Homélie du 9 juin 2024 (Mc 3, 20-35)

Abbé Felipe Sardinha Bueno – Eglise Notre-Dame de l’Immaculée Conception, Nyon, VD

L´homélie en français et en espagnol

Chers frères et sœurs dans le Christ Jésus, nous avons aujourd’hui la joie de célébrer cette messe bilingue. Chaque dimanche, dans cette église paroissiale de Nyon, nous avons cette célébration en espagnol à 9 heures du matin. Vous êtes toujours invités à y participer.

Nous sommes en tant qu’Unité Pastorale Interculturelle de Nyon-Terre Sainte abordant cette année pastorale le thème : Église-Famille de Dieu, frères et sœurs. Sur ce thème, nous réfléchirons en nous connectant avec le message provenant de l’Evangile d’aujourd’hui. Qui sont mes frères? demande Jésus, qui sont nos frères aujourd’hui, il nous demanderait certainement.

Qui sont nos frères aujourd’hui ?


El Evangelio de hoy nos introduce en una realidad importante en la vida histórica de Jesús: su familia. Providencialmente, en nuestra unidad pastoral, abordamos el tema de ser familia de Dios, hermanos y hermanas en Cristo en este año de apostolado. Nos reúnimos como comunidad de discípulos, buscando la fraternidad como camino de resistencia frente a una sociedad que actualmente ve crecer el odio y la falta de respeto. Nuestro encuentro es ya un signo profético: diferentes, pero unidos en Cristo, por Él y por su Reino de Amor. El Evangelio de Marcos, que acabamos de escuchar, es bien conocido por identificar a Jesús como el que promueve la fraternidad y la curación, expulsando el mal y restaurando la esperanza. Donde está el Verbo Divino, no hay lugar para ninguna manifestación maligna de los enemigos del Señor, y se nos invita a creer firmemente en ello. Al estar bautizados e iluminados por el Espíritu Santo de Dios, no necesitamos tener miedo, porque el mal nunca podrá tener la última palabra en nuestras vidas. Importantes teóricos, como la filósofa Hannah Arendt y el teólogo y cardenal Walter Kasper, han tratado de preguntarse por qué existe el mal en el mundo. De hecho, éste es un punto desafiante para nuestra fe inteligible, y sólo a través de la esperanza y la confianza en el Eterno podemos hacer frente a esta realidad. Puede que el mal no sea destruido inmediatamente, pero a través de nuestra fuerza colectiva, del amor difundido, de la paz sembrada, de la justicia promovida y de la misericordia practicada, seremos capaces de afrontar los desafíos emergentes con fuerza y valentía. Como en el pasaje leído hoy, fueron muchos los que buscaron a Jesús para que expulsara sus males, algunos por envidia, pensaron que el mal estaba con Jesús, pero su poder sobre ellos le hizo capaz de cambiar por completo el contexto marcado por los males hasta entonces.

Etre authentiquement « famille de Dieu »

Aujourd’hui, au Brésil, nous célébrons un saint qui peut nous éclairer en tant qu’exemple de cette expérience de foi contre le mal en tant que personnage interculturel. Il s’agit de José de Anchieta, Espagnol de naissance, missionnaire au Brésil et défenseur des peuples indigènes face aux processus d’exploitation à son époque. Outre son courage interculturel, dépassant les différences de langue et de coutumes, Anchieta a incarné dans sa vie une Église fraternelle, capable de lutter contre les maux du manque de respect de la dignité humaine. Dans son contexte, elle a assumé sa foi comme protection des plus fragiles.

Et nous aujourd’hui ? Dans nos diverses réalités, quels maux quotidiens devons-nous surmonter pour être authentiquement « famille de Dieu » et nous épanouir en tant que personnes ? Que le Seigneur nous aide sur ce chemin, avec la certitude que la victoire est assurée et que le bien sera toujours plus fort.


Traduction complète en français :

Chers frères et sœurs dans le Christ Jésus, nous avons aujourd’hui la joie de célébrer cette messe bilingue. Chaque dimanche, dans cette église paroissiale de Nyon, nous avons cette célébration en espagnol à 9 heures du matin. Vous êtes toujours invités à y participer.

Nous sommes en tant qu’Unité Pastorale Interculturelle de Nyon-Terre Sainte abordant cette année pastorale le thème : Église-Famille de Dieu, frères et sœurs. Sur ce thème, nous réfléchirons en nous connectant avec le message provenant de l’Evangile d’aujourd’hui. Qui sont mes frères? demande Jésus, qui sont nos frères aujourd’hui, il nous demanderait certainement.

