Homélie du 16 juin 2024 (Mc 4, 26-34)

Abbé Joseph Demierre – Eglise Saint-Joseph, Lausanne

Avec le retour du temps ordinaire, nous nous trouvons dans la section des paraboles du Royaume. Jésus n’est pas venu instaurer une nouvelle religion. Il est venu annoncer le Royaume de Dieu. Et en quoi consiste ce Royaume de Dieu, et comment nous pouvons y entrer et y participer ?

Selon les paraboles d’aujourd’hui, notre monde est comme un grand arbre : Il étend de longues branches, dans tous les continents. Si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leurs nids à son ombre. C’est l’arbre de vie du jardin de la genèse. Et les oiseaux du ciel, c’est nous, ce sont les réfugiés dont nous faisons mention en ce dimanche, ce sont les malades, les prisonniers, tous ceux qui écoutent et participent à cette Eucharistie. Et que font les oiseaux dans les arbres ? Ils chantent. Nous aussi, nous chantons, avec les groupes Christian Folks et Glorious. Et que chantons-nous ? Les merveilles de Dieu, ce que Dieu fait en nous et à travers nous. « Louez-le, louez-le, qui que vous soyez et où que vous soyez. »

Le Royaume de Dieu : un renversement des valeurs

C’est bien ce qu’Ézéquiel nous décrit dans la première  lecture : « Sur la haute montagne d’Israël, je planterai une tige. Elle portera des rameaux et produira des fruits, elle deviendra un cèdre magnifique, et à l’ombre de ses branches habiterons toutes sortes d’oiseaux. » Voilà pour décrire le Royaume de Dieu. Et encore : « Je renverse l’arbre élevé et relève l’arbre renversé ». C’est un renversement des valeurs. Tel est décrit le projet de salut de Dieu pour l’humanité.

Ces images vont bien avec la situation du monde dans lequel nous vivons, un monde aux multiples branches, mais aussi menacé, avec la problématique de la crise écologique. Et le Seigneur nous en demandera des comptes, dit saint Paul aux Corinthiens. « Chacun sera rétribué selon ce qu’il a fait » ajoute-t-il.

A travers nous, Dieu est à l’œuvre

Mais ces paraboles ne veulent pas être une accusation, ni une condamnation. Au contraire, elles veulent être un encouragement à l’optimisme et à l’action. A travers nous, Dieu est à l’œuvre, comme cet homme qui jette la semence et elle germe et grandit, sans qu’il sache comment. Ou comme la graine de moutarde, la plus petite des graines et qui devient un grand arbre.

Le monde comme un grand arbre, et nos vies comme la terre où la semence peut grandir et produire du fruit. Et cette petite graine, c’est quoi ? c’est qui ? C’est le Christ et c’est la Parole de Dieu. Et nous nous sommes les oiseaux qui chantent. Et nous sommes aussi ceux et celles qui jettent en terre cette semence. C’est peu de chose, mais les effets peuvent être grands et universels.

La logique du levain dans la pâte, du trésor caché, du souffle ténu

Oui, ces parabole nous disent comment Dieu est à l’œuvre dans nos vies et dans le monde.. Dieu n’agit pas par des actions d’éclats, comme on s’y attend trop souvent. Il agit incognito, dans la discrétion la plus totale, sans qu’on s’en rende compte. Il agit de l’intérieur,  dans la discrétion des cœurs. C’est un processus progressif de croissance, de germination, de transformation d’une personne, d’une situation, d’un monde à faire surgir. Ça n’a rien à voir avec une manifestation de force ou de puissance. Nous sommes plutôt dans la logique du secret, de l’enfouissement, du levain dans la pâte, du trésor caché, du souffle ténu.

Oui, voilà l’enseignement de l’Évangile d’aujourd’hui : le médecin ou l’infirmière qui soigne le malade, les bénévoles ou les différents groupements de nos paroisses, l’ouvrier agricole qui prépare le terrain ou soigne le bétail, l’éducateur ou l’apprenti en formation, tous, nous sommes ceux et celles qui jettent en terre la semence pour qu’elle grandisse et produise du fruit.

Bien sûr, il y a des obstacles, il y a des ronces, il y a des pierres, il y a des guerres, il y a les épreuves de la vie, mais rien n’arrête l’œuvre du Christ. Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu, dit Jésus.

