Les voeux: Dick Marty, confessions intimes

A l’aube de la nouvelle année, « Faut pas croire » brosse le portrait d’un homme de convictions. Rapporteur spécial du Conseil de l’Europe, Dick Marty a osé défier les puissants en révélant, notamment, l’existence des prisons secrètes de la CIA sur sol européen et un trafic d’organes pendant la guerre au Kosovo. Seul contre tous.

Où l’homme puise-t-il les ressources nécessaires à ses combats? Qu’est-ce qui l’anime? Dick Marty nous reçoit dans son pied-à-terre à Berne et dévoile les origines de son goût pour la justice.

Homélie du 14 décembre 2014

Prédicateur : Mgr Johan Bonny, évêque d’Anvers et Mar Ignace Aphrem II
Date : 14 décembre 2014
Lieu : Cathédrale Notre-Dame d’Anvers
Type : tv

Frères et soeurs,

Au cours de cette eucharistie, nous prions à plusieurs reprises et avec insistance pour la paix.

Une des dernières prières avant la communion est celle de l’Agneau de Dieu. La troisième et dernière fois, nous prions: «Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde, Donne-nous la paix. Dona nobis pacem».

L’Agneau de Dieu c’est Jésus-Christ. Il était et est le Verbe de Dieu fait homme. Non violent et plein de miséricorde, il est venu à la rencontre des hommes. Il a appelé au pardon et à la réconciliation. Il a même franchi un pas de plus. Il s’est chargé du péché des hommes et du mal de ce monde. Comme une brebis sans défense, Il a été mené à l’abattoir.

Condamné au supplice de la croix, il a donné sa vie en rançon pour la multitude. Sa résurrection nous a fait renaître. L’arbre de vie a remplacé celui de la souffrance. Le premier et le plus beau fruit de cet arbre est celui de la réconciliation et de la paix.

Premier cadeau que Jésus nous offre lors de chaque eucharistie. C’est ce premier don qui aujourd’hui nous unit dans la prière. Dans l’Evangile, Jésus dit à ses disciples: «Si deux d’entre vous sur la terre, se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux» (Mt. 18, 19).

Ensemble avec nos frères et sœurs des différentes Eglises et communautés ecclésiales du monde entier, nous adressons notre prière pour la paix au Père.

Ces trois jours a lieu à Anvers, la rencontre internationale «Religion et Cultures en dialogue» organisée par la communauté Sant’Egidio en collaboration avec le diocèse et la ville d’Anvers.

Cette rencontre annuelle a lieu dans l’esprit de la première rencontre d’Assise, en 1986 à l’invitation du Pape Jean-Paul II. Outre les chrétiens, des dirigeants et représentants d’autres religions du monde prennent également part à cette rencontre. Nous souhaitons dialoguer ensemble dans une atmosphère fraternelle et de réconciliation et lancer un signal à notre société et à la communauté mondiale.

En tant que religions, nous avons tout à gagner dans un monde où règne la paix et souhaitons pleinement y contribuer.

Cette rencontre internationale se déroule à Anvers, juste cent ans après les ravages de la Première Guerre mondiale dans notre ville et notre région. De nombreux soldats sont morts et beaucoup ont quitté la ville en d’interminables colonnes de misère et d’incertitude. Quelques jours plus tard a commencé le combat mortel qui dura quatre ans sur un front s’étendant de l’Yser à la Somme.

En ces jours, nous nous souvenons dans la prière de toutes les victimes de la Première Guerre mondiale. Mais pas seulement d’elles… Nous sommes également unis à toutes les victimes actuelles de guerres et de violences sur les fronts si nombreux de notre monde. Avec eux et tous ceux qui aspirent à la paix, nous prions: «Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, donne-nous la paix. Dona nobis pacem».

Amen.

Homélie de Sa Sainteté Mar Ignace Aphrem II, patriarche d’Antioche et de tout l’Orient et Primat de l’Eglise syriaque orthodoxe

Au nom du Père et du Fils
et de l’Esprit Saint, seul véritable Dieu, Amen.
Votre excellence Mgr Johan Bony, Votre Béatitude Patriarche Sako,
Vos éminences et excellences,
Frères et Sœurs en Christ,

Deux disciples faisaient route vers Emmaüs lorsqu’ils rencontrèrent un étranger. Ils s’entretenaient de ce qui était arrivé au Seigneur. Après avoir parcouru un bout de chemin ensemble, ils s’assirent ensemble et rompirent le pain. À la manière dont cet étranger rompit le pain avec eux, ils le reconnurent: c’était lui, le Seigneur.

Il était avec eux depuis tout un temps, mais ils étaient incapables de voir sa véritable identité. Sa présence parmi eux montre bien ce que nous venons d’entendre dans l’Evangile: «Car il n’y a pas deux ou trois rassemblés en mon nom auprès desquels je ne sois pas au milieu d’eux»

En effet, notre Seigneur est un Dieu qui n’est jamais éloigné. Il demeure parmi nous lorsque nous nous réunissons en Son nom. Son nom même «Emmanuel», traduit par l’Ange en «Dieu avec nous», reflète sa présence parmi nous et décrit ses rapports avec nous. C’est une relation d’être ‘avec’ et non ‘pour’ ni ‘au-dessus’.

Cela nous montre, chers frères et sœurs, que notre Seigneur désire demeurer parmi nous. Cela montre qu’Il veut se mêler à nous afin que nous puissions retourner à l’état de gloire qui fut jadis le nôtre.

