Homélie du 02 mars 2014

Prédicateur : Chanoine Michel-Ambroise Rey
Date : 02 mars 2014
Lieu : Chapelle de glace, Leysin
Type : radio

Alléluia ! Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et tout vous sera donné par surcroît ! Alléluia !

Si nous appliquions ce verset alléluiatique qui ouvre l’évangile de ce dimanche des malades, nous pourrions baisser de 10%, voire encore plus les coûts de la santé en Suisse et probablement partout dans le monde ! Je suis tout à fait sûr de ce que j’affirme, car la force de la prière est incomparable ! Récemment encore un article paru dans le journal « La Croix » de Paris le 20 décembre 2013, confirmait cette assertion en rapportant le fait suivant :

C’était le vendredi après-midi 14 septembre 2012, à Créteil tout près de Paris, le Père Jean avait été appelé de toute urgence à l’hôpital pour donner l’onction des malades à un mourant, un homme de 56 ans. Marc, c’est son nom, était arrivé au bout de son parcours terrestre après onze ans d’une maladie très rare et très particulière : une leucémie myéloïde atypique. Les médecins avaient averti sa famille que les derniers instants étaient là et qu’il serait très judicieux de faire tous les préparatifs nécessaires pour les funérailles.

Le P. Jean arriva donc à l’hôpital, donna le sacrement des malades et à la fin de la cérémonie, il raconta ceci : c’est aujourd’hui l’anniversaire du bienheureux Jerzy Popieluszko et c’est aussi mon anniversaire. Pour canoniser ce saint martyr polonais il faut encore un miracle. Nous allons le prier si vous le voulez bien. Donc les accompagnants prièrent durant quelques instants ce jeune martyr. Puis le P. Jean s’en alla ainsi que l’épouse du mourant.

Elle, dont le nom est Claire, se rendit dans deux sociétés de pompes funèbres pour organiser l’enterrement de son époux.

Mais d’enterrement, il n’y en aura ni ce jour-là, ni les suivants.

En effet, quelques minutes après le départ du prêtre, Marc ouvrit les yeux et demanda ce qui lui était arrivé. Il essaya par trois fois de se lever durant la nuit, puis le lendemain l’équipe médicale qui le suivait depuis plus de 10 ans, constata qu’il était guéri.

Je l’ai moi-même constaté à de très nombreuses reprises au cours de mon ministère : la prière des malades, la prière pour les malades et le sacrement des malades ont une influence directe sur le mieux-être des patients et de leur entourage.

Et cela des milliers, voire des millions de personnes à travers les âges l’ont constaté et en ont témoigné dans des récits, dans des poèmes, dans des chants, dans des psaumes comme le psaume 102 aux versets 3 et 4, qui proclame ceci : Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits, car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie.

Quant au psaume 62, il insiste encore beaucoup plus sur les bienfaits de la prière et de la méditation pour chacun d’entre nous. Seulement voilà nous sommes des êtres à la nuque raide, nous avons tellement de difficultés à croire à la bonté, à l’amour, à la miséricorde de notre Dieu, à lui faire confiance, à l’écouter ; pourtant l’évangile de ce jour nous répète 7 fois : ne vous faites pas de souci….Seulement nous sommes des êtres à la nuque raide !!!

Voici ce magnifique psaume 62 :

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube;
mon âme a soif de toi;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.

Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.

Ton amour vaut mieux que la vie;
tu seras la louange de mes lèvres !

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.

Comme par un festin je serai rassasié :
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

Dans la nuit, je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler.

Oui, tu es venu à mon secours;
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.

Mon âme s’attache à toi;
ta main droite me soutient.

Tout est fait aujourd’hui pour que l’enfant, le jeune et le moins jeune, la personne âgée et même le malade se jettent dans une démesure d’activités ludiques, cathodiques ou électroniques, pour qu’ils s’attachent à ce qui est futile plutôt qu’à Dieu. Avec un placebo de paroles inutiles, nous mentons aux malades gravement atteints dans sa maladie et nous ne lui offrons pas comme remède de prier la Parole de Dieu.

Depuis la plus tendre enfance jusqu’à l’âge le plus avancé, il semble que tout concourt pour mettre l’être humain sur le chemin d’un matérialisme à outrance et nous oublions de nourrir notre âme.

C’est pourquoi j’aime cette petite chapelle de glace qui ne paie pas de mine et qui engloutit en elle toutes les illusions de ce monde qui crie, chante, pleure, se lamente et passe ! Elle disparaîtra dans quelques jours sous l’effet des rayons du soleil en nous redisant tout simplement : alléluia, cherchez d’abord le Royaume des Cieux et tout le reste vous sera donné par surcroît.

J’aime cette modeste chapelle de glace qui se moque des initiatives à répétition qui ruineront notre pays, nos traditions, notre économie parce qu’elles s’appuient sur la fermeture et la peur alors qu’elle, notre petite chapelle de glace, sait qu’elle s’effacera inexorablement avec l’été et qu’il est plus beau de mourir de sa belle mort en donnant la vie qu’en se recroquevillant sur soi !

Elle va se désintégrer très lentement en rendant à la nature toute l’eau qu’elle avait empruntée pour son édification et elle permettra ainsi aux oiseaux du ciel de se désaltérer et aux lis des champs de s’habiller mieux que toutes les princesses de ce monde !

J’aime penser aussi que c’est ici à Leysin qu’en 1939, il y a donc exactement 75 ans aujourd’hui, que Mme la doctoresse Marthe Nicati créa le dimanche des malades très humblement en proposant à tous les malades, aux infirmières, aux médecins, aux parents et amis de tout ce monde là, qui habitaient ce lieu, soit environ quatre mille personnes de célébrer un dimanche des malades qu’elle fixa au premier dimanche du mois de mars. Son but était de créer un lien amical entre les malades et leurs parents en les rendant solidaires les uns des autres par l’amitié et la prière. Confinée sur la commune de Leysin, elle ne pensait pas que cette initiative serait reprise sur le plan national en 1943 et voici qu’aujourd’hui ce dimanche des malades est devenu la journée mondiale des malades.

En ce dimanche des malades, il est donc bon, très bon de se convaincre, de croire, d’être persuadé que la Parole de Dieu est de loin la meilleure médecine qui nous guérit de toute maladie et de tout mal.

Jésus nous redit : Eh bien moi, je vous dis: ne vous souciez pas de votre lendemain ; prenez quotidiennement vos médecines prescrites par la faculté, mais avant tout faites confiance à votre Père céleste.

Prenez comme médecine la prière quotidienne du psaume 62 et vous verrez les bienfaits que vous en retirerez immédiatement : Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube. Mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau.

Je te contemple dans ce panorama extraordinaire que je vois depuis Leysin, dans ces cimes bleutées et rayonnantes le matin, qui laissent augurer un jour splendide.

Je te contemple dans la simplicité de cet handicapé de 54 ans, Bertrand, qui sert la messe tous les dimanches et qui découvre ta tendresse et ton amour pour lui. Je vois que ta gloire se manifeste dans sa faiblesse au moment où il est à mes côtés dans son aube pascale.

Je t’ai contemplé dans cette malade de 97 ans, Marguerite, qui chantait au cours des eucharisties à la clinique Miremont les cantiques qu’elle avait appris dans sa jeunesse et elle exultait de joie en comprenant que ton amour, Seigneur notre Dieu, valait mieux que la vie. Elle exultait de joie bien qu’elle avait énormément de peine à entendre et avait pratiquement perdue la vue et la mobilité de ses jambes.

Et comme je le disais dimanche passé : il est permis de rêver que depuis ici, à l’exemple de l’humble initiative de Mme la doctoresse Marthe Nicati pour le dimanche des malades, se développent et se multiplient des chapelles de glace ou des lieux de prière tout simples dans nos stations de sport d’hiver pour favoriser les liens d’amitié entre les touristes et les autochtones, entre les différentes nationalités pour que nous comprenions toujours mieux que nous sommes tous et toutes les enfants bien-aimés d’un Dieu qui se soucie de nous bien plus que de ce que nous allons manger , boire et de ce dont nous nous vêtirons.

