Sœur Véronique

Evangile de dimanche: J’ai soif!

Il fallait qu’elle en ait assez des remarques méprisantes et des allusions méchantes pour venir au puits en plein midi, cette Samaritaine! Car c’est l’heure où le soleil est ardent et l’air le plus pesant. Mais au moins, elle ne rencontre personne! Sauf ce jour-là…

De loin, elle aperçoit une silhouette assise sur la margelle du puits. Un homme. En s’approchant, elle remarque que c’est un juif. Quelle chance, il ne lui adressera pas la parole puisque leurs deux peuples ne se parlent pas. Mais, ô surprise: «Donne-moi à boire», lui demande-il.

Comment, lui aussi a soif? nous avons quelque chose en commun? L’eau nous manque.  Elle pense à l’eau du puits, lui parle d’une Eau vive qui n’est pas destinée à simplement satisfaire un moment le besoin du corps, par la disparition du désir un instant trompé par la jouissance du rafraîchissement. Décidément, cet homme l’intrigue.

Celui qu’elle a pris pour un simple homme juif, elle devine qu’il pourrait bien être plus grand que notre père Jacob et avançant encore, au gré de leurs échanges, elle reconnaît en lui un prophète. Puis c’est Jésus qui la fait aller plus loin en lui révélant qu’il est le Messie qu’on appelle Christ. Progressant encore dans la confidence, Jésus se présente comme l’Envoyé de Dieu, dont toute la nourriture est de faire la volonté du Père. Et la dernière étape sera la proclamation de tout un peuple de convertis qui affirme : Jésus est le Sauveur du monde !

Vertigineuse catéchèse! Modèle d’une pédagogie de la foi. Qu’en est-il de notre connaissance de Jésus? Les notions acquises lors du caté de notre enfance se sont-elles approfondies? Ont-elles évolué?

«Elle ne leur dit pas: ‘Venez et croyez’, mais ‘venez et voyez’».

Mais attention, si la Samaritaine parcourt tout un chemin intérieur, elle ne fera pas l’économie d’une remise en question de son vécu. Bien sûr, elle vient au puits pour étancher une soif physique, mais sa vie dissolue démontre une autre soif, une soif jamais apaisée, une soif d’amour. Elle ne se dérobe pas quand Jésus lui intime l’ordre d’aller chercher son mari. «Je n’ai pas de mari, répond-elle loyalement. -Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari, car tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari».

Oui, elle n’a pas de mari: voilà le fond réel de sa situation, voilà sa vérité. Mais cette situation qui la poussait à éviter les autres femmes et leur malveillance, devient ce jour-là, le levier qu’elle utilise pour parler aux villageois. Elle ne leur dit pas: «Venez voir le Messie!» au contraire elle pique leur curiosité en leur disant: «Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait!» Elle ne rougit pas, elle ne se soucie plus de sa bonne ou mauvaise réputation. Son cœur brûle d’un feu nouveau.

 Elle ne cherche pas à amener les gens au Christ sur la foi de ses propres convictions; elle désire au contraire que les autres en arrivent à les partager après l’avoir entendu, Lui. Elle ne leur dit pas: «Venez et croyez», mais «venez et voyez».Elle savait de science certaine, pour avoir bu à cette Source d’eau vive, qu’il arriverait à ses concitoyens ce qui lui était arrivé à elle-même: désirer boire de cette Eau vive qui donnera un sens nouveau à leur existence.

Jésus, lui, ne cesse d’avoir soif!

Dans les condamnés, les mourants, chez les habitants des cités anonymes, chez l’étranger…

J’ai soif! ce sera son cri sur la Croix. Il nous implore… qui lui donnera à boire?

