Homélie du 22 décembre 2024 (Lc 1, 39-45)

Bertrand Georges, diacre – Eglise Saint-Laurent, Charmey, FR

Chers frères et sœurs paroissiens du Val-de-Charmey, chers auditeurs et auditrices de RTS Espace 2, en ce 4e dimanche du temps de l’Avent, l’Évangile nous invite à contempler Marie dans sa Visitation auprès de sa cousine Élisabeth. Ce choix est heureux, car nous ne pouvons pas trouver de meilleure accompagnatrice que Marie sur notre chemin vers Noël. Elle nous y entraine à travers trois attitudes :  
– Il y a tout d’abord le service, qui pousse Marie à aller avec empressement soutenir sa cousine plus âgée qu’elle.
– Il y encore, l’action de grâce et la louange. Tout respire la joie et l’allégresse dans cette rencontre : sous l’action de l’Esprit-Saint, Jean tressaille dans le sein de sa mère, Élisabeth clame sa reconnaissance, Marie entonne son Magnificat !
– Enfin, ces deux femmes donnent un lumineux témoignage de foi, sur lequel nous allons méditer. Mais avant cela, revenons huit siècles auparavant, pour nous laisser rejoindre par le prophète Michée dont l’oracle va un jour guider les Rois Mages jusqu’à la Crèche (Mt 2,5-6).

Michée et les autres prophètes bibliques interpellent le peuple de deux manières :

– Parfois ils avertissent ceux qui s’égarent ou s’éloignent de Dieu et de sa loi d’amour, au risque, s’ils s’obstinent dans cette voie, de devenir les artisans de leur propre malheur.  

– A d’autres occasions, surtout dans les temps d’épreuve, ils encouragent ceux qui demeurent fidèles afin qu’ils persévèrent et résistent à la tentation de tout laisser tomber.

Le mal n’aura pas le dernier mot

C’est précisément ce type de prophétie que Michée adresse au peuple : à ceux qui se demandent si Dieu les a abandonnés (ce qui peut aussi nous arriver), le prophète réaffirme que le mal n’aura pas le dernier mot, que le Seigneur accomplira fidèlement sa promesse :  un jour, leur assure-t-il, celle qui doit enfanter mettra au monde un Roi, qui, comme David, naîtra à Bethléem et conduira son peuple. Il sera revêtu de la puissance du Seigneur pour accorder la sécurité et la paix.  (Mi 5,2-4). Autrement dit : Même si les temps sont durs, gardez courage ! Le Messie promis viendra, c’est certain.

Il y a une béatitude liée à la foi

L’Évangile de la Visitation, nous l’avons dit, est tout imprégné de joie et d’allégresse. Il est aussi un puissant témoignage de foi.  « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » se demande Élisabeth. Le mot Seigneur, Kurios, en grec , qu’elle professe est le titre divin que donneront les apôtres à Jésus ressuscité. Élisabeth reconnait donc que l’enfant que porte Marie est le Fils de Dieu. Voilà un bel acte de foi ! Et elle continue dans cet élan en proclamant, au sujet de Marie : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Cette confession de foi rappelle l’interpellation de Jésus à Saint Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20,29). Il y a donc une béatitude liée à la foi. Un bonheur de croire. Si c’est vraiment le cas, ne vaut-il pas la peine de se demander : mais au fond, ça signifie quoi « avoir la foi » ?  

Nous pouvons dire qu’il y a plusieurs degrés ou étapes sur le chemin de la foi :

Croire que Dieu existe, qu’il doit bien y avoir une intelligence qui soit à l’origine de l’univers et de la vie. Certains la nomment Dieu, d’autres, énergie cosmique, « grand horloger », cause première … Cette opinion, très répandue et souvent assez confuse, atteste que l’homme a besoin de religiosité et de croyance.

– Croire Dieu, comme lorsque l’on dit « je crois Laetitia ». Là, je crois celui qui se révèle. « Je crois Dieu », signifie que je le reconnais comme source de vérité, que j’adhère à ce qu’il dit de lui-même (dans la Bible).

– Croire en Dieu. A ce niveau, il y a l’expérience d’une rencontre qui ouvre à une relation de confiance. Je peux me confier en Lui, m’appuier sur Lui. Il s’agit non seulement d’une adhésion de l’intelligence, mais aussi du cœur, qui va entrainer un agir, une pratique, une manière de vivre, illuminée par l’amour.

