
Homélie du 17 mars 2024 (Jn 12, 20-33)
Abbé François-Xavier Amherdt – Eglise Saint-Germain, Savièse, VS
I. Grain de blé
Au début du dernier Avent, notre fleuriste paroissiale avait planté des amaryllis en boutures comme décoration pour les quatre dimanches. Et alors même que la période de la préparation à Noël en 2023 était particulièrement brève, les fleurs se sont épanouies très rapidement en un rouge somptueux. Si bien qu’elles ont agrémenté la crèche jusqu’à l’Épiphanie et au baptême du Christ.
Car à Savièse, presque tout le monde travaille la terre, d’une manière ou d’une autre, chacun est proche de la nature. La majorité des familles possèdent un bout de vigne et y investissent tout leur cœur. Les parcelles si bien exposées au soleil du Valais central, sur la rive droite, font ainsi merveille par l’abondance et l’excellence de leurs récoltes. Chaque année, la vigne s’endort, meurt, puis revit, repousse, se taille, s’émonde, s’attache, produit du raisin, et finalement donne la boisson transformée par Jésus en son sang à la messe.
Non seulement le Christ se compare au cep dont nous sommes les sarments et le Père, au vigneron qui coupe les tiges en trop, afin que le fruit soit de la meilleure teneur possible (en Jean 15). Mais il s’identifie également au grain de blé, déposé dans le sol, selon l’évangile de ce dimanche, au chapitre 12 de Jean. C’est seulement s’il meurt qu’il peut être fructueux. Si non, il reste sec et seul et ne produit rien. Il faut mourir pour vivre et revivre, perdre sa vie et s’en détacher pour la garder, en vue de l’éternité. Il s’agit donc de suivre le Christ pour le servir et ainsi rencontrer le Père.
II. Campagne
La campagne de Carême 2024, « Moins, c’est plus et mieux », nous ouvre des horizons prometteurs. Renoncer pour grandir, nous priver quantitativement pour gagner en profondeur et en qualité. Moins de gaspillage et plus de recyclage. Faire du neuf avec du vieux. Moins de consommation et plus de dégustation. Moins de déplacements dans tous les sens. Moins de voyages en avion, plus de co-voiturage et plus de contemplation des paysages de chez nous. Moins de tensions et de soucis, et plus de réflexion et de détente. Moins d’exploitation à tout-va et plus d’économie. Moins d’égoïsme et plus de solidarité. Moins d’arnaques et plus de justice.
C’est choisir le renoncement et le jeûne pour nous sentir mieux dans nos têtes et dans nos corps, pour nous éprouver plus légers et comme désintoxiqués, pour mettre de l’argent de côté et soutenir les projets de « Pain pour le prochain » et « Action de Carême » en faveur de l’engagement environnemental et de l’équité Nord-Sud. C’est nous relier à la terre, marcher, bouger, manger en conscience, nous réjouir de chaque petit pas, nourrir nos amitiés.
III. La Loi intérieure
La prière soutient le jeûne, le partage et l’action, car elle permet d’inscrire la Loi de Dieu au plus profond de notre cœur. Prier, c’est accueillir l’Alliance nouvelle écrite par le poinçon de l’Esprit au centre de notre être, c’est devenir le partenaire de Dieu dans la relation intime qu’il établit avec nous, ainsi que l’exprime la formule : « Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. » La prière nous installe dans la vraie connaissance du dessein du Seigneur, telle une renaissance intérieure.
Quand les groupes de prière du Renouveau charismatique nous convient à invoquer l’Esprit et à en imprégner toutes nos actions, ils ouvrent pour nous toutes et tous une voie de vérité et de vie. [Quand nous sommes deux ou trois réunis en son nom, il est là, au milieu de nous.]
Le père Marie-Eugène, à la suite des figures du Carmel comme Jean de la Croix, ne cesse de nous appeler à nous mettre à l’école du Saint Esprit, afin de traverser nos nuits et de cheminer vers la lumière de l’union transformante avec le Christ.
