Homélie du 26 juillet 2020 (Mt 13, 44-52)

Chne Raphaël Duchoud – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Chers Pèlerins, chers frères et sœurs dans le Christ et vous tous qui vous vous unissez à notre célébration dominicale par l’intermédiaire des ondes de la Radio romande, c’est avec joie que je vous adresse ce mot de bienvenue pour célébrer ensemble le Christ ressuscité qui nous rassemble pour se donner par sa Parole comme par son Corps et son Sang.

Au cœur de la réflexion des pèlerinages alpins de cette année 2020, une parole de l’Evangile selon saint Jean, brève mais porteuse de tout un programme de vie, nous est proposée à la méditation : « Si tu savais le don de Dieu. » (Jn 4, 10.) C’est ainsi que Jésus s’adresse à la  Samaritaine au début de leur rencontre et tout au long de ce dialogue qui s’engage, cette femme va se mettre en pèlerinage intérieur du cœur pour découvrir peu à peu le don que Dieu lui présente dans son quotidien en Jésus lui-même qui va être reconnu d’abord comme un prophète, puis comme le Messie et enfin comme Celui qui vient sauver le monde.

Découvrir la réalité du Règne de Dieu

A l’exemple de la Samaritaine, Jésus invite chacun également à cheminer intérieurement pour découvrir la réalité du Règne de Dieu, du Royaume qu’il vient inaugurer par sa prédication. Les trois paraboles qui nous sont présentées dans l’Evangile de ce dimanche invitent à trois approches du Règne de Dieu dans notre quotidien par des images populaires, très représentatives en elles-mêmes pour en caractériser la nature : celle du trésor, celle de la perle et celle du filet de pêcheur. Les deux premières connotent une réalité précieuse qui réjouit le cœur de celui qui les possède tandis que la troisième évoque le travail de toute une population vivant aux abord des étendues d’eau ; Jésus révèle ainsi que notre relation à Dieu son Père appelle à la joie et qu’en même temps, elle est une richesse qu’on ne peut nous enlever.

Ce qui est important à souligner, par contre, c’est la manière dont le Règne de Dieu s’introduit dans notre quotidien. A travers la parabole du trésor caché dans le champ, nous avons une découverte fortuite de la présence de Dieu qui interpelle au point de provoquer un changement total dans la vie. Combien d’entre nous n’avons-nous pas fait cette expérience d’une rencontre ou d’un événement qui a marqué notre existence au point d’orienter celle-ci d’une façon toute nouvelle, inattendue ? Mais dans le contexte d’une irruption fortuite du Règne de Dieu, tout se déroule dans la joie ; ce détail a toute son importance pour qualifier notre contact avec le Père de Jésus ; Dieu règne dans la joie et il n’a pas d’autre désir que de nous provoquer à la joie. Celui qui a découvert le trésor le cache à nouveau, comportement curieux, pour ensuite vendre tout ce qu’il possède afin d’acheter ce champ. La joie du Royaume est d’abord toute intérieure et c’est de là qu’elle transfigure la personne au point de lui faire opérer un changement radical dans la vie.

Par la parabole de la perle précieuse, il ne s’agit plus d’une découverte laissée au hasard. Le joaillier recherche la perle fine jusqu’à ce qu’il la trouve. Une fois qu’il l’a trouvée, il vend tout ce qu’il possède pour acheter la perle. Par cette image, Jésus nous révèle une caractéristique du Royaume : celui-ci est à chercher ; une dynamique se met donc en place en invitant chacun à être des chercheurs de Dieu. Dans n’importe quel domaine de la vie, le fait de chercher dénote une volonté d’avancer, de faire progresser car, même si l’on n’y pense pas tous les jours, la vie va de l’avant et ne regarde jamais en arrière. On voit donc naître l’esprit de certaines béatitudes telle que “Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.” (Mt 5, 6) Invitation pressante de devenir ou de rester des chercheurs de Dieu. L’enseignement est donc le même que dans la parabole du trésor caché dans le champ avec cette nuance, toutefois ; alors que le trésor a été découvert par hasard, la perle est recherchée intentionnellement. Ainsi fait écho cette parole de l’Evangile que nous entendons à l’occasion des Rogations : « Recherchez d’abord le Royaume et sa justice et tout vous sera donné par surcroît. » (Mt 6, 33) Invitation à la confiance ; le chercheur de la perle connaît la valeur de celle-ci et ne craint pas de tout vendre pour l’acquérir car il sait qu’il y trouvera son bonheur. Il n’y a pas de demi-mesure dans sa décision. En racontant cette histoire piquante, Jésus se montre une fois de plus comme l’homme des grandes décisions apparemment folles ; lui effectivement s’engage totalement pour le salut de l’humanité. Il y met le prix, le prix maximum et il est bon pour chacun aujourd’hui de réentendre cet appel à tout donner dans un engagement au service du Royaume, déjà dans le mariage, mais aussi dans la vie sacerdotale et religieuse.

