François Fillon: le piège de l’argent
Homélie du 5 février 2017 (Mt 5, 13-16)
Chanoine Calixte Dubosson – Abbaye de Saint-Maurice, VS
Frères et sœurs,
Quand je rends visite à mon frère et à mon neveu qui sont fromagers à Verbier, j’aime bien visiter leur cave. C’est impressionnant de voir près de 5000 pièces de Bagnes 1 alignées de façon impeccable sur les tablards. À l’entrée de la cave, les 5 ou 6 fromages fabriqués le matin ne prennent pas un bain de soleil mais un bain de sel. C’est ainsi que commence la lente maturation qui va donner à cette pâte molle et insipide le goût sans lequel personne n’en voudrait.
Une alliance consacrée par le sel
Tous ceux qui sont aux prises avec les aliments et la nourriture savent par expérience la nécessité primordiale du sel ou du sucre dans la préparation d’un mets savoureux. Dans l ‘Antiquité et le Moyen Age, le sel était une denrée précieuse et recherchée. Il servait à de multiples usages domestiques et notamment la conservation des aliments. Du fait même de cette capacité de conserver les aliments, le sel en venait à signifier la valeur durable d’un contrat. Le livre des Nombres dans la bible parle d’une alliance consacrée par le sel autrement dit une alliance inaltérable et durable entre Dieu et l’humanité. Ce pacte annonce déjà l’alliance nouvelle et éternelle scellée dans le sang du Christ.
Le rôle du chrétien : sel de la terre
Dans une perspective spirituelle, le chrétien est appelé à être sel de la terre. Non pas seulement appelé mais surtout être prêt à assumer ce rôle que le Christ lui assigne dans l’évangile de ce jour. Saint Paul nous dit de ne pas prendre pour modèle le monde présent mais de renouveler sans cesse notre façon de penser pour mieux discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. Sous cet aspect, le sel qui se dénature, c’est le chrétien qui s’immerge dans la banalité ambiante, qui succombe aux nouveaux conformismes imposés par une société via les medias qui sont censés nous informer mais qui en réalité façonnent notre opinion selon des vues bien arrêtées. L’information est manipulée et dirigée par ceux qui sont aux commandes de ce qu’il faut bien appeler un nouveau pouvoir. Les chrétiens que nous sommes auront à cœur de discerner derrière l’information à première vue innocente le parti pris et l’opinion toute faite.
Lucidité face aux défis
La parole du Christ est une aide précieuse pour celui ou celle qui veut garder la tête froide face au déferlement médiatique. Plus que jamais, notre conscience éclairée par l’Evangile doit être notre balise dans la tempête. Il nous faut beaucoup de lucidité pour affronter les défis actuels tels que l’assistance au suicide, l’avortement, l’euthanasie ou les crises migratoires.
Inviter à la joie
Jésus dit aussi que nous sommes la lumière du monde. Le symbolisme de la lumière est encore plus riche que celui du sel. La lumière de la foi brille à travers ce que nous disons et ce que nous faisons de bien. Non pas seulement dénoncer le mal mais offrir au monde des espaces de bonté, d’amour, de convivialité et de fraternité.
Nous ne devons pas passer aux yeux de l’opinion publique comme d’éternels rabats-joie mais au contraire, pour ceux qui invitent à la joie, celle que donne le Christ. Faire découvrir à celui et celle qui cherchent le bonheur que celui-ci est dans le partage, le don de soi est un cadeau inestimable. Ceux et celles qui l’expérimenteront se tourneront alors vers Dieu car c’est lui qui, d’abord, est sel et lumière.
Rendre gloire à Dieu pour les miracles
Les Juifs du temps de Jésus avaient ce réflexe devant les miracles du Christ non pas de se prosterner devant lui mais de rendre gloire à Dieu qui suscite une telle grandeur au cœur d’un homme. Il n’en fut pas de même pour saint Paul et saint Barnabé qui après avoir guéri un malade à Lystre durent lutter de pied ferme pour se débarrasser d’admirateurs trop enthousiastes qui les prenaient pour des dieux et qui voulaient leur offrir un sacrifice.