Un Père de l’Eglise du 5e siècle, saint Jacques de Saroug, surnommé «la harpe de l’Esprit saint», qui fut un grand docteur de l’Eglise syriaque orthodoxe, décrit cette idée ainsi:

(texte dit en arabe)

« La compassion Vous a mêlé parmi les humains qui s’étaient égarés. En agissant ainsi, Vous les avez retrouvés pour les ramener sur le droit chemin. Vous êtes devenu l’un de nous et Vous voici notre compagnon, Emmanuel qui est venu pour libérer les esclaves de son Père.»

De nos jours, il est devenu difficile d’être conscient de la présence de Dieu parmi nous, au milieu de tous les troubles et les difficultés dans notre vie. En réalité, notre existence quotidienne déborde d’expériences diversifiées de sorte que nous sommes parfois aveugles pour les petites choses qui montrent clairement que Dieu est présent parmi nous et qu’il veille sur nous avec sa divine Providence.

Afin d’éviter cette cécité spirituelle, le psalmiste chante: «Ouvre mes yeux: je verrai les merveilles de ta loi». Une fois que les yeux de notre esprit se sont ouverts, nous sommes en mesure de voir la présence de Dieu parmi nous dans les petits événements de notre vie et d’apprécier la grandeur et la majesté de notre Créateur.

Dieu est présent parmi nous, mes frères et sœurs, lorsque nous apercevons la lueur d’espoir dans les yeux d’un enfant contraint de fuir sa maison et de quitter sa ville de Mossoul en Irak, en route vers un destin inconnu.

Cet enfant garde l’espoir parce qu’il croit que Jésus est avec lui et ne l’abandonnera pas, tout comme Dieu a précédé le peuple d’Israël dans une colonne de nuée ou une colonne de feu lors de la sortie de l’Egypte.

Dieu est présent parmi nous quand nous voyons un père dont toute la famille a été tuée – père, mère, épouse et deux enfants – dans des tueries barbares à Sadad, en Syrie, un père qui demeure néanmoins capable de sourire paisiblement et de se soumettre volontiers à la volonté de Dieu qu’il sait proche dans sa détresse.

Car que représentent ces exemples, sinon la force de l’Esprit saint, qui rend fort et donne une paix intérieure au milieu d’un monde agité?

Et qu’arrive-t-il lorsque nous sommes en mesure de voir que Dieu est parmi nous?

Alors, nous pouvons récolter les fruits de l’Esprit saint: «Charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi» (Galates 5, 22).

Je vous le dis sincèrement: nous sommes capables de célébrer malgré les malheurs que nous pouvons rencontrer et le désespoir qui risque de nous envahir. Les fruits de l’Esprit saint sont doux et affirment la vie. Ils nous rendent capables de révéler le véritable sens de notre vie qui est de célébrer Dieu et sa présence parmi nous.

Que le Seigneur Jésus-Christ, présent parmi nous, qui nous réunit en Son nom, nous accorde sa grâce et nous donne de pouvoir ressentir encore et encore sa présence parmi nous.

Amen.

Homélie du 14 décembre 2014

Prédicateur : Chanoine Jean-Claude Crivelli
Date : 14 décembre 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

« Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » Des millions de spectateurs ont dit Amen à ce film brillant qui joue avec le multiculturalisme et dont on peut tirer au moins la conclusion suivante : « Il n’y a qu’un seul Dieu, le même pour tous ! ».

Toutefois quand j’ai reconnu cette vérité toute simple, je n’ai pas encore fait le tour du problème, surtout que le problème est à la dimension de l’infini. La première demande du Notre Père énonce : « Que ton nom soit sanctifié ». Autrement dit, si l’on décrypte l’hébraïsme de la formule et puisque, dans le monde biblique, le « nom » désigne la personne : « Fais-toi reconnaître comme Dieu » ou encore : Que tous reconnaissent qui tu es en vérité et qu’ils se laissent attirer par ce que tu es, toi, Dieu très saint. Que les hommes apprennent qui tu veux être pour eux depuis toujours : « Tu es, Seigneur, notre Père, notre Rédempteur, tel est ton nom depuis toujours. » (Is 63 1er dimanche de l’Avent) Et encore : « Nous sommes l’argile, et tu es le potier ».

Ce qui signifie que Dieu, par son Esprit, ne cesse de nous créer, de nous modeler à son image, pour que nous soyons saints comme Lui est saint – ainsi que l’énonce le Lévitique : « Soyez saints, car je suis saint, moi, le Seigneur, votre Dieu. « (Lv 19, 1). Ce que Jésus explicitera : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5, 48) Dans le contexte du Sermon sur la montage, cela signifie : Aimez vos ennemis, ayez à leur endroit cette générosité qui appartient à Dieu et que celui-ci vous communique pour que vous en deveniez les artisans. Lui Dieu qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur le bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment … » On connaît la suite du précepte divin. En saint Luc Jésus profère le mot de la fin : « Soyez généreux [ou : miséricordieux] comme votre Père est généreux. » (Lc 6, 36)

Ici nous rejoignons la belle morale du film « Qu’est-ce qu’on fait au Bon Dieu » ! Il appartient à Dieu d’être généreux : spontanément Dieu s’ouvre, se répand, se donne. C’est parce que Dieu n’est que générosité que l’univers créé existe. Et que j’existe moi maintenant. Tout vivant révèle qui est Dieu, malgré ses limites, malgré ce mal qui le hante et dont Teilhard de Chardin écrivait :

Oui, plus, au fond de ma chair, le mal est incrusté et incurable, plus ce peut être vous que j’abrite, comme un principe aimant, actif, d’épuration et de détachement. Plus l’avenir s’ouvre devant moi comme une crevasse vertigineuse ou un passage obscur, plus, si je m’y aventure sur votre parole, je puis avoir confiance de me perdre et de m’abîmer en Vous, – d’être assimilé par votre Corps, Jésus.

