


Homélie du 4 mai 2025 (Jn 21, 1-19)
Chanoine Antoine Salina – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS
Cet ultime chapitre de l’Évangile de Jean fait suite au récit des deux apparitions aux disciples rassemblés en un lieu clôt de Jérusalem, qui nous a rendu témoins de l’exclamation de Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Ce dernier passage se terminait ainsi : « il y a encore beaucoup de signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » .
Ainsi donc nous aurions pu croire que Jean avait décidé de conclure son Évangile à Jérusalem, au lieu même de la Passion et de la Résurrection de Notre Seigneur. Et c’est en Galilée, patrie des disciples que nous nous retrouvons aujourd’hui, une terre sans doute plus hospitalière à leurs yeux que la Judée qui fut le théâtre du procès et de l’exécution du Seigneur.
Les implications de la Résurrection de Jésus dans la vie des disciples
« Le Christ est vraiment ressuscité » avons-nous proclamé et chanté depuis le grand jour de Pâques. Quelles en seront les implications dans la vie des disciples et pour toute l’Église ?
Ce passage, qui aujourd’hui nous est proposé, nous montre les disciples les plus proches de notre Seigneur comme désœuvrés, et sans doute désorientés par tous les évènements qui se sont enchainés dans ces derniers temps.
Comme pour tromper ce désarroi et se donner une contenance Pierre déclare vouloir aller à a pêche. Les disciples décident de le suivre. Sans doute vaut-il mieux agir que de laisser les questions et les doutes envahir leur esprit. Et ce retour à leur activité semblerait marquer un retour au monde d’avant, avant qu’ils rencontrent sur leur chemin un certain Jésus de Nazareth. Ils reprennent le cours de leur vie, qu’ils n’auraient pas dû quitter, pour leur tranquillité !
S’ensuit une nuit sans succès, et nous reconnaissons au lever du jour, avant les disciples, Jésus sur la berge : « les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? »
La proximité de Jésus ressuscité
« Les enfants » On sent dans ces mots la proximité et la tendre bienveillance de Celui-là même qu’il ne leur est pas encore donné de reconnaitre. Le Seigneur sait bien leur insuccès, et pourtant Il attend d’eux la réponse qui lui permettra de leur enjoindre de jeter leur filet à droite de la barque !
Et c’est la pêche miraculeuse : 153 poissons qui, selon Saint Jérôme représentaient la totalité des espèces connues à l’époque, et permettait de souligner symboliquement le caractère universel du Salut. Là encore, c’est Jean qui s’exclame le premier. « c’est le Seigneur ! »
Il reconnait le Ressuscité, comme au matin de Pâques, mais laisse Pierre se précipiter le premier au-devant du Christ. « La terre n’était qu’à une centaine de mètres ». Pierre avait crié sa peur lors même qu’il s’enfonçait dans les flots, quand il était sorti de la barque à la rencontre du Christ marchant sur les eaux ; aujourd’hui il ose plonger !
Un feu de braise, du poisson qui ne provient pas de leur pêche, et du pain : c’est le Seigneur encore une fois qui invite à son repas. Cet épisode de la pêche miraculeuse nous rappelle celui de la multiplication des pains et des poissons et revêt un caractère eucharistique.
Les disciples sont partagés, entre la crainte, de celle qu’ils avaient éprouvée lors de la Transfiguration et des diverses apparitions de Pâques : « Aucun des disciples n’osait lui demander : qui es tu ? », et la joie de se retrouver en présence du Maître.
L’Eglise est le lieu du pardon
S’ensuit l’épisode que nous attendions en fait, qui justifie sans doute la place de ce chapitre dans notre Évangile :« Simon, fils de Jean m’aimes-tu vraiment plus que ceux-ci ? »
Nous pouvons imaginer le profond désarroi de Pierre suite à son triple reniement. La vue du Ressuscité n’avait pas réussi à effacer le souvenir de sa trahison !
« M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » s’agit-il de savoir qui l’emportera de tous les disciples sur le plan de l’amour ou bien de pousser Pierre en le provoquant pour se risquer à une démarche de conversion ?
