Homélie du 27 septembre 2020 (Mt 21, 28 – 32)

Abbé Wolfgang Birrer – Basilique Notre-Dame, Lausanne

« Lequel des deux fils a fait la volonté du père ? » demande Jésus aux grands prêtres et aux anciens du peuple. « Le premier » Lui répondent-ils très à propos. Avec le Christ, nous sommes conduits à faire nôtre sa qualité de regard. Jésus nous fait entrer dans son regard à Lui sur les personnes (sur soi et les autres). Un regard qui va au cœur, qui est neuf, qui espère, qui est source de vie, qui est confiant.

Avec cette parabole, le Christ nous donne une très bonne nouvelle : chacun est capable de changer, et de changer pour le mieux.

Dans ce récit, il y a un fils qui avait d’abord dit « je ne veux pas », et qui finalement a eu le courage de changer d’avis. Ce faisant, il est dans la volonté du père. Cela nous apprend à ne jamais cantonner quelqu’un définitivement dans une catégorie, à éviter d’étiqueter les personnes.

Chacun peut évoluer vers plus de vie

Cela nous fait entrer dans le regard de Dieu : Il voit plus loin que notre première impression. Il n’oublie pas que l’être humain n’est pas fixé pour toujours dans une posture. La personne humaine est capable d’évoluer, indépendamment de son passé et de ce qu’elle vit dans le présent. L’être humain évolue. Avec la grâce de Dieu, avec Son action dans les cœurs et les intelligences, nous, chrétiens, nous espérons avec cette parabole que chacun peut évoluer pour le mieux, vers plus de vie.

Il en va de même dans la relation avec Dieu : admettons une personne n’arrivant aujourd’hui pas à dire « oui » à Dieu et à l’Evangile. Rien n’empêche qu’à un moment opportun, il lui sera donné d’ouvrir son cœur au Christ et de Lui répondre par un heureux « Oui ».

Humilité et confiance

Que dire de l’autre fils de la parabole, celui qui change dans le mauvais sens ? Cela aussi est une réalité : quelqu’un peut avoir dit « oui » à Dieu, avant de se raviser. Savoir que cette possibilité existe nous conduit à beaucoup d’humilité, mais aussi de confiance.
A beaucoup d’humilité, car personne n’est définitivement à l’abri d’un épisode dans son parcours où il n’arrivera pas à dire « oui » à Dieu.
A beaucoup de confiance, car nous, chrétiens, nous croyons au Christ qui nous reste proche, toujours ! C’est sur Ssa fidélité à nos côtés et sa présence en nous que nous tissons jour après jour notre lien de confiance et d’amitié avec Lui. En outre, nous garderons toujours cette dignité de pouvoir – au besoin – renouer le fil de notre vie avec Lui (notamment dans le sacrement de la Réconciliation).

« Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne » : l’invitation nous est donnée pour chaque jour, pour aujourd’hui et maintenant.
Forts de notre capacité à évoluer pour le mieux et forts du soutien et de l’accompagnement du Christ à nos côtés, nous sommes invités par cette même parabole à travailler à la vigne du Seigneur, à savoir : vivre avec Lui pour vivre de Lui, selon son Evangile, dans ce que nous sommes et faisons.

Devenir des témoins

Ce qui compte – comme pour les deux fils de la parabole de Jésus – c’est ce que nous faisons de notre vie. Nous sommes invités à « faire passer l’Evangile par notre vie personnelle », selon une image du pape François. Par cela, nous devenons des témoins. « Le témoin, c’est celui qui, sans périphrases, mais avec le sourire et une sérénité confiante, sait redonner courage et consoler, car il révèle naturellement la présence de Jésus ressuscité et vivant » (Pape François, Cathédrale de Palerme, samedi 15 septembre 2018).

Que le Christ, dans le don de la sainte Communion, nous donne d’entrer dans sa qualité de regard à Lui : un regard qui va au cœur, qui est toujours neuf, qui espère, qui est source de vie, qui est confiant. Durant notre messe, nous Lui redisons ce qui nous tient à cœur et nous nous laissons combler par le Christ présent, vivant et agissant dans sa sainte Eucharistie. Aujourd’hui encore, le Christ se remet en nos mains. Dans sa sainte Communion, Il se fait lui-même notre nourriture et notre soutien.
Merci Seigneur, de rester proche de nous et présent à nous, et de nous aider à entrer dans la profondeur de ton regard de vie sur chacun et sur soi-même. Aide-nous aussi à être tes témoins. Amen.

26ème Dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques
: Ézéchiel 18, 25 – 28 ; Psaume 24 (25) ; Philippiens 2, 1 – 5 ; Matthieu 21, 28 – 32

Homélie du 20 septembre 2020 (Mc 6, 34-37)

Pasteur Olivier Schopfer – Eglise de la Trinité, Berne

Matinée œcuménique

« C’était bon ! » Les récits de la Création

Dominer et nourrir

« Donnez-leur vous-même à manger ! « 

Chers Ami*e*s,

Devant la foule affamée, les disciples désemparés attendent du Christ ou de Dieu qu’il fasse quelque chose !