O énergie de mon Seigneur. Force irrésistible et vivante, parce que, de nous deux, Vous êtes le plus fort infiniment, c’est à Vous que revient le rôle de me brûler dans l’union qui doit nous fondre ensemble.

Pierre Teilhard de Chardin, Le milieu divin. Essai de vie intérieure, Paris Seuil, 1957, p. 77

Et pourtant Dieu reste méconnu. « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas » dit Jean le Précurseur au sujet de celui qui est Dieu avec nous. Le prologue de s. Jean – dont notre évangile est un extrait –   exprime cette méconnaissance de Dieu : « Le Verbe était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. » (Jn 1, 10-11)

 

La voie pour connaître Dieu, c’est son Verbe, sa Parole qui est Jésus Christ. Ce que Dieu veut pour moi: je le découvre dans l’Évangile de Jésus Christ. Cela se trouve dans sa parole. Mais ce n’est pas magique. Il ne suffit pas d’ouvrir la Bible pour que Dieu nous parle. Il y a tout un travail à faire afin que les Écritures deviennent pour moi parole de Dieu dans telle situation concrète de ma vie. Lire régulièrement la Bible, la méditer, la partager avec d’autres. A la lumière de cette parole, relire les événements de ma vie ou de ma journée, pour discerner ce que Dieu veut non seulement pour moi, mais avec moi.

Quand bien même, dans la vie de certains saints, la légende raconte qu’un jour ils ont ouvert la Bible à l’aveuglette et qu’ils sont tombés sur une parole décisive. C’est ce que Athanase d’Alexandrie raconte de s. Antoine le Grand (1). Je pense plutôt que, lisant régulièrement les Écritures, revenant régulièrement sur un passage précis, et peut-être restant longtemps sans pouvoir en saisir le sens, voici qu’un jour le déclic se fait. Il devient résolument disciple de Jésus.

Un jour je comprends ce que Dieu attend de moi dans le Christ Jésus – pour reprendre s. Paul dans le 2ème lecture. Et alors, avec plus d’assurance et d’audace, je peux dire : « Que ta volonté soit faite » !

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(1) Antoine entra dans l’église au moment où on lisait l’Evangile où notre Seigneur a dit à ce jeune homme qui était riche : « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et viens, et suis-moi, et tu aurais un trésor au Ciel » (Mt 19, 21). Antoine regarda la pensée qu’il avait eue de l’exemple des premiers Chrétiens [mise en commun des biens], comme lui ayant été envoyée de Dieu, et ce qu’il avait entendu de l’Evangile, comme si ces paroles n’avaient été lues que pour lui.

Vie de s. Antoine par Athanase d’Alexandrie ch. 1»

3e dimanche de l’Avent

Lectures bibliques : Is 61,1-2a.10-11 (L’Esprit repose sur moi) ; Lc 1,46-50.53-54 (Magnificat) ; 1 Th 5,16-24 (Préparer la venue du Seigneur) ; Jn 1,6-8.19-28 (Il est au milieu de vous)

Homélie du 07 décembre 2014

Prédicateur : Chanoine Jean-Claude Crivelli
Date : 07 décembre 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Le 24 octobre, l’ouragan Gonzalo causait des dégâts pour plus de 200 millions de dollars aux Bermudes. En mai un million de personnes étaient touchées par les inondations en Bosnie et en Serbie. En 2013 les inondations, les tempêtes, les séismes ont déraciné 22 millions de personnes Le 11 mars 2011, un séisme historique atteignait le Japon, entraînant un tsunami d’une violence inouïe. La catastrophe a radicalement changé le visage du pays. Les catastrophes naturelles – climatiques (cyclones, tempêtes, inondations, grandes chaleurs, sécheresses) et telluriques (séismes, tsunamis, éruptions volcaniques, glissements de terrain) – sont malheureusement de plus en plus nombreuses. En moyenne, par an, près de 300 millions de personnes sont victimes des catastrophes naturelles et environ 78 000 y trouvent la mort.

Pourtant les catastrophes naturelles sont de tous les âges dans l’histoire de l’humanité. La Bible en témoigne. Son récit en est ponctué : depuis le Déluge, en passant par les Plaies d’Égypte, la sécheresse au temps du prophète Elie, jusqu’aux séismes, famines, dévastations, relatées par les évangiles, à cette grande détresse et aux douleurs de l’enfantement désignées par Jésus lui-même et relayées par la 2ème lecture de ce dimanche. Aux disciples que nous sommes le Christ enjoint d’interpréter les signes, de ne pas nous laisser égarer par les faux prophètes, et surtout de ne pas oublier l’essentiel.

Et qu’est-ce donc que l’essentiel ? En termes chrétiens, c’est la venue du Règne dont la prière du Notre Père nous fait demander la venue. Le règne ou le royaume des cieux, qu’est-ce à dire ? Cette expression biblique désigne ce qu’est Dieu dans son rapport au monde et à l’humanité. Ce que Dieu est depuis toute éternité, il veut le devenir pour chacun de nous. « Quand est-ce que Dieu ne règne pas ? – explique saint Cyprien dans son beau commentaire de la Prière du Seigneur – Et quand donc a commencé ce qui en lui a toujours existé, et ne cessera jamais ? » Quand donc cela a-t-il commencé en moi et pour moi ? Quand donc Dieu est-il né en moi ? Quand donc a-t-il pris chair de ma chair ? Quand donc ma vie a-t-elle pris un sens nouveau parce que Dieu, en Jésus et par son Esprit – son règne – est né dans ma vie, mes jours, mes projets, mes relations, mes soucis ? Quand est-ce que mon chemin est devenu « le chemin du Seigneur » – pour reprendre la figure qui traverse les lectures de ce dimanche ?

