Homélie du 30 avril 2017 (Lc 24)

Chanoine Claude Ducarroz – Basilique Notre-Dame, Lausanne

 

Jérusalem-Emmaüs. Deux heures de marche. Une douzaine de kilomètres.
Un chemin. Trois voyages. En bonne compagnie.

Le premier est presque banal. C’est celui de tous les hommes et de tout homme. Le chemin de la vie.
Ils y avaient cru. Ce fut l’échec. Déçus, penauds, ils rentrent à la maison. Du moins ils sont restés ensemble, ils se parlent, ils marchent, ça bouge encore dans leurs pieds et dans leur cœur.

L’amour provoque le déclic

Quelqu’un les rattrape et marche à leur côté. Mais eux, ils ont la tête trop basse pour le voir en face et le reconnaître.
Jésus ne s’impose pas. Longtemps, il chemine avec eux, en silence. Et puis seulement quelques questions, pour éveiller leur conscience, leur rendre le goût de la recherche intérieure, les préparer à une éventuelle – quoique improbable – reconnaissance.
Longtemps, les arguments religieux n’auront aucune prise sur eux. C’est l’amour qui provoquera le déclic. Au soir tombant, ils invitent l’inconnu à demeurer avec eux. L’hospitalité provoque un miracle : « Il entra pour demeurer avec eux. » Tellement avec que Jésus se révèle enfin.

Il y a tant d’hommes et de femmes en ce monde, sceptiques ou même résistants aux religions, pour qui le Christ est seulement un compagnon anonyme, mais bien présent, parce qu’ils ont ouvert une porte devant lui, sans savoir qui il était : la porte de l’amour solidaire et généreux. Ce fut un beau voyage, tellement humain qu’il en est devenu divin. Il y a de la Pâque dans tout amour vrai.

Pèlerins de la foi

Entre nos Jérusalem et nos Emmaüs, il y a aussi un autre voyage possible, sur cette même route, tout en donnant la main aux premiers voyageurs. C’est l’aventure des pèlerins de la foi. Car croire est souvent un itinéraire, qui commence dans la nuit, qui passe par des étapes, qui traverse  des questions et des remises en questions.
Devenir croyant, devenir chrétien, ce n’est pas une navigation de tout repos, surtout de nos jours. Il ne faut pas s’étonner que ça puisse tanguer parfois, entre les critiques venues de l’extérieur et les déceptions issues de l’intérieur.
Mais la feuille de route est bien tracée par le Christ ressuscité qui fait tout le voyage avec nous, même quand nous ralentissons la marche sous les effets de la fatigue ou du handicap.

Marcher ensemble en Eglise

Puisqu’il est ressuscité, il ne nous lâche pas, même quand nous ne sentons plus le rayonnement de sa présence. Nous continuons de marcher ensemble, en communauté, en Eglise.
Car là, nous entendons l’écho de ses paroles – de si bonnes nouvelles ! -, le récit de sa mort, l’annonce de sa Pâque. Notre prière l’invite encore : « Reste avec nous, car il se fait tard ». Nous pouvons alors entrer avec lui dans l’auberge ecclésiale, prendre place à sa table qui est aussi la nôtre, partager le repas, le reconnaître et le connaître à la fraction du pain.
Nous ne sommes pas des disciples parfaits, mais nous sommes des frères et sœurs réjouis par la présence réelle de Jésus, avec un cœur tout brûlant, heureux de partager ensuite cette joie avec d’autres autour de nous.

Le repas du Seigneur

Enfin, il y a dans cet évangile, un voyage eucharistique. La pérégrinée Jérusalem-Emmaüs, aller et retour, c’est une belle eucharistie, c’est la messe. Tout y est, et surtout Jésus avec les marcheurs de la foi. Car il est grand, et si beau, ce mystère-là.
Il y a d’abord le rassemblement, pas immédiatement dans une église, mais déjà sur le chemin humain, avec tant d’autres, y compris avec celles et ceux qui ne pensent pas ou ne croient pas comme nous.
Il y a une remise en question pénitentielle : « Cœur lents à croire… ».
Il y a toute une catéchèse, à partir des Ecritures, avec des explications conduisant au mystère pascal de Jésus.
Il y a la prière, très courte, mais si profonde : « Reste avec nous, Seigneur… »
Et surtout, il y a cette invitation au repas du Seigneur, qui fait des heureux. C’est Jésus qui sert et c’est encore lui qui est servi. Un peu de pain, un peu de vin : c’est mon corps, c’est mon sang. Comme au jeudi-saint. « Et ils le reconnurent à la fraction du pain. » Il était devant. Il est maintenant dedans.