IV. L’heure
« Car l’heure est venue », déclare Jésus. Cette heure annoncée déjà lors du miracle de Cana, c’est l’heure de son agonie et de sa glorification, c’est l’heure de la croix et de la gloire, « Chemin de croix, chemin de gloire ». Le Christ en est bouleversé aux entrailles, en présence de ses visiteurs grecs, c’est-à-dire des étrangers qui sont venus le trouver. Et comme lors de son baptême, la voix du Père vient du ciel et le reconnaît comme le Fils chargé de jeter dehors l’Adversaire, le prince de ce monde, et d’attirer au ciel les hommes ainsi libérés.
Le grain de blé va lever, il va être broyé, les grappes de la vigne mûrissent et sont livrées au pressoir. Le pain et le vin sont apprêtés.
C’est comme un grand cri, des larmes versées, une supplication lancée vers Dieu par le Christ, relève l’auteur de la Lettre aux Hébreux. C’est la clameur du Fils de l’homme : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », chez Marc. C’est la prière de l’obéissance par excellence à la volonté du Père, dans l’Esprit Saint. C’est la soumission au projet divin à travers les souffrances de la Passion et l’amour donné jusqu’au bout, par lesquels nous sommes sauvés.
Recueillons-nous pour élever des supplications et faire monter nos intercessions, en disant chaque jour : « S’il-te-plaît ! »
V. Chemin de croix
Ainsi donc, 5ème couleur : il est précieux de dire le chemin de croix chaque semaine, chaque vendredi de Carême, comme le faisait le saint pape polonais Jean-Paul II. C’est sans doute ce qui lui a permis de tenir dans sa maladie, sa lutte à la vie à la mort, et jusqu’à son agonie, terme qui signifie « combat ».
Les mystères douloureux du chapelet, [la condamnation à mort, la flagellation, le couronnement d’épines, le portement de la croix et la mort au Golgotha,] accompagnent les 14 stations. Les deux se combinent admirablement.
Réciter ces prières répétitives, c’est donner toute la place à l’Esprit présent en nos corps par notre respiration. C’est nous installer comme sur un tapis de prière, sans nécessairement penser à toutes les paroles dites dans chacun des Ave Maria de chaque dizaine. C’est réaffirmer notre conviction fondamentale : « Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons parce que tu as racheté le monde par ta sainte croix » ; « Marie, prie pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Amen ».
C’est entrer dans la méditation de ces mystères centraux de la Semaine Sainte, du Jeudi Saint au dimanche de Pâques, [et les faire tourner dans notre esprit et notre âme, en nous laissant retourner et transformer.
C’est nous unir aux douleurs atroces des enfants et des femmes, des familles et des civils, des soldats innocents qui tombent, à l’instant même, sous les obus, [les bombes] et les missiles. À l’exemple de Jésus-Christ qui assume chacune de ces blessures et les transfigure en cicatrices salvifiques.
Jean de la Croix – portant le nom même du Calvaire –, que ses frères et son ordre ont emprisonné et maltraité ; Thérèse de Jésus, qui a dû affronter tant de résistances dans son œuvre de réforme du Carmel [et de fondation de nouveaux couvents] ; François d’Assise, que ses compagnons ont rejeté ; Ignace, le chevalier meurtri par un boulet de canon, à l’occasion de quoi il s’est laissé toucher par la grâce ; et le père Marie-Eugène, avec son chef-d’œuvre Je veux voir Dieu, réalisant une synthèse de la spiritualité carmélitaine ; toutes et tous nous poussent au Renouveau dans l’Esprit, à travers l’épreuve de la croix. « Donne-nous, Seigneur, un cœur nouveau, mets en nous, Seigneur, un Esprit nouveau. »
VI. Conclusion : Vers la Semaine Sainte
Préparons-nous donc à entrer dans la plus grande, la plus belle et la plus sainte des semaines, c’est tout bientôt. Avec l’Esprit Saint, « notre ami », ainsi que le prie le père Marie-Eugène :
VII. Prière : « Il est là, l’ami, l’Esprit Saint » (Père Marie-Eugène)