L’évangile d’aujourd’hui nous présente une réalité importante dans la vie historique de Jésus : sa famille. Providentiellement, dans notre unité pastorale, nous abordons le thème de la famille de Dieu, des frères et sœurs dans le Christ pendant cette année d’apostolat. Il nous rassemble en tant que communauté de disciples, cherchant de la fraternité comme chemin de résistance face à une société qui voit aujourd’hui grandir la haine et l’irrespect. Notre rencontre est déjà un signe prophétique : différents, mais unis dans le Christ, pour Lui et pour son Royaume d’Amour.

Baptisés dans l’Esprit Saint, nous ne devons pas avoir peur


L’Évangile de Marc, que nous venons d’écouter est bien connu pour identifier Jésus comme celui qui promeut la fraternité et la guérison, en chassant le mal et en restaurant l’espérance. Là où se trouve la Parole divine, il n’y a pas de place pour une quelconque manifestation des ennemis du Seigneur, et nous sommes invités à le croire fermement. Baptisés et éclairés par le Saint-Esprit de Dieu, nous ne devons pas avoir la peur, car le mal ne pourra jamais être la dernière parole dans nos vies. D’importants théoriciens, tels que la philosophe Hannah Arendt et le théologien et cardinal Walter Kasper, ont essayé de se demander pourquoi le mal existe dans ce monde. En effet, il s’agit d’un défi pour notre foi intelligible, et ce n’est que par l’espérance et la confiance en l’Éternel que nous pouvons faire face à cette réalité. Le mal ne sera peut-être pas détruit immédiatement, mais grâce à notre force collective, à l’amour répandu, à la paix semée, à la justice promue et à la miséricorde pratiquée, nous serons en mesure d’affronter les nouveaux défis avec la force et le courage. Comme dans le passage lu aujourd’hui, nombreux sont ceux qui ont cherché Jésus pour chasser leurs maux, certains par envie, ils pensaient que le mal était avec Jésus, mais son pouvoir sur eux l’a rendu capable de changer complètement le contexte marqué par les maux jusqu’alors.

Aujourd’hui, au Brésil, nous célébrons un saint qui peut nous éclairer en tant qu’exemple de cette expérience de foi contre le mal en tant que personnage interculturel. Il s’agit de José de Anchieta, Espagnol de naissance, missionnaire au Brésil et défenseur des peuples indigènes face aux processus d’exploitation de son époque. Outre son courage interculturel, dépassant les différences de langue et de coutumes, Anchieta a incarné dans sa vie une Église fraternelle, capable de lutter contre les maux du manque de respect de la dignité humaine. Dans son contexte, il a assumé sa foi comme protection des plus fragiles. Et nous aujourd’hui ?

Dans nos diverses réalités, quels maux quotidiens devons-nous surmonter pour être authentiquement « famille de Dieu » et nous épanouir en tant que personnes ? Que le Seigneur nous aide sur ce chemin, avec la certitude que la victoire est assurée et que le bien sera toujours plus fort.

10e Dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Genèse 3, 9-15; Psaume 129; 2 Corinthiens 4, 13 – 5,1; Marc 3, 20-35

Homélie du 2 juin 2024 (Mc 2, 23 – 3, 6)

Chanoine Simone Previte – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS

Nous avons beau être au début de l’Évangile selon Saint Marc, à cheval entre le 2e et le 3e chapitres, l’inauguration du ministère public de Jésus est d’emblée caractérisée par une impertinence telle qu’elle a déjà une saveur de mort imminente en raison des conspirations montées contre Jésus en vue de le faire périr.

L’audace de Jésus


Si on en arrive très vite à cette sévérité de jugement, c’est que très vite, aussi, Jésus s’est permis de rendre manifeste le changement de paradigme que sa vocation de Messie veut susciter.
Le changement de paradigme est tel que, aller jusqu’à prétendre que « le sabbat a été fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat » (Mc 2, 27) au point d’accompagner cet enseignement d’une attitude qui la corrobore par la matérialité du miracle opéré dans la synagogue et de la récolte des épis à travers les champs de blé, implique une réputation de blasphémateur méritée au sens de la loi juive.

L’impertinence de Jésus est d’autant plus probante qu’une main atrophiée n’installe pas celui qui doit assumer cette vulnérabilité dans un danger certain de mort au point d’être confronté à la nécessité absolue de le guérir ici et maintenant.
Même l’autorité de l’exemple de David et ses compagnons d’armes au temps du grand prêtre Abiatar ne suffit pas à contrebalancer l’audace de Jésus.