Par des paraboles semblables, il expliquaient tout à ses disciples.

Il faut savoir fleurir là où Dieu nous a semés

Que peut-on en conclure ?
Avec ces paraboles, Jésus nous invite à aller au-delà des apparences. Il nous invite à accueillir tous les évènements, bons ou moins bons, comme des semences du Royaume, des semences de l’amour de Dieu qui germent et grandissent dans le cœurs de tous les hommes. Comme la mort d’un martyrs est semence de chrétiens.

Et ne dit-on pas : il faut savoir fleurir là où Dieu nous a semés ? Ces paraboles nous invitent à ne pas nous résigner, à ne pas fuir la réalité, mais à savoir l’affronter avec enthousiasme, pour un changement qui doit s’opérer, avec le dynamisme de la graine de moutarde, avec patience et ténacité. Et avec l’aide de Dieu, bien sûr, pour aller plus loin, pour un changement, pour une transformation de nos cœurs et du monde. Nous, nous semons, et c’est Dieu qui donne la croissance. Précisément comme la graine de moutarde qui est jetée en terre et qui pousse, malgré les intempéries ou les obstacles qui peuvent se présenter.

Dans le christ et avec l’Évangile, être, se savoir être cette petite graine de moutarde qui germe et grandit, jusqu’à devenir ce grand arbre. Ce grand arbre, c’est la communauté. Et dans ce grand arbre, les branches sont reliées et unies les unes aux autres. Il y a là un symbole très fort : tout est lié, tout se tient. Nous sommes unis à Dieu et solidaires les uns des autres, dans un esprit de fraternité, de fraternité universelle. On en a eu un exemple avec la commémoration des 80 ans du débarquement cette semaine.

La Parole de Dieu nous éduque à l’amour

La semence, c’est le Christ, c’est la Parole de Dieu. C’est Dieu qui est à l’œuvre dans nos vies. En Jésus, Dieu nous dit son amour. La Parole de Dieu nous dit qui est Dieu et qui nous sommes. Jésus est venu annoncer l’avènement du Royaume. Il vient délivrer l’homme de ce qui l’aliène. Il nous annonce un Dieu de miséricorde et de pardon, qui nous aide à vaincre les obstacles et qui renverse les valeurs : les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers. Il vient remettre la personne au centre. L’Évangile est semence, semence d’amour et de fraternité, qui doit germer et grandir et porter du fruit. Ce qui est le plus important, c’est l’amour. C’est l’amour qui fait grandir et qui libère. Nous devons donc toujours nous réajuster à cet amour. Le Christ, la Parole de Dieu nous éduque à l’amour. On peut appliquer cela à chacun et chacune de nous et au Dimanche des réfugiés.

Réjouissons-nous et chantons, comme les oiseaux dans les arbres, qui se savent aimés et que le Père nourrit. Louons Dieu pour son œuvre d’amour en ce monde, en nous et entre nous. Prions-le et demandons à l’Esprit Saint de renouveler nos cœurs et nos esprits, pour que nous puissions voir et répondre de manière appropriée aux quoi et pourquoi de la vie, aux réalités de notre monde et aux personnes qui cherchent un sens à ce qu’elles vivent, avec l’éclairage et l’optimisme des paraboles, et afin d’être de joyeux messagers de l’Évangile dans une esprit, non de rivalité et de domination, mais de fraternité et de solidarité. Amen !

11ème dimanche du temps ordinaire – Dimanche des réfugiés
Lectures bibliques : Ezékiel 17, 22-24 ; Psaume 91 ; 2 Corinthiens 5, 6-10 ; Marc 4, 26-34

Homélie du 9 juin 2024 (Mc 3, 20-35)

Abbé Felipe Sardinha Bueno – Eglise Notre-Dame de l’Immaculée Conception, Nyon, VD

L´homélie en français et en espagnol

Chers frères et sœurs dans le Christ Jésus, nous avons aujourd’hui la joie de célébrer cette messe bilingue. Chaque dimanche, dans cette église paroissiale de Nyon, nous avons cette célébration en espagnol à 9 heures du matin. Vous êtes toujours invités à y participer.