« Je vous invite à faire un acte de foi en l’Esprit Saint qui est dans nos âmes. L’Esprit Saint n’est pas une pensée, c’est quelqu’un qui est la vie de notre âme, le souffle vivant, l’hôte de notre âme qui agit sans cesse en nous. C’est une personne intelligente, aimante, qui habite en nous. Vivre par conséquent avec cet Esprit Saint, le retrouver quelquefois, le retrouver souvent ! Et quand nous rentrons en nous-mêmes pour voir où nous en sommes, ce que nous devons chercher en premier lieu et presque uniquement, c’est cet Esprit Saint qui est vivant en nous. Il est là, l’ami, il est là, l’hôte ; il est là, l’architecte de l’Église ; il est là, l’ouvrier de notre sanctification, celui qui fait l’Église, cette œuvre à laquelle il nous associe. »
5e dimanche de Carême
Lectures bibliques : Jérémie 31, 31-34; Psaume 50; Hébreux 5, 7-9; Jean 12, 20-33
Les mots de la Bible: la vengeance de Dieu
Pour le ramadan, des juifs solidaires avec les Palestiniens
Francfort illumine ses rues pour le ramadan

Homélie du 10 mars 2024 (Jn 3, 14-21)
Abbé François-Xavier Amherdt – Eglise Saint-Germain, Savièse, VS
I. Chemin de croix
À la chapelle de l’évêché de Sion, le cardinal Henri Schwery, dont j’ai eu l’honneur d’être le vicaire épiscopal et collaborateur pastoral, avait fait installer un beau chemin de croix. Il l’avait fait peindre par l’artiste saviésanne Isabelle Tabin, en avait rédigé un commentaire spirituel et profond des 14 plus 1 tableaux et l’avait ensuite publié, peintures et textes réunis dans un livre, sous le titre Chemin de croix, chemin de gloire.
Un tel chemin, c’est le Christ élevé de terre, afin d’attirer à lui tous les hommes. Relevé par l’amour vivifiant du Père, Jésus du Golgotha communique à tout être la vie éternelle. Tel est l’amour de Dieu que le Père a répandu sur le monde. Il nous a donné son Fils, son Unique, il nous a offert le salut et la joie éternelle dans l’Esprit.
Jean oppose dans l’évangile du jour les verbes « juger » et « sauver ». Par la foi au Christ, nous échappons à la condamnation possible du jugement et pouvons entrer dans la plénitude définitive.
Avec ce verset, il s’agit d’une phrase centrale du Nouveau Testament, allant au cœur du kérygme. Elle se trouve parfois affichée au bord de nos routes, car nos frères et sœurs de communautés évangéliques aiment à le placarder, tel un message de puissante espérance. Et tous les chrétiens s’y rallient œcuméniquement : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »
II. Le pardon qui sauve
Désormais, ce n’est plus un serpent de bronze qui est dressé, comme dans le livre des Nombres de l’Ancien Testament. Lorsque les Hébreux dans le désert étaient atteints par la morsure de serpents brûlants, leur regard sur la hampe tendue par Moïse les sauvait.
Nous pouvons dorénavant lever les yeux vers celui que nous avons nous-mêmes crucifié. Du haut du Calvaire, il répand sur nous l’abondance de sa tendresse : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », dit Jésus dans l’évangile de Luc, [l’évangile de la miséricorde].
Chez Jean, c’est du côté ouvert du Fils de l’homme que coulent l’eau du baptême et du pardon, le sang de l’eucharistie et de la réconciliation. Pour nous sauver et nous communiquer la joie.
Au milieu des ténèbres du jugement et de l’incrédulité, la lumière de la vérité resplendit. Celui qui la suit et qui y croit n’a plus aucune crainte. Ses œuvres mises au plein jour bénéficient de la bonté de Dieu. Il est pardonné, il est dans l’allégresse.
III. Quelle joie !
Tout au long de l’histoire du salut, et aujourd’hui encore, le Seigneur reste fidèle à sa promesse.
Quelle joie : malgré les abominations de nos infidélités, il continue d’envoyer ses messagers, ses prophètes, encore de notre temps ! Quand bien même nous les exécutons, à l’exemple de Martin Luther King ou d’Oscar Romero, il en dépêche toujours de nouveaux.
Soyons attentifs aux envoyés du Père. Ils peuvent même prendre le visage du roi Cyrus, l’empereur païen, ou de messagers-surprises, comme pour Israël. Quand le peuple de l’Alliance de notre époque se fourvoie dans l’idolâtrie et le transhumanisme, dans la corruption et les conflits, aujourd’hui comme par le passé, Dieu le conduit en exil, loin de toute fausse sécurité. Et il le convertit, afin qu’il puisse rentrer sur sa terre sainte, rebâtir son temple et retrouver son vrai Dieu.