Reconnaissons-le, lors des périodes difficiles, ce n’est toujours facile de croire à l’existence de Dieu. Au point que parfois, certains nous demandent : « Où est-il ton Dieu ? Es-tu sûr qu’il existe ? » Peut-être que cette question en cache une autre qui est, au fond, la vraie question. « Est-ce que moi, j’existe pour Dieu ? » Dans les moments de doute, d’angoisse, d’épreuve, Dieu peut bien être l’architecte de l’univers …  ce n’est pas le fait de croire à une telle figure lointaine qui va m’aider à avancer.

La certitude que Dieu nous connaît, nous aime

Lorsque nous nous sentons seuls dans nos difficultés, la vraie consolation ne nous viendra pas seulement de la foi en l’existence de Dieu, mais de la certitude qu’Il nous connait, qu’il nous aime, qu’il n’est pas indifférent à notre sort.

Et c’est précisément là que nous touchons le mystère de Noël ! La naissance de Jésus est une sublime manifestation de l’amour de Dieu pour nous. « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle », dit Jésus (Jn 3,16).

C’est pour nous qu’il s’est fait homme. Ne pouvant se résoudre à nous laisser nous égarer, Dieu, en Jésus, se fait l’un des nôtres. Il vient instaurer une relation personnelle, une relation d’amour. Notre foi ne nous met pas en contact avec un concept flou, abstrait, distant, mais bien avec le Dieu vivant. Lorsque la Bible dit « Ainsi parle le Seigneur, lui qui t’a créé. […] Ne crains pas, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi. Parce que tu as du prix à mes yeux, que tu as de la valeur et que je t’aime » (Isaïe 43,1 ; 4), c’est à chacun et chacune de nous qu’il le dit.

C’est à ce niveau-là, que la foi nous rend réellement heureux. Une foi renouvelée en Jésus, voilà le vrai cadeau de Noël ! Et c’est par Marie que nous pouvons le mieux nous préparer à l’accueillir. Aussi, en cette veille de la Nativité, nous pouvons nous tourner vers la Mère de Dieu et la prier : « Vierge bénie entre toutes les femmes, Mère choisie entre toutes les mères, Mère du Christ et mère des hommes, donne-nous ton Fils, donne-nous ton Fils ». (Donne-nous ton Fils – V116, Maurice Debaisieux, Auteur, compositeur).

4e dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Michée 5, 1-4; Psaume 79; Hébreux 10, 5-10; Luc 1, 39-45

Homélie du 15 décembre 2024 (Lc 3, 10-18)

Bertrand Georges, diacre – Eglise Saint-Laurent, Charmey, FR

Chers frères et sœurs paroissiens du Val-de-Charmey, chers auditeurs et auditrices de RTS Espace 2.
Gaudete in Domino semper. Soyez toujours dans la joie du Seigneur ! C’est ainsi qu’est introduite la célébration de ce 3ème dimanche de l’Avent. Alors que les deux premiers sont marqués par un caractère plus pénitentiel, le dimanche du Gaudete nous rappelle que l’attente de Noël est aussi un temps de joie et d’espérance.

Cette dimension de joie apparait très fortement dans les textes du jour :
« Pousse des cris de joie, fille de Sion ! […] Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! (So 3,14)
« Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. (Ph 4,4)
« Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut. […] Jubilez, criez de joie, habitants de Sion car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !» (Is 12,3 ;6).
Dans l’Evangile aussi la joie se répand, avec Jean-Baptiste qui annonce au peuple La Bonne Nouvelle de la révélation désormais toute proche du Messie. Même la liturgie s’y met, notamment par les ornements roses parfois utilisés pour signifier cette joie.

Alors … soyons dans la joie !
« C’est facile quand tout va bien », rétorqueront certains. « Mais pour moi, ce n’est pas vraiment la joie en ce moment. Il y mes problèmes personnels de santé, ou financiers, des soucis de famille … et en regardant la marche du monde il est difficile de voir la vie en rose ! »

Appels bibliques à la joie

À vrai dire, le contexte n’était pas non plus très rose pour ceux qui ont écrit ces appels bibliques à la joie : Sophonie s’adresse à un « petit reste » qui cherche à rester fidèle au Seigneur au milieu de peuples violents et menaçants qui bafouent continuellement les commandements de Dieu.
Le cantique d’Isaïe a été écrit alors que l’empire assyrien menaçait de s’emparer de toute la région et que tout semblait perdu.
De même, lorsque Paul insiste tant sur la joie, il ne s’adresse pas à une communauté où tout « baigne dans l’huile » : c’est depuis la prison qu’il écrit à des fidèles, les Philippiens, qui ont eu à souffrir pour le Christ (Ph 1,29). Il leur conseille de n’être inquiets de rien, de « ne pas entretenir les soucis » (Ph 4, 6) . C’est donc qu’ils en avaient.

