Guy Musy

L'évangile de dimanche: Il y a temple et temple

Nous célébrons ce prochain dimanche une fête étrange. Elle ne devrait pas soulever les foules et faire déborder leur enthousiasme. Nous commémorons en effet l’anniversaire de la dédicace d’une basilique romaine, un temple de pierres qui a défié les siècles, là-bas, sur les bords du Tibre. Si nous fêtions au moins la maison de prière qui nous est familière, le brave clocher de notre village ou celui qui s’élève – timidement – au-dessus des HLM de notre banlieue! Non, mais une basilique romaine! Pas celle du Vatican que nous connaissons mieux, mais celle du Latran. L’histoire a fait de cet édifice la cathédrale de l’évêque de Rome et donc, par extension, la mère de toutes les églises catholiques. Voilà donc le motif de nos réjouissances!

Il va sans dire que les lectures bibliques retenues pour cet événement ont été rédigées bien avant la construction de cette basilique. Elles ne s’y réfèrent donc que très indirectement. Ces textes nous parlent plutôt d’autres temples. Et tout d’abord de celui de Salomon, détruit en 587 avant notre ère par les Babyloniens. Le prophète Ezéchiel qui fut contemporain de ce désastre rêve d’une nouvelle construction qui serait porteuse de vie. Il développe à ce sujet une image saisissante: un torrent d’eau vive, jailli du socle de l’autel des sacrifices, court à travers le désert et va féconder la mer Morte, symbole de toutes les stérilités.

Six cents ans plus tard, un autre prophète, venu de Galilée celui-là, annonce la destruction du second temple de Jérusalem, celui qu’Hérode fit reconstruire sur les ruines du précédent. Les serviteurs du culte en avaient fait, selon les dires de ce prophète, Jésus de Nazareth, une caverne de voleurs. La «maison de son Père», devenue maison de trafic, avait donc perdu sa légitimité religieuse. Désormais, il n’y aurait plus de temple fait de pierres brutes ou taillées au ciseau. Mais un temple spirituel, le corps meurtri et relevé de Jésus, d’où sortit un certain vendredi sur la colline du Calvaire du sang et de l’eau, signes des sacrements qui fécondent ceux qui les reçoivent. Ezéchiel, le visionnaire, l’avait en quelque sorte déjà annoncé.

Mais la révélation ne s’arrête pas en si bon chemin. Nous voici à Corinthe quelques trente ans plus tard, dans une maison privée où se pressent un petit groupe de grecs convertis la veille à l’évangile. Ils lisent en commun une lettre qu’ils viennent de recevoir d’un certain Paul qui leur a fait connaître Jésus. Une phrase comme un poignard leur coupe le souffle:«C’est vous le temple de Dieu, puisque l’Esprit habite en vous». Le corps physique du Christ ne peut être séparé de son corps social. Lui et sa communauté forment ensemble l’unique temple habité par l’Esprit.

Alors, pourquoi nous soucier tellement de nos églises ou de cathédrales de pierres? Abandonnons ce soin aux services des musées et aux gardiens du patrimoine. Préoccupons-nous plutôt de construire ou de reconstruire le seul temple qui devrait d’abord nous intéresser, à savoir nos communautés chrétiennes. Peu importe le lieu de nos rassemblements: une basilique, un appartement, une cathédrale, la buanderie d’une prison, l’ombre d’un baobab, un stade olympique ou même un carnotzet! Le temple de Dieu, c’est nous et chacun d’entre vous. C’est ce temple-là qu’il faut respecter et honorer. Il n y a que lui qui soit sacré. Ne le savions-nous pas? Qui donc nous l’a fait oublier?

Guy Musy

«Préoccupons-nous plutôt de construire ou de reconstruire le seul temple qui devrait d’abord nous intéresser, à savoir nos communautés chrétiennes»
7 novembre 2014 | 16:13
par Guy Musy
Temps de lecture : env. 2  min.
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