Il y a un point commun entre ces trois voyages qui empruntent le même itinéraire et qui, finalement, se donnent la main: c’est le cœur brûlant, parce que Jésus, reconnu ou non, était là avec eux, et il réchauffe toujours. Et maintenant encore.
Comme il est avec nous, les croyants présents dans cette basilique ; comme il est avec vous, qui prenez part à cette messe de là où vous êtes, peut-être dans un contexte de solitude ou de souffrance ; comme il est avec vous, j’ose vous le dire, avec vous qui cherchez sans trouver encore, qui rayonnez d’amour sans avoir la foi, qui êtes simplement des humains en route, comme nous le sommes tous.
Puisque nous sommes si bien accompagnés, je vous, je nous souhaite fraternellement : bon voyage !


3° dimanche de Pâques

Lectures bibliques :  Actes 2, 14.22b-33; Psaume : 15, 1-2a.5, 7-8, 9-10, 11; 1 Pierre 1, 17-21; Luc 24, 13-35 – Année A


 

Homélie du 23 avril 2017 (Jn 20, 19-31)

Abbé Célestin Kabundi – Eglise St-Nicolas de Flüe, Lausanne

 

Frères et sœurs bien aimés de Dieu,

Je vous souhaite une cordiale bienvenue dans notre paroisse Saint Nicolas de Flue.

Nous célébrons la fête de la miséricorde de Dieu, une fête très chère à Saint Jean-Paul II qui répondait à une demande de la sainte Faustine. Il s’agit d’une première célébration après la clôture de l’année jubilaire, où jusqu’au 20 novembre dernier, nous avons pu méditer ce grand mystère de la miséricorde.

La miséricorde, nous dit le Pape François, est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours, malgré les limites du péché. C’est également la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun, lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère, la sœur, qu’il rencontre sur le chemin de la vie.

Proximité miséricordieuse de Dieu

Oui bien aimés dans le Christ, cette fête est très importante pour nous car elle nous permet de prendre conscience de notre mission, comme enfants du Père, et voir comment répondre à l’invitation du Christ : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Luc 6 :36).

Dieu est proche de chacun de nous et en Jésus, il est visible et nous invite à accueillir son message d’amour, de tendresse, à nous laisser caresser par Lui. Cette expérience de la proximité miséricordieuse de Dieu est première et nécessaire pour devenir des êtres de miséricorde. Elle est bien présente dans l’Evangile que nous venons d’entendre.

Joie d’être sauvés

« La paix soit avec vous », dit Jésus. Jésus, ce crucifié-ressuscité vient au milieu de ses disciples. Souvenons-nous : ils avaient douté, trahi, fui le Seigneur lors de la passion et de la mort. Le Christ est là, bien présent, alors que les portes du lieu où se trouvent les disciples sont fermées à clé, par peur.

– Peur et fermeture vont ensemble,

– La paix et l’ouverture également.

Il ne leur reproche rien. Au contraire, il leur souhaite la paix. Cette salutation est un don et fruit de Pâques, elle est une expression rare, liée à la personne du Ressuscité et à l’envoi de l’Esprit Saint.

A la vue du ressuscité, les disciples sont remplis de joie, d’une joie profonde. Une joie qui vient lorsque tout semble mal tourner, avec la souffrance, la maladie, l’angoisse, la peur, le désarroi. C’est la joie fondée sur la confiance que nous avons en Jésus mort sur la croix et ressuscité le jour de Pâques. Cette joie apporte avec elle une paix profonde, c’est la joie d’être sauvés.

Oui soyons dans la joie, bien aimés, car le Christ est ressuscité. Il est vivant à jamais, Alléluia !

