Homélie du 12 janvier 2014

Prédicateur : Dom Marc de Pothuau
Date : 12 janvier 2014
Lieu : Abbaye de Hauterive, Posieux
Type : radio

Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour.

La fête du Baptême de Jésus que nous célébrons ce matin est placée en écho à celle de l’Épiphanie. Pour tenter d’en cerner l’enjeu, je distinguerai deux choses qui malheureusement ne coïncident pas toujours dans la vie : être aimé et se savoir aimé. On peut être aimé sans trop le savoir en effet. Votre enfant, par exemple, devenu adolescent a besoin d’autres signes que ceux que vous lui donniez quand il était un tout-petit.

Cette évolution des signes que réclame l’amour marque l’histoire compliquée de notre vie affective. Un amour n’existe vraiment que s’il se célèbre. Cette célébration se nomme une « alliance ». Et cela seul nourrit notre coeur. Notre coeur se nourrit de relations qui se manifestent, qui s’expriment et se traduisent en gestes clairs et explicites. Ils signifient : je t’aime ; tu es important pour moi ; tu es ma joie. Notre coeur a besoin de ces manifestations, de ces « épiphanies », pour pouvoir s’appuyer dessus. Un coeur habité par une alliance, c’est un coeur à qui a été confié beaucoup d’amour, c’est un coeur confiant. Ne cherchons pas ailleurs la source de la confiance en soi.

Par conséquent, il ne suffit pas d’aimer ceux qui nous entourent, il faut savoir le leur manifester, c’est-à-dire célébrer cet amour. Êtes-vous bien certains que ceux qui partagent votre vie et que vous aimez, se sentent effectivement aimés, actuellement aimés ? Les mises à jour en ce domaine sont bien plus importantes qu’en informatique, et les bugs bien plus douloureux ! Combien il est délicat de célébrer une alliance ! Combien merveilleux aussi : c’est là le bonheur de la vie !

Or sans cesse Dieu nous déclare qu’il nous aime. Mais qui le sait ? Israël a été choisi pour le savoir et le faire savoir aux nations. Par le prophète Jérémie, par exemple, Dieu dit à son peuple : Es-tu pour moi un fils si cher, un enfant qui me procure une telle joie que chaque fois que je t’évoque, je répète et répète sans cesse ton nom ; et en mon coeur, quel émoi pour toi ! Je t’aime, oui, je t’aime (cf. Jr 31, 20). Mais Israël l’oubliait sans arrêt. Les signes de la première Alliance étaient tous des célébrations de cet amour tendre autant que jaloux du Seigneur, pour que son peuple n’oublie pas. Celui de la Pâques tout spécialement. Or ce matin c’est justement dans ce signe que Jésus entre par son baptême.

Et Dieu-le-Père se déclare à nouveau : Celui-ci est mon Fils bien aimé, en lui j’ai mis tout mon amour. Notons qu’il ne s’adresse pas alors à Jésus lui-même. Jésus se savait aimé tout spécialement depuis le recouvrement au Temple : Je dois être aux affaires de mon Père déclara-t-il alors à ses parents stupéfaits. Et silencieusement il avait répondu à cet amour, puisque c’est cela toutes les affaires du Père : l’Alliance ! Un amour qui se déclare et auquel il s’agit de répondre. De 12 à 30 ans Jésus avait répondu dans le silence de Nazareth à son Père. Là, il sanctifiait le monde en célébrant silencieusement son alliance avec son Père, leur éternelle étreinte dans l’Esprit.

Mais ce matin Jean-Baptiste en devient le témoin : Jésus apparaît maintenant comme le Fils bien-aimé, en qui le Père a placé tout son amour, toute sa joie, sur qui l’Esprit Saint vient reposer. Pour Jésus il ne s’agit plus seulement de répondre, mais de répandre cet amour ! Sa conscience d’être aimé, devient conscience qu’il est lui-même tout l’amour manifesté à Israël, qu’il est lui-même l’Alliance. Il doit maintenant célébrer cet amour avec son peuple et bientôt toute l’humanité. Non seulement Jésus est aimé, non seulement il se sait aimé, mais en plus il sait que de lui, de sa propre capacité à exprimer l’amour, dépend la manifestation de l’amour de Dieu dans le monde. Le Père lui a confié tout son amour. Il est tout l’amour confié par le Père. Voilà l’incroyable conscience de Jésus ! Le mystère de toute sa personnalité se trouve là. De même que notre personnalité profonde se situe dans l’histoire de nos alliances et notre manière de les célébrer, de même le mystère du Christ se résume en ceci : il est lui-même l’Alliance, comme nous l’avons entendu dans la 1ère lecture tirée d’Isaïe!