Deux verbes sont utilisés dans cet échange : notre Seigneur utilise le verbe « agapein »qui signifie : aimer de manière inconditionnelle, donner sans attendre en retour; c’est l’amour le plus pur qui est associé à l’amour divin, de celui qui fait les martyrs.
Pierre quant à lui répond par « philein » qui signifie aimer comme un ami, ce verbe ne comporte pas de dimension héroïque ou sacrificielle.
Derrière la réticence de l’apôtre il nous est relativement aisé de nous reconnaître ; c’est un peu comme si on nous demandait abruptement si nous étions disposés au don total, au martyre.
Pierre est bien placé pour connaître ses propres limites.
Le Seigneur l’interroge trois fois, Lui et le disciple utilisent toujours les deux verbes, mais il y a une progression dans le récit, le Seigneur semble aller à la rencontre de Pierre qui peu à peu est lui-même élevé à la hauteur du Maître .
Le Seigneur n’aura eu de cesse de nous surprendre, et tout d’abord lors du choix des premiers disciples, était-il raisonnable de miser sur eux, entre Juda qui le livrera, Pierre en son reniement, et les autres parfois si lents à décrypter les projets de Dieu à la lumière de l’Écriture. N’aurait-il pas été opportun de se reposer sur les élites en Judée ?
« Pierre m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » C’est toi que je choisis pour être le chef de l’Église, pour la guider en sa naissance. Je connais tes faiblesses, mais toi surtout tu en es conscient et tu as su en payer le prix des larmes !
« Sois le berger de mes brebis ! »
Ainsi Pierre le poids de ton repentir pourra nous faire mesurer combien grande est la miséricorde de ce Dieu qui n’a de cesse de nous convoquer en Son Royaume.
Le reniement du premier des apôtres n’est pas effacé, mais l’épisode est transformé en grâce et nous indique que l’Église est mère et qu’elle est le lieu du pardon !
J’ai lu ce petit récit qui peut illustrer cette réalité : Un moine, à qui fut un jour demandé ce que lui et ses frères faisaient au monastère, donna cette réponse : « Nous tombons et nous nous relevons, nous tombons et nous nous relevons, nous tombons et nous nous relevons ! »
Ainsi donc, pour reprendre les mots du Pape François : « L’Église est toujours l’Église des pauvres et des pécheurs qui cherchent le pardon, et pas seulement des justes et des saints, mais des justes et des saints qui se reconnaissent pauvres et pécheurs ! » Dans les prochains jours les cardinaux réunis en Conclave désigneront celui à qui sera confiée la charge de gouverner la barque de l’Église ; prions pour que le successeur de François sache être un homme de Paix, de Miséricorde et garde le souci de la Vérité !
3e Dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 5, 27-41 ; Psaume 29 ; Apocalypse 5, 11-14 ; Jean 21, 1-19
La cheminée et les deux poêles de la chapelle Sixtine sont installés
Les cardinaux préparent le conclave

Bannière Foyer Charité
200’000 personnes aux funérailles du pape François

Homélie du 27 avril 2025 (Jn 20, 19-31)
Bernard Litzler, diacre, Eglise Saint-Joseph, Lausanne
Mes amis,
Il y a un avant et un après dans l’Evangile d’aujourd’hui. Avant, c’était la mort de Jésus. Ses disciples, amers, sont là, à Jérusalem, découragés. L’aventure avec leur Maître semble terminée. Trois ans avec lui, et rien n’a changé. Ils sont enfermés, les portes verrouillées.
Soudain, le Christ vient et leur crainte se transforme en joie. Il leur a dit : « La paix soit avec vous » et leur a insufflé l’Esprit saint. Avant, ils étaient abattus, prostrés. Après, ils sont transformés. A tel point qu’ils veulent en témoigner à Thomas, l’absent du premier jour.
Il y a un avant et un après
Thomas, lui aussi, va expérimenter cet avant et cet après. Tout à son indépendance d’esprit, sans peur, il n’est pas avec ses amis. Et il ne les croit pas. Si peu pour lui… Alors il pose ses conditions : « Je ne croirai que si je mets mes doigts dans ses plaies, si je mets ma main dans son côté ».