La joie, un don de l’Esprit Saint à accueillir

Qu’est-ce que cela signifie ?
Que la joie chrétienne n’est pas seulement une émotion positive, mais un don de l’Esprit Saint à accueillir et à cultiver. On pourrait dire qu’il y a deux niveaux dans la joie :

  • Celle que l’on éprouve lorsqu’une aspiration ou un désir est satisfait, comme lors de belles rencontres, des bons moments partagés, un beau spectacle …
  • Et celle qui provient de la rencontre avec Dieu. C’est de celle-là dont parle Jésus la veille de sa passion : « Votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera » (Jn 16,23). Son motif, sa cause, sa source : Dieu. Non pas les réussites, les succès, les ivresses en tout genre, mais Dieu.

Ne nous méprenons pas : il ne s’agit ni d’une nouvelle méthode Coué, ni d’un déni de réalité, ni même de découvrir une nouvelle technique de pensée positive, mais d’un regard tourné vers l’essentiel, d’une rencontre avec une personne vivante, d’être joyeux de la joie de Dieu. Cette joie, disait Paul VI, est « participation spirituelle à la joie insondable de Dieu » (Paul VI Exhortation apostolique sur la joie chrétienne.)
Accueillons donc avec reconnaissance les joies naturelles et humaines, mais ne nous en contentons pas. Leur multiplication ne saurait étancher notre soif de bonheur et d’absolu.

Ce secret de la joie, les saints aussi l’ont connu, alors qu’ils ne possédaient, pour la plupart, ni les honneurs ni la fortune. Saint Théophane Venard, jeune prêtre, martyr à 31 ans en 1861 a donné un profond témoignage de joie surnaturelle (Missionnaire, martyr en 1861 au Tonkin, partie du Vietnam actuel). À ses proches, il suggérait volontiers que dans les moments difficiles, il fallait « prendre son cœur à deux mains et lui faire crier : Vive la joie quand même !»

On le voit, cette joie n’est pas une émotion superficielle, mais une attitude intérieure qui nous permet de garder confiance en Dieu, même dans les moments les plus difficiles.

Comment cultiver cette joie ?


Les textes du jour nous indiquent plusieurs pistes : je vais en citer quatre :

  • La première est d’avoir confiance en Dieu qui nous sauve (Is 12, 2, 2).
  • La deuxième consiste à ne pas nous inquiéter plus qu’il ne faut, à bien gérer nos soucis en les présentant au Seigneur, tout en remerciant pour ce qui va bien (Ph 4,6-7).
  • « Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes » dit saint Paul (Ph 4,5). La troisième source de la joie consiste à exercer la bienveillance, c’est-à-dire à vouloir le bien des autres en étant aimable, accueillant, ouvert au partage, rempli de délicatesse et de gentillesse. Tout ceci engendre une sérénité qui agit comme un baume dans les relations humaines. Cette bienveillance est bienfaisante. Elle secrète la joie.
    Dans l’Évangile, Jean-Baptiste aussi nous ouvre des chemins de bienveillance. En réponse à la question « que devons-nous faire ? », il invite à partager nourriture et vêtement, à lutter contre l’égoïsme ; à ne pas profiter de sa situation pour s’enrichir injustement (Lc 3,10-14). Au fond, il demande à chacun d’aider, dans la mesure de ses moyens, celui qui est à côté de lui … Cela aussi fait grandir la joie. « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir », a dit Jésus (Ac 20,35).
  • Enfin, chers frères et sœurs la quatrième, ou plutôt la première source de la joie, est la proximité du Seigneur. « Le Seigneur est proche », affirme saint Paul (Ph 4,5). « Le Seigneur ton Dieu est en toi », dit le prophète Sophonie (3,15). « Il vient », assure Jean-Baptiste dans l’Évangile (Lc 3,16).

Dans sa première exhortation apostolique Evangelii Gaudium, la joie de l’Évangile (2013, no 3), le pape François invite chaque chrétien « à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ […] et à le chercher chaque jour sans cesse », car dit-il : « personne n’est exclu de la joie que nous apporte le Seigneur ». C’est donc pour chacun de nous que retentit la Bonne Nouvelle annoncée par l’ange la nuit de Noël : « Voici que je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2,10).