Depuis les jours de Jean le Précurseur, qui préludaient à la venue du Fils dans la chair de ce monde, Dieu est pour nous « celui qui vient ». Dimanche dernier déjà, nous évoquions ce beau nom de notre Dieu. Celui-ci ne se révèle pas à nous du fond du passé, mais il vient de l’avenir où nous marchons. C’est là que je suis attendu. Nous avons à marcher à sa rencontre, comme la prière nous le rappelait tout à l’heure : « ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils ». Non pas que nous ayons à les délaisser, mais bien à discerner comment notre vita activa (par ex. la profession que j’exerce) rejoint le projet de Dieu sur le monde. Cette « volonté » dont nous demandons qu’elle « soit faite ». Ce que Dieu veut pour moi et pour mes frères et mes sœurs en humanité. Volonté que l’Évangile nous révèle.

Depuis ce que l’on appelle le Big Bang, l’univers est en perpétuelle expansion comme si son espace gonflait. Mouvement qui date de 14 milliards d’années. Il semble que nous allions vers un univers de plus en plus froid et de plus en plus vide – selon certains scientifiques. Alors que d’autres pensent qu’au contraire, à la faveur d’une température et d’une densité extrêmes, nous allons vers le Big Crunch, l’effondrement de l’univers. L’univers n’est pas statique, contrairement à ce que pensait Einstein. Il bouge sans cesse et ce mouvement perpétuel annonce du nouveau quand bien même les soubresauts de notre terre sont dramatiques pour beaucoup d’êtres humains.

La 2ème Lettre de Pierre (3, 10-13), évoquée tout à l’heure, est significative :

Alors les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments embrasés seront dissous, la terre, avec tout ce qu’on a fait ici-bas, ne pourra y échapper. 11 Ainsi, puisque tout cela est en voie de dissolution, vous voyez quels hommes vous devez être, en vivant dans la sainteté et la piété, 12 vous qui attendez, vous qui hâtez l’avènement du jour de Dieu, ce jour où les cieux enflammés seront dissous, où les éléments embrasés seront en fusion. 13 Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice.

Alors que toutes choses passent, que les joies de l’existence sont éphémères, que la violence, l’injustice ou la trahison gangrènent les rapports entre les êtres, que je sens mon propre corps investi par la maladie, etc. … la tentation nous guette de n’attendre plus rien, de céder à la déception, à l’amertume et à la désespérance. C’est sans doute dans cette tentation-là que nous demandons au Père de ne pas entrer – « ne nous soumets pas à la tentation ». Dieu n’est pas en retard, disait notre 2ème lecture, il agit avec patience – litt. « avec un cœur large », « grand ouvert ». Que l’Esprit de Celui qui vient dans le monde élargisse l’horizon de notre cœur : que nous soyons capables d’entrer dans les vues de Dieu sur l’humanité. Qu’il éveille en nous cette intelligence du cœur – que nous demandions dans la prière d’ouverture – et qu’il nous « éveille au vrai sens des choses de ce monde » – prière que nous dirons en fin de célébration – et à « l’amour des biens éternels », c’est-à-dire à ce qui demeure toujours et ne passera jamais.»

2e dimanche de l’Avent

Lectures bibliques : Isaïe 40, 1-5.9-11; psaume 84; 2 Pierre 3, 8-14; Marc 1, 1-8

Homélie du 30 novembre 2014

Prédicateur : Chanoine Jean-Claude Crivelli
Date : 30 novembre 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Dans plusieurs de nos pays les conditions juridiques sont actuellement réunies pour que des personnes de même sexe puissent vivre librement leur sexualité et satisfaire et assumer un désir d’enfant. Ainsi en France voisine grâce à la Loi sur le Mariage pour Tous (2013). Il semble que cette évolution soit irréversible. En outre, avec l’apparition de nouvelles technologies – les mères porteuses et l’assistance médicale à la procréation – une nouvelle manière de faire des enfants est devenue possible. Dans l’histoire de l’humanité aucun mythe n’avait jamais imaginé des choses pareilles ! Certes tout ceci ne va pas sans poser de graves questions éthiques, sans causer certains troubles quand il s’agit par exemple des recherches en paternité.

Les anthropologues qui ont inventorié les structures de parenté dans les sociétés autres que celles de notre Occident, dans les sociétés dites « primitives », nous disent qu’un homme et une femme ne suffisent pas pour faire un enfant. Il faut l’intervention de quelqu’un d’autre. Ainsi, dans la Bible, le nom de l’enfant est-il souvent donné par une instance autre que les parents ou du moins ce nom – qui lui attribue une place dans le monde – est-il en lien avec une parole délivrée par Dieu. Ce Dieu auquel le prophète Isaïe s’adressait tout à l’heure : « Tu es Seigneur, notre Père, notre Rédempteur : tel est ton nom, depuis toujours. » Dieu exerce sa paternité sur tout être humain en le situant dans l’existence comme personne individuelle et originale et en lui donnant un rôle dans ce monde, en lui assignant une vocation. S. Augustin : « Dieu nous a donné nous-mêmes à nous-mêmes [nos ipsos nobis … dedit] tels que rien ne peut nous être préféré excepté lui-même » (1) Chacun de nous a un donateur – celui de qui, en dernier ressort, nous recevons la vie. Le donateur divin me permet d’être moi-même face à lui sans que quelqu’un d’autre intervienne entre lui et moi. Il me donne également d’être moi-même face à mes frères et à mes soeurs.

