Homélie du 21 juillet 2024 (Mc 6, 30-34)

Chanoine Jean-Michel Lonfat – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Frères et sœurs, chers amis auditeurs,

« Là ou deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux. »

Nous voici donc rassemblés les uns avec les autres ici dans cette église du Grand-Saint-Bernard ou en communion spirituelle avec vous tous qui vous vous unissez à notre célébration par les ondes de la Radio et de la Télévision pour un temps d’écoute, pour un temps de repos également en ce dimanche. La parole de Dieu, l’Écriture sainte nous le dit clairement : « Six jours tu travailleras, un jour tu te reposeras. » Le repos, temps de nourriture pour le bien-être de nos vies, nous est comme demandé par le Seigneur. L’évangile d’aujourd’hui nous le révèle très concrètement.

Les disciples après avoir été envoyé par le Maître pour évangéliser, s’en retournent à lui et viennent partager leurs expériences, ils sont fatigués, ils ont besoin d’être écoutés.  L’annonce de la Bonne Nouvelle leur a demandé de l’énergie et ils aspirent tout naturellement au repos. Le Maître le sait : « venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » leur dit-il. Venez d’abord à l’écart du monde et non dans les distractions que celui-ci nous offre pour vous reposer.

Un lieu désert en compagnie de Jésus

L’endroit désert où nous sommes invités est particulier. Un lieu où il n’y a pas de distraction, le lieu est propice au véritable repos et ceci en compagnie de Jésus. Le partage en profondeur se fait dans le calme et non dans l’agitation, d’où l’importance du lieu désert. Les apôtres viennent des villes, l’agitation y est forte. Jésus le sait bien. L’invitation à quitter la ville pour le désert est un pèlerinage important, nécessaire, formateur même. Nous quittons un endroit pour un autre afin de nous mettre en situation, en état d’écoute.

Il s’agit bien d’un peu de repos, il sera très court. Les disciples vont justement en faire l’expérience : « De fait, ceux qui arrivèrent et ceux qui partaient étaient si nombreux qu’on n’avait même pas le temps de manger », nous dit saint Marc. Oui, cette foule qui va à Jésus a fait le chemin de la ville au désert. Curieusement pour se rassasier, car elle a faim, faim de Jésus et Jésus enseigne.

Curieux non ? Venir de la ville au désert pour manger et être rassasiés. Est-ce bien le bon lieu ? Le désert, à l’écart est-il vraiment le lieu où nous trouvons la nourriture ? Nous verrons que prochainement Jésus nourrira la foule au désert en multipliant les pains. Pour l’instant la nourriture est donnée par la parole.

Nous convertir pour nous laisser toucher

Nous pouvons même dire que, lorsque Jésus parle, il parle au cœur de l’homme, de chaque homme. On peut penser que, dans son enseignement, Jésus a invité les hommes et les femmes à ne plus se considérer comme les membres d’une foule mais comme des individus au cœur affamé. Il nous demande une certaine conversion pour nous laisser toucher. Et cela est peut-être notre cas aujourd’hui.

Reconnaissons-le, la marche que fait l’homme pour trouver et écouter Dieu dans le désert est quelques fois longue, très longue. Cette marche se fait souvent individuellement, mais aussi en famille, en église. La marche communautaire peut aussi quelques fois nous porter et aider la personne qui est abattue par le poids de la fatigue ; oui, le sac à dos est lourd parfois et il est bon de savoir que je ne suis pas seul sur le chemin, jamais seul à le porter.

Lorsqu’on parle du troupeau, du pasteur et des brebis nous faisons allusion à cela. La foule, la multitude des hommes est là dans notre évangile, elle attend d’être nourrie, d’une nourriture non matérielle mais bien spirituelle. Et Jésus, le berger, qui connaît les cœurs sait bien la faim de chacun. Il ne peut rester indifférent, insensible à cela, voilà pourquoi il se met à enseigner, il nourrit.

Ce temps de repos à l’écart, comme ce matin ici, sur le col dans un endroit désert devient, avec Jésus, un temps où l’on jouit de sa présence bienfaisante, qui calme notre faim.

Le dimanche est donc bien ce jour de repos, frères et sœurs, où la nourriture nous est donnée en présence du Maître.

La nourriture vitale : la Parole de Dieu

Le déplacement que nous faisons pour cette occasion, qu’il soit de la ville au désert, de la plaine à la montagne, du salon où règne la télévision à l’intimité de sa chambre, mieux encore, qu’il soit de l’activité cérébrale au plus profond silence de son cœur, ce pèlerinage est très important pour aller chercher la vraie nourriture, celle qui est vitale pour le chrétien : l’écoute de la Parole de Dieu, la lecture et la méditation de cette Parole.

Frères et sœurs, nous avons marchés, nous sommes ensemble pour écouter la voix intérieure, pour prier, pour nous nourrir de la présence de Dieu. Il est temps de l’accueillir en nous et de lui laisser une place digne de son rang dans nos vies.

