Homélie du 4 août 2024 (Jn 6, 24-35)

Chanoine Simon Roduit – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

« Je suis le pain de la vie, celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif »

Aujourd’hui dans l’Évangile, Jésus nous parle de pain, Il nous parle de Lui. Il est le pain de vie qui se donne en nourriture. Avant de comprendre qui est Jésus, cherchons déjà à comprendre ce qu’est le pain terrestre, pour mieux appréhender et recevoir le pain céleste.

En cette période estivale de camps et de colonies, observons comment est reçu le pain terrestre. Avant un repas en camp de jeunes, les jeunes affamés par les activités en groupes se retrouvent parfois à crier en chœur « on a faim, on a faim ! », et il arrive souvent qu’un jeune se glisse en cuisine pour demander à la cuisinière « qu’est-ce qu’on mange ? », puis face à une bande d’enfants pleins d’énergie, il arrive souvent qu’un animateur doive faire la discipline pendant le repas, en disant « on baisse le volume, les jeunes ! ». Ces trois phrases peuvent nous parler aussi du pain de la vie qu’est le Christ.

1)   Le désir du pain de la vie

Les enfants crient « on a faim » car ils désirent ardemment manger.

Avant l’Évangile que nous venons d’entendre, Jésus a multiplié les pains et la foule en a mangé, puis Jésus s’est esquivé discrètement pour aller prier dans la montagne, afin qu’on ne le saisisse pas pour le proclamer roi. Puis il est apparu à ses disciples sur la mer, mais à nouveau on ne pouvait se saisir de lui. Tout le monde le cherche, comme les enfants qui crient en chœur à la colonie, tous disent « on a faim… » mais faim de quoi ? De se nourrir de la Parole de Jésus ou des simples pains terrestres qu’il leur a donné ?

Jésus va purifier leur faim : leur faim est toute terrestre. Parfois nous aussi nous avons faim de miracles, d’événements extraordinaires, on aimerait que la Vierge nous apparaisse dans une grotte… Jésus nous dit : « Ne vous attachez pas à ce que je vous donne, mais à moi. » Humainement, nous le savons : si tu aimes quelqu’un uniquement pour l’argent qu’il te donne, une simple faillite de son côté te désintéressera vite de lui. Avec Dieu, c’est pareil : si Dieu donne parfois des consolations sensibles, des signes très clairs de sa présence et de son amour, ne nous attachons pas à ce qu’il nous donne, mais à ce qui demeure : celui qui donne.

Pour expliquer cela, Jésus commente le don de la manne au peuple dans le désert : « Ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel, mais mon Père qui est au ciel. » Moïse n’est qu’un instrument momentané pour que Dieu réalise son œuvre. De même qu’à la fin d’un concert de cuivre, on n’applaudit pas le trombone ou les baguettes du tambour, mais bien le musicien, nous sommes invités à rendre grâce à Dieu le Père qui donne le vrai pain qui fait vivre, et qui nous donne de poser de bonnes actions.

Jésus élève nos regards trop terrestres vers le ciel, vers le pain du ciel. Dans l’Évangile, on comprend cette correction de Jésus, car on lui fait cette demande : « Donne-nous toujours de ce pain-là », celui qui descend du ciel et donne la vie.

Ce désir, nous l’exprimons avant chaque communion à la messe ou à domicile, durant la prière du Notre Père, lorsque nous disons : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » ; ce pain-là que nous demandons, c’est Jésus qui se donne tout entier. Ce désir est en chacun de nous, plus ou moins caché. Le saint curé d’Ars nous parle ainsi de ce désir que Dieu a mis en nos cœurs : « Le Bon Dieu voulant se donner à nous, dans le sacrement de son amour, nous a donné un désir vaste et grand que lui seul peut satisfaire. »

A chaque communion, donne-nous Seigneur d’avoir faim de ce vrai pain et de crier avec toute l’assemblée en procession : « on a faim ! »

2)   Mann hou ?