Le piège de l’orgueil
Une éducation chrétienne réussie consistera d’abord à reconnaître les dons reçus en chacun, à rendre gloire à celui qui les a semés en nous. Nous éviterons ainsi le piège de l’orgueil qui consiste à ne compter que sur nous-mêmes et à nous enfermer dans un monde sans Dieu. C’est la prière qui permet cette ouverture et qui nous différencie d’une éducation humaine à la portée de tout homme ici-bas.
Frères et sœurs, que cette vocation de sel de la terre et de lumière du monde reçue au baptême soit notre joie. Quelle nourrisse notre action de grâce et nous pousse à poser chaque jour des gestes qui interpellent et qui conduisent ceux et celles qui cherchent la vérité à découvrir la présence de Dieu dans leur vie.
Amen
5e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Isaïe 58, 7-10; Psaume 111, 4-5, 6-7, 8a.9; 1 Corinthiens 2, 1-5; Matthieu 5, 13-16
Evangile de dimanche: lumière du monde
Le baptême survit à la baisse de la pratique religieuse
N’abandonnons pas Amoris laetitia à ses détracteurs
Homélie du 29 janvier 2017 (Mt 5, 1-12a)
Abbé François Dupraz – Basilique Notre-Dame, Lausanne
S’il est, frères et sœurs, une aspiration inscrite au plus intime de nos cœurs, c’est bien celle de nous unir à Dieu. « Tu nous as fait pour Toi, Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi » écrivait déjà saint Augustin. « Je veux voir Dieu ! » reprenait de plus belle sainte Thérèse d’Avila. Consciemment ou non, il en va de même pour chacun de nous.
Or Dieu – Jésus nous l’a révélé – est avant tout Père et Père d’une infinie bonté. Lorsque l’homme accueille cette révélation de la paternité infiniment aimante de Dieu « son » Père ; c’est à dire lorsqu’il se met à vivre en fils, en fils racheté; relevé, sauvé(…) ; il ne considère plus le chemin pour aller à Dieu sous le joug de la menace mais à la lumière de l’amour. Il ne dit plus dès lors comme le ferait un esclave durement traité: « Malheur à moi si je ne fais pas ceci ou cela! » – tremblant du péché de n’être pas capable de ne pas pécher(…) – mais il dit désormais, en véritable fils : « Bienheureux serai-je si je fais ceci ou cela » et avec un élan de joie surnaturelle il s’élance vers les béatitudes. Béatitudes reconnues, accueillies, reçues, vécues comme autant de roses surgissant d’un buisson jusqu’alors bien épineux.
Faire de l’amour avec son argent
« Bienheureux dès lors – et j’évoque quelques-unes de ces roses – bienheureux – se dit le « fils » du bon Père – si je suis pauvre de coeur, car alors le Royaume des Cieux m’appartient.» Celui qui est pauvre de coeur, quand bien même serait-il matériellement riche, ne pèche pas à cause de son argent ou de son or, mais avec cet argent et cet or il réalise sa sanctification parce qu’il en fait de l’amour. Aimé et béni, il est semblable à une source qui sauve le voyageur perdu dans le désert ; une source qui se donne sans avarice, heureuse de pouvoir se donner pour soulager celui qui désespère.
Et s’il est réellement pauvre, le pauvre de coeur est tout de même joyeux dans sa pauvreté ; il trouve son pain agréable car il échappe – au nom même de sa pauvreté de coeur – à la rancœur envers les riches et à la fièvre de l’or…
Ceux qui ont beaucoup pleuré savent mieux aimer
Une autre « rose » surgissant du buisson épineux : « Bienheureux si je suis capable de pleurer sans me révolter, car je serai consolé! » La douleur existe sur la terre, c’est un fait et la douleur arrache bien des larmes à l’homme… Dieu cependant – c’est ma foi mais avant cela celle de l’Eglise – est toujours à même de faire surgir le bien d’un mal et qu’arrive-t-il alors? Que les larmes – bien loin d’anéantir la créature – la perfectionnent et que ceux qui ont beaucoup pleuré sont au final ceux qui savent le mieux aimer et comprendre.