Chercher des preuves

Il y a aussi un visage, un nom que nous condamnons souvent à tort, car il nous ressemble : C’est Thomas. Il n’était pas là lors de la première apparition du Seigneur. On lui en a bien parlé, mais lui reste sceptique. « Si je ne touche pas, si je ne vois pas, je ne croirai pas ». Il ressemble à nos contemporains. Il nous arrive aussi de chercher des preuves. Le monde d’aujourd’hui nous y pousse.

Le Christ accède à la demande de Thomas, cependant il l’invite à aller plus loin. L’Evangile ne dit pas que Thomas a mis ses mains dans les plaies du Seigneur : La reconnaissance de la présence du Christ a fait tomber toutes ses revendications des preuves. Thomas va professer sa foi en disant tout haut: « mon Seigneur et mon Dieu ». Non seulement il a vu le Seigneur, mais surtout, il se sent connu de Jésus : en effet, celui-ci l’appelle par son nom et reprend toutes les paroles que Thomas a dites 8 jours plus tôt, à la face des autres  disciples, comme s’il avait été là. Une telle connaissance est celle qui n’existe que dans un amour profond. Oui Jésus nous aime malgré notre péché. Mystère d’amour et de miséricorde.

Envoyés en mission

Frères et sœurs bien aimés du Père, malgré les trahisons, les doutes, la fuite des disciples, le Christ leur fait confiance, – comme il le fait avec chacun de nous en ce moment – et leur confie sa mission. Il nous demande également à lui faire confiance : « Jésus j’ai confiance en toi ». Il leur dit en effet: « Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie, recevez l’Esprit Saint ».

Mais ne l’oublions pas : Avant d’être des envoyés, frères et sœur bien-aimés, nous sommes tous des fruits de la miséricorde !

Cette mission s’articule dans trois dimensions :

– Annoncer la Bonne Nouvelle du Christ,

– Témoigner que Jésus, le Christ, est « le Chemin, la Vérité et la Vie » dans le monde (Jn 14,6),

– S’ouvrir à la relation aux autres, dans un esprit de dialogue et de partage.

Par cette mission, le Christ nous invite à créer avec lui un monde nouveau, un monde de paix, un monde fraternel, un monde d’amour. Car nous sommes porteurs de son souffle, de son Esprit, de ses valeurs.

L’Esprit consacre chacun

Par notre baptême, tout chrétien est appelé à prendre part à la mission du Christ là où il se trouve, quel que soit son état de vie. Il s’agit d¹une mission qui doit être vécue non seulement à l’Eglise le dimanche comme ce matin, mais dans la vie de tous les jours, à la maison, au travail, avec les amis, en vacances, en temps de prospérité comme en temps de crise, de maladie, de catastrophe. Chacun de nous a reçu le don de l’Esprit Saint pour être envoyé vers ses frères et sœurs, leur annoncer la Bonne Nouvelle qui libère, qui fait vivre, qui fait grandir, qui procure la vraie paix.

C’est considérable, mes bien aimés : chaque fidèle du Christ est appelé à participer à la mission de salut du Seigneur. Et pour cela, nul besoin d’autorisation, d’appel hiérarchique, d’envoi, de reconnaissance institutionnelle. Votre lettre de mission, c’est l’Evangile !  Et par la grâce du baptême et de la confirmation, l’Esprit Saint consacre chaque fidèle du Christ pour participer à l’œuvre du Christ.

A l’occasion de cette fête, implorons la grâce du Seigneur afin que nous puissions prolonger la mission que le Père avait confiée à Jésus, faire de notre vie un lieu d’amour et de miséricorde, pour que nous devenions des messagers d¹espérance et de vie nouvelle, dans notre monde d’aujourd’hui, au beau milieu de la course effrénée de notre siècle. C’est ensemble que nous sommes conduits àvivre la mission, ici ou là-bas, co-responsables : ministres ordonnés (évêque, prêtre, diacre), laïcs, religieux ou religieuses. Chacun à sa place, déploie la diversité des ministères et des charismes, pour aller à la rencontre de Celui qui nous précède dans les aréopages d’aujourd’hui, afin que le monde croie. Amen.


DIMANCHE DE LA DIVINE MISÉRICORDE 

Lectures blbiques : Actes 2, 42-47 ; 1 Pierre 1, 3-9 ; Jean 20, 19-31 – Année A