Jacques-Benoît Rauscher

L’intelligence artificielle et la Vierge Marie

Vous avez peut-être entendu parler de l’intelligence artificielle, en particulier des possibilités offertes par des machines de plus en plus perfectionnées qui promettent de répondre, éventuellement dans une langue soignée, à toutes les questions (ou presque) que vous vous posez.

Il faut reconnaître que le résultat est impressionnant: sur la plupart des thèmes, vous recevez, dans une langue parfois soignée, une explication. Celle-ci est immédiate et son contenu est, dans certains cas, extrêmement bien informé et quand il ne l’est pas, il n’est pas difficile d’imaginer les progrès qui pourront être accomplis dans ce domaine d’ici quelques mois ou quelques années.

On pourrait vite stigmatiser les utilisateurs de ce type d’outils qui veulent des réponses préfabriquées, immédiates et solides. De fait, un travail de réflexion sur les intelligences artificielles a commencé (sans adopter à leur encontre une attitude immédiatement chagrine, mais néanmoins remplie de vigilance) et il va être poursuivi dans les prochaines années.

Pourtant, avant de jeter la pierre à ces consommateurs de connaissances prêtes à l’emploi, il conviendrait peut-être de nous interroger sur nos pratiques ecclésiales et nos manières d’enseigner les contenus de la foi. Ne nous arrive-t-il pas de singer (avant la lettre) les intelligences artificielles en prétendant proposer, sur tous les sujets ou presque, des réponses formatées et prétendument universelles?

Bien sûr, il y a des vérités de foi qui sont immuables et qui ne souffrent aucune discussion quant à leur confession quand on est chrétien. Bien sûr, il y a des actes qui contredisent à ce point la Sagesse de Dieu qui se manifeste dans sa Création qu’on doit dire qu’ils ne sont bons en aucune circonstance et d’aucune manière. Il y aurait un risque réel à nier ces éléments, surtout dans un environnement où beaucoup souffrent d’une carence de fondations solides pour leur vie et leur foi. Mais le risque est grand aussi de prétendre avoir une réponse ficelée à toutes les questions de l’homme sur Dieu et de l’homme sur la conduite de sa propre vie. Or il faut l’avouer, on peut, comme chrétien, tomber dans ce travers qui nous donne un sentiment personnel de force et parfois aussi la prétention de prétendre régenter la vie des autres.

«Le chrétien est celui qui doit pouvoir dire ‘je ne comprends pas encore’»

Pourtant, ici-bas, un chrétien ne doit jamais oublier qu’il est en marche avec l’humanité. La Révélation ne l’installe pas dans un fauteuil confortable; elle creuse en lui la faim et la soif, parfois de manière brûlante. Un chrétien est celui qui doit être prêt à mourir pour le credo qu’il confesse et pour traduire dans ses actes l’imitation du Christ. Mais il est, en même temps, celui qui doit pouvoir dire «je ne comprends pas encore», «je n’ai, pour l’instant, pas de réponse pour vous».

En ce mois de mai, un modèle peut nous faire réfléchir: celui de la Vierge Marie. Deux versets caractérisent bien Marie dans l’Evangile. Il y a son fameux «fiat» où elle affirme: «Voici la servante du Seigneur» (Lc 1,38). Mais il y a en un autre, moins cité qui nous parle d’elle et de Joseph dans leur rapport à Jésus-adolescent: «Ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait» (Lc2,50)

Pour tout croyant, même pour Marie comblée de grâces, la vie de foi est un chemin. Elle n’est pas une collection de réponses prêtes à l’emploi. Elle n’est pas un recueil de pensées compliquées que seule une intelligence supérieure pourrait percer en raison du nombre de documents qu’elle aurait pu ingérer.

La vie de foi se découvre dans nos histoires humaines, faites de temps forts et de temps ordinaires, de moments de joie et de moments de doute. Cela, même l’intelligence artificielle la plus perfectionnée ne pourra l’atteindre. Soyons donc fiers de notre foi, qui vient épouser notre condition d’hommes et de femmes limités qui ne savent pas tout, tout de suite et immédiatement. Sans nous complaire dans la médiocrité, souvenons-nous que c’est ainsi que notre témoignage porte du fruit.

Jacques-Benoît Rauscher

24 mai 2023

Le robot conversationnel ChatGPT a-t-il des choses à nous apprendre sur la foi? | Emiliano Vittoriosi/Unsplash
24 mai 2023 | 07:55
par Jacques-Benoît Rauscher
Temps de lecture: env. 3 min.
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