Aimer les malheureux qui pleurent comme eux ; les comprendre dans leurs douleurs, les aider avec une bonté qui a éprouvé comme cela fait mal d’être seul quand on pleure. Et ils savent aimer Dieu, ceux-là, parce qu’ils ont compris aussi que la douleur s’apaise si on pleure sur le cœur de Dieu ; parce qu’ils ont compris que les larmes résignées qui ne brisent pas la foi, qui ne rendent pas la prière aride, qui ne connaissent pas la révolte, changent de nature, et de douleur deviennent consolation. Oui, en vérité, ceux qui pleurent en aimant le Seigneur seront consolés.
« Bienheureux (une autre « rose ») si je suis doux, parce que j’aurai la Terre en héritage! » L’appel est ici à revêtir nos relations mutuelles de douceur. Ne plus mettre les âmes en fuite par des propos amers et blessants. Les attirer par l’amour car la douceur c’est de l’amour au même titre que la pauvreté de coeur.
Notre avenir est dans la miséricorde
« Bienheureux si je suis miséricordieux, car je profiterai de la divine miséricorde ! » Qui, d’entre nous, peut dire: « Je n’ai pas besoin de miséricorde »? Personne… Nous sommes tous pécheurs et notre avenir à tous est dans la miséricorde. Eh bien s’il était écrit dans l’ancienne loi « Œil pour œil, dent pour dent », la nouvelle, elle, proclame « Qui aura été miséricordieux trouvera miséricorde ». C’est le rite intérieur de l’amour et de la miséricorde qui obtient le pardon. Bienheureux donc celui qui sait être miséricordieux pour ceux qui sont affamés, nus, sans toit, ou pour ceux plus misérables encore qui ont un mauvais caractère… Mauvais caractère qui fait souffrir ceux qui le possèdent comme ceux qui vivent avec eux. Pour nous autres donc, miséricorde envers tous, rien de plus… mais rien de moins. Pardonnons, compatissons, secourons, instruisons, soutenons et… nous obtiendrons miséricorde.
Coeur pur, esprit de paix
Une nouvelle « rose « – finalement il y a tout un bouquet ! Mais c’est cela le paradis : des parfums à n’en plus finir pour les fils… pour vous ! – « Bienheureux donc si je suis pur de cœur, car Dieu se penchera sur mon cœur pur, et moi je Le verrai ! » Cette béatitude détonne de nos jours mais pourtant… Dieu est Pureté. Le Paradis, c’est le Royaume de la Pureté. Celui qui est pur possède dès cette terre un commencement de Ciel, car Dieu se penche sur lui et il « voit » son Dieu. Il ne connaît peut-être pas – si telle est sa vocation – la saveur des amours humaines mais il goûte et par moment jusqu’à l’extase, la saveur de l’amour divin. Il peut dire en vérité: « Je suis avec Toi et Tu es en moi. Je te possède ; je te connais comme l’époux très aimable de mon âme ».
Une dernière « rose »: « Bienheureux si j’ai l’esprit de paix, car Dieu m’appellera son fils, car je serai dans la paix et dans l’amour, et Dieu est l’Amour qui aime celui qui est semblable à Lui ! » La paix, c’est une des caractéristiques de Dieu. Dieu n’est que dans la paix car la paix est amour alors que la guerre est haine. Satan, c’est la Haine. Dieu, c’est la Paix. Le pacifique, maître de lui-même, répand la paix alentour même s’il se tait. Il la porte comme une lampe porte sa lumière dissipant ténèbres sur ténèbres.
Voilà… Quelques béatitudes donc et autant de roses qui nous appellent à ne faire que ce qui peut mériter que nos noms soient inscrits dans les livres célestes ; là où ne sont pas notés les noms d’après les mensonges des hommes et les louanges données à ceux qui les méritent le moins mais où, par contre, sont inscrites avec justice, avec amour les œuvres des bons pour qu’ils puissent recevoir la récompense promise à ceux qui sont bénis de Dieu. Amen !
4e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Sophonie 2, 3 ; 3, 12-13; Psaume 145, 7, 8, 9ab.10b; 1 Corinthiens 1, 26-31; Matthieu 5, 1-12a
La lèpre, un fléau toujours ravageur aujourd’hui
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