Après avoir crié « on a faim », un jeune de la colonie parvient toujours à se faufiler entre les casseroles pour demander à la cuisinière : « qu’est-ce qu’on mange ? »

Dans le livre de l’Exode que nous avons entendu en première lecture, le peuple dans le désert en a marre de tout, ils récriminent contre Dieu et désirent même aller mourir en Égypte. Ils se souviennent des promesses que Pharaon leur avait faites : en Égypte ils étaient esclaves mais ils avaient à manger. Ils étaient assis à côté des marmites de viandes, mais sans y goûter ; ces promesses d’Égypte ne sont qu’illusion. Parfois, nous sommes tentés par les promesses que ce monde fait miroiter devant nos yeux. Même Jésus sera tenté au désert : « si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela… », lui disait le diable. En revanche, la nourriture que Dieu donne au peuple libre dans le désert est toute différente : c’est un vol de cailles qui vient le soir, et une rosée qui descend du ciel le matin. Cette rosée est particulière et nous dit quelque chose de la manière dont Dieu s’exprime.

La rosée cache une croûte fine comme le givre. Face à cela, on dit : « Mann hou ? Qu’est-ce que c’est ? »  et alors Moïse répond : « C’est le pain que le Seigneur vous donne ». Le peuple est invité à faire confiance en la parole de Moïse, à avoir foi en lui.

De même, la personne humaine de Jésus, en apparence fils de Joseph de Nazareth, cache le Fils de Dieu. Face à lui, on dit : « Qui est-il pour opérer de tels miracles, avoir une telle autorité et une telle sagesse dans ses enseignements ? » et alors l’Esprit-Saint répond : « C’est votre Sauveur que Dieu vous donne. »

De même encore, dans l’Eucharistie, nos yeux terrestres voient un pain normal qui cache quelque chose ou quelqu’un d’invisible à nos yeux de chair. Face à ce mystère, on devrait dire en s’avançant à la communion ou en recevant la communion à domicile, les yeux interrogateurs et écarquillés d’émerveillement : « Qu’est-ce qu’on mange ? Mann hou ? Qui est-ce ? » et alors le prêtre ou l’auxiliaire de l’Eucharistie nous répondra : « C’est le corps du Christ, le Fils de Dieu que le Père vous donne en nourriture. »

3)   Le pain qui nous renouvelle

Dans notre colonie bien vivante, le pain terrestre donne tellement d’énergie que l’animateur est contraint de demander de baisser le volume.

Le pain du ciel que nous recevons en communion est un pain vivant. On ne dit pas « Le cadavre du Christ », mais bien « le Corps du Christ » : c’est un corps vivant, qui se donne et donne la vie. Lorsque nous communions à cette vie divine, ce pain nous restaure et nous renouvelle.

Dans la deuxième lecture, saint Paul a conscience qu’il s’agit d’un pain qui produit une action de vie en nous. C’est pourquoi il demande aux chrétiens de cesser de vivre comme si Dieu n’existait pas, comme les païens qui suivent les convoitises de la chair : quand ils aiment quelque chose ils le prennent, quand ils ne l’aiment plus, ils le jettent. L’apôtre nous invite à nous « laisser renouveler par la transformation spirituelle de notre pensée. » Lorsque nous recevons ce pain de vie, nous recevons Dieu lui-même qui vient nous restaurer de l’intérieur, lui qui nous a créés. Ainsi nous serons des hommes nouveaux avec ce cadeau immense en nous. Le saint curé d’Ars disait : « Quand nous avons communié, si quelqu’un nous disait « Qu’emportez-vous dans votre maison ? », nous pourrions répondre : « j’emporte le ciel. ».

En s’avançant pour recevoir le pain de vie à cette Eucharistie, demandons à Dieu de purifier notre faim, interrogeons le prêtre qui a consacré le pain afin d’y discerner le corps du Christ, et laissons-nous renouveler comme des enfants de Dieu par la puissance et la vie de ce pain.

18e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Exode 16, 2-4, 12-15; Psaume 77; Ephésiens 4, 17-24; Jean 6, 24-35

Homélie TV du 1er août 2024 (Mt 5, 20-24)

Mgr Alain de Raemy – Eglise d’Airolo (TI)

Chers amis,
Je ne sais pas si vous en avez déjà fait l’expérience. Quand on monte sur la montagne, la montagne nous trompe parfois. On a l’impression qu’on est sur le point d’atteindre un sommet, mais dès qu’on y est, un autre se présente… Il en va de même dans la vie. On réussit une épreuve et aussitôt une autre se présente.