Le pèlerinage pourra alors se poursuivre. S’il est vécu ici sur la montagne ou dans vos milieux de vies, chers auditeurs, ce temps de désert et de ressourcement spirituel pourra alors vous inviter à retrouver vos villes, vos espaces agités, bruyants, où la foule vous entoure, où elle vous bouscule, où elle vous invite à la distraction. Oui, si pèlerinage il y a eu au désert, alors justement osons donner et partager la nourriture reçue dans ce lieu à l’écart.

Vivre notre vocation de chrétiens dans le monde

Forts de ce moment pris avec Lui sur la montagne, dans votre voiture ou votre salon, nous pourrons ensemble reprendre notre marche et, à notre tour, répondre à l’appel qu’il nous fait en allant vivre notre vocation de chrétien dans le monde.

Comme il nous l’a demandé et à l’image des apôtres, allons témoigner de ce beau moment passé avec lui en ce dimanche, le septième jour, le jour de repos. Allons rencontrer nos frères dans la plaine. Allons proclamer qu’il est ressuscité et qu’il est la nourriture de leur vie. Ils ont faim et soif de vérité et de silence intérieur, nous le savons.
Que le Seigneur nous comble et vous rassasie de sa présence,

Bon dimanche à vous !

16e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Jérémie 23, 1-6 ; Psaume 22 ; Ephésiens 2, 13-18 ; Marc 6, 30-34

Homélie du 14 juillet 2024 ( Mc 6, 7-13)

Chanoine Jean-Michel Girard – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice

Dans cet envoi des disciples en mission, il y a un contraste frappant entre, d’une part, l’autorité qui leur est donnée, le pouvoir de chasser les démons, d’opérer des guérisons et, d’autre part, une absence de moyens humains, les situant dans une pauvreté et une vulnérabilité volontaires.

Ces envoyés seront tout à fait à l’image de celui qui les envoie, à l’image du Christ. Sa force personnelle frappait les foules car il parlait avec autorité et non pas comme leurs scribes et impressionnait les disciples quand la mer et les vents lui obéissaient. Les disciples d’Emmaüs parlent de lui comme d’un prophète puissant par se paroles et par ses actes.

Puissance et faiblesse. Il n’a pas d’arme, pas de garde personnelle. Il refuse que l’on use du glaive pour le défendre. Il n’a pas de position sociale valorisante, pas de rôle dans la hiérarchie religieuse. Il n’a pas où reposer la tête.

Jésus est révélation de Dieu

Jésus, par ce qu’il dit et ce qu’il fait, est la révélation de Dieu ; il révèle qui est réellement Dieu.

Oui, le Dieu tout-puissant. Il le dit : « A toi, tout est possible ». Pour nous, il est le créateur ; « tout fut par lui et rien de ce qui s’est fait, s’est fait sans lui ». Nous venons de lui et nous trouvons notre plénitude seulement en lui.

Mais le grand projet de Dieu – si on peut employer ce terme – il ne peut pas le réaliser par sa puissance. Saint Paul le décrit ainsi : « Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs » ; « Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour ».

L’amour s’offre

L’Amour ! L’amour ne s’impose pas. Il s’offre. Peut-être il se mendie, mais il ne s’obtient pas par force. « Voici que je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai et je prendrai mon repas avec lui et lui avec moi ».

Nous avons le pouvoir d’ouvrir la porte et celui de la garder fermée. Face à cette porte, Dieu est démuni puisqu’il ne cherche que l’amour. Mais le fait même qu’il soit démuni est propre à nous désarmer, à faire tomber nos remparts, à nous inciter à ouvrir tout grand la porte sans la peur de perdre notre autonomie, notre liberté. Il est livré, offert.

Dieu est Amour. Rien n’est plus puissant que l’amour et rien n’est aussi vulnérable.

Les envoyés sont appelés à ressembler à Dieu et à témoigner de lui, investis de puissance pour faire le bien et démunis de moyens humains.

Comment vivre notre vocation à l’amour ?

Notre vocation est l’amour. Comment le vivre avec force tout en renonçant aux moyens de pouvoir ?

Une base solide est une profonde confiance : Dieu m’a choisi avant la fondation du monde. Il m’aime à priori, avant toute preuve de mérite de ma part. Il m’a aimé en premier. Dans cette confiance fondamentale, il me sera possible de ne pas me valoriser artificiellement.

Nos liturgies sont un lieu privilégié pour nous établir dans cette attitude. D’une part, elles attestent de notre valeur, de notre grandeur. Le Fils de Dieu vient nous servir, nous nourrir de rien moins que de lui-même. Nous nous adressons à Dieu comme à notre Père. Nous sommes encensés comme Dieu lui-même. Notre grandeur n’est pas une autosuggestion, c’est une célébration qui l’atteste. D’autre part, nous entrons dans la liturgie. Nous nous y laissons faire. Elle nous vient d’abord du Christ : « Faites cela en mémoire de moi ». Ce qui se passe en nous échappe à notre planification.

Célébrons avec beauté et avec joie.