Alléluia ! Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et tout vous sera donné par surcroît ! Amen ! Alléluia !»

8e dimanche du temps ordinaire, dimanche des malades

Lectures bibliques : Isaïe 49, 14-15; Psaume : 61; 1 Corinthiens 4, 1-5; Matthieu 6, 24-34

Homélie du 02 mars 2014

Prédicateur : Abbé Mario Pinggera
Date : 02 mars 2014
Lieu : Eglise de Richterswil
Type : tv

Cher/s frères et sœurs, vous qui êtes ici dans l’église de Richterswil et vous à la maison devant votre écran

Ne te fais pas de soucis !

On le dit souvent.

Ne te fais pas de soucis !

Une expression qui se veut réconfortante, qui redonne courage et espoir dans ce monde qui connaît beaucoup de soucis, petits et grands. Jésus lui-même, dans l’Evangile d’aujourd’hui, déclare, de façon très réaliste, que « à chaque jour suffit sa peine ».

Comme c’est vrai !

Et Jésus ici n’est en rien pessimiste, mais plutôt réaliste. Réaliste quand il s’agit de voir les choses ainsi qu’elles le sont. Il y a réellement des situations où l’on ne peut pas facilement changer ce qu’il faudrait pourtant changer.

Le danger ici est que nous nous construisions rapidement notre propre vérité, qui n’a rien à voir avec LA réalité.

Le poète Eugen Roth exacerbe le tout en déclarant:

Une personne espère pieusement et silencieusement de recevoir un jour ce qu’elle souhaite. Jusqu’à ce que finalement, mais trop tard, elle succombe au délire et s’aperçoit qu’elle voulait ce qu’elle a obtenu.

Si humaine et proche de la réalité est l’appréciation d’Eugen Roth, Jésus ne veut pas s’en contenter.

Jésus le sait très bien quand il dit « à chaque jour suffit sa peine », en ajoutant qu’il ne faut pas se faire de souci.

Dans la Bible, il existe deux autres expressions qui reprennent la même idée :

N’ayez pas peur!

Ou encore plus explicitement :

La paix soit avec vous.

Ce sont de réels encouragements dans notre vie et pour notre vie, et ce indépendamment de la situation dans laquelle nous nous trouvons, quel que soit le désarroi dans lequel on est plongé.

Pourquoi ne devrions-nous pas nous faire du souci, on peut s’interroger.

A ce propos, justement, Jésus dit quelque chose qui peut révolter : Il dit « parce que Dieu sait, ce dont nous avons besoin.

Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché »

 

Cela s’appelle concrètement : prendre la vie comme elle est mais sans jamais perdre Dieu de vue.

Mais attention : prendre la vie comme elle est ne signifie pas dire OUI et Amen à tout. Surtout pas à propos des choses insupportables de la vie. Les choses insupportables, ce sont tous les soucis, que ce soit des souffrances, de la tristesse ou autre.

Jésus différencie deux sortes de souffrances : celles qui peuvent être supprimées et celle que l’on ne peut pas supprimées.

Combien de fois, Jésus a éliminé les souffrances dans lesquelles il avait un impact direct, la plupart du temps c’étaient des colères contre l’establishment religieux.

Pensons seulement aux épisodes avec la femme adultère ou le repas qu’il prend avec les soi-disant publicains et pécheurs. Ce Jésus-là protège les condamnés du jugement de la société et de la religion, il leur rend leur dignité et supprime les souffrances injustes.

Pour nous de même, les souffrances que l’on peut éliminer, que nous rencontrons au cours de notre vie, peuvent aussi être supprimées. Sans le SI ou le Mais !

C’est ce que Jésus a fait.

Seulement maintenant, c’est à nous que revient cette responsabilité. Moi-même je dois agir. Au nom de Dieu. Il en va du royaume de Dieu et de sa justice, comme Jésus le dit dans l’Evangile. C’est ainsi que Dieu peut agir dans notre monde. C’est-à-dire par notre intermédiaire.

Si par exemple je m’aperçois que mon voisin bat régulièrement sa femme, je ne peux pas faire comme si cela ne me concernait pas. Cela signifie donc de montrer un courage de citoyen, grâce auquel la souffrance peut prendre fin.

Si je prends des responsabilités au niveau politique, social ou ecclésial, il en va de mon devoir de ne pas seulement faire toujours entendre ma voix mais aussi savoir entreprendre, quand se présentent des situations où des gens souffrent, particulièrement dans le cas d’abus de pouvoir.

L’Eglise a une responsabilité. Elle doit être proche des gens, les accompagner dans des situations pleines de souffrances. Une Eglise qui se réfère à Jésus Christ, doit soulager des souffrances et ne doit pas justifier des lois inhumaines.

Exactement comme Jésus : il a soigné ce qui était blessé, et donc cela vaut aussi pour son épouse, l’Eglise. Une Eglise qui oublie de prendre soin, consciemment ou inconsciemment, se ferme à son devoir essentiel et devient littéralement vide de sens.

Face aux souffrances qu’il n’est pas possible d’éliminer, Jésus dit clairement « à chaque jour suffit sa peine. »

C’est le cas par exemple des situations de guerres, de graves maladies ou de la mort. Nous en sommes particulièrement conscients à l’occasion du dimanche des malades.

Ici opposer une résistance ne sert à rien, il s’agit de se résigner comme l’a formulé Dietrich Bonhoeffer.

Mais se résigner cela ne signifie pas : ne rien faire, mais bien plus tôt s’accompagner les uns les autres ou comme dit Bonhoeffer, partager les souffrances des autres.

Dieu, qui n’est rien d’autres que l’amour est toujours présent où des hommes se soutiennent mutuellement.

En résumé, éliminer l’insoutenable mal pour que la vie vaille la peine d’être vécue et quand ce n’est pas possible, savoir s’accompagner mutuellement et ainsi être des servantes et des serviteurs du Christ comme Paul nous le dit dans la lecture.

(traduction)

8e dimanche du temps ordinaire – dimanche des malades

Lectures bibliques : Isaïe 49, 14-15; Psaume : 61; 1 Corinthiens 4, 1-5; Matthieu 6, 24-34

Homélie du 23 février 2014

Prédicateur : Chanoine Michel-Ambroise Rey
Date : 23 février 2014
Lieu : Chapelle de glace, Leysin
Type : radio

O Seigneur, notre Dieu,
qu’il est grand ton nom
par toute la terre !
Jusqu’aux cieux, ta splendeur est chantée
par la bouche des enfants, des tout-petits :
rempart que tu opposes à l’adversaire,
où l’ennemi se brise en sa révolte.
A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas,
qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui,
le fils d’un homme, que tu en prennes souci?
Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu,
le couronnant de gloire et d’honneur;
tu l’établis sur les oeuvres de tes mains,
tu mets toute chose à ses pieds :
les troupeaux de boeufs et de brebis,
et même les bêtes sauvages,
les oiseaux du ciel et les poissons de la mer,
tout ce qui va son chemin dans les eaux.

Ô Seigneur notre Dieu, qu’il est beau ce tobogganing avec ses nombreuses pistes sur lesquelles les enfants comme les adultes s’élancent avec une certaine appréhension à des vitesses élevées, parmi des cris de joie et de peur, mais sans aucun risque pour leur vie.

O Seigneur notre Dieu, qu’ils sont beaux ces couloirs de glace avec leurs murs élevés qui retiennent les tubes prisonniers dans leurs parcours !

O Seigneur notre Dieu, qu’il est beau de voir la joie de tous les utilisateurs !