Nous sommes en tant qu’Unité Pastorale Interculturelle de Nyon-Terre Sainte abordant cette année pastorale le thème : Église-Famille de Dieu, frères et sœurs. Sur ce thème, nous réfléchirons en nous connectant avec le message provenant de l’Evangile d’aujourd’hui. Qui sont mes frères? demande Jésus, qui sont nos frères aujourd’hui, il nous demanderait certainement.

Qui sont nos frères aujourd’hui ?


El Evangelio de hoy nos introduce en una realidad importante en la vida histórica de Jesús: su familia. Providencialmente, en nuestra unidad pastoral, abordamos el tema de ser familia de Dios, hermanos y hermanas en Cristo en este año de apostolado. Nos reúnimos como comunidad de discípulos, buscando la fraternidad como camino de resistencia frente a una sociedad que actualmente ve crecer el odio y la falta de respeto. Nuestro encuentro es ya un signo profético: diferentes, pero unidos en Cristo, por Él y por su Reino de Amor. El Evangelio de Marcos, que acabamos de escuchar, es bien conocido por identificar a Jesús como el que promueve la fraternidad y la curación, expulsando el mal y restaurando la esperanza. Donde está el Verbo Divino, no hay lugar para ninguna manifestación maligna de los enemigos del Señor, y se nos invita a creer firmemente en ello. Al estar bautizados e iluminados por el Espíritu Santo de Dios, no necesitamos tener miedo, porque el mal nunca podrá tener la última palabra en nuestras vidas. Importantes teóricos, como la filósofa Hannah Arendt y el teólogo y cardenal Walter Kasper, han tratado de preguntarse por qué existe el mal en el mundo. De hecho, éste es un punto desafiante para nuestra fe inteligible, y sólo a través de la esperanza y la confianza en el Eterno podemos hacer frente a esta realidad. Puede que el mal no sea destruido inmediatamente, pero a través de nuestra fuerza colectiva, del amor difundido, de la paz sembrada, de la justicia promovida y de la misericordia practicada, seremos capaces de afrontar los desafíos emergentes con fuerza y valentía. Como en el pasaje leído hoy, fueron muchos los que buscaron a Jesús para que expulsara sus males, algunos por envidia, pensaron que el mal estaba con Jesús, pero su poder sobre ellos le hizo capaz de cambiar por completo el contexto marcado por los males hasta entonces.

Etre authentiquement « famille de Dieu »

Aujourd’hui, au Brésil, nous célébrons un saint qui peut nous éclairer en tant qu’exemple de cette expérience de foi contre le mal en tant que personnage interculturel. Il s’agit de José de Anchieta, Espagnol de naissance, missionnaire au Brésil et défenseur des peuples indigènes face aux processus d’exploitation à son époque. Outre son courage interculturel, dépassant les différences de langue et de coutumes, Anchieta a incarné dans sa vie une Église fraternelle, capable de lutter contre les maux du manque de respect de la dignité humaine. Dans son contexte, elle a assumé sa foi comme protection des plus fragiles.

Et nous aujourd’hui ? Dans nos diverses réalités, quels maux quotidiens devons-nous surmonter pour être authentiquement « famille de Dieu » et nous épanouir en tant que personnes ? Que le Seigneur nous aide sur ce chemin, avec la certitude que la victoire est assurée et que le bien sera toujours plus fort.


Traduction complète en français :

Chers frères et sœurs dans le Christ Jésus, nous avons aujourd’hui la joie de célébrer cette messe bilingue. Chaque dimanche, dans cette église paroissiale de Nyon, nous avons cette célébration en espagnol à 9 heures du matin. Vous êtes toujours invités à y participer.

Nous sommes en tant qu’Unité Pastorale Interculturelle de Nyon-Terre Sainte abordant cette année pastorale le thème : Église-Famille de Dieu, frères et sœurs. Sur ce thème, nous réfléchirons en nous connectant avec le message provenant de l’Evangile d’aujourd’hui. Qui sont mes frères? demande Jésus, qui sont nos frères aujourd’hui, il nous demanderait certainement.

L’évangile d’aujourd’hui nous présente une réalité importante dans la vie historique de Jésus : sa famille. Providentiellement, dans notre unité pastorale, nous abordons le thème de la famille de Dieu, des frères et sœurs dans le Christ pendant cette année d’apostolat. Il nous rassemble en tant que communauté de disciples, cherchant de la fraternité comme chemin de résistance face à une société qui voit aujourd’hui grandir la haine et l’irrespect. Notre rencontre est déjà un signe prophétique : différents, mais unis dans le Christ, pour Lui et pour son Royaume d’Amour.