Aujourd’hui, dans l’Évangile, c’est précisément le Seigneur Dieu qui nous soumet à une telle épreuve. Quand tu es prêt avec ton offrande, c’est à ce moment-là que vous êtes prêts à profiter d’une bonne fête, quand vous avez presque atteint le sommet, le Seigneur vous pose une nouvelle question: mais es-tu sûr qu’il n’y a pas quelqu’un qui a un problème avec toi ?

Offrir la paix


Le rite ambrosien, dans lequel nous célébrons cette Sainte Messe nous invite, avant de commencer à préparer l’autel, à offrir la paix aux personnes qui se trouvent à nos côtés. Ce n’est pas un hasard. C’est précisément pour nous rappeler ce que le Seigneur nous dit dans l’Évangile :
« Si donc tu présentes ton offrande à l’autel et que tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande devant l’autel, laisse ton offrande devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis reviens et présente ton offrande ».

Il n’est pas dit si tu as un problème avec l’autre, mais si l’autre a un problème avec toi….

Vous êtes sur le point d’atteindre le sommet, et voilà que Dieu vous défie avec un autre sommet ! La question que le Seigneur nous pose n’est pas : « Qui ne t’aime pas ? qui ne t’aime pas, mais qui ne t’aime pas et pourquoi ?

Sainte agitation !

Ce qui se passe dans un coin fait partie du tout

Frères et sœurs, même en tant que Suisses, la question que le Seigneur nous pose est la suivante, en tant que nation parmi les nations. Mais pas seulement : à qui vous avez des reproches à faire, mais qui pourraient avoir des problèmes à cause de vous, par manque d’intérêt de votre part !
Politiquement ou économiquement : qui pourrait manquer de quelque chose, parce que vous, la Suisse, ne faites pas votre part ? Il ne s’agit pas de vivre en tant qu’individu, en tant que famille ou en tant que nation, dans une mauvaise conscience obsessionnelle…
Mais oui de ne pas se contenter de la comparaison qui désavantage les autres :
« mais regardez, s’ils ont plus de problèmes que nous, c’est parce qu’ils sont moins démocratiques, moins organisés, moins généreux… ».

Vu d’en haut, vu de Dieu, il ne suffit pas que je fasse les choses bien ou assez bien dans mon coin. Vu d’en haut, comme d’un drone,
et d’autant plus de la hauteur de Dieu, ce qui se passe dans un coin fait partie du tout, et peut ou non devenir une contribution au bien commun.

Sainte agitation !

Tout est destiné à être partagé

Chers amis, écoutons ensemble les paroles de saint Paul à Timothée : « À ceux qui sont riches dans ce monde. Dieu leur ordonne de ne pas s’enorgueillir, de ne pas mettre leur espérance dans l’instabilité des richesses, mais en Dieu qui nous donne tout en abondance pour qué nous en jouissions. »
Je suis convaincu que Dieu nous donne tout en abondance. Mais ce tout, de la création de l’univers à la beauté de notre humanité, est destiné à être partagé.

Même si ce sont mes propres efforts qui me font avancer, cet avantage me rendra heureux s’il m’ouvre et ne me ferme pas.

Saint Paul nous dit aussi : « Qu’ils fassent de bonnes œuvres, qu’ils s’enrichissent de bonnes œuvres, qu’ils soient prêts à donner et à partager : ils se constitueront ainsi un bon capital pour l’avenir, pour acquérir la vraie vie. »
La vraie vie…

Chers amis, quand Dieu semble trop exigeant, quand l’accès à la vraie vie, généreuse et désintéressée, semble être réservé à un petit nombre, souvenons-nous de l’ascension de la montagne. Lorsque nous sommes sur le point d’atteindre un sommet mais qu’un autre se présente, si nous persévérons, ce véritable sommet arrivera, d’où s’offrira à nous un panorama à couper le souffle !
Cela en vaut la peine !

Dieu sait où se trouve notre bonheur

Dieu a toujours ce panorama devant lui. Il sait où se trouve notre bonheur. Saint Paul insiste à juste titre : « Ne mettez pas votre espérance dans l’instabilité des richesses, mais en Dieu qui nous donne tout en abondance pour qué nous en jouissions. »

Frères et sœurs, « Si donc tu présentes ton offrande à l’autel et que tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande devant l’autel, laisse ton offrande devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis reviens et présente ton offrande. »
Il n’y a pas de plus grand défi pour une vie authentique !