La vie de tout individu se tisse dans une relation d’alliance avec ce Père. On comprend alors que toute atteinte à la vie d’un être atteint Dieu lui-même, que toute offense commise contre un frère ou une sœur blesse la paternité de Dieu même. Mais qu’en même temps tout acte d’amour à l’endroit du frère ou de la sœur rejoint Dieu lui-même. « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». « Qui donc est Dieu, pour se lier d’amour à part égales ? » (Hymne Liturgie des Heures)

Le visage de l’autre reflète quelque chose du visage de Dieu. Visage heureux de cette joie qui survient à la faveur d’une rencontre fraternelle, d’une étreinte amoureuse ou d’un compagnonnage sur le difficile chemin de l’existence. Visage malheureux de celui que l’on a peiné, blessé, torturé, violé. La paternité de Dieu est engagée dans les relations interhumaines. « Qui donc est Dieu, si démuni, si grand, si vulnérable ? … Qui donc est Dieu qu’on peut si fort blesser en blessant l’homme ? » (Hymne Liturgie des Heures)

Mais aussi « Qui donc est Dieu pour se livrer perdant aux mains de l’homme ? … Qui donc est Dieu pour nous donner son Fils né de la femme ? » L’hymne désigne par là ce qu’être Père signifie pour Dieu et jusqu’où va sa paternité. L’incarnation du Fils atteste qu’aux yeux du Père la vie de tout être est précieuse, que tout individu reçoit une mission à accomplir au milieu de ses frères, que son passage sur terre dit quelque chose et révèle quelque chose de Dieu, même s’il s’agit d’un criminel, même si le rapport à Dieu est faussé voire totalement inversé ! Comme c’est le cas dans ces événements effrayants que sont les actes terroristes, les séquestrations d’enfants ou les crimes passionnels. La violence terroriste, perpétrée au nom de Dieu, est l’exact inverse de la justice divine. Séquestrer un enfant c’est lui faire violence et c’est dénaturer l’amour paternel de Dieu.

« Car tu nous avais caché ton visage ». « Nous étions tous semblables à des hommes souillés. » (1ère lecture)

L’évangile de ce dimanche nous exhorte à la vigilance. Sans aller jusqu’à ces manifestations qui nient sa paternité véritable, Dieu se manifeste souvent comme en creux. D’ailleurs n’était-ce pas ainsi quand il s’est manifesté en son Fils ? « Il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme » (Is 52, 14). Frères et sœurs, que la venue de Dieu dans notre vie ne prenne pas à l’improviste quand bien même elle surprend toujours nos attentes !

(1) AUGUSTIN, La dimension de l’âme, 55, Œuvres I. Les Confessions précédées de Dialogues philosophiques, Paris, Gallimard, « La Pléiade », p. 333.»

1er dimanche de l’Avent

Lectures bibliques : Isaïe 63,16b-17.19b;64,2b-7 (Si tu déchirais les cieux) ; Psaume 79,2-3.15-16.18-19 (Dieu de l’univers, reviens) ; 1 Corinthiens 1,3-9 (Vous attendez le Seigneur) ; Marc 13,33-37 (Le maître reviendra)

Homélie du 23 novembre 2014

Prédicateur : Père Benoît-Marie Clément
Date : 23 novembre 2014
Lieu : Abbaye de la Fille-Dieu, Romont
Type : radio

L’évangile que l’Eglise nous propose en cette fête du Christ-Roi convient très bien comme point d’orgue de l’année liturgique : il est aussi le dernier grand enseignement de l’évangile de St Matthieu, nous projetant à la fin des temps, tout comme les béatitudes de la Toussaint en étaient l’exorde et le programme.

Le Christ, Roi de l’univers, est présenté ici comme juge, alors qu’Il est berger dans la première lecture et vainqueur de puissances adverses dans la deuxième. Il faudrait compléter ce tableau par la scène de la Passion, où Pilate interroge le divin Prévenu sur son étrange royauté humiliée, et à qui Jésus répond : « Tu l’as dit : je suis Roi ! » Nous sommes ici, en effet, à la racine de ce qu’on a appelé la royauté dans l’histoire, ce mode de gouvernement qui ne nous est plus guère familier, voire suspect, parce que tous les rois n’étaient pas saint Louis IX, saint Etienne de Hongrie ou le bienheureux Charles de Habsbourg. Mais en se présentant comme Roi, en parlant sans cesse de son Royaume, le Sauveur Jésus veut nous décrire bien plus qu’un régime politique, meilleur que d’autres : tout l’évangile n’est qu’une constante équivoque dans l’esprit de ce petit peuple opprimé et des disciples eux-mêmes : « Quand donc vas-tu restaurer la Royauté en Israël ? » Le Roi-Messie a une vue beaucoup plus universelle, et elle concerne d’abord les cœurs, pour déboucher ensuite, certes, sur la voie publique, si possible.

