Homélie du 2 août 2020 (Mt 14, 13-21)

Chne Jean-Pierre Voutaz – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Chers frères et soeurs,

La liturgie de ce jour nous invite à descendre au plus profond de notre cœur. Le prophète Isaie (Is 55) interpelle notre liberté : « Vous tous qui avez soif ». La manière de faire de Dieu, c’est de s’adresser à un égal : si tu as soif, viens, on entre en communication. Si tu n’as pas soif, je t’invite aussi, mais je t’avertis à l’avance que tu seras comblé à la mesure de ton désir. Dieu nous fait confiance, il s’adresse à nous d’égal à égal. Est-ce que nous en saisissons la mesure ?

1. Dieu prend soin de nous (Is 55)

Dieu y va, il se manifeste, il prend soin de nous. « Venez, voici de l’eau ». Nous sommes avec le peuple d’Israël, habitué aux traversées de déserts dans son histoire et dans sa vie. L’eau, c’est le bonheur, c’est la vie qui peut se manifester. Lorsque Dieu dit : Venez, voici de l’eau, le désir s’aiguise, l’homme s’approche. Dieu est présenté comme un bon papa, qui prend soin de nous. La lecture continue, voici du vin et du lait. Dieu est vigneron, il a planté la vigne, l’a travaillée, depuis plusieurs années, trois ans avant la première récolte, puis une année d’élevage du vin à la cave. Voici du vin signifie je t’aime, je prends soin de toi depuis longtemps et je me manifeste à toi. Voici du lait : je travaille au quotidien pour m’occuper des troupeaux. C’est du lait frais, il n’est pas en conserve ni en poudre. C’est ta nourriture d’aujourd’hui : que tu vives. Voici de bons plats de viandes savoureuses, tout est prêt pour toi. Je prends soin de toi, je prends soin de ta vie. Dieu prend soin de moi.

2.Toi, prends soin de te frères et sœurs

Jésus, en Matthieu 14, dit à ses amis, à ses apôtres, à ses disciples : « Donnez-leur vous-même à manger ». Autrement dit, ce que j’ai expérimenté avec Dieu – Dieu prend soin de moi en me disant voici de l’eau – je suis invité à le transmettre à mes semblables. Dieu me dit tourne-toi vers tes frères et sœurs et fais comme moi : Toi, prends soin de tes frères et sœurs. Jésus est saisi de compassion envers l’humanité. Que fait-il en voyant l’humanité qui peine ? Il vient les restaurer, dans les deux sens du terme (guérir et nourrir).

Il restaure en guérissant les malades. Nous connaissons des personnes qui ont été malades ou qui le sont, du coronavirus…. Nous connaissons des personnes qui souffrent de solitude, de confinement, des personnes qui souffrent depuis longtemps de maladie. Et le Seigneur nous dit : sois comme moi, saisi de compassion. Donnez-leur vous-même à manger. Prends-les dans ton cœur, prends-les vers moi dans l’eucharistie. Aujourd’hui nous prenons toutes ces personnes et nous disons à Jésus : Je te les donne. Seigneur, viens, viens les saisir, viens les restaurer, donne leur guérison, soutien. Donne-leur cette nourriture, cette vie à laquelle elles aspirent.

Donnez-leur vous-mêmes à manger. Nous sommes démunis, comme dans l’évangile. Nous n’avons presque rien, quelques pains et quelques poissons pour 5’000 hommes sans compter les femmes et les enfants. Comment est-ce que je vais faire ? Le Seigneur ne va pas répondre à cette question, mais il dit laisse ton cœur être saisi, comme avec ces gospels, ces chants des méprisés dont on a ravi la dignité et qui du plus profond de leur être se mettent à chanter, à faire des prodiges, à révéler la beauté de l’humanité.

Quand le Christ nous dit : donnez-leur vous-mêmes à manger, il nous dit : tourne-toi vers ton frère, vers ta sœur, donne-lui un regard d’amour. Souvent, dans les médias, ces dernières années, des personnes ont été dénoncées dans l’Eglise, à juste titre, pour avoir commis des actions mauvaises. Et le Seigneur nous dit – et c’est valable dans chacune de nos familles – tourne-toi vers tes frères et sœurs, donne-leur à manger. Révèle-leur leur dignité, donne-leur un avenir. C’est impressionnant. Comme le Seigneur nous dit : comme moi je te donne de l’eau, je te relève, toi, découvre que tu es faible et pauvre. Découvre que tu es démuni. Et ce n’est pas un inconvénient. Toi, révèle à tes frères et sœurs leur dignité.