La parabole du filet apporte une autre connotation importante : elle enseigne que le tout le monde est invité à s’impliquer dans la recherche du Royaume de Dieu car celui-ci en la personne de Jésus est le don de Dieu adressé à tous et non pas seulement à une élite de gens parfaits. Dieu, par son Fils Jésus, veut régner au cœur de son Eglise composée d’hommes pécheurs. Il s’engage donc à venir chercher cette humanité pécheresse là où elle se trouve, même dans la boue de sa misère et de son péché. Il lui redit encore aujourd’hui : « Si tu savais le don de Dieu ! » tout en respectant la liberté de chacun dans l’acceptation ou dans le refus du salut. Mais attention ! Ce respect de Dieu ne doit pas être interprété comme un “laisser faire”, invitant à la passivité, à l’attentisme, à l’indifférence. La bonté de Dieu n’est pas complicité avec le mal. Par la rigueur de sa parole, Jésus veut réveiller ses disciples afin de leur faire comprendre l’enjeu de leur vie. Quand le chirurgien plonge son bistouri dans une plaie purulente, il n’est pas cruel, il veut sauver le malade. Même à travers un langage qui peut nous surprendre au premier abord par sa couleur apocalyptique, il est clair que Jésus veut créer en nous un choc salutaire.

Ne pas manquer la Rencontre

Comment faire pour ne pas manquer la rencontre avec Celui qui donne tout le sens à notre vie ? A plusieurs reprises au cours de son ministère, Jésus invite ses disciples à veiller, à être attentifs à l’enjeu du temps présent par un acte de foi en Dieu, à laisser éclairer leur propre conscience par sa Parole, à désirer la Sagesse du cœur à l’exemple du roi Salomon qui ne demande pas la richesse et la puissance, mais un cœur capable de discerner et de juger équitablement afin d’être vraiment au service de son peuple.

Le dynamisme du Royaume appelle donc l’attitude du service du prochain et ceci commence dans les plus petites tâches domestiques quotidiennes au service de toute la famille. Demandons chaque jour la grâce de redécouvrir le don que Dieu nous fait en son Fils en prenant conscience de l’appel que nous avons reçu à vivre avec lui l’aventure de l’amour et en nous laissant déranger pour nous mettre en chemin à la suite de Celui qui a tout risqué pour venir faire route avec nous et nous prendre avec Lui.

17e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques:
1 Rois 3, 5.7-12; Psaume 118 (119), 57.72, 76-77, 127-128, 129-130; Romains 8, 28-30; Matthieu 13, 44-52

Homélie du 19 juillet 2020 (Mt 13, 24-43)

Chne Jean-Michel Lonfat – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Celui qui a des oreilles qu’il entende…! Les paraboles employées en ce jour nous invitent à entendre certes, mais aussi à voir. L’ouïe et la vue ne sont-ils pas deux sens extrêmement importants pour notre vie?

A l’époque du Christ, l’enseignement se fait d’une manière orale. Et cet enseignement est soutenu par les images de la nature, image vivante souvent.

Jésus nous parle de Dieu il nous parle du Royaume, de lui-même et surtout de notre vie et de notre relation avec Dieu. Pour lui c’est capital. Il est Fils de Dieu il sait que sont Père veut notre bien. Il veut nous faire comprendre et expérimenter la vie de Dieu dans notre existence.

Cette vie de Dieu n’est pas uniquement à l’extérieur de nous-même dans le ciel où je ne sais où! Non elle est en nous, elle fait partie de notre propre vie. Les paraboles nous apprennent cela. Et plus particulièrement celles de ce jour. Il y en a trois. Et les trois nous disent combien Dieu est proche de nous, en nous, et qu’il peut avec nous faire des choses magnifiques.

Dieu est un partenaire fiable

Le Royaume de Dieu est à la fois là, présent et il est surtout en croissance et il est aussi à venir. La collaboration ou même l’alliance sont indispensables pour que nous puissions avancer, croître. Dieu est un partenaire fiable il veut notre bien et notre prospérité il désire qu’avec lui nous bâtissions le Royaume. Les images proposées aujourd’hui nous signifient sa grandeur de cœur et notre petitesse à grandir avec LUI.