Pour nous, en 2024, c’est le Roi des Rois, le Christ Roi, c’est le Temple de son corps et de notre propre être, c’est la terre promise de son Église qui nous sont offerts.
Montons donc à Jérusalem, bâtissons-y la paix, dans cette ville du Shalom, Ieru-Shalaïm.
IV. À Jérusalem
Chantons en exil un cantique, comme les juifs à Babylone avec le Psaume 136 de ce jour. N’oublions pas la cité de la paix, ou sinon, que notre langue s’attache à notre palais ! Retournons-y !
Ah, si seulement nous parvenions à obtenir un cessez-le-feu dans la ville sainte des chrétiens, des juifs et des musulmans !
Ah, si nos dirigeants, soutenus par notre intense intercession, réussissaient à travers les instances de l’ONU à faire signer un traité, avec une terre et un état pour chacun des deux peuples, les Israéliens et les Palestiniens !
V. Le sacrement de la réconciliation
Un des meilleurs moyens de cheminer vers la joie du Carême et de Pâques, c’est de fréquenter le pardon de Dieu.
Car le Seigneur est incommensurablement riche en miséricorde, affirme Paul dans sa lettre aux Éphésiens, sa grâce est infiniment abondante. Le Christ est comme un couffin percé d’où s’échappent 100’000 plumes, écrivaient les Pères de l’Église.
Sur la croix, il ouvre la source du vrai temple. Cette source coule vers toutes les mers mortes, ainsi que le dit le prophète Ézéchiel, et elle en assainit les eaux. Buvons à cette plaie ouverte, abreuvons-nous à ce nouveau rocher du salut !
Il suffit que nous nous en approchions. C’est un pur don, c’est une grâce sans mérite. Nous ne la gagnons pas par nos actes ni nos performances, nous ne l’obtenons pas par nos mérites. Nous n’en pouvons tirer aucun orgueil.
Joie ! Le Christ nous fait revivre, il nous fait régner dans les cieux par sa bonté sans limites. Il nous ressuscite d’ores et déjà.
VI. Chapelle de Saint-François
Allons donc dans tous les oratoires et chapelles dédiés à François d’Assise, comme l’oratoire de Savièse, sous l’église de Saint-Germain, je le disais déjà un précédent dimanche. Et risquons-nous à recevoir le sacrement du pardon. Faisons le bonheur de Dieu et du prêtre, en le laissant nous montrer sa pleine bienveillance.
N’ayons aucune réserve, courons à la confession, comme à l’oraison et à l’adoration.
Le Père prodigue en amour n’attend que cela : nous prendre dans ses bras et sur son cœur, nous ouvrir ses entrailles de miséricorde, sa matrice féminine de tendresse, pour nous associer à son banquet.
Vive la spiritualité franciscaine de la paix et de l’allégresse !
Vive le pardon que les enfants de 7-8 ans de notre paroisse ont reçu pour la première fois hier, 9 mars !
Depuis quand ne nous sommes-nous plus confessés ? Posons-nous la question, c’est le moment favorable. Confessons la grandeur du Seigneur Sauveur en confessant nos fautes.
Et exprimons dans notre examen de conscience chaque jour une prière de demande de pardon ! Pardon, s’il-te-plaît, merci !
VII. Prière pour la paix de saint François d’Assise
« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix. Là où est la haine, que je mette l’amour. Là où est l’offense, que je mette le pardon. Là où est la discorde, que je mette l’union. Là où est l’erreur, que je mette la vérité. Là où est le doute, que je mette la foi. Là où est le désespoir, que je mette l’espérance. Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière. Là où est la tristesse, que je mette la joie.
Ô Seigneur, que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler, à être compris qu’à comprendre, à être aimé qu’à aimer. Car c’est en se donnant qu’on reçoit, c’est en s’oubliant qu’on se retrouve, c’est en pardonnant qu’on est pardonné, c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie. »
4e Dimanche de Carême, de Laetare
Lectures bibliques : 2 Chroniques 36, 14-23; Psaume 136; Ephésiens 2, 4-10; Jean 3, 14-21
Les mots dela Bible: la promenade