3. Prendre soin du passant. La coupe de saint Bernard (11e siècle, en bois)

Prendre soin. Dieu prend soin de moi, le Christ m’envoie prendre soin de mes frères et sœurs. Dans cette maison, j’ai sorti ce matin un objet du trésor, le plus ancien. C’est une coupe en bois de 9 cm de hauteur et de 35 cm de diamètre, contenant une cuillère du 14e siècle en argent. C’est un plat, qui se situe entre la soupière, le plat à salade et la coupe de fruits, un des premiers plats en usage dans cette maison dans les années 1050. A cette époque, saint Bernard était confronté à des frères et sœurs qui mouraient en montagne. Il a fondé cette maison, cet hospice. Il y a apporté ce plat, cette écuelle pour dire : toi, mon frère, ma sœur, je prends soin de toi. Sois un vivant. Mange. Bois. Repart chez toi restauré. Le diacre dépose cette coupe vide sur l’autel, en y mettant vos noms, vos pensées, les personnes que vous avez dans votre cœur, pour dire au Seigneur prends soin de cette humanité, Viens restaurer mes frères et sœurs.

Saint Paul, dans l’épître aux Romains (Rm 8), nous dit que rien ne peut te séparer de l’amour de Jésus, la détresse, l’angoisse… toutes choses qui semblent être des entraves. Rien n’empêche Dieu de prendre soin de toi. Autrement dit, tu as une responsabilité aujourd’hui, prends soin de tes frères et sœurs. Amen.

18e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Isaïe 55, 1-3; Psaume 144, 8-9, 15-16, 17-18; Romains 8, 35.37-39; Matthieu 14, 13-21

Homélie du 26 juillet 2020 (Mt 13, 44-52)

Chne Raphaël Duchoud – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Chers Pèlerins, chers frères et sœurs dans le Christ et vous tous qui vous vous unissez à notre célébration dominicale par l’intermédiaire des ondes de la Radio romande, c’est avec joie que je vous adresse ce mot de bienvenue pour célébrer ensemble le Christ ressuscité qui nous rassemble pour se donner par sa Parole comme par son Corps et son Sang.

Au cœur de la réflexion des pèlerinages alpins de cette année 2020, une parole de l’Evangile selon saint Jean, brève mais porteuse de tout un programme de vie, nous est proposée à la méditation : « Si tu savais le don de Dieu. » (Jn 4, 10.) C’est ainsi que Jésus s’adresse à la  Samaritaine au début de leur rencontre et tout au long de ce dialogue qui s’engage, cette femme va se mettre en pèlerinage intérieur du cœur pour découvrir peu à peu le don que Dieu lui présente dans son quotidien en Jésus lui-même qui va être reconnu d’abord comme un prophète, puis comme le Messie et enfin comme Celui qui vient sauver le monde.

Découvrir la réalité du Règne de Dieu

A l’exemple de la Samaritaine, Jésus invite chacun également à cheminer intérieurement pour découvrir la réalité du Règne de Dieu, du Royaume qu’il vient inaugurer par sa prédication. Les trois paraboles qui nous sont présentées dans l’Evangile de ce dimanche invitent à trois approches du Règne de Dieu dans notre quotidien par des images populaires, très représentatives en elles-mêmes pour en caractériser la nature : celle du trésor, celle de la perle et celle du filet de pêcheur. Les deux premières connotent une réalité précieuse qui réjouit le cœur de celui qui les possède tandis que la troisième évoque le travail de toute une population vivant aux abord des étendues d’eau ; Jésus révèle ainsi que notre relation à Dieu son Père appelle à la joie et qu’en même temps, elle est une richesse qu’on ne peut nous enlever.

Ce qui est important à souligner, par contre, c’est la manière dont le Règne de Dieu s’introduit dans notre quotidien. A travers la parabole du trésor caché dans le champ, nous avons une découverte fortuite de la présence de Dieu qui interpelle au point de provoquer un changement total dans la vie. Combien d’entre nous n’avons-nous pas fait cette expérience d’une rencontre ou d’un événement qui a marqué notre existence au point d’orienter celle-ci d’une façon toute nouvelle, inattendue ? Mais dans le contexte d’une irruption fortuite du Règne de Dieu, tout se déroule dans la joie ; ce détail a toute son importance pour qualifier notre contact avec le Père de Jésus ; Dieu règne dans la joie et il n’a pas d’autre désir que de nous provoquer à la joie. Celui qui a découvert le trésor le cache à nouveau, comportement curieux, pour ensuite vendre tout ce qu’il possède afin d’acheter ce champ. La joie du Royaume est d’abord toute intérieure et c’est de là qu’elle transfigure la personne au point de lui faire opérer un changement radical dans la vie.