Oui sa grandeur de cœur et sa patience envers nos difficultés humaines nos lourdeurs, nos péchés. Quelle délicatesse pour nous que ce Dieu si grand et si puissant soit si proche si aimant si humain. Notre vie a un tel prix à ses yeux qu’il est constamment à nos côtés et qu’il se sert même de nous pour faire grandir l’humanité.

La parabole de la graine de moutarde et celle du levain dans la pâte nous le montre bien. Il y a comme une immense disparité entre ce qui est petit et ce qui est grand, entre ce qui est caché et ce qui est mis au grand jour et tout cela dans un processus de développement, de croissance d’évolution vers une finitude. Nous touchons là à la réalité du Royaume, il est en transformation permanente. Notre existence est ainsi en perpétuel mouvement et croissance.

Dans la montagne, lieu de l’alliance

Et Dieu comme un athlète de haut niveau va s’adapter à notre train de vie il va jusqu’à nous être semblable, petit, humble, mais ô combien lumineux et aimant. Lorsque nous marchons dans la montagne, nous expérimentons un peu cette grandeur de Dieu et celle de l’homme capable avec toute sa pauvreté de gravir le sommet et de grandir en lui-même.

Dans la marche tout cela compte, tout participe d’une certaine manière à l’avancement à la croissance dans une approche petit à petit du but, du sommet. La montagne est ainsi le lieu de l’alliance, lieu de la prière, lieu de désert intérieur lieu de la révélation.

Pour mieux et bien savourer le but ou la réussite, pour goûter à la joie et au plaisir final il semble indispensable de passer ou de prendre aussi en compte les moments plus difficiles de nos vies, les échecs, les souffrances endurées. Faut-il parler d’enfouissement, de mort à soi-même comme la semence pour que grandisse la plante ? Les paraboles de la semence et ce thème de la croissance nous y invitent certainement.

Avec les paraboles de ce jour frères et sœurs, nous pouvons percevoir que le Royaume de Dieu est effectivement comparable à quelque chose ou quelqu’un dans un premier temps de petit qui doit se donner totalement, s’enfouir, mourir, pour faire grandir un ensemble.

Le Royaume de Dieu n’est donc pas un lieu en dehors du monde en dehors de l’homme en dehors de tout. Il est la proximité même de Dieu, il est l’être même de Dieu, il est aussi, par ma vie et ma personne, le lieu de la révélation divine d’une certaine manière. Il est surtout un état une manière d’être qui fait que quelque chose à l’intérieur de moi-même et au cœur de la communauté se construit, grandit, se transforme se développe s’ouvre et rayonne pour le bien de tous.

Oui que celui qui a des oreilles entende!

16e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques:
Sagesse 12, 13.16-19; Psaume 85 (86), 5-6, 9ab.10, 15-16ab; Romains 8, 26-27; Matthieu 13, 24-43

Homélie du 12 juillet 2020 (Mt 13, 1-9)

Mgr Jean Scarcella – Abbaye de Saint-Maurice, VS

Mes sœurs, mes frères,

Quand on parle d’un homme de terrain on a vite tendance à le considérer comme plus utile à la collectivité que quelqu’un perdu derrière un bureau occupé à ses paperasses. Ainsi on va reprocher à une catégorie de prêtres d’être des administrateurs et non des hommes de terrain, même chose pour certains papes qui ”voyagent trop”, dit-on encore… Alors posons-nous la question : en tant que chrétien, quel homme de terrain être ?

Regardons tout d’abord Jésus de Nazareth, ce juif qui a parcouru les routes à pied et à dos d’âne. Regardons-le et écoutons-le. Assurément il est un homme de terrain, mais ça veut dire quoi pour nous ? Quelqu’un qui se promène toute la journée, portant la Bonne Nouvelle aux quatre coins des cités et des pays ? Peut-être, mais est-ce suffisant ? Est-il facilement écouté quand il nous aborde dans la rue, au café ou ailleurs ; et puis est-ce qu’on se rend facilement à l’église pour l’entendre ? Que faut-il à cet homme de terrain que je dois être pour être accrocheur comme Jésus l’était ?

Les paraboles : des récits imagés

Jésus parle à ses contemporains, qui sont des gens de la terre, avec des paraboles, c’est-à-dire avec des récits imagés. Des récits qui utilisent des images du quotidien du peuple, des images qui peuvent favoriser la rencontre entre les personnes. Aujourd’hui, plus que jamais nous employons l’image ; combien nos paraboles passent-elles par la vidéo, internet et les réseaux sociaux : on rencontre l’entier de la planète en un clic… Pourtant ce n’est pas encore ça être dans le terrain. Comment faire alors ? Regardons Jésus.