Prenons un moment de silence, dans ce cadre magnifique, pour nous demander, à chacun d’entre nous, en tant que personne privée et en tant que membre de cette Confédération : « Qui pourrait être plus présent dans ma vie ?

Sainte agitation !
Amen !

Lectures bibliques : Timothée 6, 6-19; Matthieu 5, 20-24

Homélie du 28 juillet 2024 ( Jn 6, 1-15)

Chanoine Raphaël Duchoud – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

II R 4, 42-44: Ils mangeront et il en restera.
Ep 4, 1-6 : Un seul corps, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême.
Jn 6, 1-15 : Il distribua à ceux qui étaient là autant qu’ils en voulurent.

Chers Pèlerins ici présents dans cette église de l’Hospice du Grand-Saint-Bernard, chers frères et sœurs dans le Christ qui vous vous unissez à notre célébration par l’intermédiaire des ondes de la Radio romande, nous voici rassemblés en ce matin et unis dans la prière pour célébrer le Seigneur ressuscité. Ce rendez-vous hebdomadaire rappelle à chacun que notre vie en ce monde, nos activités très variées au quotidien, n’ont pas une fin en elles-mêmes, mais qu’elles sont orientées vers une réalité qui nous dépasse et qui transcende l’espace et le temps.

Une disposition intérieure favorable à l’écoute

Cette année, le thème des pèlerinages alpins organisés par l’Hospice du Grand-Saint-Bernard se polarise autour de cette exhortation de Jésus à ses disciples après une longue et intense journée de ministère durant laquelle, et l’évangéliste Marc le souligne, ils n’avaient même pas le temps de manger: « Venez à l’écart et reposez-vous un peu ! » En ce temps de vacances, nous pouvons accueillir cette invitation de Jésus avec joie au point même de croire que nous pouvons vivre ce temps de repos en nous donnant uniquement à notre soif continue de plaisirs dans un divertissement qui nous éloigne de l’essentiel. Quand Jésus invite et prend quelqu’un à l’écart, cela veut dire qu’il a une parole, un message de vie à donner, et il veut de notre part une disposition intérieure favorable à l’écoute et à l’intériorisation.

L’évangile de ce dimanche nous présente Jésus qui monte sur la montagne, à l’écart, pour enseigner ses disciples et les foules, un Jésus qui reste attentif à toute la dimension humaine de ces personnes qui le suivent pour l’écouter et combler leur attente. L’évangéliste Jean place cette rencontre de Jésus à l’écart sous le signe du pain de vie. Et si le récit de la multiplication des pains est présenté à notre méditation, un message est donné pour que, dans un temps de repos et de relâche, nous soyons capables d’accueillir une parole qui nous aide à découvrir l’identité d’un Dieu qui se révèle et se donne par son Fils Jésus qui nous révèle son visage.

Dieu continue de se révéler afin que nous mettions nos propres qualités au service du Royaume

Quelqu’un pourra dire : « Je connais, je sais ; on nous répète cela depuis le catéchisme. » Armons-nous de courage et laissons-nous interroger par saint Jean qui nous fait une série d’affirmations déconcertantes dans ce long discours du pain de vie. Le contexte nous présente Jésus comme le charpentier de Nazareth qui a laissé sa boutique pour passer de village en village avec un petit groupe de disciples afin parler du Règne de Dieu. Et jusqu’ici, rien de plus extraordinaire pour un pays comme Israël qui, de tout temps, considère l’événement religieux comme déterminant sa propre histoire. Les foules sont attirées par ce Rabbi un peu par ses paroles mais surtout aux vues des signes et miracles qu’il accomplit. Tout le contexte souligne l’éventualité d’une brillante carrière politique possible, mais Jésus y mettra une fin rapide par le discours sur le pain de vie, difficile à comprendre de la part de ses auditeurs. La plupart s’en iront en disant : « Cette parole est trop dure, qui peut la comprendre ». Jésus respectera leur liberté et dira même à ses propres apôtres : « Voulez-vous vous en aller vous aussi ? », demande à laquelle Pierre répondra au nom des Douze : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. ». Le fait de rester avec Jésus pour écouter sa parole, la laisser pénétrer au fond de soi-même permet de reconnaître qu’au delà des simples apparences, Dieu continue de se révéler pour faire grandir en chacun la conscience de sa propre valeur et des possibilités de mettre ses propres qualités au service du Royaume.