Mais encore plus beau et plus merveilleux ce monument le plus visité de Leysin, cette chapelle blottie au cœur de ce parc ludique. Elle est là, toute virginale, comme revêtue d’un manteau de neige et de glace, surmontée d’une magnifique croix en fer forgé et d’une petite cloche. Quand vous entrez à l’intérieur, vous découvrez un autel de glace transparente et illuminée, souvenir du tombeau du Christ et rappel que toute vie est une offrande pour le monde ; vous voyez dans la voûte une magnifique croix de St-Maurice sculptée dans la glace et sur les côtés des statues et des tableaux religieux.

Elle est là comme la plus humble des églises du pays car elle sait que dans quelques semaines il ne restera plus pierre sur pierre, plus blocs de glace sur blocs de glace, plus aucune trace d’elle et qu’elle aura accompli son rôle au cœur de ce monde.

Ô Seigneur notre Dieu, qu’elles sont merveilleuses ces paroles de Jésus sur la montagne, de ce Sauveur qui nous redit que tous les visiteurs peuvent entendre ici :

Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil, dent pour dent, eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; vous avez appris…. Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, rends-lui coup sur coup, eh bien moi, je vous ….

Vous avez appris qu’il a …. : si quelqu’un veut te faire un procès et prendre ta tunique, fais lui un procès à ton tour, eh bien moi je vous dis : tends-lui l’autre joue…

Vous avez appris …. Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi… eh bien moi, je vous dis tu aimeras tes ennemis et tu prieras pour ceux qui te persécutent…

Vous avez appris …. Tu tiendras rancune et rancœur à celui qui t’a blessé, eh bien moi je vous dis de pardonner jusqu’à 77 fois 7 fois…

Cette chapelle au cœur de ce lieu est donc essentielle pour l’homme d’aujourd’hui.

C’est ainsi qu’en paraphrasant le Sermon sur la montagne, je peux dire que dans une station de sports d’hiver comme Leysin, si nous offrons des pistes de ski, des half-pipe, des pistes de fond, une patinoire, que faisons-nous d’extraordinaire ? la plupart des stations du monde en font autant !

Alors la cerise sur le gâteau, c’est lorsque nous proposons aux touristes comme aux habitants de la station, au cœur de nos installations sportives, une chapelle de glace œcuménique.

Où donc dans le monde allons-nous trouver un lieu où s’allient à la fois le fun du sport et la profondeur de la spiritualité.

Il fallait un couple d’artistes comme Catherine et Silvio Giobellina pour réaliser cette œuvre d’art incroyable, cette unité inattendue.

Ingénieux, perfectionnistes comme ils le sont, tous les deux, Catherine et Silvio ont ainsi voulu ajouter chaque année pour les visiteurs de notre région une chapelle de glace très ravissante dans laquelle des groupes de jeunes de Belgique, de Suisse, d’Angleterre, d’Irlande, de France, des fidèles de Leysin et mêmes les amoureux de la Saint-Valentin viennent y déposer leurs roses et leurs épines pour y trouver le chemin de l’amour véritable et pacifique.

Elle rappelle par sa présence silencieuse que l’action de grâce et la reconnaissance à l’égard de notre créateur sont les moteurs primordiaux d’une vraie Vie humaine, sociale et solidaire.

Car si vous ne saluez que vos frères et soeurs, que ceux et celles qui viennent dans nos hôtels, dans nos églises, sur nos pistes, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?

Est-il permis de rêver, chers amis des offices du tourisme de Suisse, chers amis du monde de l’économie touristique, professeurs de skis, guides de montagnes, hôteliers, restaurateurs, commerçants et employés, autorités civiles et militaires, vous tous que nous confions au Seigneur notre Dieu dans cette chapelle de glace, est-il donc permis de rêver d’accueillir tous nos hôtes comme nos Seigneurs et de voir en eux la présence aimante du Seigneur Jésus, comme le disait s. Paul aux Corinthiens dans la deuxième lecture : tout est à vous, mais vous vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu !

Ô Seigneur notre Dieu, quelle est merveilleuse la Parole du Seigneur !

Ô Seigneur notre Dieu, qu’il est grand ton nom par tout l’univers !

7e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Lévitique 19, 1-2.17-18; 1 Corinthiens 3, 16-23; Matthieu 5, 38-48

Homélie du 16 février 2014

Prédicateur : Abbé Giovanni Fognini
Date : 16 février 2014
Lieu : Hôpital cantonal de Genève
Type : radio

« Si tu le veux » : c’est ainsi que commence le premier texte que nous avons accueilli. Il est d’un vieux sage de l’Ancien Testament.

« Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle » . Et ce vieux sage de préciser : « La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix »

Vous en faites comme moi l’expérience : nos choix ne sont pas sans conséquences, puisque tout au bout, c’est souvent une question de vie ou de mort !

C’est là un vieux thème biblique : deux voies sont toujours proposées à l’homme pour son choix : l’une va vers la mort, l’autre va vers la vie.

Collectivement nous voyons cela tous les jours en gros plan et souvent en direct, par les images de la TV ou les photos des journaux. Ces jours-ci, en Syrie, au Centrafrique spécialement. Dans ces deux pays – et combien d’autres encore – chaque jour, des enfants, des femmes et des hommes vont vers la mort, d’autres vers la vie. Chacun rejetant sur « les autres » la responsabilité de l’horreur qui se vit.

Cela est vrai aussi dans nos vies personnelles :

  • Dans un couple – vous le savez mieux que moi – on peut choisir un chemin vers plus ou moins d’amour. La vie ou la mort du couple est toujours en jeu   Dans ma vie personnelle, j’ai le choix de me réaliser, de me construire à travers ma liberté et mes choix, ou de me détruire.

C’est déjà cela choisir la mort ou la vie au quotidien ! Grandeur et paradoxe de notre liberté : je suis libre, bien plus que je ne le pense. L’invitation du vieux sage de la Bible – « Si tu le veux » – m’accompagne au quotidien, envers et contre tout !

Alors, vous et moi, pour vivre et choisir la vie, nous nous donnons des priorités, des repères. Parfois nous nous référons à des règles. Dans la Bible, nous trouvons des ordres, entre autre les fameux 10 commandements données par Dieu à Moïse et transmis ensuite au peuple. Certains n’aiment pas ce mot de commandement – comme moi ! – et appellent cela les 10 paroles de liberté. Cela ne change pas grand-chose … il faut les mettre en pratique ! Et ces 10 commandements ont fait des petits dans l’histoire, puisque du temps de Jésus, il y avait en tout 613 commandements à suivre !

Dans ce contexte, Jésus commence par dire dans l’évangile d’aujourd’hui: « Je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir ». Est-ce une façon de venir appuyer les légalistes purs et durs de l’époque ? Je ne pense pas. Jésus vient « accomplir », c’est-à-dire donner son vrai sens, donner du contenu, de la profondeur même au plus petit des commandements. Au fond, Jésus introduit un tout autre esprit.

Et pour bien se faire comprendre, Jésus ose mettre alors en tension les commandements transmis par la tradition « Vous avez appris qu’il a été dit… » avec sa propre parole : « Et moi je vous dis… ».

C’est ce qui se passe dans l’évangile de ce matin ; Jésus rappelle d’abord quelques-uns de ces commandements qui ont traversé les siècles avant lui :

  • Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d’adultère, et si tu jures par Dieu que ce soit la vérité.
  • Ensuite, Jésus radicalise ces commandements. On pourrait croire qu’il veut les rendre encore plus exigeants ! Jésus radicalise signifie qu’il va à la racine même du mal dénoncé par ces divers commandements :
  • Bien sûr, il ne faut pas tuer, mais « moi Jésus je vous dis » : si une dispute s’envenime et devient colère, si les insultes fusent, c’est déjà grave. Autrement dit, la colère et l’insulte portent en germe le même mal que le meurtre !
  • Ne pas commettre l’adultère, certes, c’est toujours valable, mais « moi Jésus je vous dis » : un regard qui s’approprie l’autre, regarder une femme et la convoiter, la désirer comme un objet à posséder, c’est déjà un adultère.
  • Jurer, prêter un serment en invoquant Dieu pour dire qu’on est dans la vérité : mais pourquoi ? « Moi Jésus je vous dis » : ayez une parole vraie, soyez des femmes et des hommes de parole. Que votre oui soit oui et que votre non soit non. Ayez une parole responsable, fiable et que vous pouvez tenir même dans une réalité changeante.