Baptisés dans l’Esprit Saint, nous ne devons pas avoir peur


L’Évangile de Marc, que nous venons d’écouter est bien connu pour identifier Jésus comme celui qui promeut la fraternité et la guérison, en chassant le mal et en restaurant l’espérance. Là où se trouve la Parole divine, il n’y a pas de place pour une quelconque manifestation des ennemis du Seigneur, et nous sommes invités à le croire fermement. Baptisés et éclairés par le Saint-Esprit de Dieu, nous ne devons pas avoir la peur, car le mal ne pourra jamais être la dernière parole dans nos vies. D’importants théoriciens, tels que la philosophe Hannah Arendt et le théologien et cardinal Walter Kasper, ont essayé de se demander pourquoi le mal existe dans ce monde. En effet, il s’agit d’un défi pour notre foi intelligible, et ce n’est que par l’espérance et la confiance en l’Éternel que nous pouvons faire face à cette réalité. Le mal ne sera peut-être pas détruit immédiatement, mais grâce à notre force collective, à l’amour répandu, à la paix semée, à la justice promue et à la miséricorde pratiquée, nous serons en mesure d’affronter les nouveaux défis avec la force et le courage. Comme dans le passage lu aujourd’hui, nombreux sont ceux qui ont cherché Jésus pour chasser leurs maux, certains par envie, ils pensaient que le mal était avec Jésus, mais son pouvoir sur eux l’a rendu capable de changer complètement le contexte marqué par les maux jusqu’alors.

Aujourd’hui, au Brésil, nous célébrons un saint qui peut nous éclairer en tant qu’exemple de cette expérience de foi contre le mal en tant que personnage interculturel. Il s’agit de José de Anchieta, Espagnol de naissance, missionnaire au Brésil et défenseur des peuples indigènes face aux processus d’exploitation de son époque. Outre son courage interculturel, dépassant les différences de langue et de coutumes, Anchieta a incarné dans sa vie une Église fraternelle, capable de lutter contre les maux du manque de respect de la dignité humaine. Dans son contexte, il a assumé sa foi comme protection des plus fragiles. Et nous aujourd’hui ?

Dans nos diverses réalités, quels maux quotidiens devons-nous surmonter pour être authentiquement « famille de Dieu » et nous épanouir en tant que personnes ? Que le Seigneur nous aide sur ce chemin, avec la certitude que la victoire est assurée et que le bien sera toujours plus fort.

10e Dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Genèse 3, 9-15; Psaume 129; 2 Corinthiens 4, 13 – 5,1; Marc 3, 20-35

Homélie du 2 juin 2024 (Mc 2, 23 – 3, 6)

Chanoine Simone Previte – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS

Nous avons beau être au début de l’Évangile selon Saint Marc, à cheval entre le 2e et le 3e chapitres, l’inauguration du ministère public de Jésus est d’emblée caractérisée par une impertinence telle qu’elle a déjà une saveur de mort imminente en raison des conspirations montées contre Jésus en vue de le faire périr.

L’audace de Jésus


Si on en arrive très vite à cette sévérité de jugement, c’est que très vite, aussi, Jésus s’est permis de rendre manifeste le changement de paradigme que sa vocation de Messie veut susciter.
Le changement de paradigme est tel que, aller jusqu’à prétendre que « le sabbat a été fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat » (Mc 2, 27) au point d’accompagner cet enseignement d’une attitude qui la corrobore par la matérialité du miracle opéré dans la synagogue et de la récolte des épis à travers les champs de blé, implique une réputation de blasphémateur méritée au sens de la loi juive.

L’impertinence de Jésus est d’autant plus probante qu’une main atrophiée n’installe pas celui qui doit assumer cette vulnérabilité dans un danger certain de mort au point d’être confronté à la nécessité absolue de le guérir ici et maintenant.
Même l’autorité de l’exemple de David et ses compagnons d’armes au temps du grand prêtre Abiatar ne suffit pas à contrebalancer l’audace de Jésus.

