui, demeurent à bord de l’embarcation une grosse dizaine de passagères. La barque est loin d’être pleine. Les moniales – qui ne sont ni moribondes ni survivantes – lancent tous azimuts des signaux amicaux à celles qui éprouveraient le désir et même le plaisir de les rejoindre. Elles les invitent à poursuivre avec elles  cette croisière encore loin de son terme. Sous le vent de l’Esprit qui ne cesse de gonfler leurs voiles.

 *Isabelle Lepoutre, Marie-Jean Mercier, Anne-Sophie Porret, Ivan Andrey, Sophie Duriaux, Daniel de Raemy, Jacques Rime, Nadia Togni : Les Dominicaines d’Estavayer-le-Lac. Fenêtre sur une histoire 1316- 2016, Ed.Capédita, 2016, 182 p.

Dominicaines d'Estavayer
23 mai 2016 | 10:38
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 2 min.
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