Oui, Jésus radicalise … il va à la racine, il va au fond de nos actes humains et de nos choix, car il sait que c’est là, au fond de notre personnes, dans notre cœur, que se niche le mal. Derrière nos actes, derrière nos apparences et nos façades, derrière nos masques, il y a le fond du cœur, que tout le monde ne voit pas forcément. Dieu, lui, voit le fond de notre cœur. Le mal prend racine dans le cœur de l’homme et c’est à ce niveau-là que nous sommes invités à mettre en œuvre notre liberté et nos choix.

C’est un appel sérieux à la lucidité qui nous est adressé : derrière ce que je dis, derrière ce que je fais, quelle femme, quel homme suis-je en vérité, quel est mon être profond ? La lucidité nous est indispensable pour nous remettre à Dieu et laisser son Amour nous guérir, nous transformer, nous ajuster à Lui. A quoi servirait de confier à l’amour une image illusoire de nous-mêmes ?

La révision de la Loi par Jésus aura son aboutissement, son accomplissement dans le double commandement de l’amour : « Tu aimeras ton Dieu et ton prochain comme toi-même ».

Alors, « si tu le veux », laisse l’Amour en toi choisir la vie : ainsi ta justice dépassera toute loi, tout commandement. Et tu seras juste, c’est-à-dire ajusté sur la volonté de Dieu, pour ton plus grand bonheur !

Amen.

6e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Siracide 15, 16-21; 1 Corinthiens 2, 6-10; Matthieu 5, 17-37

Homélie du 09 février 2014

Prédicateur : Abbé Giovanni Fognini
Date : 09 février 2014
Lieu : Paroisse du Saint-Esprit (Hôpital cantonal de Genève)
Type : radio

« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde». J’avoue que ces paroles de Jésus me font du bien, tout simplement . Ce n’est pas tous les jours que quelqu’un dit de moi que je suis une lumière…- et certainement, cela est vrai pour vous aussi !- Alors, j’accueille ces paroles avec joie et reconnaissance ! En même temps, je découvre mieux quelle est la mission du chrétien à travers ces deux images, ces deux métaphores que Jésus emploie.

« Etre sel de la terre » ! Le sel …c’est ce qui donne du goût, de la saveur. Il conserve aussi les aliments et en empêche la décomposition ; enfin il fertilise la terre.

Avec un peu de sel, un plat, un met change de goût. Trop de sel, c’est immangeable, pas assez de sel, c’est … comme la cuisine de l’hôpital ! Du sel tout seul, c’est infect. Le sel n’a de sens, de goût que mélangé à autre chose. Il ne crée pas la saveur, il la révèle : bien équilibré, le sel met en relief, en valeur tous les autres aliments.

C’est pourquoi, Jésus dit à ses disciples : « vous pouvez être le goût, la saveur de la vie ; par votre témoignage et vos actes, vous donnez du goût, de la saveur aux hommes. Vous apportez de la qualité à la vie, de la fécondité à l’histoire. Vous permettez à chacun, chacune de se révéler, de prendre sa place, de retrouver sa dignité de femme et d’homme. »

C’est notre mission au cœur de ce monde : donner vie, apporter fécondité, être dans l’histoire une force qui conserve le monde.

Une mission énorme, alors que le sel, c’est minuscule, peu visible ! Et lorsque nous mettons du sel dans des aliments, il disparaît, il se dissout. Belle évocation d’un aspect important de notre témoignage : nous sommes cette petite chose, minuscule, mais tellement importante, ce sel de la terre pour les autres et non pour nous-mêmes, pour notre propre gloire !

L’autre image que nous laisse Jésus est celle de la lumière… « Vous êtes la lumière du monde ». Au contraire du sel, la lumière doit être visible et elle ne peut pas être cachée.

Restons toutefois modestes : Jésus seul est LA lumière du monde. Nous sommes une parcelle de cette lumière. La lumière ne crée pas le monde : elle le révèle, elle donne de voir clair.

Etre lumière dans des situations de la vie où les ténèbres semblent l’emporter ; être lumière dans des situations de maladie, d’handicap, d’injustice, de solitude, de mort… Etre lumière à travers un geste de solidarité, de présence.

Ici aussi, il y a un équilibre à trouver : trop de lumière aveugle, pas assez de lumière n’aide pas à voir clair ! Dans notre mission de chrétien au cœur du monde, nous avons à inventer chaque jour et dans chaque situation comment être lumière. La lumière du Christ doit briller en nous et on ne peut la cacher : les hommes doivent la voir, la goûter, être heureux de se laisser éclairer par notre témoignage.

Si jamais nous entendons cette parole « vous êtes la lumière du monde » pour nous gonfler les pectoraux ou pour nous mettre à la première place, la suite de l’évangile ajoute tout de suite un correctif de taille. « En voyant ce que vous faites de bien, les hommes rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ». Ce n’est pas notre personne et notre petite gloire qui est première … mais Celui qui est la source de notre agir, de nos paroles, de notre témoignage : c’est-àdire le Père ! L’invitation qui nous est faite, c’est qu’en étant « sel de la terre et lumière du monde », les gens ne s’attachent pas à nous, mais découvrent Celui qui nous fait vivre, qui est la Source : le Père !

Quelques versets plus loin, dans l’évangile de Matthieu, Jésus invitera les siens à ne pas agir pour être vu. Ici aussi, équilibre à trouver, à créer ! Notre mission est d’être visible, d’éclairer le monde, par des paroles et des actes visible. En même temps, s’effacer car ce n’est pas moi que je révèle ou que j’annonce: c’est Dieu, c’est son Royaume, c’est sa saveur, c’est sa lumière !

Je retrouve ce même souffle dans les paroles de notre Pape François, dans sa dernière exhortation apostolique « La joie de l’évangile » qui n’a pas peur d’écrire – je le cite –

« Je dois dire en premier lieu et en toute justice, que l’apport de l’Église dans le monde actuel est immense. Notre douleur et notre honte pour les péchés de certains des membres de l’Église, et aussi pour les nôtres, ne doivent pas faire oublier tous les chrétiens qui donnent leur vie par amour : ils aident beaucoup de personnes à se soigner ou à mourir en paix dans des hôpitaux précaires, accompagnent les personnes devenues esclaves de différentes dépendances dans les lieux les plus pauvres de la terre, se dépensent dans l’éducation des enfants et des jeunes, prennent soin des personnes âgées abandonnées de tous, cherchent à communiquer des valeurs dans des milieux hostiles, se dévouent autrement de différentes manières qui montrent l’amour immense pour l’humanité que le Dieu fait homme nous inspire. Je rends grâce pour le bel exemple que me donnent beaucoup de chrétiens qui offrent leur vie et leur temps avec joie. Ce témoignage me fait beaucoup de bien et me soutient dans mon aspiration personnelle à dépasser l’égoïsme pour me donner davantage »

Notre pape vient de nous donner de belles pistes concrètes pour être sel de la terre et lumière du monde.

