Jean-Jacques Friboulet

Post-vérité et crédulité

Jean-Jacques Friboulet | Les médias parlent de plus en plus d’ère de la post-vérité ou d’’ère post-factuelle. Ces formules ont été très employées en 2016, suite au Brexit et aux élections américaines. La post-vérité fait donc référence à des circonstances dans lesquelles  les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles.

Quelles sont les causes de cette négligence de la vérité ? Nous en avons abordé déjà plusieurs dans cette chronique. En premier lieu l’influence des réseaux sociaux qui n’ont pas encore défini de déontologie de l’information. La liberté de dire n’importe quoi, qui les domine, engendre un  véritable souk des idées. Celui-ci est renforcé par l’information en continu qui règne sur les smartphones. Vendredi soir dernier je partageais un casse-croûte au bistrot de mon village avec des amis. Au milieu de la conversation une amie retraitée lance : « Fillon est renvoyé devant un juge d’instruction ». J’en suis resté pantois car nous étions en train de parler du carnaval dont nous venions de regarder le cortège dans ma commune. Rien à voir donc avec la présidentielle française Tel est le règne des smartphones qui nous fait passer du coq à l’âne.

La seconde raison est la perte d’autorité des journaux traditionnels qu’ils soient écrits ou télévisés. Les politiciens les prennent en grippe, les accusant de faire l’opinion en confondant le contenu des messages et le messager. Ils oublient que les rédactions de ces journaux ont une déontologie et sont contrôlées. Elles ne peuvent se permettre de raconter des contre-vérités.

Il existe à mes yeux deux facteurs supplémentaires au développement de la crédulité de nos contemporains. Le premier est la mise en place de la téléréalité. A force d’écouter des personnes, qui s’épanchent sur leur vie privée en utilisant le moteur des émotions, nos contemporains mélangent plusieurs types de discours et ont du mal à distinguer le vrai du faux, le général du particulier, les faits et les réactions émotionnelles qu’ils suscitent. Une chose est d’exprimer une opinion, une autre est de proposer un discours construit s’appuyant sur un ensemble de réalités ou d’expériences Le second  a seul une valeur d’analyse et doit prévaloir  dans les choix politiques.

Cette baisse d’influence de la raison par rapport aux émotions est bien sûr liée à la prévalence de l’image sur l’écrit. Nos contemporains lisent de moins en moins, ne se rendant pas compte que seule la lecture donne, sur certains sujets, le recul nécessaire à la réflexion. Les dirigeants d’expérience savent qu’il faut toujours laisser « la nuit du paysan» entre le moment où on prend une décision importante et le moment où on la communique. La lecture est d’une grande aide à ce niveau.

Est-ce à dire que nos contemporains sont plus crédules que nos anciens ? Les ravages de la propagande dans les années 1930 prouvent que non. Simplement il faut être conscient que la crédulité est une constante chez l’être humain. Celle-ci doit toujours être corrigée par la raison. Celle-ci est formée dans l’éducation, tant au sein des familles qu’à l’école. Cette tâche de formation à l’analyse devrait être privilégiée eu égard à la promotion des techniques. Ce n’est pas toujours le cas et nous subissons aujourd’hui les conséquences  de cette inversion des priorités éducatives.

(Thomas l'incrédule, miniature du XIIe siècle) | Wikimedia commons
2 mars 2017 | 09:52
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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