Guy Musy

Hébergement de requérants d’asile à Genève: Un oui qui devient un non

J’essaye de comprendre le «oui» converti en «non» de la paroisse du Sacré-Cœur de Genève à l’accueil d’une trentaine de requérants d’asile sommés de quitter la Maison du Grütli qu’ils avaient occupée pour échapper aux abris antiatomiques. Mes sources? Un article d’Echo-Magazine signé par Cédric Reichenbach, paru le 9 juillet 2015, une émission de la RTS qui opposait le mardi 7 juillet la conseillère nationale socialiste vaudoise Ada Mara, présentée comme catholique pratiquante, à Philippe Fleury, président de la paroisse du Sacré-Cœur et cadre du PDC local. Enfin et surtout, un communiqué émanant du Vicariat Episcopal de Genève, sans que n’apparaisse la signature de l’évêque auxiliaire, transmis par mail le 8 juillet. Le communiqué s’intitule:«Le oui de la paroisse du Sacré-Cœur». Un «oui» qui vaut à cette paroisse «un immense merci» pour «son engagement sans compter».

A bien considérer les faits, je me demande si cette paroisse, interpellée par l’évêque, après avoir répondu favorablement à sa demande d’accepter dans ses murs les requérants, s’est finalement récusée parce qu’elle a voulu trop bien «compter». Elle attendait que les autorités de la ville lui garantissent une couverture financière dépassant vingt mille francs. Mais les édiles ont refusé ce dépassement. D’où l’échec des négociations. Il ne restait à l’évêque auxiliaire que de prendre acte de cette décision et décliner la demande qui lui avait été d’abord adressée.

Plusieurs questions me viennent à l’esprit au sujet de cette pénible affaire.

  1. «Quand on aime, on ne compte pas!», dit le proverbe familier des amoureux. Repris à la manière de Jésus: «Que ta gauche ignore ce que donne ta droite». Ou l’inverse. Donner, c’est donc donner sans retour. Sans calcul, ni conditions. Angélisme que ces radotages, me dira-t-on. Vous avez raison si la paroisse se définit d’abord comme une entité économique. Je comprends alors qu’elle ne veuille courir aucun risque financier. Même si elle se veut «association sans but lucratif». Mais est-elle encore dans ce cas-là l’Eglise de Jésus-Christ qui nous a appris à aimer et donner sans compter?
  2. Quels étaient en l’occurrence les risques à courir? Les déprédations que pourraient commettre les réfugiés et dont les réparations ne seraient pas couvertes par les assurances contractées par la paroisse. Déprédations pour le moins imaginaires, quand on sait (cf. l’article de Cédric Reichenbach) la présence constante parmi les réfugiés d’agents de sécurité et l’encadrement d’un Collectif d’appui. Quelle image sous-jacente se fait-on du requérant? Un incendiaire potentiel? Un iconoclaste fanatique? Ou, plus simplement, un étranger dont on ne mesure pas la dangerosité?
  1. «L’Eglise, dit-on, n’a pas vocation à se substituer aux pouvoirs publics.» Une excuse qui tombe à faux et qui est démentie par toute notre histoire chrétienne. Allez le demander à Caritas et aux multiples oeuvres d’entraides catholiques qui aujourd’hui encore ont pignon sur rue. «Il y aura toujours des pauvres parmi vous», dont l’Etat ne s’occupe pas…encore!
  1. Question plus organisationnelle, mais non sans conséquence ecclésiologique. Qui a pris la décision finale? Les deux Assemblée paroissiales (Sacré-Cœur et Mission hispanophone), comme le communiqué du Vicariat l’affirme, ou simplement l’un ou l’autre conseil paroissial ou les deux conjointement? Et si la paroisse est «une entité juridiquement indépendante de l›ECR (Eglise catholique romaine)», que devient le pouvoir et le droit de l’évêque (ou de son auxiliaire) qui, selon le droit canonique (Canon 381), exerce pleine juridiction sur le territoire diocésain?

En conclusion, j’imagine bien la réplique que l’on pourrait me faire. Sans répondre à mes questions, mais en me jetant à la figure un argument «ad hominem» difficilement réfutable: «Etes-vous d’accord que l’on vous refile la patate chaude?» C’est en ces termes qu’on désignait les requérants dans l’interview radiophonique mentionnée. Autrement dit, «Etes-vous prêt à recevoir sans conditions ces réfugiés dans votre paroisse ou votre communauté?» Bien joué! Le problème du Sacré-Cœur est aussi mon problème et celui de toute cette portion d’Eglise qui est à Genève. J’aurais souhaité que l’on nous mobilise pour trouver ensemble la meilleure solution. Malgré la canicule! Malgré les départs en vacances sous des cieux plus cléments que les abris de la Protection Civile.

La paroisse du Sacré-Coeur à Genève
10 juillet 2015 | 17:44
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 3 min.
Ada Marra (8), Genève (384), Réfugiés (420)
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