« François est retourné à la maison du Père »

Homélie TV de Pâques, 20 avril 2025 (Jn 20, 1-9)
Abbé Marc Donzé, église Saint-Clément, Bex, VD
Le tombeau est ouvert. Vers quoi ? Vers quel à-venir ?
La pierre a été enlevée. Par qui ? Ne serait-ce pas par la puissance de la vie ? Le tombeau est vide. Les linges sont pliés, bien rangés.
Impression de calme, de paix. Impression de départ pour un nouveau voyage. O mort, où est ta victoire ?, s’exclamait saint Paul. La mort est passée, elle s’est absentée.
Le tombeau est ouvert. S’il est tourné vers l’Orient, à l’aube du matin de Pâques, il se peut qu’un rayon du soleil levant y pénètre. Les larmes cèdent la place à la lumière.
La vie prend un chemin nouveau
Le tombeau est ouvert. Nouveauté inouïe, et pourtant silencieuse et discrète. Mais elle suffit au disciple que Jésus aimait. « Il vit et il crut ». Il ne voit rien d’autre que cet espace vide, ordonné, nimbé d’une lumière nouvelle. Mais, du fond du cœur, il comprend que la mort s’en est allée et que la vie prend un chemin nouveau, un chemin de résurrection, un chemin de transfiguration.
La vie est ouverte à nouveau. Elle va susciter des énergies nouvelles. Pierre, qui court moins vite, le comprend lui aussi. Il trouvera la simplicité de dire à Jésus : « tu sais bien que je t’aime », alors que trois jours auparavant, il l’avait renié ; il trouvera le courage d’aller annoncer la Résurrection du Christ jusqu’à Rome, au péril de sa vie.
Marie devient « l’apôtre des apôtres »
Et Marie-Madeleine ? Au début, elle s’affole : comment est-il possible que le tombeau soit ouvert et vide ? Mais, un peu plus tard, elle entend la voix de celui qu’elle prend encore pour le jardinier, la voix douce et amie, qui, avec un ton d’une inexprimable tendresse, l’appelle : « Marie ». Quel moment bouleversant : la vie nouvelle est aussi communication de paix et d’amour. Mais ce moment de bonheur suspendu n’est pas fait pour que l’on s’y arrête. Il comprend une dynamique : ne reste pas immobile, Marie, dans un attachement où tu te complairais. Va annoncer la bonne nouvelle de la vie, non pas seulement avec des paroles, mais surtout dans le rayonnement du bonheur, de la paix, de l’amour, de la tendresse même. Et Marie-Madeleine se met en chemin et devient « l’apôtre des apôtres ». Mais elle n’est pas séparée de Jésus pour autant, il reste présent au cœur de son cœur.
Voilà que le ciel vient en nous, et que Dieu nous habite
A ce propos, Maurice Zundel écrit : « Jésus ressuscité entre dans la gloire de son Père. Il remonte vers le Père, comme il le dit à Marie-Madeleine. Il remonte vers le Père pour nous communiquer cette gloire qu’il avait, avant que le monde fût. Et quelle est cette gloire qui va transfigurer notre vie et lui donner une valeur incomparable ? Cette gloire, c’est l’Esprit Saint qu’il va répandre dans nos cœurs. Cette gloire, c’est la présence de Dieu, son habitation au plus intime de nous. Voilà que le ciel vient en nous, et que Dieu nous habite, que notre vie est identifiée avec la sienne : « le ciel, dit le pape saint Grégoire, c’est l’âme du juste ».
Oui, le tombeau est ouvert et vide. Alors, la présence du Christ devient différente. (A l’exception de quelques apparitions), il n’est plus à chercher dans un lieu géographique, ni sur le flanc du mont des Oliviers, ni sur le mont Thabor, ni ailleurs. Sa présence devient universelle et personnelle. Pour toute personne qui consent à l’accueillir, il habite au plus intime du cœur. Jean, le disciple que Jésus aimait, l’avait compris : il avait écouté le cœur de Jésus, en reposant sa tête sur le côté de son ami, et il en avait gardé la trace pour toujours. Et Marie-Madeleine elle aussi l’avait compris, sinon elle n’aurait pas eu le courage de prendre la route qui l’éloignait du jardin du matin de Pâques.
