Guy Musy

L'Evangile de dimanche: Que faire?

Lc 3, 10-18

Je ne veux retenir de ce texte d’évangile que cette pressante interrogation: Que devons-nous faire? Trois fois répétée dans ce court passage. Tout d’abord énoncée par les «foules» qui se bousculent autour du Baptiste, puis par les collecteurs d’impôts – j’allais écrire par les fonctionnaires du fisc – enfin par les soldats fraîchement plongés dans les eaux du Jourdain. Car il ne suffit pas d’être baptisé, il faut encore changer de vie. Mais comment? Il n’est pas étonnant de retrouver cette même question posée par les auditeurs de Pierre au matin de la Pentecôte. Le livre des Actes qui nous la rapporte indique que ces gens avaient le cœur bouleversé par les paroles de l’apôtre investi par l’Esprit.

Tout commence par l’émotion ou par le cœur. Mais ce flux de bons sentiments monte jusqu’à la tête et se prolonge dans les mains. Tout commence dans l’exaltation et se termine dans le cambouis. C’est la voie normale qu’empruntent nos meilleures décisions. Alors que faire, quand on est fraîchement converti?

Arrêtons-nous sur la réponse de Jean. Il aurait pu comme tant de prédicateurs descendre de sa chaire sans préciser davantage, renvoyant ses auditeurs à leur responsabilité personnelle. Une façon polie d’esquiver la question. Il aurait pu aussi manier la langue de buis béni, recommander le bien et condamner le mal. Ou, pire encore, fermer ses yeux, incliner sa tête à midi moins cinq, et soupirer: «Puisse l’Esprit vous amener à ceci ou à cela!». Autrement dit, proférer des vœux pieux, plutôt que donner des conseils ou des directives pratiques.

Non, Jean-Baptiste n’appartient pas à cette corporation de prêcheurs professionnels. Prophète, il parle aux foules comme le ferait notre pape François. Il les encourage à pratiquer la «décroissance» matérielle pour favoriser leur croissance spirituelle. Et de leur donner des exemples concrets. Il me semble l’entendre: «Faites le tour de vos armoires et de vos réfrigérateurs. Eliminez le surplus au profit du pauvre qui a froid et faim. Et vous, responsables politiques, si proches de l’assiette au beurre, ne cédez pas à la corruption. Quant à vous, gardiens de la paix, n’exploitez et ne violenter pas ceux que vous avez mission de protéger». Un programme clair, à la portée de tous, et réalisable sans délais.

J’y pensais au lendemain d’une table ronde qui réunissait dans un amphithéâtre de l’université de Genève des responsables religieux, politiques et scientifiques autour du thème «Ecologie et Spiritualité». Face à cette brillante brochette, une masse d’auditeurs déjà convertis à l’écologie, mais désireux de savoir ce qu’ils devaient «faire» sur le terrain, si ce n’est trier leurs déchets et troquer leur voiture contre une bicyclette électrique. Je «voyais» autour de cette table Jean le Baptiseur, vêtu de poil de chameau, nourri de sauterelles et de miel sauvage. Quelles paroles de feu ne seraient-elles pas sorties de sa bouche destinées à secouer notre torpeur et nos somnolences? Il nous aurait invités à rendre cohérents nos actes au regard de nos convictions. J’imaginais aussi comment j’allais parler dans ma prochaine homélie de la conversion écologique, tout en me désolant de ma propre incohérence.

Guy Musy | 11.12.2015


Lc 3, 10-18

10 Les foules lui demandaient : « Que devons-nous donc faire ? »
11 Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
12 Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? »
13 Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
14 Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. »
15 Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ.
16 Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
17 Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
18 Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
Quand le réfrigérateur est vide (flickr/restlessglobetrotter/CC BY 2.0)
11 décembre 2015 | 15:53
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 3 min.
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