Après, il tombe, saisi de l’intérieur : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». C’est un dévoilement, une révélation. Ses conditions semblent dépassées : Jésus l’a interpelé : « Avance ton doigt, mets ta main dans mon côté ». Avant, Thomas était dans le doute, la négation même. Après, il est conquis, retourné : les paroles du Christ l’ont fait passer de l’incrédulité à la foi.
Thomas est notre jumeau
C’est bien pour cela que Thomas est notre jumeau. Comme nous, il est pétri de la pâte du doute. Mais Jésus lui a fendu l’âme. Les inconstances de Thomas, il va les dissiper d’un coup.
L’avant et l’après concerne aussi Jésus lui-même. Avant, c’était l’homme sanglant, suspendu à une croix, puis mis au tombeau. Après, c’est l’homme vivant. Il ne va pas d’abord, en les voyant, reprocher aux disciples de l’avoir abandonné, au Jardin des Oliviers. « La paix soit avec vous… » : le Christ ressuscité n’est plus comme avant.
Il offre son pardon à ses amis. Et ce pardon est pour nous, aussi : car le sacrement de réconciliation donne la force d’avancer. « A chaque pardon, disait le pape François, nous sommes ragaillardis, encouragés, car nous nous sentons à chaque fois plus aimés, davantage embrassés par le Père. Et quand, aimés, nous retombons, nous éprouvons davantage de souffrance qu’avant. C’est une souffrance bénéfique qui lentement nous éloigne du péché. Nous découvrons alors que la force de la vie, c’est de recevoir le pardon de Dieu et d’aller de l’avant, de pardon en pardon. (…) C’est cela la vie chrétienne ! »
Croire sans le voir, c’est adhérer avec le cœur
Alors, mes amis, sommes-nous des hommes d’avant ou des hommes d’après la Résurrection ? « Heureux ceux qui croient sans avoir vu », dit le Seigneur. C’est nous, là. Croire sans le voir, c’est adhérer avec le cœur. C’est faire acte d’humilité : « Seigneur, je crois, mais viens en aide à mon peu de foi ».
Avant et après, c’est aussi l’expérience de l’évangéliste Jean. Il a vécu, à l’instar de Thomas, un dévoilement sur l’île de Patmos. Et il le relate dans l’Apocalypse, il a « été saisi en esprit ». Un être vêtu d’une longue tunique s’est révélé à lui : « J’étais mort et me voilà vivant pour les siècles des siècles ». Dévoilement inattendu pour l’Apôtre, communion intense.
Cette expérience inoubliable constituera le dernier livre de la Bible. Livre qui s’achève par ces mots du Christ : « Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement » (Ap. 22, 17).
Oui, le Seigneur transforme nos regards, insuffle une dynamique nouvelle dans nos relations, dans nos perceptions si humaines, si imparfaites. Lorsque nous sommes, comme les disciples, enfermés dans nos peurs, murés dans nos certitudes, il passe… Les traces de la divine miséricorde, nous les expérimentons, tous.
L’Église de l’après-François, c’est l’affaire de tous
L’avant et l’après, c’est aussi celui de l’Église, aujourd’hui. Le décès du pape François l’oblige à choisir un nouveau pasteur. Il y a l’avant, les 12 ans de François, et il y aura un après. Ce processus, mes amis, nous engage : l’élection d’un pape, c’est l’affaire de tout le peuple de Dieu.
135 cardinaux vont voter, mais la prière reste l’élément essentiel de ce choix. Et nous, en étant co-responsables de l’Evangile, nous y sommes invités, en toute fraternité. Car l’Église de l’après-François, c’est l’affaire de tous.
L’Evangile de Jean nous y convie : « Pour qu’en croyant », nous ayons « la vie en son nom ». Le nom de Jésus, mes amis ! Le message du salut est pour tout homme : et c’est la mission de l’Église.
Amen.
2e dimanche de Pâques, Dimanche de la Divine Miséricorde
Lectures bibliques : Actes 5, 12-16 ; Psaume 117; Apocalypse 1, 9-11a.12-13.17-19 ; Jean 20, 19-31