Homélie du 22 janvier 2016 (Jean 15, 9-17)

Dominique Troilo, pasteur – EMS Mont-Calme, Lausanne

L’appel de Jésus est clair : «Renonce à vouloir marcher dans la nuit, car je te donne 12 heures, ta vie, pour marcher à ma lumière. Ta marche dans la nuit, hors de ma présence, conduit nulle part. Ne t’obstine pas, fais moi confiance. Je suis ton ami, et je souffre de te voir ainsi. Car je désire ta croissance.»

Et il faut parfois que les choses aillent jusqu’au point de rupture pour qu’enfin nous placions notre confiance en Dieu et que quelque chose se produise.

Des miracles peuvent se produire

La balle n’est donc pas toujours du côté de Dieu, mais certainement aussi du nôtre. Pourquoi vouloir nous passer de lui ? Parce que l’histoire de Lazare nous enseigne qu’en plaçant notre confiance en Christ, des miracles peuvent se produire. Des pans entiers de notre vie, qui étaient morts, peuvent ressusciter et reprendre vie.

La vie passe vite, c’est ce que me répètent les résidents que je visite. Oui, c’est vrai, mais elle n’est pas finie. Si on est ensemble ce matin, c’est qu’on est encore vivants. Nous sommes dans les 12 heures de la journée et des choses peuvent encore bouger. Le Christ nous invite à prendre le chemin de la croissance par la confiance.

Le Christ et son ami

Pour illustrer les propos de Jésus, j’ai choisi de vous présenter une icône vieille de 1500 ans environ. C’est l’image du « Christ et son ami. » Cette icône se trouve au Louvre, elle provient d’Egypte. Elle présente deux personnages côte à côte.

Le Christ est à droite, on peut l’identifier grâce à la croix qui est dans son auréole, et aussi par son nom, “Sauveur”, écrit en copte. Il tient le livre des Évangiles.

A gauche se trouve Ménas. Qui est-il ? On sait que suite au décès de son père, il rejoint l’armée romaine à l’âge de 15 ans. Trois ans plus tard, l’empereur Dioclétien édicte de nouvelles règles de persécution contre les Chrétiens, alors Ménas décide de quitter l’armée pour consacrer sa vie au Christ. Après 5 ans de retraite dans le désert, il entre en confrontation avec le pouvoir en place, ce qui lui vaudra d’être mis à mort. Son martyre provoquera une vague de conversions sans précédent. Nous sommes vers l’an 300.

Un vrai rapport d’amitié

Ce que l’artiste a voulu exprimer, c’est cette confiance réciproque entre Jésus et son ami. Jésus est là tout près du croyant, et il passe son bras autour des épaules de son ami. Il ne l’abandonnera pas, il le protégera. Quant à l’ami, de sa main droite il montre le Christ, c’est en lui qu’il a placé sa confiance.

C’est un vrai rapport d’amitié, il n’y en a pas un qui domine sur l’autre, ils sont côte à côte et ont la même corpulence.

Le rapport avec le Christ n’est pas compliqué, c’est un rapport d’amitié, de respect mutuel et de confiance réciproque. Il n’y a pas d’échelons ou de montagnes à gravir, l’accès au Christ est direct, il est à côté, il suffit d’ouvrir la bouche et de lui parler. Et voici que ces deux personnages, avec leurs grands yeux nous regardent. Ils nous interpellent. Mais dans ce regard il n’y a rien d’accusateur, ils posent sur nous un regard bienveillant, nous appelant à vivre cette même communion d’amour. Jésus nous offre son amitié, ses larmes, sa vie. Il veut marcher à côté de nous, son bras sur nos épaules. Au fond, le Christ a un projet d’accompagnement pour chacun de nous. Et il le dit clairement :

«Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître, mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père. Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés. Demeurez dans mon amour» (Jean 15, 9-17).

Amen.

Homélie du 15 janvier 2017 (Jn 1, 29-34)

Père Henri-Marie Couette – Abbaye d’Hauterive, Posieux

En parlant de Jésus, Jean Baptiste s’exclame à deux reprises : ‘’Et moi, je ne le connaissais pas.’’ Voilà qui est très surprenant ! De lui qui était son propre cousin et qui avait jadis tressailli dans le sein de sa mère Elizabeth à l’approche de Jésus, Lui-même porté dans le sein de Marie, on peut raisonnablement penser qu’il savait fort bien qui était Jésus. L’ignorance que Jean révèle ici dévoile pour nous quelque chose d’important : on ne va pas vers le Christ par les seuls sens humains ordinaires car, comme l’écrit saint Paul, si nous L’avons ‘’connu selon la chair, à présent nous ne Le connaissons plus ainsi.’’ (2 Cor 5, 16)

Dépasser le visible

C’est qu’en effet, pour aborder le Christ dans son mystère, la présence de l’Esprit Saint nous est indispensable. De fait, ils seront nombreux les habitants de Nazareth qui, eux aussi, connaissant Jésus à la façon humaine, seront choqués par ses paroles à la synagogue lors de l’inauguration de sa prédication et s’écrieront : ‘’celui-là n’est-il pas le fils de Joseph le charpentier ?’’ Certes, c’était vrai mais ils furent incapables de dépasser le visible pour toucher l’invisible en Lui.