Et nous, qui sommes ressuscités avec le Christ, déjà maintenant, comme nous le confirme saint Paul, ne pourrions-nous pas avoir le cœur ouvert, habité par la vie et la tendresse du Christ et rempli d’un dynamisme de lumière ? Alors, nous ne serions jamais seuls. Et même si à certains jours nous pouvons être traversés de découragement, de tristesse ou de sentiment d’abandon, nous ne serions pas seuls, car le Christ ressuscité ne nous abandonne pas.
Cette présence du Christ au plus intime de notre être faisait jubiler saint Augustin : « Vivante sera ma vie toute pleine de Toi », écrit-il. C’est comme un chant qui déborde de son cœur. Il le vit comme un immense cadeau qui embellit et dynamise toute l’existence.
« Toute grâce est une mission »
Oui, c’est un immense cadeau. « Une grâce », comme on dit dans le langage habituel. Mais le cadeau comporte une invitation : « toute grâce est une mission ». Marie-Madeleine l’avait compris, qui courut annoncer la nouvelle. Et Jean aussi, qui proclama l’Amour jusque dans son exil sur l’île de Patmos. Et Pierre également, qui, malgré ses peurs, se laissa guider jusque sur les rivages de l’Italie.
C’est donc une mission pour nous aussi. Elle peut être très simple : vivre dans cette présence du Seigneur ressuscité. Et de cette vie émane un rayonnement, dont nous n’avons pas à nous soucier, mais qui peut parler au cœur de ceux que nous rencontrons. Comme l’écrit encore Maurice Zundel : « c’est cela qui nous remplit de joie en voyant le Christ ressuscité et remonté vers son Père (…). Car, dès cet instant, chacun d’entre nous peut alors entrer dans une grandeur infinie et recevoir une mission universelle. Dès lors, même la vie la plus humble, la plus cachée, peut rayonner sur le monde entier et lui apporter la vie éternelle ».
Alors, le tombeau ouvert, n’est-ce pas une vision vers l’avenir ? Une nouvelle joyeuse et vivifiante, comme l’a compris saint Jean d’un seul regard. Nous aussi, nous pouvons souhaiter, selon les mots de frère Roger de Taizé, que le Christ vienne animer au plus intime de nous la fête de la Résurrection. Alléluia. Amen.
Messe de la Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9

Homélie de Pâques 20 avril 2025 (Jn 20, 1-9)
Abbé Thierry Fouet, Eglise Sainte-Thérèse, Genève
Matin de Pâques : rendez-vous au tombeau, il est vide, et jamais vide n’a été aussi plein. « On a enlevé le seigneur » dit Madeleine. Et jamais absence n’aura été autant présence.
L’Eglise du matin de Pâques, c’est d’abord ce petit groupe de femmes qui, parties de grand matin, pour voir un sépulcre et embaumer un cadavre, découvrent soudain qu’elles n’ont plus à chercher parmi les morts celui qui est vivant…. Et s’en retournent à toute vitesse porter la joyeuse nouvelle aux disciples.
Premières à chercher Jésus après la tragédie du Golgotha, premières à le rencontrer vivant, premières à entendre la parole de paix et l’envoi en mission : ces femmes Apôtres ELLES FORMENT LA PREMIERE COMMUNAUTE PASCALE.
L’Eglise du matin de Pâques, c’est cette pécheresse pardonnée qui pleure au bord d’un tombeau vide parce que quelqu’un, croit-elle, a enlevé le corps crucifié de son bien-aimé Seigneur.
La course des survivants
A l’immobilité apparemment définitive du Christ dans la tombe s’oppose la course des survivants, après Marie-Madeleine, il y a Pierre et Jean. Oui Pierre et Jean à leur tour se mettent à courir. Le plus jeune, Jean, s’efface devant l’ancien : Pierre. Que voit Pierre ? le linge roulé. Sans doute ne comprend-t-il pas ce qui se passe. L’autre disciple, Jean, voit le linge roulé mais pour lui c’est comme si se déroulait le rouleau de l’Ecriture qui annonce que Jésus devait ressusciter. Tout s’éclaire alors. Le jour est levé. Jésus s’est relevé d’entre les morts.
L’Eglise du matin de Pâques, c’est ce groupe d’hommes encore divisés, presque tous sceptiques devant les paroles des femmes : comment pourraient-ils- croire ? Non seulement Celui qu’ils ont suivi est mort mais surtout il est mort désavoué, désavoué par le peuple, par les représentants de Dieu et, en apparence, par Dieu lui-même, les disciples pensent qu’ils se sont trompés sur Jésus.