3e dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Sophonie 3, 14-18; Cantique : Isaïe 12, 2-6; Philippiens 4, 4-7; Luc 3, 10-18

Homélie du 8 décembre 2024 (Lc 3, 1-6)

Bertrand Georges, diacre – Eglise Saint-Laurent, Charmey, FR

Chers frères et soeurs, chers auditeurs et auditrices de RTS Espace 2. Nous voici au cœur de ce temps de l’Avent, moment favorable durant lequel nous nous préparons à accueillir le Sauveur d’un cœur nouveau. Pour cela, nous ne sommes pas seuls : trois guides nous accompagnent vers Noël.

  • Il y a tout d’abord les prophètes : Isaïe, Jérémie, Baruch, Sophonie et Michée. Leur mission consiste à mobiliser le peuple à la vigilance et à la prière, afin de reconnaître les signes annonciateurs de la venue du Messie.
  • Il y a également la Vierge Marie, qui nous aide à accueillir pleinement le dessein de Dieu. Habituellement fêtée le 8 décembre, ce deuxième dimanche de l’Avent décale la solennité de l’Immaculée Conception au 9. Mais quoi qu’il en soit du jour précis, nous sommes en communion avec tous les chrétiens qui se réjouissent de la réouverture de Notre-Dame à Paris.
  • Le 3ème guide sur l’itinéraire de la crèche est Jean-Baptiste, le Précurseur, « le plus grand des prophètes » (Lc 7, 28), « la voix qui crie dans le désert » (Jn 1,23). C’est vers lui que nous tournons nos regards en ce jour. Jean-Baptiste prépare la venue du Messie essentiellement de 3 manières :
  • En conduisant ses disciples à Jésus, dont il révèle l’identité.
  • En appelant le peuple à la conversion, notamment par le refus de l’oppression et de l’injustice sociale.
  • En appelant à restaurer les relations abîmées.

Prenons maintenant le temps de développer ces trois dimensions et de voir en quoi elles nous concernent.

Celui que tu cherches : c’est lui, Jésus

Dans l’Évangile de Jean, Jean-Baptiste s’efface pour désigner Jésus comme : « l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » et comme celui sur qui repose l’Esprit saint. Puis, de manière saisissante, il révèle sa véritable identité : « Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. » (Jn 1,29 ; 32 ; 34).
Aux personnes qui, dans la dureté de leur temps, espéraient un Messie Sauveur, il affirme : le voici ! Celui que l’on attendait depuis des siècles est ici au milieu de vous. L’entendre parler de la sorte devait être très émouvant ! Pourtant, ce témoignage n’est pas périmé. C’est à nous également que Jean-Baptiste dit : Celui que tu cherches, peut-être sans le savoir, qui peut donner un sens nouveau à ta vie, qui pardonne les péchés, redonne le goût de vivre, réactive la joie, établit la paix du cœur …. C’est Lui, Jésus de Nazareth ! C’est aussi pour toi qu’il vient à Noël. Laisse-toi prendre par la main, saisir par son amour et éclairer par sa lumière.

Appelés à un changement de vie

À certains moments, le Baptiste prend des accents plus vigoureux, nous appelant à la conversion, c’est-à-dire au changement de vie. Cela apparaîtra de manière encore plus explicite dans l’Évangile de dimanche prochain où il invitera :
Ceux qui ont de quoi se vêtir et se nourrir, à partager avec ceux qui n’ont rien.
Les collecteurs d’impôts à ne rien exiger de plus que ce qui leur est fixé.
Les soldats à ne faire violence à personne.
Actuellement, tout un chacun ressent douloureusement que le monde est traversé de multiples crises. Il n’y a malheureusement pas de solutions « clés en mains », mais la prédication de Jean-Baptiste, que l’on peut adapter à différentes situations contemporaines, nous rappelle que la violence ne fait qu’engendrer la violence et que la paix n’est pas possible sans la justice.

Enfin, et j’y vois le troisième axe du ministère de Jean-Baptiste, pour préparer la venue du Messie, il faut encore que la route soit déblayée. D’où son appel à rendre droit les chemins tortueux, à combler les ravins, abaisser les obstacles et aplanir les sentiers rocailleux.