Intervention de l’Esprit Saint

Jean Baptiste nous explique en effet que, pour reconnaître Jésus, Celui qui ‘’baptise dans l’Esprit Saint’’ – alors que lui-même ne baptise que dans l’eau – une intervention de l’Esprit Saint est nécessaire : ‘’J’ai vu l’Esprit descendre du ciel’’ sur Lui. Voilà le signe annoncé et irréfutable qui lui a permis d’identifier Jésus dans sa vraie personnalité qui échappe aux yeux de chair. Le 2 février prochain, fête de la Présentation au Temple, ou Chandeleur, nous assisterons à la rencontre lumineuse de l’Enfant Jésus avec le vieillard Siméon : de lui également, il sera dit qu’il fut ‘’poussé par l’Esprit’’ et qu’il vint au Temple… car l’Esprit s’était révélé à lui. Or, à l’instar de Jean, ses yeux s’ouvriront et Siméon, au grand étonnement des parents de l’Enfant, confessera avoir reconnu Celui qui est ’’la lumière des nations’’ (expression identique à celle d’Isaïe dans la 1ère lecture).

Présence irremplaçable

Il est donc clair qu’il n’y a pas de reconnaissance possible du Christ sans l’Esprit Saint : pas d’autre chemin que Lui pour aborder Jésus dans le mystère de sa personne de Fils de Dieu, dans celui de sa présence comme Verbe qui parle dans l’Écriture ou comme Pain se donnant en nourriture dans l’Eucharistie. C’est cet Esprit commun au Père et au Fils qui nous ouvre au mystère de Jésus, lequel nous conduit au Père. Nous sentons donc combien sa présence est irremplaçable !

Pas étonnant alors qu’un moine de la tradition orthodoxe ait pu affirmer que ‘’le vrai but de la vie chrétienne est l’acquisition du Saint Esprit’’ ! (St Séraphim de Sarov) ‘’Acquisition’’, non pas au sens d’une mainmise sur Lui, mais au sens d’un incessant creusement de notre cœur qui, résolument occupé à appeler l’Esprit (‘’Viens !’’), s’ouvre à une disponibilité croissante qui se transforme en docilité. Dimanche passé, notre regard se portait vers l’étoile des mages. A ce propos, le Père Carré O.P. a écrit fort justement : ‘’Notre étoile intérieure est la voix mystérieuse qui s’adresse à chacun de nous. Le Seigneur nous la donne pour nous aider à Le chercher : c’est l’Esprit Saint.’’

Devenir témoins de l’Évangile

Ce qui est remarquable par ailleurs, c’est que celui qui entre dans cette expérience de grâce devient aussitôt témoin de cette rencontre vécue avec le Christ, au travers de l’Esprit ! ‘‘Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est Lui le Fils de Dieu’’, s’exclame Jean Baptiste. C’est donc un homme (cf. ‘’Il y eut un homme envoyé de Dieu. Son nom était Jean…’’ – Jean 1, 6) qui se trouve mandaté pour devenir témoin de ce que l’Esprit lui a révélé sur Jésus. Or cette mission n’est en rien le propre exclusif du Baptiste : elle nous incombe à tous, nous qui sommes baptisés et qui, de ce fait, avons reçu l’Esprit pour devenir témoins de l’Évangile du Christ ‘’afin que [son] salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre’’, pour reprendre l’expression du prophète Isaïe entendue tout à l’heure.

Mais il est temps maintenant de préparer nos cœurs à recevoir Celui que Jean a reconnu comme ‘’l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.’’ Dans quelques instants en effet, nous répéterons ces mêmes paroles avant de communier au Corps et au Sang du Christ. Demandons avec ferveur à l’Esprit Saint de nous disposer à accueillir Jésus avec foi et amour pour devenir à notre tour ses témoins intrépides et lumineux que le monde attend !


2ème Dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques :  Isaïe 49, 3.5-6; Psaume 39; 1 Corinthiens 1, 1-3; Jean 1, 29-34