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Homélie

Homélie du 25 février 2024 (Mc 9, 2-10)

Abbé François-Xavier Amherdt – Eglise Saint-Germain, Savièse, VS

I. Romains 8,31-34

« Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » J’en suis tout ému : c’était ma devise d’ordination, il y a 40 ans, le 17 juin 1984, sur la place de l’aérodrome à Sion, avec 50’000 pèlerins venus pour la plupart à pied, certains de Savièse et du secteur de Grimisuat, Arbaz et Ayent. Avec le saint pape Jean-Paul II. [Nous étions trois à être ordonnés prêtres du diocèse de Sion, le défunt Pierre-Louis Coppex et Joël Pralong, ancien vicaire de Savièse, actuellement en activité pastorale d’écoute à la basilique Notre-Dame de Valère de Sion et à l’ermitage de Longeborgne.]
40 ans, un long temps, j’espère pas un Carême trop pénible pour les paroissiens qui ont eu à me supporter !

Dans son chapitre 8 dédié à la vie dans l’Esprit, saint Paul clame : « Dieu n’a pas refusé son propre Fils », comme l’avait déjà fait Abraham, prêt à sacrifier l’enfant de la promesse. Le Seigneur nous a livré Jésus le Messie, préfiguré par Isaac : « Comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? »

Ainsi, le Père nous justifie et nous choisit, le Fils nous ressuscite et intercède pour nous. « N’ayons pas peur », ainsi que l’a dit le pontife polonais de suite après son élection. Personne ne peut nous atteindre, car Dieu est avec nous, Emmanuel, le Vivant qui prie pour nous. « Qui sera contre nous ? »

II. Le sacrifice de louange

De ce fait, offrons ce que nous avons de meilleur, tel le patriarche disposé à rendre ce que le Seigneur lui avait pourtant donné après tant d’années d’attente, de stérilité pour sa femme Sarah, [qui veut dire « la princesse »].Offrons-nous en sacrifice, le mot est si beau, il signifie, en latin, « faire sacré – sacer facere ».
Faisons monter notre sacrifice d’action de grâces, comme le chante le Psaume 115 de ce dimanche, notre prière de bénédiction pour ce Dieu qui sème et multiplie la descendance des patriarches et les fils et les filles de l’Église, tels les étoiles dans le ciel et les grains de sable de la mer.Il nous bénit tandis que nous le louons. Il dit du bien sur nous, bene dicere en latin.

III. Transfiguration

Escaladons la colline de la Transfiguration dans notre chambre, mais oui, en faisant oraison, dans une église ou une chapelle, en vivant l’adoration.
Allons-y avec tout l’Ancien Testament représenté par le Maître de la Loi et du Pentateuque, Moïse, et par le prophète par excellence qui, croyait-on, devait revenir, Élie.
Montons-y en compagnie de tout le Nouveau Testament, représenté par les trois apôtres les plus proches du Christ, Pierre, Jacques et Jean, qui veulent y rester et dresser trois tentes. Ils constituent le nouvel Israël et désirent la tente-tabernacle de la rencontre, qui abritait l’arche de l’Alliance et la présence du Seigneur.

Jésus, reconnu par le Père comme le Fils bien-aimé dans la nuée de l’Esprit, y change de visage. Il devient blanc comme à la Résurrection. C’est déjà Pâques anticipé. Les apôtres ne comprennent rien, ils saisiront seulement plus tard. Marc maintient le suspense, avec son silence gardé sur le Messie tout au long de son récit, jusqu’au pied de la croix et au matin du tombeau vide.

IV. La Tradition du Carmel

Comment nous laisser transformer de l’intérieur et con-figurer au Christ ? Comment devenir lumineux comme à notre baptême ? Comment prendre déjà un autre visage, dès ici-bas ? Comment nous unir à Jésus ?

C’est la tradition carmélitaine qui nous montre le mieux la voie à prendre, à la suite d’Élie. Avec la grande Thérèse d’Avila et son compagnon mystique espagnol Jean de la Croix. Avec Élisabeth de la Trinité et la petite Thérèse de Lisieux, que les Saviésans vénèrent tant à la chapelle des Mayens-de-la-Dzour [en y célébrant l’eucharistie tout l’été, ainsi que des mariages et des baptêmes].

