Homélie du 4 octobre 2015

Mes sœurs, mes frères,

 

Lors d’un cours de catéchisme, l’enseignant, essayant de parler de l’amour de Dieu aux enfants de son groupe, leur posa cette question : « Est-ce qu’on peut voir l’amour ? ». Un adulte aurait peut-être pu répondre : comment peut-on voir un mystère, ce n’est pas possible, déjà que ce n’est pas conceptualisable ? Mais un enfant ne se pose pas ce genre de question, car l’enfant est fils du royaume de Dieu, il sait donc ressentir les choses de Dieu ; pour preuve, voici la réponse d’un enfant de ce groupe de catéchisme : « Je vois l’amour quand maman et papa s’embrassent ». Il avait tout compris ! Mieux, il a compris qu’un mystère, ça ne s’explique pas, mais ça se vit. Et, si Dieu est amour, vivre l’amour, c’est vivre Dieu. Autrement dit : laisser place à l’amour dans nos vies, et par excellence dans le couple humain, c’est laisser Dieu exister sur cette terre qu’il a créée.

 

La Parole de Dieu de notre liturgie d’aujourd’hui, frères et sœurs, nous oriente tout naturellement vers une méditation du mystère de la vie, lequel s’incarne avec force dans celui de l’amour. L’amour est une réalité incréée, puisqu’il est Dieu et que Dieu est avant que quoi que ce soit ne fut. Donc, pour donner corps à l’amour, il a fallu que Dieu crée « le monde et tous ses habitants ». Ainsi nous l’a rappelé le Livre de la Genèse, Dieu modela tous les êtres vivants, et l’homme leur donna à chacun un nom ; le nom qui fait être, comme une preuve de l’existence de celui qui le porte. Mais parmi tous ces êtres l’homme n’en trouva aucun qui lui corresponde, c’est-à-dire aucun avec qui il puisse entrer en relation, aucun qui puisse, en quelque sorte, l’assurer de sa propre existence. N’était-ce pas là, à ce moment, le temps pour Dieu de faire l’expérience de la solitude à travers celle de l’homme ?

Alors, pour n’être plus seul, ni lui ni sa créature, Dieu façonna un être qui correspondait à l’homme, et celui-ci lui donna un nom : « Ishsha », femme. « Homme et femme il les créa ». Et Dieu ne fut plus seul, parce que l’homme n’était plus seul. Et c’est alors que le texte de la Genèse nous livre une phrase d’une extrême beauté, une sentence sublimant la loi naturelle et transcendant la pensée : « l’homme s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un ».

 

Frères et sœurs, l’enfant du catéchisme de tout à l’heure ne connaissait assurément pas le livre biblique de la Genèse, il ne put donc donner la définition que l’enseignant attendait ; cependant il en donna l’image dans sa réalisation, en relatant cette forme extérieure visible que prend l’amour par le baiser échangé. « Tous deux ne feront plus qu’un » est en quelque sorte la définition de l’amour et, l’image que l’enfant en avait retenu, sa manifestation.

 

Dans son Évangile, saint Marc se réfère à ce passage de l’Ancien Testament pour répondre à la difficile question de la répudiation que lui posaient les pharisiens. Et ainsi Marc part d’un acte négatif, disant le contraire de la réalité – donc du mal face au bien –, pour aboutir à cette définition déjà entendue : « L’homme s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair ». Le Livre de la Genèse dit que : « tous deux ne feront plus qu’un », que l’on peut comprendre, si l’on se met sur un plan relationnel ; l’évangéliste Marc, lui, va plus loin quand il nous dit : « et tous deux deviendront une seule chair ». Nous sommes là, frères et sœurs, dans un régime d’incarnation. Et qu’est-ce qui prend corps dans l’union de l’homme et de la femme ? – l’amour, bien sûr.

Nous pouvons repenser à l’image de l’enfant du catéchisme. Cette union, qui demande de quitter père et mère, c’est-à-dire un attachement naturel et fondateur, pour s’attacher à quelqu’un qui corresponde, c’est-à-dire pour un attachement créateur, cette union permet l’incarnation de l’amour. C’est comme l’incarnation continuée du Fils de l’Amour, et Amour lui-même, une nuit du Temps, à Bethléem. L’amour rapproche deux personnes, une femme et un homme, ce qui manifeste dès lors entre eux deux une seule existence. Cela fait dire à notre cher pape François : « L’image de Dieu est le couple conjugal : l’homme et la femme ; pas seulement l’homme, pas seulement la femme, mais tous les deux ». Cette alliance ainsi expliquée n’est autre que l’alliance de Dieu avec les humains, avec son Église. Cette alliance est donc image de Dieu.

 

N’est-ce pas beau, frères et sœurs ! Nous sommes créées pour aimer, tous, pour vivre en relation avec des êtres qui nous correspondent et, par la même, donner, à travers l’amour partagé, une image de Dieu. Nous devenons dans cet amour reflets de Dieu et de son propre amour ; tous, qui que nous soyons, si nous savons aimer en vérité.

S’agissant de l’amour conjugal scellé par le lien sacré du sacrement de mariage, le pape François dit – comme j’aimais à le dire aux fiancés en préparation de mariage, mais il le dit tellement mieux que je préfère le citer ici – : « Dans l’union conjugale, l’homme et la femme réalisent cette vocation (celle d’être créés pour aimer) sous le signe de la réciprocité et de la communion de vie pleine et définitive. Lorsqu’un homme et une femme célèbrent le sacrement du mariage, Dieu, pour ainsi dire, se « reflète » en eux, il imprime en eux ses traits et le caractère indélébile de son amour. Le mariage est l’icône de l’amour de Dieu pour nous ».

 

Alors n’oublions pas que, si Dieu nous a créés par amour, tous, c’est pour que, tous, nous en vivions. L’amour est unique, certes, mais il peut se manifester de tant de manières dans la vie des hommes, des femmes et des enfants. L’homme est un être de relation, disions-nous, et c’est l’amour qui authentifie cette relation, qui donne à l’homme sa raison d’être, qui en fait une nécessité. Donc vivre cet amour d’amitié, c’est donner Dieu, présent, à la vie du monde.

 

Ainsi soit-il

 

Lectures bibliques : Genèse 2, 18-24; Psaume 127;  Hébreux 2, 9-11; Marc 10, 2-16

4 octobre 2015 | 09:15
Temps de lecture: env. 4 min.
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