Alors que conclure de cela pour nous-mêmes ? Par notre Baptême Dieu nous fait entrer dans cette Alliance : nous sommes plongés dans la conscience même de Jésus. Quelle joie et quelle responsabilité ! Quelle joie que cette responsabilité ! Chaque baptisé est, en Jésus, l’Alliance de Dieu avec les hommes, signe par lequel Dieu déclare et manifeste au monde sa tendresse.

Renouvelons donc notre conscience, ce matin, en célébrant l’Alliance nouvelle et éternelle dans cette Eucharistie. Revitalisons nos gestes et nos rites en puisant dans cet amour brûlant de Dieu pour chacun afin que l’humanité ne puisse plus ignorer combien elle est la bien-aimé de Dieu !»

Baptême de Jésus

Lectures bibliques : Isaïe 42, 1-4.6-7 ; Actes 10, 34-38 ; Matthieu 3, 13-17

Homélie du 05 janvier 2014

Prédicateur : Mgr Joseph Roduit
Date : 05 janvier 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Une catéchèse de saint Matthieu

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » demandent les Mages venus d’Orient en arrivant à Jérusalem. « Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui ! »

Cette phrase ne sort pas d’un conte des mille et une nuits. Elle vient de l’évangile et elle nous est adressée à chacun de nous aujourd’hui. « Où le roi des Juifs signifie pour nous aujourd’hui : Où est Jésus dans ta vie? Est-il vraiment né en toi ? Bien de nos contemporains nous interrogent : Est-ce bien vrai cette histoire d’un Enfant-Dieu né à Noël ? »

Les évangiles, on le sait bien, ne sont pas des récits à entendre comme des textes qui donneraient un compte-rendu des faits tels qu’ils se sont déroulés, pour en garantir l’historicité.

C’est longtemps après les évènements qu’ils ont été écrits et chaque évangéliste a sa manière de présenter les faits pour nous inviter à croire à la divinité du Christ.

L’évangile d’aujourd’hui, avec le récit des Mages venus d’Orient, est propre à saint Matthieu.

Or, que veut montrer saint Matthieu ?

Il serait trop long de montrer ici l’ensemble de que veut montrer saint Matthieu à travers son texte très riche en symboles et en allusions bibliques tirées de l’A T.

Par exemple, qu’est-ce qu’un enfant né dans une étable a en faire des cadeaux d’or, d’encens et de myrrhe?

Une personne me faisait remarquer avec humour que si les mages avaient été des femmes, elles auraient au moins offert des cadeaux utiles à l’Enfant et à ses parents !

Saint Matthieu veut nous montrer que Jésus est prêtre, prophète et roi. Les Pères de l’Eglise montreront que les présents offerts sont symboliques : l’or pour le roi, l’encens pour le prêtre, la myrrhe pour le prophète.

L’or c’est le symbole de la foi, de la vie éternelle. Les icônes anciennes sont sur fond d’or. L’encens est le symbole de la prière. La myrrhe est symbole de l’espérance. En effet à la sépulture de Jésus on apportera des aromates, dont la myrrhe pour embaumer le corps de Jésus. Ici saint Matthieu annonce déjà ce geste de la compassion avant la résurrection.

Les Mages venus d’Orient symbolisent la vision universaliste et missionnaire de Saint Matthieu. Car à l’autre bout de l’évangile c’est aussi lui qui formule le mieux l’envoi des disciples :

« Allez dans le monde entier. De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit »   Il devait montrer à ses contemporains, juifs, que le salut est offert à tous. Or devant leur refus, la Mission de Jésus va être confiée aux païens : les mages en sont les premiers représentants. Le Pape <François nous invite aussi à cette ouverture aux personnes qui vivent en marge de l’Eglise.

Les Mages représentent aussi le monde de la science de l’époque. Voici que ces astrologues, capables de lire dans le ciel, viennent s’agenouiller devant un petit enfant pauvre. Saint Matthieu veut montrer que Jésus est la nouvelle étoile de l’humanité.

Il y a aussi une autre sorte de science, celle des Ecritures. Saint Matthieu déplore l’attitude des scribes capables de savoir dire où va naître le Messie, mais incapables de faire le déplacement jusqu’au village voisin de Bethléem. Eux, ils savent et ils pensent que cela suffit.

Saint Matthieu ne manque pas de leur montrer qu’ils n’ont pas eu assez d’humilité pour reconnaître le Messie en Jésus.

Le message d’Hérode

Arrêtons-nous un instant encore sur un personnage significatif, mentionné sept fois dans l’évangile de ce jour : je veux parler du Roi Hérode.