15e Dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Amos 7, 12-15 ; Psaume 84 ; Ephésiens 1, 3-14 ; Marc 6, 7-13

Homélie du 7 juillet 2024 (Mc 6, 1-6)

Chanoine Alexandre Ineichen – Chapelle de La Pelouse, Bex, VD

Dans le célèbre chef-d’œuvre de Cervantès, Don Quichotte, l’Ingénieux Hidalgo de la Manche, est toujours accompagné de son fidèle valet, Sancho Panza, qui tout au long du roman éponyme rappelle son maître à la réalité. En effet, pour empêcher l’idéaliste Don Quichotte de ne combattre que des moulins à vents, de s’illusionner et de vivre dans un monde imaginaire, Sancho Panza, pragmatique, lui expose le présent par des formules toutes faites, par des sentences pleines de bon sens, par des proverbes dont la tradition remonte à des temps immémoriaux. Ainsi en est-il de Jésus dans l’Évangile que nous venons d’entendre. « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison », plus connu par « Nul n’est prophète en son pays. » Remarquons, cependant, que non seulement les quatre Évangélistes rapportent ce proverbe, mais que saint Luc à la même occasion en ajoute un second : « A coup sûr, vous allez me citer ce dicton : Médecin, guéris-toi toi-même. »

Des formules bien frappées pour nous convaincre du bien-fondé de nos actions, pensées


Nous aussi, dans nos vies quotidiennes, nous avons quelques formules bien frappées pour nous aider à nous sortir de situations embarrassantes ou pour nous convaincre du bien-fondé de nos actions, de nos pensées. On pourrait même imaginer remplacer nos codes de loi par une liste de proverbes, liste la plus exhaustive possible. Mais vivrions-nous mieux ? Nos rapports sociaux seraient-ils plus paisibles ? Aurions-nous une vision plus authentique de la réalité ? Certes, le cordonnier est souvent le plus mal chaussé, car il faut être bien héros pour l’être aux yeux de son valet de chambre, mais charité bien ordonnée commence par soi-même et ses proches. De même, si en avril il ne faut pas se découvrir d’un fil, faire en mai ce qu’il nous plait peut être risqué car on peut s’enrhumer et prendre froid si, comme cette année, le temps n’est pas favorable, qu’il fait un temps de chien ou – avec une plus belle image encore – lorsqu’il fait un beau temps pour les canards. Ainsi la sagesse populaire ne répond pas, la plupart du temps, à nos plus profondes aspirations, comme si le ver était dans le fruit, que toute médaille avait son revers. D’ailleurs, l’Évangile de ce dimanche se poursuit, Jésus ne pouvait accomplir aucun miracle et ne guérit seulement que quelques malades en leur imposant les mains. Ces quelques malades guéris, l’Évangéliste, la parenté de Jésus, les nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, n’y reconnaissent d’ailleurs pas un miracle. « Alors Jésus parcourait les village d’alentour en enseignant. » Et il ne pouvait que s’étonner de leur manque de foi, de notre manque de foi.

Dans les faiblesses, les contraintes, nous participons à la vie même de Dieu


Pourtant, le Verbe était sorti dans le monde pour annoncer le salut et la rémission des péchés. Comme le prophète Ézéchiel, il se devait de se tenir debout et de faire savoir qu’il y a un prophète au milieu d’eux. La Parole de Dieu ne peut se taire et doit à temps et à contretemps manifester la grandeur de Dieu et son infinie miséricorde, même si – engeance de rebelle – personne n’écoute. N’est-ce pas là l’écharde dans la chair de l’Apôtre, n’est-ce pas là l’envoyé de Satan qui est là pour gifler saint Paul, pour l’empêcher qu’il ne se surestime. Mais saint Paul le comprend enfin. C’est lorsqu’il est faible, c’est alors qu’il est fort. Notre sagesse si imparfaite, si faible à répondre à ce que Dieu veut pour nous, c’est en la vivant dans sa faiblesse même que nous pouvons y découvrir ce que nous sommes vraiment, y acquérir la vraie mission du Verbe – venir dans le monde afin que, dans notre chair, dans les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions nous participons à la vie même de Dieu.

La sagesse que Jésus veut nous transmettre


Ainsi cet épisode évangélique, qui peut nous donner l’impression, que la prédication de Jésus ne porte pas, n’a pas d’impact, cet épisode recèle pourtant l’authentique sagesse divine, celle qui a galvanisé les prophètes des temps anciens et leur a donné ses paroles de feu qui brûlent encore nos cœurs, celle qui a donné à saint Paul la force, le courage d’annoncer Jésus, mort et ressuscité. Que cette sagesse nous touche aussi, que par nos dictons, nos proverbes et nos formules toutes faites, nous poursuivons l’œuvre de Dieu, surtout que nous en vivons. Oui, nul n’est prophète en son pays, mais chacun peut ici et maintenant, dans son pays, sa parenté et sa maison, recevoir l’Esprit qui transforme notre monde, qui guérit même quelques malades. C’est cela notre foi, c’est cela cette sagesse que Jésus veut nous transmettre, c’est cela le grand miracle qui se réalise par ses mains : un peu de pain, un peu de vin, Dieu est là pour nous, pour le monde entier.

14e Dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Ezékiel 2, 2-5; Psaume 122; 2 Corinthiens 12, 7-10; Marc 6, 1-6