En fait Jésus n’est pas seulement un homme de terrain, il est lui-même le terrain. Et c’est en cela que nous avons à réfléchir pour savoir comment faire pour l’imiter, afin de comprendre comment devenir nous aussi de bons terrains. Si je me pose cette question, c’est parce que c’est sur le terrain qu’est accueilli l’accueil, qu’on rencontre la rencontre. Ainsi faut-il se faire terrain fertile de la foi de l’autre, de la recherche de l’autre, de sa révolte et de ses questions multiples, de sa souffrance aussi.

Des terrains fertiles pour les autres

Alors, à la lecture de l’Évangile d’aujourd’hui, demandons-nous auquel des quatre terrains évoqués par Jésus nous appartenons. Sommes-nous, chacun d’entre nous, non seulement des hommes de terrain, mais aussi de bons terrains, fertiles pour les autres, afin de produire trente, soixante ou cent pour un ? Car là est la pointe de cette parabole du semeur sorti pour semer : le rendement inouï de la récolte. Ainsi l’initiative divine renvoie les destinataires de la parabole à leurs propres responsabilités d’être des terrains qui ”permettent à la prodigalité du semeur la réponse d’une semence étonnamment féconde”.

Oui, frères et sœurs, le semeur ne cesse de sortir pour semer ; le grain de la parole est répandu sans compter et il tombe partout, au risque de se perdre. Par sa Parole faite homme et par son Esprit, Dieu continue d’agir dans le monde. Alors demandons-nous sincèrement de quel terrain nous sommes faits : n’hésitons pas de vérifier la qualité de notre accueil de la Parole.

Sommes-nous simple chemin ? C’est déjà très bien, car ainsi nous pouvons aider les autres à suivre le chemin tracé par Jésus. De ce fait on peut être des parents soucieux de l’éducation religieuse de l’enfant, demander pour lui le baptême et l’ouvrir à l’amour. Oui, tout cela est très bien, mais il convient dans ce cas-là d’exercer la vie chrétienne en famille, par la prière, le suivi de la catéchèse, la pratique dominicale. Car sans cela, oui les grains tomberont sur un terrain, mais plutôt celui de la bonne conscience d’avoir fait ce qu’il fallait, mais sans le vivre, et les grains ne vont que très péniblement donner du fruit. Et combien sommes-nous, prêtres, catéchistes, parents engagés à nous rendre compte du désert spirituel qu’il y a dans le cœur de tant d’enfants… qui pourtant ont tout reçu, comme on aime à dire ! Mais nous le savons maintenant, il ne suffit pas de semer, il faut préparer un bon terrain d’accueil pour pouvoir recevoir et s’engager à son tour.

Le sol pierreux où la semence germe pour aussitôt être brûlée par le soleil, c’est le terrain qui, ayant accueilli la parole avec joie, succombe dès que survient une détresse ou une difficulté. L’épreuve de la maladie ou de la souffrance, par exemple. Pour quoi dès lors souvent en donner à Dieu la responsabilité et oublier que nous pouvons être un terrain fertile où notre foi fécondera la souffrance ?

Les ronces, quant à elles, sont pour une grande part le souci du monde et la séduction de la richesse et du pouvoir qui étouffent la parole. Comme il est difficile parfois de ne pas être de ce terrain-là ; comme il est difficile de témoigner de sa foi dans certaines couches de la société ou certaines administrations : étouffer sa foi pour éviter une faillite financière ou un simple qu’en-dira-t-on, c’est très facile à faire. Alors comment réagir pour être terrain fécond dans ces milieux qui peuvent être hostiles, sinon en restant reliés au Seigneur et Maître de toutes les richesses par la prière ; ainsi nous pourrons plus facilement vivre debout dans ces milieux qui trop souvent écrasent et étouffent les faibles.

Enfin, c’est dans la bonne terre que la semence aura sa vraie force de fructification ; le semeur est infatigable, la semence irrésistible ! Car c’est en écoutant la Parole que nous devenons cette bonne terre en coopérant – comme dit un auteur, et je conclurai par là – : « en coopérant à nous laisser ensemencer profond pour qu’il y ait racines et récolte. Les terrains peuvent être défectueux, les témoins découragés, la parole qui sort de la bouche de Dieu ne lui revient pas sans résultat. C’est la parole qui travaille, que le cultivateur veille ou sommeille. C’est la parole qui transforme le terrain pour en tirer la meilleure part.

Mission accomplie. Moisson assurée. »

15e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques:
Isaïe 55, 10-11; Psaume 64, 10abcd, 10e-11, 12-13, 14; Romains 8, 18-23; Matthieu 13, 1-9