Sœur Véronique | Vendredi 10 mars 2023


Jn 4, 5-42

En ce temps-là,
    Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar,
près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph.
    Là se trouvait le puits de Jacob.
Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source.
C’était la sixième heure, environ midi.
    Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau.
Jésus lui dit :
« Donne-moi à boire. »
    – En effet, ses disciples étaient partis à la ville
pour acheter des provisions.
    La Samaritaine lui dit :
« Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire,
à moi, une Samaritaine ? »
– En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains.
    Jésus lui répondit :
« Si tu savais le don de Dieu
et qui est celui qui te dit : ›Donne-moi à boire’,
c’est toi qui lui aurais demandé,
et il t’aurait donné de l’eau vive. »
    Elle lui dit :
« Seigneur, tu n’as rien pour puiser,
et le puits est profond.
D’où as-tu donc cette eau vive ?
    Serais-tu plus grand que notre père Jacob
qui nous a donné ce puits,
et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? »
    Jésus lui répondit :
« Quiconque boit de cette eau
aura de nouveau soif ;
    mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai
n’aura plus jamais soif ;
et l’eau que je lui donnerai
deviendra en lui une source d’eau
jaillissant pour la vie éternelle. »
    La femme lui dit :
« Seigneur, donne-moi de cette eau,
que je n’aie plus soif,
et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. »
    Jésus lui dit :
« Va, appelle ton mari, et reviens. »
    La femme répliqua :
« Je n’ai pas de mari. »
Jésus reprit :
« Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari :
            des maris, tu en a eu cinq,
et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ;
là, tu dis vrai. »
    La femme lui dit :
« Seigneur, je vois que tu es un prophète !…
    Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là,
et vous, les Juifs, vous dites
que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
    Jésus lui dit :
« Femme, crois-moi :
l’heure vient
où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem
pour adorer le Père.
    Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ;
nous, nous adorons ce que nous connaissons,
car le salut vient des Juifs.
    Mais l’heure vient – et c’est maintenant –
où les vrais adorateurs
adoreront le Père en esprit et vérité :
tels sont les adorateurs que recherche le Père.
    Dieu est esprit,
et ceux qui l’adorent,
c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »
    La femme lui dit :
« Je sais qu’il vient, le Messie,
celui qu’on appelle Christ.
Quand il viendra,
c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. »
    Jésus lui dit :
« Je le suis,
moi qui te parle. »
    À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ;
ils étaient surpris de le voir parler avec une femme.
Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? »
ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? »

    La femme, laissant là sa cruche,
revint à la ville et dit aux gens :
    « Venez voir un homme
qui m’a dit tout ce que j’ai fait.
Ne serait-il pas le Christ ? »
    Ils sortirent de la ville,
et ils se dirigeaient vers lui.

    Entre-temps, les disciples l’appelaient :
« Rabbi, viens manger. »
    Mais il répondit :
« Pour moi, j’ai de quoi manger :
c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. »
    Les disciples se disaient entre eux :
« Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? »
    Jésus leur dit :
« Ma nourriture,
c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé
et d’accomplir son œuvre.
    Ne dites-vous pas :
›Encore quatre mois et ce sera la moisson’ ?
Et moi, je vous dis :
Levez les yeux
et regardez les champs déjà dorés pour la moisson.
Dès maintenant,  le moissonneur reçoit son salaire :
il récolte du fruit pour la vie éternelle,
si bien que le semeur se réjouit en même temps que le moissonneur.
    Il est bien vrai, le dicton :
›L’un sème, l’autre moissonne.’
    Je vous ai envoyés moissonner
ce qui ne vous a coûté aucun effort ;
d’autres ont fait l’effort,
et vous en avez bénéficié. »

    Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus,
à cause de la parole de la femme
qui rendait ce témoignage :
« Il m’a dit tout ce que j’ai fait. »
    Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui,
ils l’invitèrent à demeurer chez eux.
Il y demeura deux jours.
    Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire
à cause de sa parole à lui,
    et ils disaient à la femme :
« Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit
que nous croyons :
nous-mêmes, nous l’avons entendu,
et nous savons que c’est vraiment lui
le Sauveur du monde. »

«Le Christ et la Samaritaine». Duccio di Buoninsegna, peinture sur bois, 1311. Détail | © Flickr/J.L.Mazieres/CC BY-NC-SA 2.0
10 mars 2023 | 17:00
par Sœur Véronique
Temps de lecture: env. 6 min.
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