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Homélie

Homélie du 6 mars 2016 (Lc 15, 1-3; 11-32)

Abbé Vincent J.-J. Lafargue – Eglise St-Nicolas de Myre,  Hérémence, VS

Chers amis,

Il suffit qu’on entende « Un homme avait deux fils » pour que l’ordinateur central s’enclenche en nous : ah oui, le fils prodigue, on connaît…
La conclusion c’est que, comme le père de cette histoire, Dieu nous aime.

(voix niaise) : Dieu nous aime… Jésus revient… (avec le geste) Peeeeaaaace mon frère !

Dit comme ça, ça respire un peu mai 68 et les années 70. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, Dieu t’aime, mon frère. Peace and love.

Alors si vous voyez Dieu comme ça, faut très vite arrêter de fumer la moquette, hein… Parce que c’est pas tout à fait ça…

Dieu ne nous aime pas comme des êtres d’un monde idéal qui vivraient en paix au milieu des champs fleuris de petites fleurs bleues de Woodstock.

…D’ailleurs au bout de trois jours y avait plutôt de la boue à Woodstock, hein… Bref.

Dieu ne nous aime pas niaisement, les deux doigts en l’air et un joint en bouche.

Dieu nous aime violemment. Passionnément. Fougueusement. Il y a de l’éros en Dieu… c’est pas moi qui le dis, hein, c’est Benoît XVI qui l’avait écrit dans sa première encyclique, « Dieu est Amour »: il y a de l’éros en Dieu.

Dieu nous aime avec fougue. Il nous aime infiniment dans notre péché, tels que nous sommes vraiment. Pas comme nous rêverions d’être.

Il y a de l’éros en Dieu…

Dieu nous aime dans notre imperfection. Il nous aime avec nos petits bobos quotidiens autant qu’avec nos plus grands péchés.

Et ce qui le transporte d’allégresse pour nous, c’est lorsque, une fois compris tout cela, nous revenons vers lui en demandant le beau sacrement de réconciliation. Exactement comme le fils de la parabole revient vers son père en prévoyant de lui demander pardon.

Bien sûr ce n’est pas facile… Mais en grande partie par nos préjugés. Nous nous attendons à trouver en face de nous un juge qui nous gronderait pour ce que nous avons fait. Exactement comme le fils se prépare à dire : « Je ne mérite plus d’être appelé ton fils… »

Mais c’est une fausse idée que nous avons, en partie alimentée, il faut bien le dire, par une Église qui a très mal compris pendant des siècles ce que devait être le sacrement de réconciliation. Le confessionnal a trop longtemps été une chambre de torture et cela a fait fuir bien du monde.

En réalité, si l’on continue de se baser sur la parabole de ce dimanche, que doit-il se passer au moment où l’on revient vers le père avec en tête ce que nous avons à lui dire ?

Eh bien vous l’avez entendu : le père interrompt son fils, il ne le laisse pas aller jusqu’au bout de la phrase qu’il avait préparée.

Et le pape François, dans le document qui instaure l’année sainte de la miséricorde que nous vivons, rappelait exactement la même chose à tous les prêtres : « Ils ne poseront pas de questions impertinentes, dit François, mais comme le père de la parabole ils interrompront  le discours préparé par le fils prodigue. »

Ah ça change des prêtres de jadis qui nous regardaient d’un air soupçonneux, après qu’on ait péniblement avoué ce que nous avions sur le coeur, et qui osaient encore nous dire : « Tu n’as rien d’autre à te reprocher, mon fils ?… Tu es bien sûr de n’avoir rien oublié ? »

De telles attitudes n’évoquaient pas l’image d’un ministre de l’amour de Dieu, mais celle de juges pervers dont certains auraient volontiers mis des caméras vidéo dans nos chambres à coucher s’il l’avaient pu !

C’est vraiment affligeant de voir à quel point ce sacrement a été mal compris jadis !
Alors que le pardon de Dieu est infini. Nous autres, les prêtres, nous devons vous accueillir de façon inconditionnelle et sans indiscrétion.

«Le pardon de Dieu est infini»

Le pape François insiste aussi pour que nous accueillions l’autre frère, celui qui s’offusque du retour de son cadet, persuadé – lui – d’avoir fait tout juste.

Nous l’avons aussi en nous, ce frère-là, quand nous regardons les fautes des autres et que nous nous indignons en pensant que nous, bien sûr, nous n’aurions pas fait cela. C’est une attitude tout aussi fausse et qui demande elle aussi d’être purifiée par l’amour de Dieu.

Ce fils qui juge son frère trop durement, c’est vous, c’est moi. Et cet autre fils qui est parti et qui revient, persuadé de ne plus mériter l’amour de son père, c’est vous, c’est moi.

Et nous revenons vers Notre Père. Nous revenons vers lui à chaque messe, certains que le fait même de revenir à lui et d’être conscient que nous ne sommes pas parfaits, suffit à son pardon. Toutes les lectures du jour nous le disent, d’ailleurs.
Après avoir célébré la Pâque dans le désert, les Hébreux ont pu manger les fruit de la terre. Mais avant, Dieu ne les a jamais abandonnés, ils avaient la manne. Josué nous le rappelait dans la première lecture. Dieu ne nous abandonne JAMAIS. Quels que soient nos torts. Quelle que soit notre errance, quels que soient nos déserts intérieurs ou extérieurs.

«L’amour de Dieu : du béton armé, du granit massif !»

Paul, dans l’extrait de sa seconde lettre aux Corinthiens que nous avons entendu, nous implorait : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu ! » Et il nous rappelait que nous ne sommes plus esclaves de nos fautes, que le Christ nous a libérés de tout cela.

Alors oui, Dieu nous aime. Mais d’une force, chers Amis… j’aime mieux vous dire que c’est pas de la guimauve ou du cannabis façon Woodstock. C’est du béton armé, du granit massif, son amour. Il nous aime comme nous sommes. Et certainement pas comme nous nous rêverions. Et ça aussi, c’est une sacrée bonne nouvelle !


4e dimanche de Carême

Lectures bibliques : Josué 5, 9a.10-12; Psaume 33; 2 Corinthiens 5, 17-21; Luc 15, 1-3.11-32

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6 mars 2016 | 09:15
Temps de lecture: env. 4 min.
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