Jacques-Benoît Rauscher

Evangile de dimanche: Attention: prédication révolutionnaire!

Ce dimanche, c’est à un Français que revient la délicate mission de parler d’un Roi. Pourtant, l’Europe entière le sait, spécialement depuis la Révolution de 1789, les Français entretiennent un rapport complexe avec ce type de souveraineté! Mais il n’y a pas qu’en France que le terme «Roi» peut susciter des réactions contrastées.

En effet, la fête du Christ-Roi pose souvent bien des questions aux catholiques. Cette célébration du Christ-Roi ne cache-t-elle pas la volonté de réaffirmer une mainmise de l’Eglise sur les affaires de ce monde d’une manière bien peu évangélique? Il y a peut-être pu avoir cette tendance ici ou là. Pourtant, le Christ est bien désigné comme «Roi» dans l’Évangile.

Plus exactement, le nom du «Christ» est associé au mot «Roi» en deux passages très particuliers des Evangiles: le procès de Jésus devant Pilate – que nous propose la liturgie de ce dimanche – et le récit de la visite des mages que nous célébrerons à l’Epiphanie. Le rapprochement entre ces deux épisodes des Évangiles qui associent la figure du Christ et celle d’un Roi, est riche d’enseignement pour comprendre le sens de cette fête du Christ-Roi.

A l’Épiphanie comme au moment de sa comparution devant Pilate, la royauté du Christ n’a rien d’évident. Le Christ est ainsi désigné comme roi quand il est un petit enfant qui vient de naître dans une mangeoire d’animaux ou quand il a été arrêté et maltraité. En ce sens, sa royauté «n’est pas de ce monde». Plus exactement, sa royauté n’est pas «selon les critères de ce monde». Parler du Christ comme Roi c’est donc s’habituer à renverser nos systèmes de valeurs et à regarder les plus petits, les plus bafoués comme nos maîtres.

Célébrer le Christ-Roi, c’est accepter ce déplacement qui renverse tous nos ordres établis.

A l’Epiphanie comme au moment de sa comparution devant Pilate, la royauté du Christ est révélée par des païens. Comme le note saint Augustin: des hommes d’Orient associent le nom du Christ à celui de Roi à l’aube de sa vie et un homme d’Occident, Pilate, fait de même la veille de sa mort. Les mages et Pilate, des païens, interrogent le Peuple élu sur sa propre tradition, sur sa propre attente du Roi qui vient. La royauté du Christ se révèle dans les interrogations que le monde adresse à ceux qui sont dépositaires de la Promesse. Découvrir que le Christ est Roi, ce n’est donc pas se réjouir de dominer ceux qui ne partagent pas notre foi, c’est écouter leurs questions. Les écouter vraiment. Non pas pour les reformuler selon nos catégories, mais pour nous laisser interpeller par elles et découvrir, par des chemins insoupçonnés, les trésors de notre foi toujours vivante.

Loin d’être une fête marquée par un triomphalisme catholique daté, la fête du Christ-Roi nous oblige à déplacer nos regards vers les cris qui viennent des pauvres, vers les cris qui viennent du monde. Ce déplacement, seul le Christ peut nous aider à l’opérer car c’est le mouvement qu’il a vécu dans son Incarnation, dans sa Mort et sa Résurrection.

Célébrer le Christ-Roi c’est accepter ce déplacement qui renverse tous nos ordres établis. Célébrer le Christ-Roi c’est se laisser entraîner dans cette dynamique du don que le Christ a inaugurée. Cette dynamique du don est la seule qui soit vraiment libératrice. La seule qui est toujours révolutionnaire!

Jacques-Benoît Rauscher | 23 novembre 2018


Jn 18, 33b-37

En ce temps-là,
Pilate appela Jésus et lui dit :
« Es-tu le roi des Juifs ? »
Jésus lui demanda :
« Dis-tu cela de toi-même,
ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? »
Pilate répondit :
« Est-ce que je suis juif, moi ?
Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi :
qu’as-tu donc fait ? »
Jésus déclara :
« Ma royauté n’est pas de ce monde ;
si ma royauté était de ce monde,
j’aurais des gardes
qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs.
En fait, ma royauté n’est pas d’ici. »
Pilate lui dit :
« Alors, tu es roi ? »
Jésus répondit :
« C’est toi-même qui dis que je suis roi.
Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci :
rendre témoignage à la vérité.
Quiconque appartient à la vérité
écoute ma voix. »

Vitrail du Christ-Roi, église Saint-Martin de Lutry, Alexandre Cingria | © Pierre Pistoletti
23 novembre 2018 | 17:30
par Jacques-Benoît Rauscher
Temps de lecture: env. 3 min.
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