Depuis le début de la scène, on court beaucoup, on s’agite beaucoup, Dieu vient déranger l’ordre immuable de la mort, il vient arracher comme un voleur, le mort à sa honte. Il vient nous voler notre mort.
DIEU SE FAIT LE PERTURBATEUR DE TOUTES NOS CERTITUDES DONT LA PRINCIPALE :
NOUS SOMMES MORTELS. MAIS LA RESURRECTION NOUS ENLEVE A LA MORT DEFINITIVE.
C’est le Passage, c’est la Pâque.
L’assurance émerge peu à peu du doute
Eglise du matin de Pâques, j’aime tes premiers pas, si timides, si maladroits, combien cela est rassurant pour nous., à l’image du papillon si fragile qui sort de son cocon.
Il faut attendre le vent de la Pentecôte pour prendre ton envol.
En ces premières heures de la semaine pascale nous voyons que l’assurance de cette communauté émerge à peine du doute, sa paix émerge à peine de l’angoisse, et sa joie des larmes, mais c’est déjà l’Eglise de Jésus-Christ ressuscité.
Le croyant essaie sa foi sur tous les terrains
Aussi, je crois d’autant plus en la Résurrection du Christ quand je vois autour de moi des hommes et des femmes qui se lèvent encore pour refuser la fatalité de l’injustice, de la violence et de l’égoïsme.
Je crois d’autant plus en la Résurrection du Christ quand je vois des peuples humiliés se redresser et s’opposer aux forces du mensonge et de la haine.
Je crois d’autant plus en la Résurrection du Christ quand je vois des communautés chrétiennes, anciennes et nouvelles, inventer des nouvelles manières, des nouveaux lieux où chacun est accueilli, aimé, pardonné, écouté.
Je crois d’autant plus en la Résurrection du Christ quand je rencontre des frères et des sœurs visiblement « habités » qui suscitent, qui RE-suscitent tous ceux qui les approchent.
Des mots ? Oui tant que je n’essaie pas ce que la foi rend possible. Le croyant est celui qui essaie sa foi sur tous les terrains. A propos de terrain….
En ce jour de Pâques il est une tradition que j’aime particulièrement et qui a marqué d’émerveillement ma vie de petit garçon. En ce matin particulier, les œufs de Pâques ont été dispersés dans le jardin par une Grand-Mère experte qui sait depuis des années où elle peut les cacher au plus proche, au plus secret.
Dimanche en fin de matinée, tout une bande d’enfants envahit la pelouse. Philippe se précipite sur une des cachettes de l’an passé. Mais cette fois il n’y a rien et il revient tout triste le dire à sa grand-mère. Deux cousines, plus petites, se mettent en quête à leur tour. Nadine trotte en tête ; Annie, de peu son ainée, suit avec prudence.
Sur place elle fouille le feuillage avec méthode. Mais Nadine repart en avant, comprenant qu’il faut chercher plus loin.
Il en va du chemin de la foi comme de la course des petites cousines. Qui croit savoir doit apprendre qu’il ne sait pas et qu’il peut en être tout autrement. Qui s’entête dans sa recherche peut se perdre dans des bandelettes de détails. Mais qui a le cœur assez vif sait ouvrir les yeux et comprendre que le trésor est ailleurs.
Jésus Vivant est toujours présent. Il est un cadeau à découvrir aujourd’hui et c’est sans doute pour cela qu’on appelle ce cadeau « aujourd’hui » : PRESENT.
C’était le premier jour de la semaine. Rien ne semblait avoir changé : les chants des oiseaux, les bourgeons des arbres… tout aurait été comme d’habitude si, dans le silence de la nuit, Dieu n’avait pas fracturé le tombeau.
Ni caméra, ni micro, ni mise en scène, juste un linceul resté là comme un clin d’œil. Nous sommes loin d’un spectacle. DEPUIS CETTE NUIT, LA VIE ETERNELLE EXISTE POUR DE VRAI.
Messe de la Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9

Homélie du Vendredi Saint 18 avril 2025 (Jn 18. 1-19,42)
Abbé Thierry Fouet, Eglise Sainte-Thérèse, Genève
Nous entendons la Passion du Christ, et peut-être la regardons-nous de loin, de très loin… comme si il y avait une partie de nous-même qui se distancie, ou qui refuse Dieu, et toute cette souffrance. Or il y a quelque chose en nous qui crucifie l’Amour. La croix nous montre l’ampleur du drame, celui de refuser l’Amour.