Le retour à l’institution du sabbat par le Divin Législateur dans le livre du Deutéronome nous permet de contempler la primordialité de Dieu dans la finalité même du sabbat : « en l’honneur du Seigneur ton Dieu » (Dt 5, 14). Si le sabbat sert à l’homme pour qu’il réactualise sa mémoire des merveilles accomplies par le Seigneur son Dieu (« C’est moi, le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait monter de la terre d’Égypte ! » (Ps 80, 11) reprenait le psalmiste), alors dans le commandement de son observance est inscrite la centralité de l’activité de Dieu que l’inactivité volontaire de l’homme vient exacerber.

Il n’y a pas de repos dans la vie de foi


Le bienheureux frère Christian de Chergé, empreint de spiritualité monastique bénédictine dont la devise invite à la prière et au travail (« Ora et Labora »), rappel qu’« il n’y a pas de repos dans la vie de foi, simplement parce qu’elle se situe d’emblée dans la grâce du 7e jour, du sabbat pascal … Si la liturgie prend une forme privilégiée le dimanche, c’est pour donner son élan d’adoration à toute la vie. Ici, le temps et l’éternité doivent signifier leur alliance . » (1)

En régime chrétien, avec le Christ ressuscité, le repos sabbatique est décalé au lendemain du sabbat pour faire mémoire du jour du Seigneur : huitième jour, jour 1 : jour d’éternité, suspendu hors du temps de notre fastidieuse et laborieuse humanitude pour entrer dans la contemplation de notre bienheureuse participation à la glorification du Christ : « Toujours nous portons, dans notre corps, la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre corps » (2 Co 4, 10).

Dans son Éloge spirituel du repos, le chanoine de l’Abbaye de Lagrasse Maximilien Le Fébure du Bus écrit : « oui, en vivant pleinement le dimanche, je transfigure ma semaine et prépare ‘‘mon repos définitif dans la jouissance de Dieu au ciel’’ . » (2) Mais comment l’Évangile que l’Église nous donne à proclamer ce dimanche entre-t-il en résonnance avec cette dynamique ?

Avouons-le, comme chrétiens, on a très vite fait de prendre cet Évangile comme prétexte pour motiver et justifier nos propres écarts d’avec la loi de Dieu ou de l’Église : ne tombons pas dans le piège de nous contenter d’une casuistique d’occasions morales où j’ai le droit exceptionnellement de ne pas faire ceci, parce que … ou j’ai le droit exceptionnellement de faire cela, parce que … parce qu’au final le sabbat est fait pour l’homme et non pas l’inverse.

Les effets du mystère pascal dans nos vies


Quoique légitimement il nous amène à ce genre de conclusions, j’ose croire que cet Évangile nous invite à plus haut, plus noble que ça !
L’enjeu de l’Évangile de ce dimanche n’est pas tant de mettre en scène un Jésus obstinément contestataire par rapport à la loi de son peuple, mais bien plus de manifester les effets de son mystère pascal dans nos vies. L’affinité de cette péricope évangélique avec le thème de la mort amplifie cette tension autour du ministère salvifique de Jésus. Les épis de blé que les disciples sont autorisés à récolter dans les champs et les paroles de guérison que Jésus profère sur la main atrophiée sont le signe du Pain et de la Parole partagés à chaque Eucharistie, de laquelle l’Église se nourrit pour consommer son Alliance avec son Divin Maître.

Oui, Jésus, par sa Parole et ses sacrements, nous sauve. La disponibilité dont il nous rend capables et que nous lui offrons à l’occasion de ces célébrations mémorielles « hors du temps » manifestent le désir de voir se réaliser cette Alliance en nous, de sorte que le Seigneur nous comble vraiment de sa sainteté en faisant briller dans nos cœurs la lumière qui rayonne sur le visage du Christ (cf. 2 Co 4, 6).
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[1] Christian de Chergé, chapitre du mardi 21 décembre 1993, dans : Dieu pour tout jour. Chapitres de Père Christian de Chergé à la communauté de Tibhirine (1985-1996), Les Cahiers de Tibhirine (1bis), Montjoyer, 20062, p. 462.
[2] Maximilien Le Fébure du Bus, Éloge spirituel du repos, Artège, Paris, 2022, p. 84.

9e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Deutéronome 5, 12-15 ; Psaume 80 ; 2 Corinthiens 4, 6-11 ; Marc 2, 23 – 3, 6