Invités à jeter des ponts

Ne pourrait-on y voir une invitation à jeter des ponts entre ceux qui ne se comprennent plus ou qui n’arrivent plus à dialoguer ? Reconnaissons que l’harmonie, le dialogue, la communion, ne sont pas toujours au cœur de nos relations. Au contraire : l’actualité nous montre combien, trop souvent notre monde est fractionné, ou même polarisé. Et que dire de nos difficultés à écouter et respecter un point de vue différent du nôtre ? Sans parler de tous ces sujets tellement délicats, voire « explosifs » que l’on ose plus aborder en famille ou entre amis.

Cet appel à restaurer les voies de communication, mieux, de communion, éventuellement au moyen du pardon, constitue une piste inspirante pour vivre un Avent vraiment apaisant.
Pour cela, il est bon de se souvenir qu’il est difficile de bâtir une fraternité, si on se prive d’une paternité commune et que la communion entre les hommes et les femmes se nourrit d’abord de la communion avec Dieu.

En conclusion, nous pouvons retenir que ces trois aspects de la prédication de Jean-Baptiste, à savoir : l’annonce de Jésus, l’engagement pour une société plus juste, et la communion fraternelle, ne devraient jamais être séparés. Car :

  • Une annonce du Christ, qui ne serait pas accompagnée d’un souci réel pour les personnes en situation de précarité n’est certainement pas crédible ;
  • De même, pour les chrétiens, un engagement pour la justice, privé de l’annonce de la foi, finirait par s’épuiser ou risquerait de tourner en contestation peu profitable.
  • Enfin, il serait illusoire de vouloir faire advenir le Royaume de Dieu sans travailler à la communion, sans nous aimer les uns les autres.

L’impuissance que nous pouvons ressentir face aux grands défis de notre époque risque de nous faire baisser les bras. Pourtant, l’enseignement de Jean-Baptiste est applicable jusque dans nos petits cercles familiaux, professionnels ou sociétaux. C’est ainsi que notre monde pourra retrouver le chemin de l’apaisement, de la reconstruction, de la guérison.

Alors, chers frères et sœurs paroissiens et auditeurs, reprenons courage et laissons-nous encore interpeller par l’appel du prophète :
« Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours. […]. Debout, Jérusalem ! tiens-toi sur la hauteur […] vois tes enfants rassemblés du couchant au levant par la parole du Dieu Saint ; ils se réjouissent parce que Dieu se souvient ». (Ba 5,5).

2e Dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Baruc 5, 1-9 ; Psaume 125 ; Philippiens 1, 4-11; Luc 3, 1-6

Homélie du 1er décembre 2024 ( Lc 21, 25-36)

Bertrand Georges, diacre – Eglise Saint-Laurent, Charmey, FR

Chers frères et soeurs, chers auditeurs et auditrices de RTS Espace 2, je suis très heureux d’être ici à Charmey, et … pas trop dépaysé puisque, saint Laurent, diacre, saint patron de votre paroisse, est aussi celui de la paroisse de Givisiez et Granges-Paccot, dont je suis le répondant pastoral.

Le 1er dimanche de l’Avent, un mois avant la fin de l’année civile, inaugure une nouvelle année liturgique. Ces moments forts de transition nous offrent une belle occasion de faire le point sur notre route, de nous rappeler d’où nous venons et où nous allons, de nous situer dans notre rapport au temps.

Il y a le temps qui passe, trop vite ou trop lentement, le temps que l’on gagne ou que l’on perd ; le temps que l’on prend et celui que l’on donne, celui qui fait son œuvre et qui efface les peines, ou encore, le temps qui nous manque, même si un proverbe africain dit que « quand Dieu a fait le temps il en a fait assez ».

Notre rapport au temps

On peut concevoir le temps comme un déroulement cyclique, qui épouse les rythmes de la nature, des saisons, des phases de la lune, ou la succession de nos semaines.
On peut le pressentir aussi comme un temps linéaire. Cette manière de l’envisager est assez familière à notre culture occidentale, en raison de notre héritage judéo-chrétien qui pose le principe d’un commencement du monde, décrit dans la Genèse, et d’une fin qui adviendra lors du jugement dernier évoqué dans l’Évangile que nous venons d’entendre, et qui cédera sa place à la bienheureuse éternité.

Enfin, il y a le temps liturgique qui fait défiler sur l’espace d’une année, les différentes étapes du Mystère du salut et leur actualisation dans nos propres existences. Ce cycle liturgique par une heureuse alternance de temps festifs, pénitentiels, ou plus ordinaires, nous offre une « nourriture » adaptée et bienfaisante pour l’équilibre de notre vie spirituelle.