Aujourd’hui, le long passage sur le pain de vie commence par la description d’un miracle : celui de la multiplication des pains. Au moins cinq mille personnes sont présentes, qui n’ont pas de provisions ni de pique-nique et qui risquent de défaillir en route si elles n’ont rien à manger. Jésus reste très concret et très attentif aux besoins tout humains de ceux qui le suivent, même s’il est conscient que le signe qu’il va opérer va être interprété d’une façon pas ajustée par rapport au message de vie qu’il annonce.

Du peu surgit l’inattendu

En nous mettant à l’écart, à l’écoute de la parole, nous pouvons être sensibilisés par certains détails qui ont une importance peu négligeable dans la compréhension du message évangélique ; c’est souvent comme ça dans l’Evangile. Dans le texte qui nous intéresse, Jésus demande d’abord à Philippe de lui dire où se serait possible d’acheter du pain pour toute cette foule ; il veut impliquer le groupe des disciples, il veut impliquer chacun de nous pour que nous soyons actifs pour la réalisation du signe de vie, porteur d’espérance et aucun de nous n’a le droit de dire qu’il n’a pas de qualités pour devenir actifs pour hâter la venue du règne de l’Amour. Dans le texte, c’est un petit enfant qui a cinq pains d’orge et deux poissons qui sera mis en avant. Et de ce peu surgira l’inattendu : tous auront mangé et il en restera.

Osons risquer, osons croire

Voici quelques réflexions qui s’imposent : il peut arriver des moments où l’on se retrouve comme à Capharnaüm : c’est beau d’écouter Jésus et d’apprécier ses gestes de salut. Mais à un moment donné, Jésus interpelle, il demande, peu, très peu mais il demande. Il demande d’abandonner nos propres sécurités et de nous laisser impliquer. Il nous demande de nous engager et de partager le peu que nous sommes, mais de le partager. Il y a des moments dans notre histoire personnelle où Jésus demande la foi, de s’abandonner, de le croire, de donner du sien et Lui fera le miracle. C’est lui qui nous rassasiera ainsi que les autres, qui multipliera le peu d’enthousiasme de notre cœur. Il veut le peu que nous avons, mais notre participation : « Dieu qui t’a créé sans toi ne veut pas te sauver sans toi » rappelle saint Augustin. Il n’y a rien d’autre à ajouter, sinon cette exhortation : abandonnez-vous. N’ayez pas peur de faire le saut : renoncez à vos doutes, à vouloir conserver avec jalousie vos petites choses, mais jetez-les dans l’assiette de la générosité pour vous les revoir rendues mille fois plus. Osons risquer, osons croire, osons orienter notre vie sur la voie du don, du désir de partager et le miracle s’accomplira.

17ème dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : 2 Rois 4, 42-44 ; Psaume 144 ; Ephésiens 4, 1-6 ; Jean 6, 1-15

Homélie du 21 juillet 2024 (Mc 6, 30-34)

Chanoine Jean-Michel Lonfat – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Frères et sœurs, chers amis auditeurs,

« Là ou deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux. »

Nous voici donc rassemblés les uns avec les autres ici dans cette église du Grand-Saint-Bernard ou en communion spirituelle avec vous tous qui vous vous unissez à notre célébration par les ondes de la Radio et de la Télévision pour un temps d’écoute, pour un temps de repos également en ce dimanche. La parole de Dieu, l’Écriture sainte nous le dit clairement : « Six jours tu travailleras, un jour tu te reposeras. » Le repos, temps de nourriture pour le bien-être de nos vies, nous est comme demandé par le Seigneur. L’évangile d’aujourd’hui nous le révèle très concrètement.

Les disciples après avoir été envoyé par le Maître pour évangéliser, s’en retournent à lui et viennent partager leurs expériences, ils sont fatigués, ils ont besoin d’être écoutés.  L’annonce de la Bonne Nouvelle leur a demandé de l’énergie et ils aspirent tout naturellement au repos. Le Maître le sait : « venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » leur dit-il. Venez d’abord à l’écart du monde et non dans les distractions que celui-ci nous offre pour vous reposer.

