Jésus chassant les marchands du temple, par Le Greco (1600)
Homélie

Homélie du 3 mars 2024 (Jn 2, 13-25)

Abbé François-Xavier Amherdt – Eglise Saint-Germain, Savièse, VS

I. Une maison de prière

Après la prière d’Alliance avec Noé au 1er dimanche des tentations, l’oraison et l’adoration au 2ème dimanche de la Transfiguration, voici en ce 3ème dimanche de Carême la prière dans le temple, à l’église et au cœur de l’existence. Pour nous à Savièse, c’est l’église paroissiale de 1523, qui a célébré l’an dernier son jubilé des 500 ans, avec la plaque commémorative posée à l’entrée.

Et ce sont les 7 chapelles principales de Granois, Ormône, Drône, Chandolin, où se célèbre aussi la Fête-Dieu, Vuisse, Mayens-de-la-Dzour et Grand-Zour, le terme « chapelle » donnant chapelet, prière dans la petite chapelle.
C’est à Saint-Germain que se vivent tous les baptêmes et mariages, sauf en été, les confirmations et, espérons-le, parfois les ordinations et professions religieuses.
Nos lieux de culte sont des espaces de prière où se rassembler et adorer la Trinité, et non des refuges de brigands s’y croyant à l’abri et y pratiquant leur trafic.
Ne pensons jamais qu’il suffit de venir à l’église pour échapper aux mauvais coups et aux reproches. Le repentir sincère et le changement de vie sont toujours indispensables !

II. Corps du Christ

Car le véritable temple est le Corps du Christ. C’est en lui que réside la plénitude de la divinité. Nos édifices religieux servent à recevoir le corps du Seigneur dans l’eucharistie, à l’adorer et à nous réunir en Église, qui est également appelée le Corps du Christ.

C’est le corps détruit du Crucifié que l’Esprit a rebâti en trois jours par la Résurrection, révèle l’évangile de Jean. C’est en lui que nous sommes appelés à résider.

Et quand nous sortons en procession lors de la Fête-Dieu à travers Savièse, nos rues, nos villages et nos quartiers, c’est pour faire de nos lieux d’habitation et de nos cités la maison du Seigneur. Il nous donne sa lumière et son pain. Il la répand en abondance, comme la semence. Du tabernacle à la ville entière, c’est une seule demeure.

III. Faiblesse de nos corps

Puisque nous sommes façonnés à l’image de Dieu, nos propres corps ressemblent à celui de Jésus. Nous sommes véritablement des temples de l’Esprit, dans nos membres, nos corps, nos âmes et nos esprits. C’est pour cette raison que, dès le baptême et encore à l’Évangile, nous nous marquons la tête, la bouche, le cœur, et aussi les yeux, les oreilles, les épaules, d’un signe de croix. Pour que le Seigneur nous ouvre tout entiers, dans tous nos sens et toutes nos dimensions, à son Esprit de sainteté.

Puisque le Condamné au Golgotha pousse la folie et la faiblesse jusqu’à partager notre humanité, [en toutes choses excepté le péché,] nos corps brisés et broyés par la maladie, l’âge, les accidents ou les handicaps sont semblables au sien.
Et, sagesse extrême de Dieu, c’est dans la chair des paralysés et des souffrants qu’il se rend particulièrement présent. L’onction inscrite sur le front et les paumes des mains manifeste visiblement, tel un sacrement, l’action invisible de la Trinité. Elle nous guérit de nos blessures, elle nous libère de nos blocages, elle nous pardonne nos fautes.

C’est ce que nous vivrons à Savièse tout à l’heure, au Home pour personnes âgées de Zambotte, puis cet après-midi à Ayent, pour tout le secteur, avec les sacrements des malades et de la réconciliation et la prière des frères et sœurs. Par l’onction reçue, chacun devient un autre Christ, puisque le mot « Christ » signifie « marqué de l’huile ».

Puissance immense du Père au plus profond de notre toute vulnérabilité, force de Dieu au cœur de notre infinie petitesse, dynamisme de l’Esprit au grand dam des dictateurs et des tyrans : L’onction dans la peau des humbles et des pauvres réalise le signe que le Crucifié, chanté par la 1ère lettre aux Corinthiens, offre à la démesure et à la stupidité du monde.


