Guy Musy

Evangile de dimanche: à l’orée des chemins

Encore une parabole déconcertante, comme celle des vignerons homicides qui figurait au programme de la messe de dimanche dernier. Cela commence par une tragédie faite de refus, de rébellions, de sang et de répression violente. Mais tout se termine en happy end, si du moins on ne fait pas allusion dans la parabole d’aujourd’hui au châtiment de ce pauvre homme puni pour avoir négligé d’endosser la tenue de soirée avant de pénétrer dans la salle du banquet. Cet incident pourrait à lui seul faire l’objet d’une méditation particulière. Je ne le ferai pas pour m’en tenir au cœur de cette curieuse histoire à rebondissements inattendus. Précisément, au moment où le roi révulsé par le comportement odieux de ses premiers invités décide d’ouvrir la salle de noces à des rustres qu’il avait d’abord oubliés.

Je n’insiste pas sur le sens de ce revirement d’attitude, tant il est obvie. Les chrétiens d’origine juive pour qui Matthieu écrit cette parabole le prêchaient déjà sur tous les tons et sur tous les toits: Jésus, le fils aimé de Dieu, a été rejeté par leurs chefs et leurs prêtres. Désormais, les petites gens, surtout les païens  – les goy – s’engouffrent dans le palais évangélique. Les portes leur sont grande ouvertes. Une conviction à la base de cette évidence: Dieu  – ici le roi – n’a qu’un seul souci: remplir sa salle de fête. D’autant plus que tout est prêt pour recevoir – royalement –  ses invités. Si certains font défaut – et voilà qui devrait nous faire réfléchir – d’autres les remplaceront. La grâce ne passe qu’une fois. Ne manquons pas son rendez-vous!

Mon intérêt  se porte donc sur la façon dont sont «racolés» les invités de la dernière heure. Evidemment, ils n’ont pas reçu de carton d’invitation calligraphié à leur nom. Passants anonymes le long ou à l’orée des chemins, errants, migrants, vagabonds, gens du voyage, sans domicile fixe… Et, parmi eux, des bons et des moins bons. Le roi ne les a pas triés sur le volet; il ramasse le tout, sans tenir compte de l’odeur ou de la couleur.

Alors, nouvelle «mission» pour les serviteurs du roi qui sont aussi ceux de l’Eglise? Aucun doute. Ces serviteurs doivent sortir du sanctuaire où végètent encore quelques dévots et appeler au banquet ceux qui s’entassent «sur le parvis», pour reprendre une expression si chère à notre pape François. Les nouveaux appelés n’entreront pas nécessairement à l’intérieur des murs de nos cathédrales, de nos églises ou de nos chapelles, il suffit de leur donner le goût du banquet éternel. Un pain plus nourrissant que celui que nous prenons chaque jour à notre table et une espérance mieux ancrée que nos pauvres espoirs provisoires et éphémères.

Je me réjouis que cette parabole soit lue en ce mois d’octobre, traditionnellement consacré à la mission et aux missionnaires. Missionnaires qui désormais n’empruntent plus l’avion ou le bateau, mais, à l’instar de Madeleine Delbrël, descendent les escaliers du métro, fréquentent les stades, les bureaux, les écoles, les gares ou les hôpitaux. Leur mission est de faire renaître au fond des cœurs une invitation divine ternie ou effacée depuis longtemps. Ma prière les accompagne.

Guy Musy | 13 octobre 2017


Matthieu 22, 1-14

En ce temps-là,
Jésus se mit de nouveau à parler
aux grands prêtres et aux pharisiens,
et il leur dit en paraboles :
« Le royaume des Cieux est comparable
à un roi qui célébra les noces de son fils.
Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités,
mais ceux-ci ne voulaient pas venir.
Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités :
›Voilà : j’ai préparé mon banquet,
mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ;
tout est prêt : venez à la noce.’
Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent,
l’un à son champ, l’autre à son commerce ;
les autres empoignèrent les serviteurs,
les maltraitèrent et les tuèrent.
Le roi se mit en colère,
il envoya ses troupes,
fit périr les meurtriers
et incendia leur ville.
Alors il dit à ses serviteurs :
›Le repas de noce est prêt,
mais les invités n’en étaient pas dignes.
Allez donc aux croisées des chemins :
tous ceux que vous trouverez,
invitez-les à la noce.’
Les serviteurs allèrent sur les chemins,
rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent,
les mauvais comme les bons,
et la salle de noce fut remplie de convives.
Le roi entra pour examiner les convives,
et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce.
Il lui dit :
›Mon ami, comment es-tu entré ici,
sans avoir le vêtement de noce ?’
L’autre garda le silence.
Alors le roi dit aux serviteurs :
›Jetez-le, pieds et poings liés,
dans les ténèbres du dehors ;
là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.’

Car beaucoup sont appelés,
mais peu sont élus. »

«Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils». Mt 22,2. | © Flickr/Lawrence OP/CC BY-NC-ND 2.0)
13 octobre 2017 | 17:58
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 3 min.
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