Claude Ducarroz

Pêche à la ligne

Si j’en crois les évangiles, Jésus (de Nazareth) aimait cheminer au bord du lac de Tibériade, dit aussi «mer de Galilée» ou «lac de Génésareth». Sur ces rives ou sur ces flots, tant d’évènements se sont produits, qui ont marqué à jamais le ministère du Christ et la vocation de ses apôtres. Là, près du lac, il a rencontré et appelé ses premiers disciples, il a annoncé l’évangile aux foules en leur parlant du Royaume.

Que ce soit au début de sa mission ou après sa résurrection, Jésus a connu l’expérience de la pêche «sans rien prendre», que sa bonté a transformée en pêche miraculeuse. Pas pour épater la galerie apostolique, mais pour inviter certains pêcheurs à un changement de vie radical. Pierre le premier, puis tous les autres, devinrent donc des «pêcheurs d’hommes». «Et laissant dans la barque leur père avec ses ouvriers, ils partirent à la suite de Jésus.» Mc 1,20

A ce propos, il est toujours question de la pêche au filet. «Jetez les filets», répète Jésus, au point que parfois ceux-ci se rompirent sous la pression du grand nombre de poissons. Il semble bien qu’on ne pratiquait pas, en ce temps et en ces lieux-là, la pêche à la ligne, plus modeste, moins miraculeuse.

Et dans l’Eglise apostolique, qu’en est-il? A en croire les Actes des apôtres, la pêche au filet évangélique a rencontré un certain succès. Au premier essai, le jour de la Pentecôte, l’ex-pêcheur professionnel nommé Pierre convertit une grande foule bigarrée, au point qu’environ trois mille personnes accueillirent la bonne parole et furent baptisées. Ac 2,41 L’optimisme de l’auteur des Actes ne se démentit pas, tant des foules ne cessèrent de répondre avec enthousiasme aux appels de l’Esprit. 

«Il me semble que les filets de l’Eglise ont beaucoup de trous, et que les poissons se font de plus en plus rares en leur sein»

Qu’en est-il de l’Eglise, chez nous, aujourd’hui? Nous avons aussi connu de belles «pêches» quand les foules suivaient les conseils -voire les injonctions- des pasteurs envoyés vers elles pour les conduire, en rangs serrés, dans les larges filets de l’Eglise. Il n’y a pas à rougir de ces mouvements qui ont rempli nos églises et garni nos structures. La religion des foules et la culture chrétienne de masse ont répondu aux besoins et aux méthodes d’un segment de notre histoire en Eglise. D’ailleurs, la mission des disciples, initiée au bord de la mer de Galilée, restera toujours orientée vers l’universel, à savoir toutes les cultures et toutes les nations, sans barrière et sans frontière. L’Esprit du Christ et les énergies de l’Evangile ne peuvent s’imposer aucune limite puisque le salut est offert gratuitement à tous.

Mais force est de constater que, chez nous actuellement, la pêche à la ligne l’emporte de plus en plus sur la pêche au filet. Je le constate tous les jours. Les grands rassemblements deviennent rares, que ce soit pour l’évangélisation basique ou pour les célébrations liturgiques. La rencontre interpersonnelle, le dialogue de proximité, le témoignage individuel occupent le temps des nouveaux apôtres, davantage que l’organisation compliquée de mégas évènements plus ou moins médiatiques.

Sans opposer une méthode à l’autre, il me semble que les filets de l’Eglise ont beaucoup de trous, et que les poissons se font de plus en plus rares en leur sein. Oui, l’humble pêche à la ligne, en marge des structures sophistiquées, inspire toutes nos prières et mobilise tous nos efforts.

Puisque Jésus continue de nous rappeler, quelles que soient les circonstances historiques, qu’il veut, encore et toujours, faire de nous des pêcheurs d’hommes, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

Claude Ducarroz

8 mai 2024

La pêche miraculeuse, par Joachim Beuckelaer (16e s.) | domaine public
8 mai 2024 | 07:10
par Claude Ducarroz
Temps de lecture : env. 3  min.
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