Un lieu désert en compagnie de Jésus

L’endroit désert où nous sommes invités est particulier. Un lieu où il n’y a pas de distraction, le lieu est propice au véritable repos et ceci en compagnie de Jésus. Le partage en profondeur se fait dans le calme et non dans l’agitation, d’où l’importance du lieu désert. Les apôtres viennent des villes, l’agitation y est forte. Jésus le sait bien. L’invitation à quitter la ville pour le désert est un pèlerinage important, nécessaire, formateur même. Nous quittons un endroit pour un autre afin de nous mettre en situation, en état d’écoute.

Il s’agit bien d’un peu de repos, il sera très court. Les disciples vont justement en faire l’expérience : « De fait, ceux qui arrivèrent et ceux qui partaient étaient si nombreux qu’on n’avait même pas le temps de manger », nous dit saint Marc. Oui, cette foule qui va à Jésus a fait le chemin de la ville au désert. Curieusement pour se rassasier, car elle a faim, faim de Jésus et Jésus enseigne.

Curieux non ? Venir de la ville au désert pour manger et être rassasiés. Est-ce bien le bon lieu ? Le désert, à l’écart est-il vraiment le lieu où nous trouvons la nourriture ? Nous verrons que prochainement Jésus nourrira la foule au désert en multipliant les pains. Pour l’instant la nourriture est donnée par la parole.

Nous convertir pour nous laisser toucher

Nous pouvons même dire que, lorsque Jésus parle, il parle au cœur de l’homme, de chaque homme. On peut penser que, dans son enseignement, Jésus a invité les hommes et les femmes à ne plus se considérer comme les membres d’une foule mais comme des individus au cœur affamé. Il nous demande une certaine conversion pour nous laisser toucher. Et cela est peut-être notre cas aujourd’hui.

Reconnaissons-le, la marche que fait l’homme pour trouver et écouter Dieu dans le désert est quelques fois longue, très longue. Cette marche se fait souvent individuellement, mais aussi en famille, en église. La marche communautaire peut aussi quelques fois nous porter et aider la personne qui est abattue par le poids de la fatigue ; oui, le sac à dos est lourd parfois et il est bon de savoir que je ne suis pas seul sur le chemin, jamais seul à le porter.

Lorsqu’on parle du troupeau, du pasteur et des brebis nous faisons allusion à cela. La foule, la multitude des hommes est là dans notre évangile, elle attend d’être nourrie, d’une nourriture non matérielle mais bien spirituelle. Et Jésus, le berger, qui connaît les cœurs sait bien la faim de chacun. Il ne peut rester indifférent, insensible à cela, voilà pourquoi il se met à enseigner, il nourrit.

Ce temps de repos à l’écart, comme ce matin ici, sur le col dans un endroit désert devient, avec Jésus, un temps où l’on jouit de sa présence bienfaisante, qui calme notre faim.

Le dimanche est donc bien ce jour de repos, frères et sœurs, où la nourriture nous est donnée en présence du Maître.

La nourriture vitale : la Parole de Dieu

Le déplacement que nous faisons pour cette occasion, qu’il soit de la ville au désert, de la plaine à la montagne, du salon où règne la télévision à l’intimité de sa chambre, mieux encore, qu’il soit de l’activité cérébrale au plus profond silence de son cœur, ce pèlerinage est très important pour aller chercher la vraie nourriture, celle qui est vitale pour le chrétien : l’écoute de la Parole de Dieu, la lecture et la méditation de cette Parole.

Frères et sœurs, nous avons marchés, nous sommes ensemble pour écouter la voix intérieure, pour prier, pour nous nourrir de la présence de Dieu. Il est temps de l’accueillir en nous et de lui laisser une place digne de son rang dans nos vies.

Le pèlerinage pourra alors se poursuivre. S’il est vécu ici sur la montagne ou dans vos milieux de vies, chers auditeurs, ce temps de désert et de ressourcement spirituel pourra alors vous inviter à retrouver vos villes, vos espaces agités, bruyants, où la foule vous entoure, où elle vous bouscule, où elle vous invite à la distraction. Oui, si pèlerinage il y a eu au désert, alors justement osons donner et partager la nourriture reçue dans ce lieu à l’écart.

Vivre notre vocation de chrétiens dans le monde

Forts de ce moment pris avec Lui sur la montagne, dans votre voiture ou votre salon, nous pourrons ensemble reprendre notre marche et, à notre tour, répondre à l’appel qu’il nous fait en allant vivre notre vocation de chrétien dans le monde.

