Jacques-Benoît Rauscher

Evangile de dimanche: heureux qui lit bien ce texte

Cette semaine nous avons fêté Notre Dame de Lourdes et dans quelques jours, le 18 février, nous fêterons Sainte Bernadette. Si vous vous êtes déjà rendus à Lourdes, vous avez peut-être aperçu une petite chapelle sur la gauche de l’esplanade du Rosaire. Celle-ci est précisément dédiée à Bernadette. On y voit l’inscription de la parole que lui a adressée l’apparition du 18 février 1858: «Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse dans ce monde mais dans l’autre». Quand on y réfléchit, cette parole peut paraître assez choquante.

Je me suis souvent demandé comment pouvaient l’interpréter les malades couchés à proximité pendant les grandes messes. Dieu ne nous propose-t-il qu’un regard divisé sur notre vie: d’un côté le monde présent, vallée de larmes où il nous faut souffrir; de l’autre une éternité qu’on nous promet heureuse, mais dont on ne sait pas très bien ce qu’elle sera… ni si nous y aurons part?

D’un côté, ceux qui choisissent les plaisirs faciles de la vie présente qui menacent de les conduire vers leur perte éternelle, de l’autre ceux qui consentent à souffrir ici-bas pour triompher là-haut?

L’évangile de ce dimanche semble aller dans le même sens. Tout ce qui est richesse, rire, bonne réputation est associé aux malédictions; tout ce qui est pauvreté, larmes, insultes, aux béatitudes. Quelle est donc cette religion, qu’on nous dit être celle de l’Incarnation, qui nous conduirait à rejeter les satisfactions et nourritures terrestres et à glorifier les souffrances et désagréments car ils nous permettraient de nous abstraire toujours mieux de notre condition corporelle présente?

«Le Christ nous indique que le principe du vrai bonheur est d’être dans une attitude qui consiste à réserver en son cœur un vide pour L’attendre.»

Pour éviter toute mauvaise interprétation , il faut se souvenir que la clef de ce texte de Saint Luc repose dans la première béatitude: «Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous». Le Christ nous indique à travers ces paroles que le principe du vrai bonheur est d’être dans une attitude qui, en toute situation, consiste à réserver en son cœur une place, un vide pour L’attendre.

Ce vide peut être éminemment présent dans les situations de souffrance où le manque se fait plus évident. Mais à nous de le maintenir présent quand tout semble nous sourire! A nous de l’entretenir pour nous rappeler que ce qui va bien ici-bas n’est pas juste un instant passager, une dose de bien-être que nous prendrions en attendant le prochain coup dur, mais un don fait par Celui qui seul peut et va combler nos cœurs.

Un amoureux de Lourdes regardant l’inscription que j’évoquais plus haut m’a un jour fait remarquer qu’une meilleure traduction de cette phrase serait: «Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse selon ce monde mais selon l’autre». Finalement c’est ce à quoi nous invitent aussi les béatitudes. Non pas à cultiver le malheur ici-bas pour nous réjouir dans l’éternité; mais à déplacer notre regard pour voir dans ce qui nous réjouit aujourd’hui une anticipation du bonheur que seul Dieu peut nous donner pleinement.

C’est cela l’attitude du pauvre de cœur, de Sainte Bernadette et de tous les malades dont le sourire sonne si vrai à Lourdes. Oui, «Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous».

Jacques-Benoît Rauscher | Vendredi 15 février 2019


Lc 6, 17.20-26

En ce temps-là,
Jésus descendit de la montagne avec les Douze
et s’arrêta sur un terrain plat.
Il y avait là un grand nombre de ses disciples,
et une grande multitude de gens
venus de toute la Judée, de Jérusalem,
et du littoral de Tyr et de Sidon.

Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara :
« Heureux, vous les pauvres,
car le royaume de Dieu est à vous.
Heureux, vous qui avez faim maintenant,
car vous serez rassasiés.
Heureux, vous qui pleurez maintenant,
car vous rirez.
Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent
et vous excluent,
quand ils insultent
et rejettent votre nom comme méprisable,
à cause du Fils de l’homme.
Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie,
car alors votre récompense est grande dans le ciel ;
c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.

Mais quel malheur pour vous, les riches,
car vous avez votre consolation !
Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant,
car vous aurez faim !
Quel malheur pour vous qui riez maintenant,
car vous serez dans le deuil et vous pleurerez !
Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous !
C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »

© B. Lopez – Evangile et peinture
15 février 2019 | 17:18
par Jacques-Benoît Rauscher
Temps de lecture: env. 3 min.
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