Jacques-Benoît Rauscher

Evangile de dimanche: que dire?

Je dois vous avouer que j’avais préparé un autre commentaire d’Evangile. Et puis, je l’ai effacé parce qu’il me semblait creux; parce qu’au fond, je me suis rendu compte que j’étais, depuis quelques semaines, incapable de méditer l’Ecriture, de prêcher comme autrefois. A la place des considérations que j’avais rédigées, cette phrase de l’Evangile est revenue, presque obsédante, dans mon esprit: «Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit: ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi».

Hypocrites. Vous dites honorer Dieu, mais votre cœur est loin de Lui. Ces mots, on pourrait les trouver sous la plume d’un journaliste critique interpellant l’Eglise. En d’autres temps, des chrétiens auraient peut-être crié au scandale d’être ainsi traités. Mais, en ces heures sombres, devant tant d’abominations commises, le scandale ne vient pas de l’interprétation d’un chroniqueur malveillant. Il est l’expression d’une sordide réalité. Et ce dimanche, ces mots violents tombent de la bouche de Jésus. Ces mots sont la parole que le Christ Lui-même nous adresse dans la situation singulière – et absolument dramatique -que nous traversons.

Hypocrites. Vous êtes un peuple qui m’honore des lèvres, mais votre cœur est loin de moi. Comment parler alors? Comment oser encore prêcher en ouvrant ces lèvres susceptibles d’avoir goûté au poison de l’hypocrisie? Certes, nous ne sommes pas tous criminels -heureusement! Mais l’hypocrisie que nous tolérons en nous et dans nos communautés est bien le poison qui fait le lit des déviances gravissimes que nous déplorons en ces moments tragiques. Et c’est pourquoi, il nous faut tous nous interroger, comme nous y invite aussi le pape François.

«Comment oser encore prêcher en ouvrant ces lèvres susceptibles d’avoir goûté au poison de l’hypocrisie?»

Hypocrites, nous l’avons été et nous le sommes quand, drapant notre lâcheté du beau mot de «miséricorde» nous refusons de désigner le mal en nous et autour de nous. Hypocrites, nous l’avons été et nous le sommes quand nous nous complaisons à filtrer les moucherons, pour ne pas voir l’énormité des monstres qui nous environnent. Hypocrites, nous l’avons été et nous le sommes quand arguant une pseudo-soumission aux autorités, nous nous vautrons dans un petit confort spirituel et refusons de prendre notre juste part de responsabilité au bien commun. Et nous pourrions prolonger cette litanie funeste.

Chaque jour, notre office religieux commence par ces mots: »Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange». En ces temps troublés, je ne vois que la prière pour donner du poids aux mots que nous prononçons et nous éviter de sombrer dans le silence de mort que la honte nous pousserait à habiter. Alors, plus que jamais, Seigneur, viens ouvrir nos lèvres, viens purifier nos lèvres si tu veux que nous proclamions encore ton Nom. Car, oui, notre cœur, le cœur de ton peuple, est bien loin de Toi!

Jacques-Benoît Rauscher | Vendredi 31 août 2018


Mc 7, 1-8.14-15.21-23

En ce temps-là,
les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem,
se réunissent auprès de Jésus,
et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas
avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées.
– Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs,
se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger,
par attachement à la tradition des anciens ;
et au retour du marché,
ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau,
et ils sont attachés encore par tradition
à beaucoup d’autres pratiques :
lavage de coupes, de carafes et de plats.
Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus :
« Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas
la tradition des anciens ?
Ils prennent leurs repas avec des mains impures. »
Jésus leur répondit :
« Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites,
ainsi qu’il est écrit :
Ce peuple m’honore des lèvres,
mais son cœur est loin de moi.
C’est en vain qu’ils me rendent un culte ;
les doctrines qu’ils enseignent
ne sont que des préceptes humains.

Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu,
pour vous attacher à la tradition des hommes. »

Appelant de nouveau la foule, il lui disait :
« Écoutez-moi tous, et comprenez bien.
Rien de ce qui est extérieur à l’homme
et qui entre en lui
ne peut le rendre impur.
Mais ce qui sort de l’homme,
voilà ce qui rend l’homme impur. »

Il disait encore à ses disciples, à l’écart de la foule :
« C’est du dedans, du cœur de l’homme,
que sortent les pensées perverses :
inconduites, vols, meurtres,
adultères, cupidités, méchancetés,
fraude, débauche, envie,
diffamation, orgueil et démesure.
Tout ce mal vient du dedans,
et rend l’homme impur. »

| Ducio vers 1308. Wikimedia Commons
31 août 2018 | 18:04
par Jacques-Benoît Rauscher
Temps de lecture: env. 3 min.
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