Le prophète Isaïe, dans la première lecture de ce jour, nous en donne d’autres :

  • Partage ton pain avec celui qui a faim
  • Recueille chez toi le malheureux sans abri
  • Ne te dérobe pas à ton semblable
  • Fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace

Voilà la beauté et la grandeur de ce que nous sommes, par grâce, et de ce qui est notre mission : donner goût et saveur à notre terre, révéler la lumière du Christ au monde, par des paroles et des actes quotidiens. Pour la gloire de Dieu et pour notre bonheur. Amen»

5° dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : : Isaïe 58, 7-10; Psaume 111; 1 Corinthiens 2, 1-5; Matthieu 5, 13-16

Homélie du 02 février 2014

Prédicateur : Chanoine Guy Luisier
Date : 02 février 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Est-ce que la fête de ce dimanche nous rejoint dans l’ordinaire de nos défis, dans les préoccupations qui nous habitent aujourd’hui? Il me semble que oui, et je souhaiterais vous le montrer même si au premier abord, Présentation, Chandeleur, Fête des lumières, Temple de Jérusalem paraissent nous faire glisser vers la nostalgie des réalités du passé. En fait plus profondément nous sommes en pleine actualité. Peut-être pas celle d’internet – bien sûr, quoi que ! Peut-être pas celle des manchettes de journaux, quoi que ! Mais plutôt une actualité qui s’inscrit dans notre destin fondamental.

Que faut-il entendre par là ? Nous sommes fondamentalement faits pour nous présenter aux autres et à l’Autre absolu. Nous sommes faits pour être présents, dans toute la force de ce mot, présents aux autres et l’Autre absolu, notre Dieu…

C’est de cela que parle la Fête de ce dimanche.

Car il s’agit de refaire connaissance avec trois beaux mots de notre univers culturel, de les réapprivoiser, de leur donner une lumière nouvelle. Ces trois mots sont : présentation, présenter, présent.

Car en fait nous n’existons que dans le présent – quel beau mot avec son ambiguité de sens ! C’est le présent qui donne du sens à notre passé et construit notre avenir.

Une belle famille de mots. Présentation, présenter, se présenter, présent… Voilà des expressions qui même hors de toute connotation religieuse ont un certain coffre, une certaine profondeur, un relief certain.

Peut-être même faut-il d’abord les débarrasser, ou nous débarrasser du vernis théologique et théorique pour les découvrir dans leur force et leur dynamisme.

Parlons d’abord de présentation.

On parle dans la vie professionnelle et sociale d’une « bonne présentation », et la plupart des gens conviennent qu’il s’agit d’une réalité importante. Quand on cherche à décrocher un poste, quand on se rend pour la première fois devant un patron, il faut une bonne présentation, subtil équilibre entre des normes sociales et des mises en valeur individuelles. Dans notre société, même si les bons usages deviennent plus hétérogènes et flous, on attache tout de même une importance à une bonne présentation.

On y sent une idée de respect de l’autre, d’un effort de lissage de la vie sociale afin que chacun se sente respecter dans ce qu’il est, dans ce qu’il veut. On est dans l’ordre de la communication de soi. Cela a quelque chose à voir avec de la politesse et de la solidarité féconde. Chacun peut en convenir.

Et c’est ici qu’arrivent les mots présenter et présent.

Il y a une idée d’offrande, de don, de cadeau.

Il y a donc l’idée d’une gratuité. Se présenter, c’est se donner, s’offrir, avec les risques si magnifiques et humains de s’exposer et de se fragiliser. On est démuni lorsqu’on offre, lorsqu’on s’offre, on se met à la merci des autres.

Et voilà que l’air de rien, en regardant les belles harmoniques de ces mots nous arrivons en pleine spiritualité, en plein dans l’évangile.

Jésus est un homme. A travers ses humbles parents, ce bébé d’homme a voulu être présenté à son Père divin dans le Temple de Jérusalem. Jésus est en même temps Dieu, à travers ses humble parents, ce bébé, Dieu, est présenté petit et fragile à son peuple. Dieu comme un bébé fut présenté à la merci des passants. C’est une manière pour lui de se mettre à nos côtés. C’est sa façon de devenir présent à nos côtés, nos côtés humbles, démunis fragiles et petits.

La toute-puissance de Dieu se révèle tout autant dans la force active de l’homme Jésus que dans sa solidarité avec nos côtés humbles, démunis et fragiles.

Aujourd’hui par une belle coincidence de calendrier, nous mettons un hallo de lumière tant sur les laïcs dans l’Eglise que sur les consacrés. La place de chacun dans le peuple- Eglise est relative à la place qu’on donne à Dieu dans ce Peuple.

Ainsi est-il plus que jamais nécessaire, chacun à sa place et dans sa vocatin originale et personnelle, de nous plonger dans le mystère de la présence de Dieu parmi nous et de l’approfondir…

A ce stade de notre réflexion, on voit se dessiner une magnifique image de Dieu.

En Jésus c’est Dieu qui se présente à nous et l’homme qui se présente à Dieu.

Ainsi nous voyons se dégager un des plus beaux titres de Dieu. Dieu est le présent, avec le double et magnifique sens que prend le mot présent en français. Dieu est le présent, parce qu’il est l’aujourd’hui éternel. Dieu est le présent parce qu’il est le don, le cadeau éternel de l’humanité.

Qu’est-ce que cela implique au ras des paquerettes de notre quotidien. Cela veut dire qu’il ne faut pas aller chercher Dieu désormais ailleurs que dans le présent. Ce présent, cet aujourd’hui quel qu’il puisse être (souvent trivial, tellement ordinaire, souvent plat ou décourageant mais aussi si riche de potentialités diverses) est le lieu et le moment du vrai compagnonage avec Dieu. Dieu est présent. Et il est d’autant plus présent et démuni devant nous que nous cherchons à l’évacuer de ce qui ne nous plaît pas dans notre vie.

A cette réalité de présent de Dieu, doit répondre la réalité de notre présent à nous. Ainsi deux questions : Est-ce que nous sommes vraiment présents à la vie, à notre destin, à nos défis, à Dieu ou bien est-ce que nous nous divertissons dans les fuites diverses, nous fuyons dans les divertissements divers.

2 février. Fête de la présentation de Jésus au Temple, Fête du présent de Dieu à l’homme, et du présent de l’homme à Dieu.

Quelle que soit notre place dans l’Eglise et dans le monde, laïcs, consacrés, actifs, retraités, malades, nous pourrions profiter de cette journée pour accueillir plus humblement la présence de Dieu dans notre présent tel qu’il est. Si nous le faisons avec toute la douceur simple dont notre destin est capable, une lumière de salut se lèvera simplement sur nous et sur le monde.»

Fête de la Présentation du Seigneur

Lectures bibliques : Malachie 3, 1-4; Psaume : 23; Hébreux 2, 14-18; Luc 2, 22-40

Homélie du 02 février 2014

Prédicateur : Didier Berret, diacre
Date : 02 février 2014
Lieu : Eglise Saint-Pierre, Porrentruy
Type : tv

La tradition juive raconte, qu’un jour, on posa à trois grands sages la question suivante: «Quel est, à votre avis, le personnage le plus important pour l’humanité?»

Le premier sage, sans hésiter, prit la parole et dit: «C’est Moïse! Il nous a donné la loi. Et la loi structure la vie de l’homme. Elle permet à chacun de se construire, de vivre en paix et de s’épanouir. Il n’y a pas de doute, Moïse est le personnage le plus important pour l’humanité. Il permet à tout homme de trouver le bonheur.»

«Je pense qu’il y a quelqu’un de plus grand que Moïse!, reprit le deuxième, c’est David! Il nous a donné les Psaumes. Leur poésie et leur prière illuminent le monde. Les Psaumes sont le cri de l’humanité, leur chant est le chant des anges. Les Psaumes participent à l’adoration du Créateur, ils portent l’homme à son plus haut sommet: l’émerveillement; Bien mieux que la loi, la poésie et la musique mènent l’homme à la béatitude, à l’extase.»

Le troisième, rabbi Yohanan, prit à son tour la parole: «Vous avez raison!», dit-il, Moïse et David sont des perles de notre tradition.Le respect de la loi, la prière et la poésie permettent tout ce que vous avez dit, mais comportent aussi chacun un risque.