Dieu n’est pas le Dieu de la souffrance et de la mort, c’est aussi un scandale pour lui (éloigne de moi cette coupe…) Jésus n’est pas venu pour souffrir mais pour nous aimer et nous sauver de tous nos refus, de toutes nos croix en nous aimant.
Le drame de l’amour rejeté
Et c’est librement que Jésus s’est donné pour nous, gratuitement. Ce n’est donc pas un sacrifice de réparation, pour calmer la colère d’un Dieu qui aurait exigé la mort de son fils pour sauver l’homme. C’est un drame bien plus grand : l’amour rejeté. Le Père n’a pas dressé la croix sur la route de son Fils, c’est bien l’homme qui l’a fait.
Et c’est bien l’homme qui continue de le faire aujourd’hui. Combien de fois ais-je entendu : « Le pardon ? moi, je n’ai pas tué, je n’ai pas volé… »
Mais lorsque la couleur de nos peaux est une barrière, lorsque nos langues ou nos coutumes deviennent autant d’obstacles entre les hommes, Jésus est crucifié sur le bois de la différence.
Lorsque nos familles se déchirent, lorsque la séparation nous blesse, lorsque la tendresse et l’amour s’effacent, Jésus est crucifié sur le bois du ressentiment.
Lorsque nous rabaissons un collègue ou une connaissance, lorsque nous ne nous respectons pas nous-mêmes, avec nos qualités et nos faiblesses, Jésus est crucifié sur le bois de l’humiliation.
Lorsque notre regard s’arrête aux apparences, lorsque notre cœur refuse la rencontre à cause de préjugés en voyant des gens prier autrement que nous ou avec d’autres mots, Jésus est crucifié sur le bois de l’intolérance.
Lorsque nos mots se font agression plutôt qu’amour, lorsque l’ami oublie ses promesses, lorsque la confiance est trompée, Jésus est crucifié sur le bois de la trahison.
Lorsque nous cachons la vérité afin d’en tirer profit, lorsque nos tromperies provoquent peine et souffrance, Jésus est crucifié sur le bois du mensonge.
Lorsque nous ne voyons que notre intérêt et notre bien-être, fermant nos yeux aux besoins des autres, oubliant jusqu’à leur existence, Jésus est crucifié sur le bois de l’égoïsme.
Lorsque nos paroles blessent l’autre au plus profond de son être, lorsque nous négligeons l’humain dans toute sa fragilité et sa sensibilité, Jésus est crucifié sur le bois de la cruauté.
Lorsque notre vie part à la dérive, que nos espoirs s’effritent, lorsque notre esprit rejette l’aide de Dieu, Jésus est crucifié sur le bois de la détresse.
Lorsque nous nous dérobons devant un appel au secours, lorsque nous fermons nos yeux pour ne pas voir la détresse humaine, lorsque la solidarité fait défaut, Jésus est crucifié sur le bois de la lâcheté. Et bien d’autres exemples encore….
L’amour seul peut nous faire entrevoir la signification de la croix
Or le disciple du Christ qui veut suivre ses traces, afin que l’Amour triomphe, va nécessairement rencontrer la même hostilité, la même haine. 350 millions de chrétiens sont persécutés dans le monde aujourd’hui. Le serviteur n’est pas plus grand que le Maître…
Seul l’Amour peut nous faire entrevoir la signification de la croix. Aimer l’autre en tant qu’autre (Aristote), si j’aime vraiment un ami, un époux, un frère, je vais apprendre à l’aimer tel qu’il est, même avec ses limites.
Alors ce bois de la croix, je le reconnais, Seigneur. C’est le bois dont sont faits mes refus, mes étroitesses, mes manques d’amour. Viens Seigneur, viens prendre le bois de toutes nos croix, n’oublie aucune d’elles, n’oublie aucun de ceux qui souffrent, n’oublie aucune écharde, si petite soit-elle car tu es le Seigneur de la Vie et tu viens nous donner la Vie éternelle pour de vrai.
Jésus, sur la croix tu as dit : « j’ai soif », c’est le cri d’un torturé implorant un peu de pitié. C’est surtout, chez toi, la soif de voir les hommes répondre à ton amour. Tu as soif de mon amour Jésus !
Tu as soif de partager ton Amour avec tous ! donne-nous d’entendre cet appel et d’y répondre. Amen.