Durant tout l’Ancien Testament, Dieu a pris soin du peuple qu’Il s’était choisi comme un berger face à tous les dangers qui menacent son troupeau. La grande découverte, c’est que son pouvoir n’est pas une domination tyrannique, mais une sollicitude pour chacune des brebis, à tout instant. Il n’y a pas de mots assez tendres et touchants pour détailler ce comportement. La grande révolution du christianisme qui s’ouvre avec la venue du Fils de Dieu sur terre, c’est que Dieu n’a pas autre chose dans la tête qu’un amour infini et gratuit. Si pouvoir il y a, c’est donc un pouvoir tout entier au service de l’amour. Et cet amour ne se paie pas de mots, puisqu’il ira jusqu’au don total du Fils bien-aimé afin de rassembler le troupeau de Dieu dispersé. S’il a mené une guerre, c’est contre toute puissance de mal et de mort qui s’oppose au bonheur de ses créatures. Car le métier de roi, c’est de pourvoir au bonheur de ses sujets.

Mais entretemps, Il n’entend pas que nous restions là, les bras ballants. Notre liberté redoutable nous presse de choix constants et multiples, non seulement pour nous-mêmes, mais pour tous ceux qu’Il nous donne de rencontrer. Ce que Lui-même nous a montré durant les années de sa vie terrestre, Il nous engage à le faire à notre tour ; Il nous montre l’exemple (Que ferait Jésus à ma place ?) et Il nous donne sa force et sa grâce pour le faire. Au terme de l’histoire, Il pourra, comme dit saint Paul, remettre à son Père le pouvoir royal qu’Il Lui avait confié en L’envoyant parmi nous. Ce sera le bilan final, où nous serons tous convoqués, comme ses collaborateurs et ses intendants. Chose curieuse, les chèvres et les brebis, chacune à son tour, sont abasourdies du jugement : « Quand est-ce que nous t’avons vu ? » Dieu se cache donc dans les plus insignifiants de ceux que nous côtoyons tous les jours : « Ce que vous aurez fait à l’un de ces petits… » Comme Lui est attentif au plus petits – et nous sommes tous petits, je dirais : heureusement pour nous ! Et remarquons encore sur quoi porte le jugement : boire, manger, s’habiller, rendre visite à ceux qui en ont besoin : toutes choses que tout être humain, bien au-delà de sa religion, de son origine et éducation, de la couleur de sa peau, fait normalement, comme par réflexe et sans réfléchir ou presque. Tout ce qui qui fait le Royaume de Dieu est là : non pas d’abord dans de grands actes d’héroïsme, des hauts faits d’armes et de sublimes réalisations, mais des actes si menus, si inaperçus, si banals que trop souvent, on n’y pense pas. Si d’ici ce soir, nous nous décidons enfin à poser quelques-uns de ces gestes en oubliant un peu notre petit moi si encombré de lui-même, ce sera un peu plus le Royaume de Dieu sur la terre, et le Christ-Roi de l’univers fera de nous des rois et des reines pour sa gloire et le bonheur de tous.»

Fête du Christ, Roi de l’univers

Lectures bibliques : Ezéchiel 34, 11-12.15-17; psaume 23;1 Corinthiens 15, 20-26.28; Matthieu 25, 31-46

Homélie du 16 novembre 2014

Prédicateur : Abbé François-Xavier Amherdt
Date : 16 novembre 2014
Lieu : Abbaye de la Fille-Dieu, Romont
Type : radio

UNE ÉGLISE QUI PORTE DU FRUIT, COMME LA FEMME VAILLANTE

  1. Une Église qui prend des risques

1.1. « Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie sur les chemins, plutôt qu’une Église malade de son enfermement et qui s’accroche confortablement à ses propres sécurités. […] Plus que la peur de nous tromper, j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée, qui a faim de pain, qui a soif de miséricorde, qui a besoin [faim et soif] de Dieu. »

1.2. Une Église accidentée, en sortie, audacieuse, qui n’a pas peur de répondre à la soif spirituelle des gens

1.3. Ces propos vigoureux de notre pape François, dans son Exhortation La joie de l’Évangile, résonnent en écho – c’est cela la vraie catéchèse, donner écho à la Parole ‒ [résonnent en écho] à la parabole dite des talents.

Ce que le Seigneur souhaite, affirme encore le Pape en présentant son programme missionnaire en cinq temps pour tous les baptisés, c’est

1) que nous prenions des initiatives et des risques ;

2) que nous nous impliquions à fond ;

3) que nous accompagnions chacun avec patience ;

4) que nous portions du fruit, que nous fassions fructifier nos talents ;

5) et enfin que nous fêtions, comme ce matin avec vous, les auditeurs, les malades.

  1. Porter du fruit

2.1. « La gloire de mon Père, c’est que vous portiez du fruit », clame Jésus. Que nous ayons cinq, deux ou un talents, peu importe. [Chacun reçoit selon ses capacités.] De toute façon, déjà UN talent, c’est une somme colossale. Un talent pesait de 35 à 60 kilos de métal et valait à l’époque environ 150’000 francs-or !

2.2. Ce qui compte, en attendant la venue du Christ, c’est de faire quelque chose de ce que nous avons reçu, dans la confiance. Les talents, c’est la foi, l’espérance, la charité. Ce sont les dons de l’Esprit à notre baptême, c’est la grâce de l’Évangile, ce sont les sacrements, c’est la vie de Dieu en nous.

Accueillons-la à coeur ouvert. Déployons-la au maximum. Prenons des risques pour le Seigneur. Comme les saints, soyons des fous d’audace, des fous de l’Évangile. Ne vivotons pas frileusement, recroquevillés sur nous-mêmes, en attendant que quelque chose arrive tout seul. Car rien n’arrive jamais tout seul.