Celui qui s’attache à pratiquer tous les préceptes de la loi risque de sombrer dans les scrupules ou de verser dans le légalisme ou l’autosuffisance. S’il parvient à respecter tous les commandements, il pourra se sentir supérieur, s’imaginer appartenir à la crème de la société et dénigrer tous les autres. Le risque de la poésie, des arts et même de la prière, c’est la désincarnation. Ils peuvent être une fuite dans un monde de l’esprit qui compte pour rien les réalités du monde ou du corps et les méprise.

«Il y a donc un troisième personnage plus grand que les deux autres: c’est le Messie!» Le Messie ne vient pas pour les anges, comme le rappelle si bien l’auteur de la lettre aux Hébreux mais pour les hommes, les fils d’Abraham.

Et s’il est le plus grand pour les hommes, c’est peut-être d’abord parce que le Messie est toujours l’homme du futur. Il se fait attendre comme un nouveau-né il vient pour celui qui sait veiller, patienter et être aux aguets. Il projette l’homme vers l’avenir, il dit la nécessité de la croissance, du devenir. Le Messie laisse ouvertes les questions; il se laisse chercher dans le visage des autres. Devant eux on doit toujours se demander: «Serait-il celui-ci, ou celui-là?»

Pour cela il nous incite à rester prudents dans nos jugements, attentifs dans nos approches, humbles dans nos décisions. Le Messie nous invite à nous laisser surprendre par l’autre, à le regarder avec d’autres yeux, à l’accueillir comme un frère, un ange, un envoyé, un fils de Dieu… Le Messie appelle l’homme à sa vocation de rencontre, de relation, d’altérité.»

«D’accord, reprennent les deux premiers, le Messie, mais n’y a-t-il pas pour lui aussi un risque?». «Si, si, répond rabbi Yohanan, et même un grand risque! Un risque plus douloureux que pour les deux premiers: c’est le risque de l’autre!»

Toute vraie rencontre place chacun face à ses propres limites. C’est le risque de la confrontation qui rabote, le risque de la remise en question, de la déception. L’autre fait miroir: il nous renvoie notre propre image en même temps qu’il nous décale. Il révèle nos imperfections et nos limites. Et puis l’autre va aussi bouleverser nos plans, déranger nos conforts, prendre de la place, s’installer chez nous ou pire encore tomber malade et quérir des soins, ou même un jour mourir et nous laisser et nous briser le cœur…

Prendre le risque de l’autre, l’accueillir, l’aimer, c’est toujours prendre le risque de la blessure… C’est d’ailleurs ce qu’annonce le prophète Syméon à Marie: «ton cœur sera transpercé d’une épée…». L’exposition à l’autre nous épure, met «à jour les pensées secrètes» comme le dit l’Evangile ou agit en nous «comme le feu du fondeur ou la lessive du blanchisseur» pour reprendre les mots du prophète Malachie.

Mais par-là, il nous révèle aussi notre propre beauté, notre propre lumière, notre véritable identité de fils et de fille de Dieu…

Syméon n’a rien entendu des discours de Jésus, ni goûté aux délices de ses paraboles. Il n’a pas été témoin de ses guérisons ou de ses rencontres foudroyantes, et pourtant, habité par l’Esprit comme le monde en ces commencements, il perçoit à travers ce petit enfant sans défense, qu’il tient tendrement dans ses bras, la force d’une rencontre qui peut transformer la vie.

Amen.

Fête de la Présentation du Seigneur

Lectures bibliques : Malachie 3, 1-4; Psaume : 23; Hébreux 2, 14-18; Luc 2, 22-40

Homélie du 26 janvier 2014

Prédicateur : Mgr Rémy Berchier
Date : 26 janvier 2014
Lieu : Institut Sainte-Croix, Bulle
Type : radio

Mes Sœurs,

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Au cœur de leur train train quotidien, 4 pêcheurs aux prises avec leurs filets, leurs barques, leur pêche sont soudainement happés par le regard et la parole du Christ. « Venez derrière moi…. » et c’est tout ! ils ne savent rien de ce qui les attend ! Ils n’ont ni contrat, ni promesse de salaire, ni perspective d’avenir, et ne savent pas pourquoi ils sont engagés ! Ah oui, Jésus va juste dire à deux d’entre eux : « Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » Vous vous imaginez ce que cela a dû leur dire ? Et de plus ils connaissent à peine Celui qui les appelle ! Un seul regard, une seule parole de Jésus ont provoqué un tel séisme, un tel bouleversement ! Comment expliquer cette rencontre qui a bouleversé la vie de ces hommes ? « Aussitôt, laissant leurs filets, leur barque et leur père, ils le suivirent. » Pas une question, pas une hésitation, pas de pourparlers !

Dès lors nous comprenons mieux la première partie de l’Évangile de ce jour, la citation d’Isaïe que nous rapportait déjà la première lecture : « Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre et de la mort, une lumière s’est levée. » Ces quatre hommes cheminent dans les ténèbres et la lumière qu’est Jésus les rejoint au plus profond de leur ombre. Un regard, une parole, et ils comprennent qu’ils peuvent être guéris définitivement. C’est un amour tellement fort qui vient les guérir qu’ils abandonnent tout pour le suivre, qu’ils vendent tout pour l’acquérir, lui et lui seul ! la lumière est tellement contagieuse qu’ils en sont irradiés. L’Appel de Jésus est tellement irrésistible que ce qui faisait leur vie jusqu’à ce jour : leur métier, leurs instruments de travail, leur père même, ne font plus le poids. Ils ont rencontré tellement plus beau, plus fort, plus lumineux que plus rien ne peut les arrêter.

Nous vivons tous, de ces changements plus ou moins radicaux qui nécessitent des morts à nous-mêmes pour renaître, des conversions, des passages de ténèbres à la lumière. Ce peut-être un changement d’orientation professionnelle, une maladie, le départ d’un proche, des contingences économiques, des remises en question fondamentales qui engendrent un changement de vie. Les Sœurs de la Sainte Croix de Menzingen, chez qui nous nous trouvons ce matin vivent en plein cette réalité. D’une maison florissante, grouillante d’étudiantes avec de nombreuses et jeunes religieuses pour les entourer, enseigner et annoncer la Bonne Nouvelle, voilà que cette grande bâtisse est pratiquement vide et le sera complètement à la fin de cette année : plus de jeunes filles depuis bien des années, une dizaine de sœurs qui réorientent leur vie et préparent leur départ : à chaque fois c’est une blessure, une souffrance, une peur, un désappointement. Qu’en faisons-nous ? « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte » nous dit le psaume. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière… Tu as fait grandir la joie… Ils se réjouissaient devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson » nous dit Isaïe.

Le peuple est en marche, l’Évangile nous dit aussi que Jésus marche au bord du lac de Galilée. Voilà une certitude : nous sommes en marche, rien ne s’arrête définitivement en nos vies et nos cœurs. L’essentiel se situe dans ce que nous sommes, dans ce que nous devenons au cœur de ces changements et, pour nous croyants, l’essentiel est en Celui qui nous appelle, qui est lumière, qui habite nos cœurs, qui est amour irrésistible, qui nous précède à chaque étape de nos vies, et qui, toujours, fait route avec nous. Jésus ne nous lâche jamais. Après l’appel adressé aux quatre pêcheurs il va vivre trois ans avec eux puis il sera présent autrement comme il l’est pour nous aujourd’hui.