Comme il nous l’a demandé et à l’image des apôtres, allons témoigner de ce beau moment passé avec lui en ce dimanche, le septième jour, le jour de repos. Allons rencontrer nos frères dans la plaine. Allons proclamer qu’il est ressuscité et qu’il est la nourriture de leur vie. Ils ont faim et soif de vérité et de silence intérieur, nous le savons.
Que le Seigneur nous comble et vous rassasie de sa présence,

Bon dimanche à vous !

16e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Jérémie 23, 1-6 ; Psaume 22 ; Ephésiens 2, 13-18 ; Marc 6, 30-34

Homélie du 14 juillet 2024 ( Mc 6, 7-13)

Chanoine Jean-Michel Girard – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice

Dans cet envoi des disciples en mission, il y a un contraste frappant entre, d’une part, l’autorité qui leur est donnée, le pouvoir de chasser les démons, d’opérer des guérisons et, d’autre part, une absence de moyens humains, les situant dans une pauvreté et une vulnérabilité volontaires.

Ces envoyés seront tout à fait à l’image de celui qui les envoie, à l’image du Christ. Sa force personnelle frappait les foules car il parlait avec autorité et non pas comme leurs scribes et impressionnait les disciples quand la mer et les vents lui obéissaient. Les disciples d’Emmaüs parlent de lui comme d’un prophète puissant par se paroles et par ses actes.

Puissance et faiblesse. Il n’a pas d’arme, pas de garde personnelle. Il refuse que l’on use du glaive pour le défendre. Il n’a pas de position sociale valorisante, pas de rôle dans la hiérarchie religieuse. Il n’a pas où reposer la tête.

Jésus est révélation de Dieu

Jésus, par ce qu’il dit et ce qu’il fait, est la révélation de Dieu ; il révèle qui est réellement Dieu.

Oui, le Dieu tout-puissant. Il le dit : « A toi, tout est possible ». Pour nous, il est le créateur ; « tout fut par lui et rien de ce qui s’est fait, s’est fait sans lui ». Nous venons de lui et nous trouvons notre plénitude seulement en lui.

Mais le grand projet de Dieu – si on peut employer ce terme – il ne peut pas le réaliser par sa puissance. Saint Paul le décrit ainsi : « Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs » ; « Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour ».

L’amour s’offre

L’Amour ! L’amour ne s’impose pas. Il s’offre. Peut-être il se mendie, mais il ne s’obtient pas par force. « Voici que je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai et je prendrai mon repas avec lui et lui avec moi ».

Nous avons le pouvoir d’ouvrir la porte et celui de la garder fermée. Face à cette porte, Dieu est démuni puisqu’il ne cherche que l’amour. Mais le fait même qu’il soit démuni est propre à nous désarmer, à faire tomber nos remparts, à nous inciter à ouvrir tout grand la porte sans la peur de perdre notre autonomie, notre liberté. Il est livré, offert.

Dieu est Amour. Rien n’est plus puissant que l’amour et rien n’est aussi vulnérable.

Les envoyés sont appelés à ressembler à Dieu et à témoigner de lui, investis de puissance pour faire le bien et démunis de moyens humains.

Comment vivre notre vocation à l’amour ?

Notre vocation est l’amour. Comment le vivre avec force tout en renonçant aux moyens de pouvoir ?

Une base solide est une profonde confiance : Dieu m’a choisi avant la fondation du monde. Il m’aime à priori, avant toute preuve de mérite de ma part. Il m’a aimé en premier. Dans cette confiance fondamentale, il me sera possible de ne pas me valoriser artificiellement.

Nos liturgies sont un lieu privilégié pour nous établir dans cette attitude. D’une part, elles attestent de notre valeur, de notre grandeur. Le Fils de Dieu vient nous servir, nous nourrir de rien moins que de lui-même. Nous nous adressons à Dieu comme à notre Père. Nous sommes encensés comme Dieu lui-même. Notre grandeur n’est pas une autosuggestion, c’est une célébration qui l’atteste. D’autre part, nous entrons dans la liturgie. Nous nous y laissons faire. Elle nous vient d’abord du Christ : « Faites cela en mémoire de moi ». Ce qui se passe en nous échappe à notre planification.

Célébrons avec beauté et avec joie.

15e Dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Amos 7, 12-15 ; Psaume 84 ; Ephésiens 1, 3-14 ; Marc 6, 7-13