Jean-Jacques Friboulet

Individualisme pernicieux

Le PDC soumet au vote des Suisses une initiative qui a pour objet la fin de la pénalisation du mariage en matière d’impôt et d’assurances sociales. Les opposants à ce texte évoquent trois arguments.

Le premier est que cela confirmerait dans la Constitution la définition du mariage actuel entre un homme et une femme. Cet argument a fait long feu. La définition du mariage n’est pas le sujet de l’initiative. Comment les initiants pouvaient-ils faire autrement que de faire référence à la définition actuelle, qui figure dans les textes officiels et dans la Convention européenne des droits de l’homme? Il est par ailleurs curieux que les partisans du mariage pour tous continuent de défendre la pénalisation fiscale et sociale du mariage contre l’avis du Tribunal fédéral qui demande sa suppression depuis plusieurs années.

«le mariage n’est pas un contrat civil ordinaire. Il engendre une communauté économique.»

Le second argument des opposants est le seul qui compte mais il heurte de front la réalité du mariage. Ceux-ci refusent l’idée que le mariage (et donc la famille) constitue une communauté économique. Ils défendent la vieille idée libérale selon laquelle le mariage n’est qu’un contrat civil comme un autre. Il ne serait qu’un échange de droits et de devoirs entre deux individus et ne déterminerait pas une entité particulière. L’enseignement social-chrétien s’est toujours opposé à cette vision individualiste du mariage. Par principe de réalité tout d’abord. C’est le mariage qui est la source essentielle de la naissance des enfants même si par la suite il aboutit à un divorce. C’est lui qui est un contributeur essentiel à l’éducation des jeunes et à la solidarité entre les générations. On mesure aujourd’hui à travers les difficultés financières des familles monoparentales combien le mariage est une source essentielle de prospérité dans la durée. Le mariage a également une dimension sociale. C’est grâce à lui que les couples peuvent trouver une disponibilité en temps pour se livrer à des activités bénévoles si utiles à notre société. Enfin les époux doivent par nécessité mettre certaines ressources en commun et établir un budget. Il résulte de tout ceci que le mariage n’est pas un contrat civil ordinaire. Il engendre une communauté économique comme le dit le texte de l’initiative qui justifie une imposition fiscale commune. Que le parti radical soutienne la vision individualiste du mariage est dans l’ordre des choses, compte tenu de sa logique libérale. Le partage de cette vision par le parti socialiste est beaucoup plus étonnant.

Le troisième argument des opposants est que la dépénalisation du mariage ne profiterait qu’aux couples aisés. Cet argument est doublement faux. En ce qui concerne l’impôt fédéral direct et en raison de la progressivité, les couples sont touchés à partir d’un revenu fiscal de F.80 000. A ce niveau peut-on parler de riches comme le font les opposants? En ce qui concerne l’AVS, le plafonnement des rentes touchent même les petites retraites. Ma femme et moi percevons ensemble moins de 2000 F de rente AVS. Celle-ci est réduite d’environ F.400 du fait que nous sommes mariés.

Pour un observateur qui viendrait d’un pays étranger, la pénalisation du mariage à laquelle se livre la Suisse paraîtrait étonnante tant ce pays est attaché à la famille et à ses valeurs. Elle tient uniquement à un combat idéologique sur le mariage. Pour les libéraux, celui-ci juxtapose deux individus sans créer de revenus et de capital commun. C’est ne rien connaître à l’histoire des familles dans ce pays que de se livrer à une telle affirmation. La famille est une ressource essentielle pour l’installation des jeunes dans la vie adulte.

«En ce qui concerne l’AVS, le plafonnement des rentes touchent même les petites retraites.»
2 février 2016 | 11:51
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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