IV. Adorer Dieu seul

J’adore ce Dieu si proche des petits, donc de chacun(e) de nous. C’est le seul Être que je puisse adorer, ainsi que nous le redisent les dix commandements de l’Exode.

Actuellement, nous adorons Djokovic, Steve Jobs ou Alain Delon. Mais qui sont-ils, ces stars de pacotille, qu’un rien renverse de leur trône, [ainsi que le chante le Magnificat] ? C’est le Dieu unique que nous pouvons seul adorer. Arrêtons de galvauder le terme et de le mettre à toutes les sauces, du style : « J’adore le chocolat ou les boucles d’oreilles ».

Il nous donne un jour de repos, le sabbat devenu notre dimanche chrétien, pour vivre en êtres libres, poursuivre sa création et le célébrer à l’église en communauté.

Venir célébrer la liturgie ecclésiale, c’est-à-dire en grec, l’action du peuple, c’est nous remplir le cœur et le corps de la Parole et du pain de Dieu, aussi indispensables que l’eau pour les plantes, le bois pour le feu, ou la benzine pour le moteur.C’est nous arrêter pour un temps de prière entre frères et sœurs, et mieux accomplir ensuite notre labeur et notre partage. Tel le sang qui revient au cœur, s’y régénère et retourne ensuite à nouveau vers les membres.

V. Ora et labora

Je vous suggère donc une troisième couleur de prière, après les feux ignatiens et carmélitains : la prière avec notre corps, en paroisse, pour en vivre au quotidien et partager avec nos frères en souffrance.

C’est la devise de la règle de saint Benoît, « Ora et labora – prie et travaille ». Viens prier la Parole, viens la méditer en lectio divina, viens célébrer l’office, l’opus Dei, la liturgie [avec les autres moines], avec les autres membres du groupe, de la société, de l’Église, les fidèles de toutes provenances et conditions. Offre au Seigneur ton corps, viens recevoir en présentiel le corps du Christ. Sois-en le temple. Ne le déchire pas en ne venant pas. Ajoute ta pierre de prière à l’édifice.

Accueille l’onction si tu es malade, physiquement, psychologiquement, moralement ou spirituellement. Sois comblé de la divine puissance.

Puis retourne à ton ouvrage, à ta profession, à ton service, à ton aumône, aux projets de l’Action de Carême.

Réalise les commandements de l’adoration du Nom de Dieu, du respect de son jour sacré, de l’amour de ta famille et de tous tes prochains, sans meurtre ni adultère, sans mensonge ni vol, sans faux témoignage ni convoitise ni impureté.

VI. Disciples-missionnaires

« Ite missa est – Allez dans la paix du Christ », proclamerons-nous tout à l’heure, au terme de cette célébration. Cela vient du verbe « envoyer, mittere ». Allez, vous êtes envoyés, ne rentrez pas chez vous comme avant, vivez en hommes et femmes nouveaux !

Soyons disciples de Jésus, de Benoît [et aussi de saint Dominique], à l’écoute du Maître et de son Verbe. Méditons-le. Puis devenons missionnaires pour porter la Bonne Nouvelle au bout de la terre. Même sur votre lit de maladie, vous êtes envoyés, car votre prière se vit en communion avec la totalité de l’humanité.

Cet après-midi à 16 heures à l’église d’Ayent, et partout dans l’ensemble de la Romandie, rassemblons-nous en un seul corps et, par les sacrements de l’onction et du pardon, partageons et louons !


VII. Prière : Adorons le Seigneur qui façonne notre corps

Le Seigneur me façonne jour après jour, patiemment, au creux de sa main. J’ai besoin de temps en temps d’y reposer ma joue pour éprouver la chaleur maternelle de sa paume. Ô Père de tendresse, merci de m’accueillir tel que je suis. Merci d’apaiser les larmes de mon cœur et de me tenir à l’abri de tes doigts, tout contre toi. Je ressens ma faiblesse tout contre toi. Je ressens que je suis petit.

3e Dimanche de Carême
Lectures bibliques : Exode 20, 1-17; Psaume 18; 1 Corinthiens 1, 22-25; Jean 3, 16

Jésus chassant les marchands du temple, par Le Greco (1600)
3 mars 2024 | 09:35
Temps de lecture: env. 5 min.
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