Jacques-Benoît Rauscher

Evangile de dimanche: Jésus est un mauvais assureur

Je ne sais pas si vous avez remarqué: depuis quelques dimanches, une même demande est adressée à Jésus: «Dis à mon frère [à ma sœur] ce qu’il faut faire». C’est ce que Marthe souhaite que le Christ dise à Marie, comme nous l’avons entendu il y a deux semaines. Ce dimanche, c’est un anonyme qui aimerait bien voir Jésus trancher un problème d’héritage en indiquant à son frère le bon comportement à adopter.

Dis-nous ce qu’il faut faire! Cette demande, nous aussi, nous souhaiterions sans doute la faire à Jésus. Ce serait tellement confortable qu’il soit là pour nous dire, dans chaque situation, la bonne route à suivre! … sauf que Jésus refuse toujours, dans l’Evangile, de répondre à cette question: «dis-nous ce que nous devons faire». S’il ne refuse pas de rappeler les commandements, de nommer le péché, il est frappant de constater qu’il ne franchit jamais la frontière des questions trop concrètes: «qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages?».

Aimer c’est oser être blessé.

En effet, pour Jésus, la sainteté passe par l’amour et l’amour implique la pauvreté. Non pas seulement la pauvreté matérielle. Mais la pauvreté comprise comme la mise à bas des barrières que nous érigeons autour de notre cœur et qui nous empêchent de nous présenter en vérité devant l’autre et devant Dieu.

Aimer c’est oser être blessé. C’est donc déposer les armures de nos fausses sécurités. Celles-ci peuvent résider dans l’accumulation de biens qui nous permettent de nous retirer dans notre tour d’argent. Plus subtilement, ces armures peuvent aussi être les «bonnes recettes» spirituelles et moralesque nous pourrions prétendre sortir de notre coffre-fort intérieur quand la nécessité se fait sentir. Fort de ces assurances prêtes à appliquer, nous pourrions rêver de nous reposer et de jouir de l’existence, le grenier de notre esprit rempli de ces préceptes à décongeler et notre capital sainteté promis ainsi à des gains aussi juteux qu’automatiques.

Mais l’exigence de Dieu est plus élevée que ces petites transactions. Quand il nous redemandera notre vie, comme l’homme de la parabole de ce dimanche, ce n’est pas ce que nous aurons accumulé qui l’intéressera. Ce n’est pas la somme des bonnes actions que nous aurons faites qui nous permettra de vivre en communion avec Lui. Ce n’est pas un ticket dûment validé qu’il voudra nous voir présenter pour accéder dans son Royaume. Ce qu’il voudra voir ce n’est pas un masque lisse, c’est notre visage. Notre visage pauvre. Notre visage blessé par ses égarements et ses tâtonnements, buriné par les chaleurs et les angoisses de la vie mais prêt à être transfiguré parce qu’il se sera donné dans la recherche de la vérité. Ce que voudra alors trouver Jésus ce sera un pauvre qui cherchera, dans cet ultime moment, plus à mendier quelque chose de Dieu qu’à lui présenter crânement un pécule amassé.

Ce que Jésus avait à nous dire, Il nous l’a dit. Il continue encore aujourd’hui de nous accompagner sur la route. Mais ne comptons pas sur Lui pour chercher la sécurité. Le suivre c’est un placement risqué, mais qui rapporte plus que tout!

Fr Jacques-Benoît Rauscher | 02.08.19


« Ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? » (Lc 12, 13-21)

En ce temps-là,
du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus :
« Maître, dis à mon frère
de partager avec moi notre héritage. »
Jésus lui répondit :
« Homme, qui donc m’a établi
pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? »
Puis, s’adressant à tous :
« Gardez-vous bien de toute avidité,
car la vie de quelqu’un,
même dans l’abondance,
ne dépend pas de ce qu’il possède. »
Et il leur dit cette parabole :
« Il y avait un homme riche,
dont le domaine avait bien rapporté.
Il se demandait :
›Que vais-je faire ?
Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.’
Puis il se dit :
›Voici ce que je vais faire :
je vais démolir mes greniers,
j’en construirai de plus grands
et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens.
Alors je me dirai à moi-même :
Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition,
pour de nombreuses années.
Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.’
Mais Dieu lui dit :
›Tu es fou :
cette nuit même, on va te redemander ta vie.
Et ce que tu auras accumulé,
qui l’aura ?’
Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même,
au lieu d’être riche en vue de Dieu. »

«Ce qu’il voudra voir ce n’est pas un masque lisse, c’est notre visage. Notre visage pauvre» | © Pixabay
2 août 2019 | 10:26
par Jacques-Benoît Rauscher
Temps de lecture: env. 3 min.
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