Guy Musy

Le pasteur et sa belle-fille

Guy Musy | J’ai lu avec intérêt « La lettre à ma belle-fille catholique pour lui expliquer le protestantisme » ( Ed. Labor et Fides, 2016). Le beau-père,  Antoine Nouis, est pasteur et journaliste. Même s’il se réjouit dans les dernières pages de son livre que Colette, la catholique, soit devenue l’épouse de son protestant de fils, on ne voit guère apparaître sa belle-fille au cours de cet ouvrage. A se demander si Colette n’est qu’une fiction littéraire.

Peu importe. Oublions la belle-fille et admirons plutôt la performance du beau-père qui tente de résumer en 110 pages les fondamentaux de la Réforme protestante et quelques cinq siècles d’histoire huguenote. Le fait de rédiger cet essai en regard ou en confrontation avec un catholicisme d’abord hostile, puis dominateur, pour devenir concurrent et enfin  complémentaire ajoute encore au défi que s’est donné l’auteur. Car Antoine Nouis ne bénit pas les consensus doctrinaux, pas plus que les eucharisties ou cènes dites œcuméniques. La vertu est dans la complémentarité, dans le respect et la richesse des différences qui cohabiteront aussi longtemps que Dieu voudra. En attendant, Colette apporte à sa belle-famille sa sensibilité catholique, mais sans chercher à l’imposer ni devoir y renoncer. Exercice d’équilibre et de patience.

Pour atteindre son objectif, le petit livre fourmille de formules ou de déclarations à l’emporte-pièce. Il arrive même à l’auteur de les juger caricaturales, tant elles manquent de nuances. Elles ont cependant fait mes délices et, malgré ou à cause de leur tournure provocatrice, elles ont attisé ma réflexion. En voici trois exemples extraits de ce florilège. Un catholique dira que l’Eglise est sa mère alors qu’un protestant parlera d’elle comme si elle était sa fille. Mariage religieux: un couple protestant est déjà marié quand il entre au temple, mais c’est en célibataires qu’un homme et une femme catholiques pénètrent dans une église pour en ressortir mariés. Un protestant admire Marie comme la croyante qui montre le Christ; le catholique regarde plutôt le doigt de celle qui l’indique, sans trop se préoccuper de ce qu’il désigne.

Je me demande ce que penseront de ce livre les enfants de Colette si à tout hasard il leur prenait un jour l’envie de lire la prose de leur grand-père. Je doute que la jeune génération partage ce genre de préoccupations. Elle vit un œcuménisme profane où les particularismes  religieux, fussent-ils complémentaires, jouent un rôle de plus en plus négligeable. Je pense aussi qu’à la différence de leur grand-père ces jeunes n’accordent guère d’importance aux statistiques confessionnelles. Peu leur chaut de savoir qu’en France le catholicisme ait chuté de son piédestal pour devenir minoritaire face à un protestantisme gonflé de la sève évangélique et pentecôtiste. S’ils sont croyants, ces jeunes déploreront plutôt la vague d’ignorance et d’indifférence religieuses qui traverse toutes les dénominations. Tel un tsunami, elle emporte ce qui reste de convictions chrétiennes dans une Europe largement sécularisée. Ils conviendront peut-être que le temps est révolu où catholiques et protestants se regardaient comme des chiens de faïence ou se comportaient en marchands de tapis, comparant leurs chiffres d’affaires et se réjouissant des pertes de leur voisin concurrent. L’heure est venue de témoigner ensemble du même Evangile et garder vivante la mémoire du Ressuscité. N’est-ce pas là l’ »unique nécessaire»? A ne pas confondre avec le superflu.

Guy Musy 13 avril 2017

Célébration oecuménique dans l'église des Capucins, à St-Maurice, Mgr Scarcella, Abbé de St Maurice et Carlos Capo pasteur des Deux Rives. (photo Priscilia Chacon)
13 avril 2017 | 09:29
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 2 min.
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