2.3. Vous savez quelle était l’unique peur de Vincent de Paul, l’apôtre des miséreux ? Ne pas en faire assez pour les pauvres. Vivons, soyons davantage. Pas comme le serviteur peureux qui a reçu un talent : en fait, il ne connaissait pas bien son maître, et il est allé enterrer son argent.

2.4. Non, à l’exemple de la petite Thérèse de Lisieux, jouons à la Banque de l’Amour. « Il y a des gens, confie-t-elle, qui gagnent bien leur vie à petite échelle, comme des marchands des quatre saisons, sou par sou. Moi, je joue à la Banque de l’Amour. » À ce jeu, nous risquons gros, nous risquons tout. Nous risquons de « perdre » notre vie, mais pour hériter de la vie éternelle. Car c’est sur l’amour seul que nous serons pesés.

2.5. Au couchant de notre existence, Dieu nous demandera : « Quelle fleur as-tu fait germer, à partir des graines que j’ai plantées dans ta terre ? As-tu produit le « double » de ce que je t’ai remis ? » Le « double » à reproduire, c’est l’image du Fils à qui nous devenons conformes par l’Esprit, [dont nous devenons le double].

Alors nous lui répondrons, comme les deux premiers serviteurs de la parabole : « Voici le double de ce que tu m’as donné ». Le coeur du Père bondira d’allégresse lorsqu’il reconnaîtra en nous l’image de son Fils. Il nous dira : « Très bien, mon fils, ma fille, mon ami, entre dans la joie de ton Maître ! »

2.6. En ce que nous faisons, en ce que nous sommes, il y va de la joie éternelle auprès du Christ. Comme le pain de la fête est en jeu dans les semailles d’automne. Comme le vin de la noce dépend de la sève qui dort en hiver. À la banque de l’Amour, la seule peur, c’est de ne pas faire suffisamment fructifier notre capital de jours et d’années !

  1. Des femmes vaillantes

3.1. Dieu nous prend donc au sérieux, il nous veut partenaires d’alliance. Il compte sur nous. Il nous comble de son Esprit pour faire de nous des collaborateurs à son oeuvre de sanctification.

3.2. Des collaborateur(s) et des collaboratrice(s). Telle cette femme vaillante et audacieuse que dessine sous nos yeux émerveillés le Livre des Proverbes. Femme digne de confiance, source de bonheur pour son époux et sa famille, sa communauté. Femme dont les doigts s’ouvrent en faveur du pauvre. Femme laborieuse, célibataire, mariée, seule, consacrée, dont les mains travaillent avec entrain, dont le coeur abrite les petits et s’ouvre à l’infini. Femme dont tous font l’éloge sur la place publique, tant son audace et son courage fascinent. Femme adorant le Seigneur, risquant sans cesse sa vie, au service des autres.

3.3. Où trouver de telles femmes, qui font fructifier le talent de grâce en leur existence ? À Romont, à Sion, dans chaque cité et chaque village de Suisse romande. Dans les plus humbles demeures, dans les entreprises, les charges publiques, les associations, les mouvements. Dans les conseils pastoraux, les groupes de catéchèse, les aumôneries, les diaconies.

3.4. [J’en ai connu de ces femmes fortes sur qui l’univers repose, de ces colonnes d’avenir, mes grands-tantes de Saint-Martin en Valais, dont certaines avaient 14 ou 16 enfants, travaillant la terre, fréquentant l’église tous les dimanches sans exception, capables d’une hospitalité sans limite.]

3.5. Où trouver de telles femmes vaillantes aujourd’hui ? Ici, dans cette Abbaye cistercienne de la Fille-Dieu, femmes vaillantes et aimantes, qui offrent leur vie pour la louange du Seigneur, gratuitement, et font respirer ainsi la paroisse, le diocèse, le monde autour d’elles. Comme des espaces verts font respirer une ville.

  1. L’Église

4.1. Cette femme, c’est notre Église catholique, épouse du divin époux. Une Église vigilante dans la foi, espérant avec ferveur le retour du Maître. Une Église en sortie, qui prend le risque de se salir sur les chemins, qui ose des initiatives inédites et des paroles nouvelles pour le monde, comme lors du prochain Synode sur la famille, en octobre 2015.

4.2. Qui, dans le sillage du pape François, préfère les godillots aux pantoufles.

4.3. À l’image de Marie, vaillante, vigilante, visionnaire, les trois « V » de la Vierge. Femme prophétique et audacieuse, de l’Annonciation à la Croix.»

François-Xavier Amherdt, proverbes, Thessaloniciens, matthieu, Eglise, femme

33e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Proverbes 31, 10-13.19-20.30-31; Psaume 127; 1 Thessaloniciens 5, 1-6; Matthieu 25, 14-30

Homélie du 16 novembre 2014

Prédicateur : Père Jean-Bernard Livio
Date : 16 novembre 2014
Lieu : Collégiale St-Martin, Porrentruy
Type : tv

Attention à ne pas se tromper, les textes de la liturgie de ce jour ne veulent pas être une leçon d’économie domestique! Du reste, si l’évangile d’aujourd’hui semble nous parler d’argent, car le talent était une pièce de monnaie d’une grande valeur à l’époque de Jésus, le langage populaire a retenu un autre sens pour ce mot « talent », qui est une aptitude particulière qui nous est donnée pour vivre: par exemple dans l’expression « avoir du talent ».