Et nous leur ressemblons bien à ces quatre disciples : ils vont se décourager, ils refuseront de comprendre l’enseignement de Jésus, ils protesteront même. Nous aussi, nous nous débattons avec nos peurs du lendemain, l’exigence de la situation, l’incompréhension des décisions. Au soir du Jeudi Saint ils vont même s’enfuir, leur amour n’aura pas encore été définitivement fortifié ! Au soir de Pâques ils douteront et ne croiront pas ce que leur rapportent les femmes. Afin qu’ils deviennent amour pour toujours il leur faudra la Pentecôte et l’Esprit-Saint, envoyé par Jésus. Et voilà à nouveau la lumière, le feu qui vient embraser leur amour pour toujours.

A vous toutes et tous qui devez vivre un changement dans votre vie, à vous qui devez entreprendre un chemin de mort à vous-même, avec cette communauté réunie ici à Bulle et en communion avec la communauté des auditeurs nous prions l’Esprit Saint pour qu’une grande lumière se lève, pour que la joie grandisse en vous et qu’où que nous soyons, quoi que nous fassions nous annoncions la Bonne Nouvelle et soyons pêcheurs d’hommes.

Amen

3e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Isaïe 8, 23b–9, 3 ; Psaume 26 ; 1 Corinthiens 1, 10-13.17 ; Matthieu 4, 12-23

Homélie du 19 janvier 2014

Prédicateur : Pasteur Emmanuel Rolland
Date : 19 janvier 2014
Lieu : Cathédrale Saint-Pierre, Genève
Type : tv

«Qui est le plus grand?» Autrement dit, lequel d’entre nous sert-il le mieux Jésus-Christ? Lequel est le plus fidèle à son enseignement? Ce n’est pas la question des disciples qui est originale. C’est la réponse de Jésus.

«Le plus grand»…

Parce qu’il y a en effet un vrai rapport de hiérarchie entre nous. Nous ne sommes pas tous égaux dans le service du Christ. Il y a parmi nous le meilleur, le médiocre et le pire et en l’occurrence, Jésus ne le remet pas en question. Il ne dit pas à ses disciples: «Allez, vous êtes tous de braves gens et vous faites ce que vous pouvez.» Non. La hiérarchie est là. Le problème avec Jésus, c’est qu’elle n’est jamais là où on l’attend. On prend des regards énamourés, on trottine à sa suite, et le voici qui nous dit: «Si quelqu’un veut être le premier…Qu’il soit non pas «mon» serviteur mais le serviteur «de tous».

C’est là qu’on reconnait Jésus, le Maître. Rien pour lui, tout pour les autres. Et joignant le geste à la parole, au cas où on n’aurait pas compris que être serviteur de tous, c’est bien servir ceux qui ne sont pas «de chez nous» ceux qui ne sont pas «comme nous», il prend un petit enfant par la main, le place au milieu d’eux, le prend dans ses bras, et l’accueille.

Nous on cherche – parce qu’on ne comprend jamais rien à rien – pourquoi un enfant? Pourquoi diable un enfant? Et on se met à trouver des tas de qualités aux enfants parce qu’il ne nous viendrait pas à l’esprit d’ imaginer que Jésus place au centre quelqu’un ou quelque chose qui serait sans «qualité». Alors on dit «oui, parce que ils sont gentils les enfants », comme si les enfants étaient gentils par nature»! Ou alors, on dit: «parce que les enfants font plus et mieux confiance qu’un adulte». Mais allez gagner la confiance d’un enfant qui ne vous connaît pas!

Il nous faut toujours du temps avant de comprendre que ce n’est pas pour ses qualités réelles ou fantasmées que Jésus place l’enfant au centre, mais précisément parce qu’il n’appartient pas au petit groupe, au petit clan, au petit cercle d’initié. Et le plus grand parmi ses disciples, pour Jésus, c’est donc celui ou celle qui arrive à rompre le cercle, à faire une place au milieu du clan à celui qui n’en est pas. A accueillir «celui qui est dehors.»

Que des églises chrétiennes se rassemblent de temps en temps pour manifester leur unité en Jésus-Christ, quoi de plus normal? On ne fait là rien d’extraordinaire si ce n’est que – comme l’aurait dit Saint-Paul – ceux d’Apollos, ceux de Céphas et ceux de Chloé se souviennent qu’ils ne sont pas étrangers les uns aux autres. Pas mal, mais après tout, si l’on considère les choses du point de vue de l’Evangile, ce n’est encore rien du tout.

«Le plus grand?» Celui qui se place au service de tous! Le plus grand? Celui qui n’est pas fermeture mais ouverture. Le plus grand? Celui qui se fiche de savoir qui est de son église et qui n’en est pas, pour exercer les gestes vitaux d’humanité à l’égard de tous.

Malheurs aux petits! Aux petits calculs, aux petites habitudes, aux petits cœurs, aux petites rancœurs. Et le Christ qui n’a jamais méprisé les images fortes va nous servir une série d’allégories qu’on serait bien bête de prendre au pied de la lettre:

Si vous utilisez votre main, nous dit-il, pour repousser plutôt que pour accueillir, coupez votre main, cela vous évitera la sclérose.

Si vous utilisez votre pied pour chasser les gens qui ne sont pas de chez vous plutôt que de faire un pas vers eux, eh bien coupez votre pied, cela vous évitera de voir la gangrène.

Et si vous utilisez votre œil non pas pour vous émerveiller de l’autre mais pour surveiller et punir ceux qui ne sont pas comme vous, arrachez-le avant que votre champ de vision ne se rétrécisse aux 4 murs d’une prison.

Quand on dit que le Christ sauve son Eglise, on voit bien ici que le salut n’est pas une abstraction. Nous sommes ici précisément sauvés de ce qu’il y a de plus primaire, de plus primitif dans nos natures débiles, si promptes à établir des barrières qui finissent par devenir nos tombeaux.

Revenons un instant sur notre passé d’Eglise et faisons preuve ensemble d’un peu d’imagination:

Si ses disciples s’étaient souvenus de ses paroles quand ils sont partis à pied en croisade vers Jérusalem; S’ils s’étaient coupés les pieds plutôt que de couper la tête des musulmans, l’Eglise, vous en conviendrez, n’en serait aujourd’hui pas là.

Si ses disciples s’étaient souvenus de ses paroles quand ils ont plongé leurs mains dans les ors du pouvoir, de la richesse et de la puissance , s’ils s’étaient coupés les mains plutôt que de les plonger dans les trésors du monde, l’Eglise aujourd’hui n’en serait pas là.

Si ses disciples s’étaient souvenus de ses paroles quand ils ont regardé muets les juifs persécutés, les pauvres spoliés, les étrangers expulsés, s’ils s’étaient arrachés les yeux plutôt que de les fermer, l’Eglise aujourd’hui n’en serait pas là.

Je simplifie bien sûr à l’extrème mais d’où vient cette image caricaturale de ce que nous sommes si ce n’est de toutes les occasions que nous avons manqué de conformer nos actes à la parole du Christ.

«Qui accueille en mon nom un seul enfant comme celui-là – c’est-à-dire précisément, un enfant qui n’est pas votre enfant; un enfant qui vous est étranger; un enfant auquel rien ne vous relie: ni les liens du clan, ni les liens du sang, et j’ajoute, ni les liens de l’ethnie, de la religion ou de la race – qui accueille donc «en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il a accueilli, c’est celui qui m’a envoyé».

Comment mieux dire que Dieu est «dehors»? Et que sa présence prend le visage de celui ou de celle qui, venant de l’extérieur a été accueilli au milieu de nous.

Aujourd’hui, pour nous, le visage de Dieu prend celui de Marcel Pérès et de ses musiciens que nous sommes si heureux d’avoir pu accueillir, non pas seulement parce que ce sont d’immenses artistes, mais parce qu’ils portent quelque chose qui s’est marginalisé dans chacune de nos églises, et ce quelque chose, on pourrait l’appeler l’art sacré, l’art qui par je ne sais quelle grâce parvient à relier ciel et terre, passé et présent dans une même communion. Donner de l’espace au chant de la liturgie de l’Eglise indivise dans cette cathédrale, temple de la Réforme depuis le XVIème siècle, c’était une manière, en donnant une place à ce qui nous est étranger, de retrouver aussi ce qui nous fonde en brisant le cercle de nos liturgies coutumières.