Vendredi Saint
Lectures bibliques : Isaïe 52, 13-53, 12; Psaume 30; Hébreux 4, 14-16; 5, 7-9; Jean 18, 1 -19, 42
François, le pape des apparitions-surprise

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Homélie du 13 avril 2025 (Lc 22, 14-23, 56)
Père Casimir TCHEOU – Eglise de Remaufens, FR
Chers frères et sœurs bien-aimés du Seigneur, Chers fidèles auditeurs de la RTS, J’aimerais juste souligner deux aspects, parmi tant d’autres, de la liturgie de ce jour : la joie et la juste tristesse.
- La joie
Il s’agit de l’acclamation joyeuse de notre Seigneur Jésus-Christ comme Fils de Dieu et Roi. Dans notre vie de foi, il est important que la rencontre avec le Christ se manifeste à travers la joie, l’enthousiasme. « Avec le Christ la joie naît et renaît toujours » a dit le pape François (EG, n.1).
- La juste tristesse
Dans la méditation de la passion de Jésus, on peut risquer de s’apitoyer sur le sort de Jésus. Certains films le favorisent. Je pense à celui de Mel Gibson, sans lui nier son mérite. C’est le sentiment qu’ont eu les femmes. Mais Jésus le corrige très vite : « ne pleurez pas sur moi mais pleurez sur vous et vos enfants ». C’est ce que j’appelle la juste tristesse, ou les justes larmes.
Oui le péché et le mal nous défigurent. Le péché et le mal créent tellement de souffrances dans notre monde. Cela ne doit pas nous laisser indifférent. Cela doit nous pousser à :
- Trouver dans la passion de Jésus l’amour et la miséricorde insondable de Dieu qui nous guérit et nous libère, nous et l’humanité entière.
- Trouver dans la passion de Jésus la force et la détermination pour nous convertir à l’amour absolu et à combattre fermement tout ce qui dénature la dignité humaine.
Que l’Esprit Saint allume en nous le feu de son amour ! Que Marie, Mère de la miséricorde nous accompagne. Amen.
Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur
Lectures bibliques : Lc, 19, 28-40;Isaïe 50, 4-7; Psaume 218-24; Philippiens 2, 6-11; Luc 22, 14-23, 56

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Homélie du 6 avril 2025 (Jn 8, 1-11)
Chanoine Jean-Jacques Martin – Cathédrale Saint-Nicolas, Fribourg
Pèlerins d’espérance : comment travailler à un monde nouveau ?
Dimanche dernier nous méditions sur la « parabole de la miséricorde, le Père qui aime du même amour ses deux fils ».
Aujourd’hui, nous voici confrontés à un événement très médiatique, où s’opposent la rigueur aveugle et intransigeante de la loi à l’indulgence du cœur.
Un conflit de tous les temps, où des personnes ont des principes pour faire régner l’ordre, la justice et surtout la clarté des mœurs.
Par contre, il existe aussi des personnes qui osent dénoncer les condamnations hâtives et qui prônent au contraire l’indulgence, la patience envers celles et ceux qui se sentent coupables et fautifs leur permettant ainsi la confiance dans leurs possibilités de changement et de conversion. Bref, une loi qui libère plutôt qu’une loi qui tue.
On le dit souvent : la peur est toujours mauvaise conseillère. Des hommes et des femmes prônant des règles et des normes rigides en appellent à l’extrême rigueur et aux solutions radicales pour éviter tout laxisme.
La loi, c’est la loi. Et malheur à ceux qui oseraient risquer ou remettre en cause des règles établies et des traditions longuement éprouvées !
C’est exactement ce que certains pharisiens, scribes et grands-prêtres reprochent à Jésus. Pour eux la loi, c’est la loi et elle doit être respectée. Finalement : il suffit d’obéir !
Faut-il anéantir le coupable ?
Mais si le péché doit être dénoncé, faut-il pour autant anéantir le coupable jusqu’à le détruire moralement, mais aussi physiquement ?
Cette question est toujours d’actualité : Que dis-tu de tous ceux qui s’enrichissent sur le dos des plus pauvres ? Que dis-tu de tous ceux qui ne connaissent que le langage de la violence ? Que dis-tu de ceux qui s’attaquent aux plus faibles ? La liste pourrait s’allonger…
Nous aurions tendance à penser comme les scribes et les pharisiens : ils méritent d’être punis très sévèrement.
