Michel Fontaine

Evangile de dimanche: une voix qui crie dans le désert

C’est d’un silence qu’a pu naître «la voix de Celui qui crie dans le désert: Applanissez le chemin du Seigneur». Oui, Rappelez-vous l’histoire de Zaccharie, père de Jean-Baptiste, à qui l’ange Gabriel annonce la naissance et à laquelle il ne peut croire, d’où ce profond mutisme imposé…Mais quelle clameur ensuite!

Est-ce que l’Ecriture n’est pas en train de nous dire quelque chose sur le silence? Nous rappeler que le silence ne donne naissance à la voix que dans la reconnaissance d’une Parole qui l’habite.

N’y a –t-il pas là un écho à certaines de nos expériences humaines?

Celle du chanteur ou de l’acteur, qui après avoir pu faire silence en lui-même peut donner à sa voix une présence capable d’émouvoir intensement. Celle aussi du silence qui précéde une prise de parole importante… Comme si nous voulions l’habiter par plus grand que nous!

Cet évangile de Jean nous invite, en effet, non seulement à méditer ce qu’est une parole habitée, mais également à en faire le lieu du témoignage. Oui, Jean le Baptiste nous ouvre ici un chemin à partir d’une question: «Comment Jean rend-il témoignage?»

Toute notre humanité est traversée par la question du témoignage.

Comment chacun, chacune témoignons-nous de notre vie de foi? Combien souvent me suis-je posé cette question et d’une manière encore plus incisive aujourd’hui. Comment je peux témoigner de ma foi dans le contexte tragique et douloureux de l’Eglise? Quelle crédibilité? En famille quelle est la place du témoignage? De qui est habitée ma parole et mon comportement, mon discours en sont-ils l’illustration?

«Nous ne pouvons pas dire qui nous sommes, sans prendre conscience de cette Parole, de ce souffle qui nous habite.»

Essayons d’entrer davantage dans la manière dont Jean le Baptiste rend témoignage.

Tout d’abord, il y a une interpellation, «Qui es-tu?» Elle rejoint la totalité de notre existence. Les prêtres et les Lévites ne posent pas la question: «Que fais-tu?» mais «Qui es-tu?». Parce que cette question est essentielle et qu’elle va au cœur de son existence, la réponse que Jean le Baptiste va faire, dit quelque chose sur le chemin que lui-même est en train de parcourir. Il se définit clairement: «Je ne suis pas le Christ, ni Elie, ni un prophète… Je ne suis qu’une voix qui crie dans le désert». Et rien d’autre. Je ne suis qu’une voix, je ne suis pas la Parole, mais ma voix est habitée par la Parole. Comme le dit Augustin «la voix sans la parole frappe l’oreille, elle n’édifie pas le cœur» (sermon 238).

Qu’apprenons-nous de cette attitude de Jean le Baptiste?
Elle nous renvoie à un événement inouï, celui de la Genèse: reconnaître que depuis notre origine, ce que nous sommes est habité par un souffle, l’Esprit de Dieu (Gn1,2). Cet Esprit révèle en nous la Parole qui peut nous faire grandir et nous libère des liens que nous nous construisons. C’est à cela que nous sommes appelés tout au long de notre vie. Nous ne pouvons pas dire qui nous sommes, sans prendre conscience de cette Parole, de ce souffle qui nous habite. De cette prise de conscience naît une liberté qui se découvre progressivement et qui façonne notre témoignage dans le quotidien de nos vies. Jean le Baptiste vit de cette réalité. Ensuite, Il nous dit qu’au «milieu de nous se tient quelqu’un que nous ne connaissons pas. C’est là son deuxième témoignage pour celles et ceux de son temps mais aussi pour nous.

Lorsque Jean dit «Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas» (v.26), il fait une révélation de la présence de Dieu parmi les hommes. Cette révélation, il la fait parce qu’il s’est laissé investir par la Parole. Il est habité par cette Parole comme nous le sommes aujourd’hui.

Qu’en faisons-nous car c’est bien là que se construit déjà le Royaume?

Ce Temps de l’Avent, s’ouvre à nous comme un chemin de vérité pour chercher à dire et à témoigner toujours mieux «qui nous sommes» et à habiter ce que nous voulons vivre. C’est un chemin de grande humilité…

Michel Fontaine OP | Vendredi 15 décembre 2023


Jn 1, 6-8 ; 19-28

Il y eut un homme envoyé par Dieu ;
son nom était Jean.
Il est venu comme témoin,
pour rendre témoignage à la Lumière,
afin que tous croient par lui.
Cet homme n’était pas la Lumière,
mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.

Voici le témoignage de Jean,
quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem
des prêtres et des lévites
pour lui demander :
« Qui es-tu ? »
Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement :
« Je ne suis pas le Christ. »
Ils lui demandèrent :
« Alors qu’en est-il ?
Es-tu le prophète Élie ? »
Il répondit :
« Je ne le suis pas.
– Es-tu le Prophète annoncé ? »
Il répondit :
« Non. »
Alors ils lui dirent :
« Qui es-tu ?
Il faut que nous donnions une réponse
à ceux qui nous ont envoyés.
Que dis-tu sur toi-même ? »
Il répondit :
« Je suis la voix de celui qui crie dans le désert :Redressez le chemin du Seigneur,
comme a dit le prophète Isaïe. »
Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens.
Ils lui posèrent encore cette question :
« Pourquoi donc baptises-tu,
si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? »
Jean leur répondit :
« Moi, je baptise dans l’eau.
Mais au milieu de vous
se tient celui que vous ne connaissez pas ;
c’est lui qui vient derrière moi,
et je ne suis pas digne
de délier la courroie de sa sandale. »

Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain,
à l’endroit où Jean baptisait.

«Je suis la voix de celui qui crie dans le désert: Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe.» | Flickr/Lawrence OP/CC BY-NC-ND 2.0
15 décembre 2023 | 17:00
par Michel Fontaine
Temps de lecture: env. 4 min.
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