Jacques-Benoît Rauscher

Evangile de dimanche: suivez l’aveugle!

Il y a quelques années, je me trouvais avec un groupe de futurs prêtres et nous étions allés écouter un responsable d’Eglise. En revenant, nous discutions des propos que nous avions entendus. L’un d’entre nous avait eu cette phrase pour caractériser la conférence qui venait de se tenir: «c’était beau, mais ça manquait de vision».

Il voulait signifier que les propos s’étaient bornés tantôt à une description très détaillée de toute une série de mesures matérielles, tantôt à l’énoncé de pensées spirituelles, élevées, mais parfois trop hautes pour vraiment nous atteindre. Bref entre le ras du sol et les voûtes célestes, il manquait cet horizon sur lequel un homme qui désire se mettre en marche cherche à poser son regard.

Alors que j’adhérais à ce diagnostic sévère, je regardais le spectacle habituel de la grande ville où nous nous trouvions: les personnes attablées dans les restaurants, celles qui couraient pour prendre leur métro, celles, plus discrètes, qui se préparaient à passer la nuit dehors dans un abri de fortune…

Ma tête était encore pleine des détails concrets de l’organisation paroissiale et des encouragements eschatologiques entendus quelques minutes plus tôt. Et j’étais saisi par le sentiment que tout cela était tellement loin, dramatiquement au bord des chemins empruntés par tous ces gens qui m’entouraient. En manque de vision et au bord des chemins. C’est ainsi que je percevais l’Eglise qui nous avait été dépeinte ce soir-là et dont je me préparais à devenir ministre!

Je ne sais pas si mon regard sur cette Eglise a beaucoup changé quelques années après. Mais l’Evangile de ce dimanche me permet de l’identifier à Bartimée, cette Eglise! Lui aussi est sans vision et au bord des chemins… mais il nous montre comment, dans cette situation, rejoindre le Christ.

L’Evangile de ce dimanche me permet de l’identifier à Bartimée, cette Eglise!

Tout d’abord, Bartimée écoute, lui qui ne peut pas voir. Il écoute ce qui se passe autour de lui. Il écoute le bruit que font les personnes qui l’entourent car il sait que c’est dans ce brouhaha anarchique qu’il pourra percevoir le passage de ce «Fils de David» qu’il attend.

Ensuite, Bartimée ne se laisse pas arrêter par ceux qui ont déjà tellement «rangé» Jésus qu’ils ont peur de le dé-ranger. Il crie, il ose crier «de plus belle» sa soif de rencontrer Jésus quand on le rabroue.

Enfin, Bartimée sait encore rêver. Il n’a pas tué en lui l’homme aux songes. Il peut encore exprimer à Jésus ce désir qui, avec son cri, achève cette confession de foi qui le sauve: «que je retrouve la vue!».

Quand il m’arrive de penser que nos communautés chrétiennes sont sans vision et restent au bord des chemins, je me souviens de Bartimée. Et j’espère qu’ensemble, comme lui, nous saurons rester à l’écoute du monde, que nous oserons faire fi de ceux qui veulent enfermer Jésus et que nous pourrons continuer à crier notre désir. Car c’est cette voie, la voie de Bartimée, qui nous permettra de guérir, c’est-à-dire de «suivre Jésus sur le chemin».

Jacques-Benoît Rauscher | Vendredi 26 octobre 2018


Mc 10, 46b-52

En ce temps-là,
tandis que Jésus sortait de Jéricho
avec ses disciples et une foule nombreuse,
le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait,
était assis au bord du chemin.
Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth,
il se mit à crier :
« Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! »
Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire,
mais il criait de plus belle :
« Fils de David, prends pitié de moi ! »
Jésus s’arrête et dit :
« Appelez-le. »
On appelle donc l’aveugle, et on lui dit :
« Confiance, lève-toi ;
il t’appelle. »
L’aveugle jeta son manteau,
bondit et courut vers Jésus.
Prenant la parole, Jésus lui dit :
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
L’aveugle lui dit :
« Rabbouni, que je retrouve la vue ! »
Et Jésus lui dit :
« Va, ta foi t’a sauvé. »
Aussitôt l’homme retrouva la vue,
et il suivait Jésus sur le chemin.

«Fils de David, Jésus, prends pitié de moi!». Le Christ guérissant un aveugle. Le Greco. Huille sur bois. 1570. Détail. | DR
26 octobre 2018 | 17:30
par Jacques-Benoît Rauscher
Temps de lecture: env. 3 min.
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