Jean-Blaise Fellay

La messe du pape à Genève: une occasion manquée

Peut-être avons-nous été surpris en Suisse romande par la visite du pape François à Genève. Le projet a sans doute été conçu dans les hautes sphères ecclésiastiques, qui ont souhaité une rencontre au plus haut niveau avec le Conseil œcuménique à Genève. L’arrivée du pape ne pouvait se concevoir sans une rencontre avec la population catholique du canton et du diocèse, et voilà qu’on organise une messe dans la plus vaste salle disponible dans le canton, Palexpo. La nouvelle se propage dans les paroisses qui sont invitées à envoyer des représentants et en quelques jours les 41’000 places disponibles sont réservées.

Les médias ont beau nous assurer jour après jour que les églises sont vides en Suisse romande, les catholiques pratiquants continuent à former des cohortes importantes surtout lors de grandes occasions. J’avais eu l’occasion de calculer que les pratiquants du dimanche étaient plus nombreux que les participants aux matchs du FC Servette. D’ailleurs le stade du club n’aurait pas été suffisant pour recevoir tous les fidèles inscrits à Palexpo. Et je pense que si l’on avait offert 50’000 places, elles auraient été occupées. Grand succès populaire donc.

La rencontre avec le peuple chrétien n’aurait pas dû prendre la forme d’une simple messe réservée aux catholiques.

Le pape François attire l’attention du monde entier. Chez nous et pas seulement parmi les catholiques. Mais c’est justement là le problème. L’évêque de Rome n’est pas seulement le représentant d’une confession. Quand l’apôtre Pierre quitte Jérusalem pour Rome, c’est pour atteindre la capitale du plus grand empire qui ait existé à l’époque. Il voulait sortir du monde juif pour viser le monde. La conversion de l’empereur Constantin au 4e siècle donna effectivement cette dimension mondiale au christianisme et celle-ci continue à se développer aujourd’hui. Les divisions du christianisme entre l’Orient et l’Occident au cours du Moyen Age, entre le Nord et le Sud au moment de la Renaissance, manifestent les différences de culture et de sensibilité qui séparent les communautés chrétiennes. Le 20e siècle a commencé un effort de rapprochement qui s’effectue péniblement mais réellement et qui doit être impérieusement poursuivi.

C’est ce que la visite de François au COE, après celles de Paul VI et de Jean-Paul II, manifeste. En ce sens là, la rencontre avec le peuple chrétien n’aurait pas dû prendre la forme d’une simple messe réservée aux catholiques. C’est rester enfermé dans le confessionnalisme. La tâche du successeur de Pierre est de conforter la foi de ses frères, de tous ses frères. Il n’est pas le chef d’un parti ou d’une faction. Il aurait fallu trouver une façon réellement œcuménique de le manifester par une ouverture concrète aux autres confessions chrétiennes.

Plus encore, la sympathie pour la personnalité de François vient de sa perspective largement humaine, au-delà de la dimension strictement religieuse. C’est le souci pour la souffrance humaine, les injustices, les violences. Là où l’homme souffre, là est le Christ. Genève est aussi le lieu de la Croix-Rouge. Il est dommage que cette dimension qui transcende les institutions religieuses n’ait pas été mise en évidence. Au-delà même de l’unité chrétienne.

Jean-Blaise Fellay | 15.06.2018

«La rencontre avec le peuple chrétien n’aurait pas dû prendre la forme d’une simple messe réservée aux catholiques.» Jean-Blaise Fellay | © Flickr/catholicism/CC BY-NC-SA 2.0
15 juin 2018 | 10:30
par Jean-Blaise Fellay
Genève (382), Messe (273), pape françois (2268)
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