Aujourd’hui, pour nous, le visage de Dieu prend celui de Samantha Reichenbach qui a demandé à recevoir le baptême. Elle est arrivée un jour en demandant de franchir la porte et cette porte, grâce à Dieu lui est ouverte.»

Lecture biblique : Marc 9, 33-47

Homélie du 19 janvier 2014

Prédicateur : Pasteur Emmanuel Rolland
Date : 19 janvier 2014
Lieu : Cathédrale Saint-Pierre, Genève
Type : radio

«Qui est le plus grand?» Autrement dit, lequel d’entre nous sert-il le mieux Jésus-Christ? Lequel est le plus fidèle à son enseignement? Ce n’est pas la question des disciples qui est originale. C’est la réponse de Jésus.

«Le plus grand»…

Parce qu’il y a en effet un vrai rapport de hiérarchie entre nous. Nous ne sommes pas tous égaux dans le service du Christ. Il y a parmi nous le meilleur, le médiocre et le pire et en l’occurrence, Jésus ne le remet pas en question. Il ne dit pas à ses disciples: «Allez, vous êtes tous de braves gens et vous faites ce que vous pouvez.» Non. La hiérarchie est là. Le problème avec Jésus, c’est qu’elle n’est jamais là où on l’attend. On prend des regards énamourés, on trottine à sa suite, et le voici qui nous dit: «Si quelqu’un veut être le premier…Qu’il soit non pas «mon» serviteur mais le serviteur «de tous».

C’est là qu’on reconnait Jésus, le Maître. Rien pour lui, tout pour les autres. Et joignant le geste à la parole, au cas où on n’aurait pas compris que être serviteur de tous, c’est bien servir ceux qui ne sont pas «de chez nous» ceux qui ne sont pas «comme nous», il prend un petit enfant par la main, le place au milieu d’eux, le prend dans ses bras, et l’accueille.

Nous on cherche – parce qu’on ne comprend jamais rien à rien – pourquoi un enfant? Pourquoi diable un enfant? Et on se met à trouver des tas de qualités aux enfants parce qu’il ne nous viendrait pas à l’esprit d’ imaginer que Jésus place au centre quelqu’un ou quelque chose qui serait sans «qualité». Alors on dit «oui, parce que ils sont gentils les enfants », comme si les enfants étaient gentils par nature»! Ou alors, on dit: «parce que les enfants font plus et mieux confiance qu’un adulte». Mais allez gagner la confiance d’un enfant qui ne vous connaît pas!

Il nous faut toujours du temps avant de comprendre que ce n’est pas pour ses qualités réelles ou fantasmées que Jésus place l’enfant au centre, mais précisément parce qu’il n’appartient pas au petit groupe, au petit clan, au petit cercle d’initié. Et le plus grand parmi ses disciples, pour Jésus, c’est donc celui ou celle qui arrive à rompre le cercle, à faire une place au milieu du clan à celui qui n’en est pas. A accueillir «celui qui est dehors.»

Que des églises chrétiennes se rassemblent de temps en temps pour manifester leur unité en Jésus-Christ, quoi de plus normal? On ne fait là rien d’extraordinaire si ce n’est que – comme l’aurait dit Saint-Paul – ceux d’Apollos, ceux de Céphas et ceux de Chloé se souviennent qu’ils ne sont pas étrangers les uns aux autres. Pas mal, mais après tout, si l’on considère les choses du point de vue de l’Evangile, ce n’est encore rien du tout.

«Le plus grand?» Celui qui se place au service de tous! Le plus grand? Celui qui n’est pas fermeture mais ouverture. Le plus grand? Celui qui se fiche de savoir qui est de son église et qui n’en est pas, pour exercer les gestes vitaux d’humanité à l’égard de tous.

Malheurs aux petits! Aux petits calculs, aux petites habitudes, aux petits cœurs, aux petites rancœurs. Et le Christ qui n’a jamais méprisé les images fortes va nous servir une série d’allégories qu’on serait bien bête de prendre au pied de la lettre:

Si vous utilisez votre main, nous dit-il, pour repousser plutôt que pour accueillir, coupez votre main, cela vous évitera la sclérose.

Si vous utilisez votre pied pour chasser les gens qui ne sont pas de chez vous plutôt que de faire un pas vers eux, eh bien coupez votre pied, cela vous évitera de voir la gangrène.

Et si vous utilisez votre œil non pas pour vous émerveiller de l’autre mais pour surveiller et punir ceux qui ne sont pas comme vous, arrachez-le avant que votre champ de vision ne se rétrécisse aux 4 murs d’une prison.

Quand on dit que le Christ sauve son Eglise, on voit bien ici que le salut n’est pas une abstraction. Nous sommes ici précisément sauvés de ce qu’il y a de plus primaire, de plus primitif dans nos natures débiles, si promptes à établir des barrières qui finissent par devenir nos tombeaux.

Revenons un instant sur notre passé d’Eglise et faisons preuve ensemble d’un peu d’imagination:

Si ses disciples s’étaient souvenus de ses paroles quand ils sont partis à pied en croisade vers Jérusalem; S’ils s’étaient coupés les pieds plutôt que de couper la tête des musulmans, l’Eglise, vous en conviendrez, n’en serait aujourd’hui pas là.

Si ses disciples s’étaient souvenus de ses paroles quand ils ont plongé leurs mains dans les ors du pouvoir, de la richesse et de la puissance , s’ils s’étaient coupés les mains plutôt que de les plonger dans les trésors du monde, l’Eglise aujourd’hui n’en serait pas là.

Si ses disciples s’étaient souvenus de ses paroles quand ils ont regardé muets les juifs persécutés, les pauvres spoliés, les étrangers expulsés, s’ils s’étaient arrachés les yeux plutôt que de les fermer, l’Eglise aujourd’hui n’en serait pas là.

Je simplifie bien sûr à l’extrème mais d’où vient cette image caricaturale de ce que nous sommes si ce n’est de toutes les occasions que nous avons manqué de conformer nos actes à la parole du Christ.

«Qui accueille en mon nom un seul enfant comme celui-là – c’est-à-dire précisément, un enfant qui n’est pas votre enfant; un enfant qui vous est étranger; un enfant auquel rien ne vous relie: ni les liens du clan, ni les liens du sang, et j’ajoute, ni les liens de l’ethnie, de la religion ou de la race – qui accueille donc «en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il a accueilli, c’est celui qui m’a envoyé».

Comment mieux dire que Dieu est «dehors»? Et que sa présence prend le visage de celui ou de celle qui, venant de l’extérieur a été accueilli au milieu de nous.

Aujourd’hui, pour nous, le visage de Dieu prend celui de Marcel Pérès et de ses musiciens que nous sommes si heureux d’avoir pu accueillir, non pas seulement parce que ce sont d’immenses artistes, mais parce qu’ils portent quelque chose qui s’est marginalisé dans chacune de nos églises, et ce quelque chose, on pourrait l’appeler l’art sacré, l’art qui par je ne sais quelle grâce parvient à relier ciel et terre, passé et présent dans une même communion. Donner de l’espace au chant de la liturgie de l’Eglise indivise dans cette cathédrale, temple de la Réforme depuis le XVIème siècle, c’était une manière, en donnant une place à ce qui nous est étranger, de retrouver aussi ce qui nous fonde en brisant le cercle de nos liturgies coutumières.

Aujourd’hui, pour nous, le visage de Dieu prend celui de Samantha Reichenbach qui a demandé à recevoir le baptême. Elle est arrivée un jour en demandant de franchir la porte et cette porte, grâce à Dieu lui est ouvert

Lecture biblique : Marc 9, 33-47