Par la parabole de la perle précieuse, il ne s’agit plus d’une découverte laissée au hasard. Le joaillier recherche la perle fine jusqu’à ce qu’il la trouve. Une fois qu’il l’a trouvée, il vend tout ce qu’il possède pour acheter la perle. Par cette image, Jésus nous révèle une caractéristique du Royaume : celui-ci est à chercher ; une dynamique se met donc en place en invitant chacun à être des chercheurs de Dieu. Dans n’importe quel domaine de la vie, le fait de chercher dénote une volonté d’avancer, de faire progresser car, même si l’on n’y pense pas tous les jours, la vie va de l’avant et ne regarde jamais en arrière. On voit donc naître l’esprit de certaines béatitudes telle que “Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.” (Mt 5, 6) Invitation pressante de devenir ou de rester des chercheurs de Dieu. L’enseignement est donc le même que dans la parabole du trésor caché dans le champ avec cette nuance, toutefois ; alors que le trésor a été découvert par hasard, la perle est recherchée intentionnellement. Ainsi fait écho cette parole de l’Evangile que nous entendons à l’occasion des Rogations : « Recherchez d’abord le Royaume et sa justice et tout vous sera donné par surcroît. » (Mt 6, 33) Invitation à la confiance ; le chercheur de la perle connaît la valeur de celle-ci et ne craint pas de tout vendre pour l’acquérir car il sait qu’il y trouvera son bonheur. Il n’y a pas de demi-mesure dans sa décision. En racontant cette histoire piquante, Jésus se montre une fois de plus comme l’homme des grandes décisions apparemment folles ; lui effectivement s’engage totalement pour le salut de l’humanité. Il y met le prix, le prix maximum et il est bon pour chacun aujourd’hui de réentendre cet appel à tout donner dans un engagement au service du Royaume, déjà dans le mariage, mais aussi dans la vie sacerdotale et religieuse.

La parabole du filet apporte une autre connotation importante : elle enseigne que le tout le monde est invité à s’impliquer dans la recherche du Royaume de Dieu car celui-ci en la personne de Jésus est le don de Dieu adressé à tous et non pas seulement à une élite de gens parfaits. Dieu, par son Fils Jésus, veut régner au cœur de son Eglise composée d’hommes pécheurs. Il s’engage donc à venir chercher cette humanité pécheresse là où elle se trouve, même dans la boue de sa misère et de son péché. Il lui redit encore aujourd’hui : « Si tu savais le don de Dieu ! » tout en respectant la liberté de chacun dans l’acceptation ou dans le refus du salut. Mais attention ! Ce respect de Dieu ne doit pas être interprété comme un “laisser faire”, invitant à la passivité, à l’attentisme, à l’indifférence. La bonté de Dieu n’est pas complicité avec le mal. Par la rigueur de sa parole, Jésus veut réveiller ses disciples afin de leur faire comprendre l’enjeu de leur vie. Quand le chirurgien plonge son bistouri dans une plaie purulente, il n’est pas cruel, il veut sauver le malade. Même à travers un langage qui peut nous surprendre au premier abord par sa couleur apocalyptique, il est clair que Jésus veut créer en nous un choc salutaire.

Ne pas manquer la Rencontre

Comment faire pour ne pas manquer la rencontre avec Celui qui donne tout le sens à notre vie ? A plusieurs reprises au cours de son ministère, Jésus invite ses disciples à veiller, à être attentifs à l’enjeu du temps présent par un acte de foi en Dieu, à laisser éclairer leur propre conscience par sa Parole, à désirer la Sagesse du cœur à l’exemple du roi Salomon qui ne demande pas la richesse et la puissance, mais un cœur capable de discerner et de juger équitablement afin d’être vraiment au service de son peuple.

Le dynamisme du Royaume appelle donc l’attitude du service du prochain et ceci commence dans les plus petites tâches domestiques quotidiennes au service de toute la famille. Demandons chaque jour la grâce de redécouvrir le don que Dieu nous fait en son Fils en prenant conscience de l’appel que nous avons reçu à vivre avec lui l’aventure de l’amour et en nous laissant déranger pour nous mettre en chemin à la suite de Celui qui a tout risqué pour venir faire route avec nous et nous prendre avec Lui.

17e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques:
1 Rois 3, 5.7-12; Psaume 118 (119), 57.72, 76-77, 127-128, 129-130; Romains 8, 28-30; Matthieu 13, 44-52