Bernard Litzler

La «revolución» de François

La Curie… Il suffit souvent, dans le milieu catholique, de prononcer ce nom pour déclencher les sarcasmes, les railleries, voire les rires entendus. Pourquoi les «monsignore» du Vatican focalisent-ils tant de reproches adressés à une Eglise jugée hyper-cléricale, carriériste et machiste? Les raisons en sont multiples et anciennes.

Le 19 mars, le pape argentin a franchi une nouvelle étape dans sa volonté de réforme. Sa nouvelle constitution Praedicate Evangelium (Prêchez l’Evangile) va transformer radicalement le monde des soutanes romaines. Et tout y passe: les conseils pontificaux et les congrégations, la Pénitencerie apostolique, la Secrétairerie d’Etat, les organes financiers, etc.

Ce texte modifie la perspective et le rôle de la Curie. C’est une «revolución», mûrie depuis quelques années avec le restreint Conseil de cardinaux qui entourent François. Ses axes: une Curie au service de l’Eglise universelle, avec l’évangélisation pour mission fondamentale, et un organigramme chamboulé – désormais 16 dicastères. Le Secrétaire d’Etat, vrai «Premier ministre» du pape, voit son rôle accru. Et un laïc, homme ou femme, pourra être nommé à la tête d’un dicastère. Par ailleurs, l’accent est mis sur la lutte contre la pédophilie, la surveillance des finances et l’attention aux plus pauvres. En filigrane, ces mesures apparaissent comme un état des lieux désolant des instances dirigeantes de l’Eglise.

«Désormais est abandonnée l’idée que l’Eglise commence à Rome, mais bien lorsque deux ou trois sont réunis au nom de Jésus»

Soyons clair: ce document pontifical est révolutionnaire. Il réaffirme que chaque fidèle est appelé à être un «disciple-missionnaire». Une vérité tout évangélique qui instaure une horizontalité bienfaisante plutôt qu’une verticalité du pouvoir. Que de fois a-t-on a pu entendre ou vivre soi-même ce sentiment diffus: «Quand je rentre de Rome, je me sens toujours catholique, universel, mais de moins en moins romain»… Praedicate Evangelium renverse les tables. Finis le carriérisme, les «combinazioni», les maladies de la Curie («Alzheimer spirituel», calomnies, zizanie, etc.) dénoncées par le pape en décembre 2014.

«L’engagement de tout le personnel de la Curie doit être animé par un sens pastoral et une spiritualité de service et de communion, parce que c’est l’antidote à tous les poisons de la vaine illusion et de la rivalité illusoire», disait déjà François à Noël 2016. C’est noté: à partir du 5 juin 2022, jour de la Pentecôte, le Vatican va se mettre en état de marche vers le changement.

«Combien de personnes travaillent au Vatican?»: à l’époque, Jean XXIII répondait à cette question avec humour: «A peu près la moitié!». Désormais est abandonnée l’idée que l’Eglise commence à Rome, mais bien lorsque deux ou trois sont réunis au nom de Jésus. Décidément, la «revolución» à la manière de François ne fait pas dans la demi-mesure.

Bernard Litzler

27 mars 2022

Remaniement des rôles à la Curie avec la nouvelle Constitution apostolique | DR
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par Bernard Litzler
Temps de lecture: env. 2 min.
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