Le retour à l’institution du sabbat par le Divin Législateur dans le livre du Deutéronome nous permet de contempler la primordialité de Dieu dans la finalité même du sabbat : « en l’honneur du Seigneur ton Dieu » (Dt 5, 14). Si le sabbat sert à l’homme pour qu’il réactualise sa mémoire des merveilles accomplies par le Seigneur son Dieu (« C’est moi, le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait monter de la terre d’Égypte ! » (Ps 80, 11) reprenait le psalmiste), alors dans le commandement de son observance est inscrite la centralité de l’activité de Dieu que l’inactivité volontaire de l’homme vient exacerber.

Il n’y a pas de repos dans la vie de foi


Le bienheureux frère Christian de Chergé, empreint de spiritualité monastique bénédictine dont la devise invite à la prière et au travail (« Ora et Labora »), rappel qu’« il n’y a pas de repos dans la vie de foi, simplement parce qu’elle se situe d’emblée dans la grâce du 7e jour, du sabbat pascal … Si la liturgie prend une forme privilégiée le dimanche, c’est pour donner son élan d’adoration à toute la vie. Ici, le temps et l’éternité doivent signifier leur alliance . » (1)

En régime chrétien, avec le Christ ressuscité, le repos sabbatique est décalé au lendemain du sabbat pour faire mémoire du jour du Seigneur : huitième jour, jour 1 : jour d’éternité, suspendu hors du temps de notre fastidieuse et laborieuse humanitude pour entrer dans la contemplation de notre bienheureuse participation à la glorification du Christ : « Toujours nous portons, dans notre corps, la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre corps » (2 Co 4, 10).

Dans son Éloge spirituel du repos, le chanoine de l’Abbaye de Lagrasse Maximilien Le Fébure du Bus écrit : « oui, en vivant pleinement le dimanche, je transfigure ma semaine et prépare ‘‘mon repos définitif dans la jouissance de Dieu au ciel’’ . » (2) Mais comment l’Évangile que l’Église nous donne à proclamer ce dimanche entre-t-il en résonnance avec cette dynamique ?

Avouons-le, comme chrétiens, on a très vite fait de prendre cet Évangile comme prétexte pour motiver et justifier nos propres écarts d’avec la loi de Dieu ou de l’Église : ne tombons pas dans le piège de nous contenter d’une casuistique d’occasions morales où j’ai le droit exceptionnellement de ne pas faire ceci, parce que … ou j’ai le droit exceptionnellement de faire cela, parce que … parce qu’au final le sabbat est fait pour l’homme et non pas l’inverse.

Les effets du mystère pascal dans nos vies


Quoique légitimement il nous amène à ce genre de conclusions, j’ose croire que cet Évangile nous invite à plus haut, plus noble que ça !
L’enjeu de l’Évangile de ce dimanche n’est pas tant de mettre en scène un Jésus obstinément contestataire par rapport à la loi de son peuple, mais bien plus de manifester les effets de son mystère pascal dans nos vies. L’affinité de cette péricope évangélique avec le thème de la mort amplifie cette tension autour du ministère salvifique de Jésus. Les épis de blé que les disciples sont autorisés à récolter dans les champs et les paroles de guérison que Jésus profère sur la main atrophiée sont le signe du Pain et de la Parole partagés à chaque Eucharistie, de laquelle l’Église se nourrit pour consommer son Alliance avec son Divin Maître.

Oui, Jésus, par sa Parole et ses sacrements, nous sauve. La disponibilité dont il nous rend capables et que nous lui offrons à l’occasion de ces célébrations mémorielles « hors du temps » manifestent le désir de voir se réaliser cette Alliance en nous, de sorte que le Seigneur nous comble vraiment de sa sainteté en faisant briller dans nos cœurs la lumière qui rayonne sur le visage du Christ (cf. 2 Co 4, 6).
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[1] Christian de Chergé, chapitre du mardi 21 décembre 1993, dans : Dieu pour tout jour. Chapitres de Père Christian de Chergé à la communauté de Tibhirine (1985-1996), Les Cahiers de Tibhirine (1bis), Montjoyer, 20062, p. 462.
[2] Maximilien Le Fébure du Bus, Éloge spirituel du repos, Artège, Paris, 2022, p. 84.

9e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Deutéronome 5, 12-15 ; Psaume 80 ; 2 Corinthiens 4, 6-11 ; Marc 2, 23 – 3, 6