Les maîtres du Carmel, la montagne et Élie nous montrent comment nous placer sous l’ombre de l’Esprit, à l’exemple de Marie. Ils nous apprennent à plonger dans l’oraison et l’adoration, les deux termes venant du latin os – oris, le visage : l’oraison ou prière silencieuse en présence du Seigneur qui habite dans notre intimité, l’adoration ou la face tournée vers Dieu (ad Deum).

Installons un « oratoire » dans notre appartement ou notre maison, un coin-prière pour notre famille. Le mot or-atoire a toujours la même étymologie, os-oris [– vous remarquerez que j’apprécie l’origine des termes employés]. Rendons-nous à l’oratoire de notre paroisse, ici à Saint-Germain, à l’oratoire Saint-François au-dessous de l’église, avec un petit ostensoir dans le tabernacle que plusieurs peuvent ouvrir. Faisons de la chapelle des Mayens, de toutes les chapelles de nos villages avec leur saint patron, de nos petites églises, des « espaces Sainte-Thérèse ».

V. Oraison

L’oraison est très simple. C’est un commerce d’amitié avec Dieu, c’est un entretien familier avec le Seigneur, affirme Thérèse de Lisieux. C’est le centre de toute prière, précise le Catéchisme de l’Église catholique, l’essentiel de notre relation à Dieu.

« Je l’avise et il m’avise », dit aussi le paysan du curé d’Ars. C’est me mettre devant lui et écouter la Parole [de l’Enfant Jésus et du Ressuscité]. Avec l’adoration, ainsi que nous la vivons à Saint-Germain chaque mois aux 40 Heures, autour du 1er vendredi du mois, du jeudi soir au samedi midi, [un peu comme un petit triduum pascal,] nous sommes là devant lui et nous laissons les rayons de soleil de l’hostie dans l’ostensoir nous renouveler. Comme un « bronzage » du Saint Esprit, si j’ose dire. Nous le pratiquons aussi chaque mardi à Granois et jeudi soir à Saint-Germain, à la suite de la messe, et également avec les enfants et jeunes adorateurs.

Faisons de nos paroisses des écoles de prière et d’oraison, ainsi que le prône la Lettre de Jean-Paul II Pour entrer dans le nouveau millénaire. Laissons-nous transformer à l’image de la sainte face, telle la petite sainte de Lisieux. Transmuons nos églises et communautés en paroisses eucharistiques, comme c’est particulièrement le cas pour Savièse et sa splendide Fête-Dieu, [presque unique au monde].

Que dans le silence de nos cœurs habite la Bonne Nouvelle de Moïse, d’Élie, de Jésus-Christ et des apôtres. Écoutons leur voix : « Le Seigneur t’aime tel que tu es. Tu n’as pas besoin de correspondre aux standards du monde et de la publicité. » Laissons-nous chérir et cajoler.

Que de notre oraison-adoration déborde ensuite dans la mission, la charité et le service. Soyons des disciples-adorateurs et missionnaires.

VI. Régulièrement

Essayez et vous verrez ! Prenez chaque jour, chaque semaine, chaque mois, un moment d’oraison, un temps d’adoration, 10 minutes, une demi-heure, une heure, comme vous le pouvez. Et le monde en sera transfiguré.
« Ralentissons l’allure », nous demande le calendrier de Carême. C’est dans le cœur à cœur à l’intime de notre méditation que le Seigneur nous attend.

VII. Prière : « L’oraison, levier de l’amour du monde » (Thérèse de Lisieux)

Entendons Thérèse de la Sainte Face.
« Un savant a dit : «Donnez-moi un levier, un point d’appui, et je soulèverai le monde.» Ce qu’Archimède n’a pu obtenir parce que sa demande ne s’adressait point à Dieu et qu’elle n’était faite qu’au point de vue matériel, les saints l’ont obtenu dans toute sa plénitude. Le Tout-Puissant leur a donné pour point d’appui : Lui-même et Lui seul. Pour levier : l’oraison, qui embrase d’un feu d’amour, et c’est ainsi qu’ils ont soulevé le monde, c’est ainsi que les saints encore militants le soulèvent et que jusqu’à la fin du monde les saints à venir le soulèveront aussi. »

2e Dimanche de Carême
Lectures bibliques : Genèse 22, 1-18; Psaume 115; Romains 8, 31-34; Marc 9, 2-10

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25 février 2024 | 09:35
Temps de lecture: env. 5 min.
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