Ce temps liturgique est à la fois cyclique et linéaire

En reprenant les notions précédemment évoquées, nous pouvons dire que notre temps liturgique est tout à la fois cyclique, car les mêmes mystères sont célébrés chaque année, et linéaire. En effet : Si Dieu est sans commencement ni fin, notre monde, lui, a jailli d’un acte d’amour créateur magnifiquement signifié par les premiers mots de la Bible : « au commencement Dieu créa le Ciel et la Terre » (Gn 1,1). Quant à l’homme et la femme, apparus bien plus tard, ils ne sont pas propulsés dans l’existence sans finalité ni but, mais au contraire appelés, au terme de leur vie terrestre, à la résurrection et à la vie éternelle. Ce cheminement est marqué par une idée de progression, de croissance, d’élévation vers la sainteté.

Après avoir réfléchi sur le temps en général et sur le temps liturgique en particulier, arrêtons-nous un bref instant sur le temps de l’Avent qui débute en ce jour et qui a une triple signification :
Tout d’abord, l’Avent est une période de préparation à Noël qui célèbre la naissance de Jésus, le premier avènement du Fils de Dieu.

L’Avent est aussi un temps d’attente, non pas passive, mais habitée de l’ardent désir du second avènement du Christ, de sa venue dans la gloire. Et c’est précisément cela qui est surprenant dans l’Évangile de ce dimanche. Ne sommes-nous pas au premier jour d’une nouvelle année liturgique, au seuil d’un nouveau commencement ? Pourquoi alors l’Évangile attire notre attention vers la fin des temps ?

L’attente de la seconde venue du Christ est au cœur de notre foi

Ces textes en faisant usage du genre littéraire apocalyptique (du grec Apokaluptein qui signifie lever le voile, révéler) sont destinés à dévoiler le fil rouge, à révéler le sens profond du déroulement de l’histoire. Ils nous rendent également attentifs à une vérité de foi, celle du retour de Jésus, que nous avons tendance à oublier alors qu’elle est très présente dans nos liturgies.
Dans le Crédo de Nicée Constantinople, nous affirmons que « Il (Jésus) reviendra dans la Gloire pour juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin ».
Lors de l’Anamnèse (juste après la consécration), nous faisons mémoire de ce qui était : la mort de Jésus, de ce qui est : sa résurrection, et de ce qui sera : sa venue. C’est pourquoi, lorsque le célébrant nous invite à l’émerveillement devant la grandeur du mystère de la foi, nous répondons : « Nous annonçons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire. La seconde venue du Christ, dont nous ravivons le désir durant l’Avent, est donc bien au cœur de notre foi chrétienne.

Notons encore que, même si le contexte semble redoutable et terrorisant, comme il l’est parfois dans notre monde actuel, cet Évangile est avant tout une source d’espérance. L’appel de Jésus à redresser la tête en raison de notre Rédemption toute proche souligne bien que la venue du Fils de l’homme réalisera pleinement le Royaume tant espéré par les hommes et femmes de bonne volonté.

Nous recentrer sur l’essentiel

Enfin, l’Avent est aussi un temps pour nous recentrer sur l’essentiel. En regardant autour de nous, on constate que tout le monde se prépare à Noël. Reste à savoir comment ? Pour répondre à cette question, les textes que la Liturgie nous propose en ce dimanche sont d’une grande aide :
Dans la deuxième lecture, saint Paul nous oriente vers le cœur : Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant […] Et qu’ainsi il affermisse vos cœurs, pour la venue de notre Seigneur Jésus. (1 Thes 3,12-13).

Dans l’Évangile, Jésus nous avertit, tout en nous invitant à mobiliser notre cœur : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste. […] Restez éveillés et priez en tout temps » (Lc 21,34 ;36).

Frères et sœurs, chers paroissiens et auditeurs, l’amour fraternel, une certaine sobriété, la vigilance et la prière sont donc les moyens de faire de cet Avent un temps vraiment favorable de grâces et de bénédictions pour nous préparer à accueillir Celui qui nous a dit « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20). C’est encore Lui qui accomplira la promesse de bonheur qu’Il nous a adressée (cf. Jr 33,14).

Bon temps de l’Avent à toutes et à tous !

1er dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Jérémie 33, 14-16; Psaume 24; 1 Thessaloniciens 3, 12 – 4,2; Luc 21, 25-36