Et Jésus les renvoie à leurs propres responsabilités. Il ne leur dit pas : « Débrouillez-vous ». Son message est : « Vous le pouvez ! Vous le pouvez, parce que vous n’êtes pas seuls. Je suis avec vous. Dieu est avec vous. Je vous fais confiance ! »
Et en effet, personne ce jour-là ne restera sur sa faim !

Au sixième jour de la Création, l’être humain reçoit une bénédiction qui dit la même confiance : « Soyez féconds, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les habitants des mers, du ciel et de la terre ferme. »

Mais comment comprendre notre rôle, avec ces mots très forts : dominer, soumettre ?
Bien sûr que ces mots prêtent au malentendu ! Bien sûr qu’ils ont souvent été utilisés pour justifier le pire, la tyrannie des humains sur la création.

Le récit de la Genèse nous montre Dieu en ce sixième jour, créant d’abord les animaux terrestres. Puis vient la fameuse phrase, comme un refrain : « Dieu vit que cela était bon. »

Curieusement, les humains créés juste après, n’auront pas droit à ce refrain !
Par contre, ils recevront une bénédiction, alors que Dieu – dans le récit – n’a pas béni les animaux terrestres. Il avait pourtant béni les poissons et les oiseaux.

Comme pour nous dire qu’il y a un rapport inégal entre les humains et les animaux terrestres. Ils occupent le même espace, la terre ferme, il s’agira donc de régler leur relation.

Dieu voit les animaux comme bons, mais il n’est pas sûr qu’ils pourront prospérer, qu’ils seront bénis. Quant aux humains, ils sont bénis, mais il n’est pas sûr qu’ils seront bons ! Cela dépendra d’eux. Cela dépendra de leur manière de comprendre la mission que Dieu leur confie.

Mais comment dominer la terre, comment soumettre les animaux ?
La clé est dans le récit lui-même : L’être humain est créé homme et femme, l’être humain est créé à l’image de Dieu.

Dominer à la manière de Dieu

L’être humain ne peut donc dominer qu’à la manière de Dieu, sinon il ne serait pas à son image.

Mais alors, comment Dieu domine-t-il ? Là aussi, la réponse est dans le récit : Dieu domine en bénissant. Dieu domine en donnant à chacun sa nourriture !

Pas question de tyrannie ! Pas question d’arbitraire !
Dominer, selon Dieu, c’est aimer et prendre soin : « Donnez-leur vous-même à manger ! »
Dominer c’est cela. Avoir une attitude souveraine.

En français comme en latin, dominer se rapporte à domus, la maison, le domicile.
Ce n’est pas pour rien que nous appelons Dieu notre Dominus : Il est en quelque sorte le maître de la maison, la maison terre habitée.
Et il nous demande d’être nous aussi, là où nous sommes, des maîtres de maison.

Au lieu de soumettre les animaux, on pourrait parler de les domestiquer… ou de les dompter.

Et pour la terre, la dominer pourrait simplement signifier la cultiver, avec respect.

Dominer ne signifie pas exploiter, dominer ne signifie pas mépriser.
La domination à l’image de Dieu, c’est une relation dont le moteur n’est pas le profit mais l’affection et la reconnaissance. Respecter la création, soigner sa relation avec les autres créatures…

Ce n’est pas tout de s’émerveiller devant un beau paysage ! Respecter la création c’est refuser que les êtres vivants n’existent que comme des produits à vendre ou à acheter.
C’est trouver choquant que le blé soit considéré comme une «matière première», objet de spéculations à la bourse. Le blé, c’est la vie ! S’il est trop cher, des gens meurent de ne pouvoir l’acheter.

La logique économique contredit celle de la Création

La logique économique dématérialise la réalité et la rend abstraite. On croit que ce ne sont que des chiffres. On croit qu’il n’y a pas de lien entre ce que nous consommons et l’état de la planète. Or la logique économique contredit la logique de la Création. Elle ne voit le monde comme que comme une réserve de ressources à exploiter, à notre disposition pour produire des biens. L’homme économique renverse le rapport originel. C’est lui qui crée Dieu à son image, l’image d’un tyran qui veut toujours plus.

Ce dieu-là n’est pas celui auquel nous croyons. Cet être humain non plus ! Dieu n’est pas un dictateur. Ne laissons pas les humains tyranniser la planète. Ne la tyrannisons pas non plus nous-mêmes !

Continuons de réfléchir à notre place dans la Création ! Soyons nous-mêmes créatifs, à l’image de Dieu ! Reconstruisons les équilibres fondamentaux ! Donnons l’exemple !

Et quand quelqu’un a faim, donnons-lui nous-mêmes à manger !
Amen 

Lectures bibliques : Genèse 1, 24-2,4; Marc 6, 34-37