Mais ce qui est important aujourd’hui, ce n’est pas de nous arrêter à ce que nous estimons juste mais de voir ce qu’en dit la Parole de Dieu et de nous laisser interpeller par elle.
Nous avons tous – il faut bien le reconnaître – souvent bien du mal à avoir ce regard de Dieu sur ceux qui nous entourent. Nous avons trop souvent tendance à dire du mal des autres, à les critiquer.
Aujourd’hui, Jésus voudrait nous faire comprendre que cette attitude c’est du poison et du venin. Elle envenime le climat fraternel qu’il devrait y avoir entre nous.
Si nous allons jusqu’au bout de cet évangile, nous découvrons de la part de Jésus une réponse imprévue et étonnante :
Vous l’aurez remarqué : elle ne vise pas la coupable mais ceux qui veulent condamner la femme au nom de la loi. Ils sont tous renvoyés à eux-mêmes : « Celui qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » Alors, nous dit l’évangile, ils se retirent tous en commençant par les plus âgés.
Soyons des mendiants de la miséricorde et de l’amour de Dieu
Chers amis, à la suite de Jésus, soyons véritablement des mendiants de la miséricorde et de l’amour de Dieu.
Dans la période difficile que nous vivons pour notre monde, nous sommes appelés à témoigner de notre espérance, à travailler ensemble, comme peuple de Dieu, avec tous les hommes de bonne volonté et bien entendu chacun personnellement.
Travailler ensemble pour un monde nouveau : qu’est-ce que cela veut dire ? C’est nous engager toujours plus avec celles et ceux qui souffrent de quelque manière que ce soit.
Quand il y a danger dans une partie du monde, la solidarité s’organise magnifiquement par des dons généreux.
Oui, nous sommes invités à bâtir un monde nouveau où les liens de la générosité, de la solidarité abattent les murs de la haine, de la guerre, de la famine, des migrations forcées, des épidémies.
Mais travailler à un monde nouveau doit aussi se vivre dans notre quotidien, dans nos relations avec les autres, d’une manière personnelle. Et ce n’est pas facile tous les jours !
Il faut bien le reconnaître : ne sommes-nous pas aussi parfois armés de pierres et de mépris pour celui qui est sorti de prison et qui avait pourtant tué quelqu’un, pour cet alcoolique qui battait sa femme et faisait peur à ses enfants. Et parfois aussi nous ne leur donnons pas la chance de se racheter, se ressaisir, de changer et de reconstruire un nouvel avenir.
Jésus va cependant les contraindre son auditoire, va nous contraindre, à rentrer en eux-mêmes, en nous-mêmes, un peu comme l’avait fait l’enfant prodigue, dont l’Evangile nous parlait dimanche dernier.
Jésus va nous obliger à constater que nous ne sommes pas aussi purs que nous en avons l’air. « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre » … et chacun s’en retourne chez lui un peu moins fier !
Si cette femme a pu être sauvée, c’est grâce finalement à ceux-là qui ont eu la franchise de rentrer en eux-mêmes et de regarder leur passé peu glorieux. Sans ce retournement Jésus n’aurait rien pu faire pour que cette femme ne soit pas lapidée. En quelque sorte nous pouvons dire que les accusateurs sont aussi sauvés.
Remplace ton cœur de pierre par un cœur de chair
A la suite de Jésus, soyons véritablement des mendiants de la miséricorde et de l’amour de Dieu. Le nouvel avenir qui s’ouvre pour la femme adultère « Va, et désormais, ne pèche plus » s’ouvre aussi à nous : Va, et désormais, remplace ton cœur de pierre par un cœur de chair à l’image du cœur de Dieu que Jésus t’a révélé.
Seule, la voix d’amour peut faire reculer le péché en nous et autour de nous.
Travailler à un monde nouveau parce que tournés résolument vers l’avenir. « Voici que je fais tout chose nouvelle » nous a dit Isaïe. Alors avançons ensemble pour bâtir un monde nouveau, une communauté chrétienne plus fraternelle, rayonnante de la joie de l’évangile. A nous, toujours à la suite d’Isaïe, en ce temps de carême de se dire : « je fais toute chose nouvelle : elle germe déjà ne la voyez-vous pas ? » AMEN !
5e dimanche de Carême
Lectures bibliques : Isaïe 43, 16-21 ; Psaume 125 ; Philippiens 3, 8-14 ; Jean 8, 1-11