Voilà donc la première leçon que nous pouvons retenir de cet évangile: tous – pas seulement les trois personnages de la parabole – nous avons reçu des talents. Peu importe du reste, de savoir combien nous en avons reçu, avoir du talent est un don! Or quand Jésus parle à ses disciples en paraboles, c’est pour leur permettre de comprendre une réalité qui souvent leur échappe: il veut par exemple faire comprendre qui est son Père, comment Dieu se manifeste, ce qu’est le Royaume de Dieu; il aime à commencer son enseignement par: « Le royaume des cieux, ou de Dieu, est semblable à … » Et de raconter une petite histoire, qui nous amène à saisir la réalité, avec dans l’histoire une pointe qui surprend et fait réagir, afin qu’une fois entendue, jamais plus nous ne l’oublions. Jésus est un merveilleux pédagogue! Avec son histoire de talents, Jésus veut surtout nous dire: n’attendez pas que Dieu fasse le travail à votre place. Et reconnaissons-le: souvent nous prions, nous prions, pour demander à Dieu ce qu’il faut faire, ou comment le faire… Nous attendons sa réponse – qui ne vient pas! Et nous pensons alors que Dieu est aux abonnés absents, qu’il est parti en voyage! Justement le maître, dans notre parabole, part en voyage. Ce qui signifie qu’il ne reste pas là à tout diriger; il fait confiance, totalement, à ses serviteurs pour gérer ses affaires. Quelles affaires? Mais notre quotidien, notre monde, nos vies… Dieu ne gère pas nos vies à notre place, il nous fait confiance; il nous invite à être co-gestionnaires de la Création en quelque sorte, il nous élève à sa hauteur en nous voulant responsables. Et quelle responsabilité! Quelle merveille! Oui, faire fructifier nos talents, c’est là que se vit notre joie, celle de participer, d’œuvrer et d’accomplir, même si parfois avec difficulté, renoncement, échecs…

Et un jour, « longtemps après » nous dit l’évangile, le maître parti en voyage revient. Ce retour signifie la fin de notre responsabilité, la fin de notre vie, l’entrée dans le Royaume, avec tout ce que nous avons reçu et fait grandir, avec tout ce qui nous a été donné et que nous avons partagé. Si vous tenez vraiment à rester dans un langage économique, on pourrait dire: à l’heure de rendre des comptes, il nous est demandé: ‘qu’ai-je fait de ce que je suis et de que j’ai reçu?’ Ce même évangéliste Mathieu, dans la parabole du jugement dernier qui suit immédiatement le texte de ce jour, nous incite à repérer tous ces moments dans la vie où l’on a « donné à manger, donné à boire, accueilli l’étranger, vêtu celui qui est nu, visité celui qui est malade ou en prison »… Ou plus simplement encore, chaque fois que vous avez par votre sourire illuminé le visage de votre voisin fatigué. Ne venez pas dire que vous ne l’avez jamais fait, parfois sans trop vous en rendre compte, spontanément, gratuitement. Ainsi, comme dans la parabole, nous sommes doublement gagnants: des talents reçus et de ceux que nous avons fait fructifier en l’autre autour de nous.

C’est pourquoi je voudrais profiter de l’occasion pour vous remercier, vous qui m’entendez par les ondes: vous les malades, vous les personnes seules, âgées, ou blessées par la vie, oui vous remercier pour toutes les fois où vous avez accueilli avec un sourire vos soignants, ou vos visiteurs d’un moment: par votre façon de les accueillir par un petit bonjour, vous leur avez donné cette joie dont ils manquaient parfois après une journée épuisante. Je le sais parce que je l’ai souvent vécu, grâce à vous! Mais la parabole parle aussi d’un troisième bénéficiaire de talent: peu importe qu’à lui fut confié un seul talent; il compte lui aussi parmi ceux qui reçoivent. Car même le plus pauvre des plus pauvres est aussi inclus dans la parabole d’aujourd’hui. Mais, lui, fait partie de celles et ceux qui n’arrivent jamais à faire confiance, à s’ouvrir sur un au-delà d’eux-mêmes, à voir le soleil au-delà des nuages de l’existence. On l’a entendu: et il le dit lui-même en s’adressant au maître: « Tu es un homme dur. J’ai eu peur ».

Peur de qui? La parabole est claire: peur d’un maître qui tient des comptes, peur de la vengeance du « très-haut » peur de Dieu! Mais c’est d’un Dieu qu’on prend pour le Père fouettard! Alors là bien sûr, il est perdant. Mais, où va-t-il chercher cette image complètement déformée de Dieu? Ce n’est pas parce que je ne comprends pas tout de la vie, de la mort, et surtout de la souffrance, que je dois mettre tout cela au compte d’un Dieu qui chercherait sa satisfaction dans une vengeance face à l’absurdité. Tout replié sur lui-même, le troisième personnage de la parabole ne peut que s‘isoler, se fermer aux autres, et par là se fermer à toute manifestation possible d’amour. Or Dieu est Amour… et il me veut heureux! Et cet Amour ne peut se vivre que dans l’accueil de l’Autre qui vient à ma rencontre, dans l’ouverture vers l’autre qui a besoin de moi.

Chers amis, remercions Dieu les uns pour les autres pour tous ces talents qui nous ont été largement donnés: qu’ils me permettent de partager avec celles et ceux qui pensent n’en avoir pas assez reçus ou qui les ont perdu en route. Amen. » Jean-Bernard Livio, proverbes, Thessaloniciens, matthieu 33e dimanche du temps ordinaire Lectures bibliques : Proverbes 31, 10-13.19-20.30-31; Psaume 127; 1 Thessaloniciens 5, 1-6; Matthieu 25, 14-30