Il faut savoir que Jésus a connu deux Hérodes.

Hérode le grand, roi de Judée de 36 avant Jésus-Christ jusqu’à 4 après Jésus-Christ, soit un règne d’une quarantaine d’années. Un homme d’envergure qui construisit des palais, des temples, des cités, des théâtres, amphithéâtres et hippodromes. Mais surtout il construisit le Temple de Jérusalem que son fils achèvera quand Jésus aura dix ans. Mais devenu jaloux, il fit assassiner plusieurs membres de sa famille par crainte de perdre son pouvoir. Il tremble à l’idée qu’il y aurait un autre roi.

Lui succéda Hérode Antipas, qui fut guère meilleur. Il fera couper la tête de Jean-Baptiste venu dénoncer son comportement. Il sera présent lors du procès et de la mort de Jésus et ne prendra pas sa défense même s’il était intrigué par la personnalité de Jésus.

Comprenez dès lors que lorsque saint Matthieu parle des Hérodes, il n’en parle pas comme des bienfaiteurs. Hérode représente pour lui le pouvoir politique injuste et dictatorial. Son évangile va montrer à plusieurs reprises que le Royaume de Jésus n’est pas de ce monde, qu’il est un royaume d’amour, de justice et de paix.

Les Hérodes d’aujourd’hui

Cela doit nous faire réfléchir sur les pouvoirs injustes en notre monde. Que ces pouvoirs soient politiques, économiques, financiers, journalistiques ou sociaux. Mais hélas, pour tant de pays gouvernés dans l’honnêteté combien de gouverneurs injustes dans notre monde ?

Les Hérodes ne sont pas tous morts. Combien de Hérodes injustes et sanguinaires règnent encore sur des pays entiers.

Il faut de nouveaux Mages aujourd’hui qui viennent s’incliner devant l’enfant et ne pas reprendre le chemin d’Hérode. Combien de personnes doivent fuir leur propre patrie pour survivre ! Ne nous étonnons pas des fortes émigrations quand il y a trop d’injustices dans le pays d’origine. Dénoncer les injustices y correspond souvent à la mort ou à l’exil.

La grande leçon de saint Matthieu est le respect de la vie de l’Enfant.

Tout d’abord, l’Enfant-Dieu, qui est le Messie et que les Mages ont reconnu. Mais aussi tout enfant dans notre monde, ce monde qui a perdu le sens du respect de l’enfant bien avant sa naissance et même plus tard avec des théories erronées sur son éducation.

Que la leçon des Mages de saint Matthieu nous invite à repenser notre vie en fonction du respect, de l’amour de tout enfant. Qu’il soit un petit africain mourant de faim ou un petit de chez nous perdu au milieu de ses jouets souvent trop encombrants. L’un et l’autre demandent attention et affection, justice et amour.

Tous, inclinons-nous devant l’enfant, car Dieu s’est fait lui-même enfant. Amen.»

Lectures bibliques : Isaïe 60, 1-6 Psaume: 71; Ephésiens 3, 2-3a.5-6; Matthieu 2, 1-12

Homélie du 29 décembre 2013

Prédicateur : Abbé Maurice Genoud
Date : 29 décembre 2013
Lieu : Eglise Saint-Sulpice à Siviriez (FR)
Type : radio

Chers frères et sœurs,

En parlant de la Sainte Famille, ne risquons-nous pas de penser qu’elle était composée d’une femme choyée par Dieu: Marie, d’un home discret et effacé: Joseph et d’un enfant hors du commun: Jésus, le Fils de Dieu.

Ce foyer de Marie et Joseph, comme tant de familles aujourd’hui va connaître l’épreuve avant même la naissance de leur enfant. En effet, lorsqu’ils cherchent un lieu d’accueil, toutes les portes se ferment si bien qu’ils se réfugient dans une étable et c’est là que Marie va mettre au monde le Fils de Dieu. La souffrance et les humiliations ne font que commencer.

Marie et Joseph portent l’Enfant au Temple, le vieux Siméon, sous l’action de l’Esprit Saint prophétisera: et l’Enfant sera un signe de contradiction et à toi, Marie un glaive de douleur transpercera ton cœur.

Marie et Joseph vont devoir prendre le chemin de l’exil avec l’Enfant menacé de mort par Hérode. Ils vont trouver asile là où leurs ancêtres étaient esclaves: en Egypte. Aujourd’hui encore, que de familles et d’innocents vivent la même réalité pourchassés par des dictateurs, des tyrans ou par la misère et la persécution. Après deux ans d’exil, la famille va s’établir à Nazareth, le village de Marie.

Elle-même et Joseph sont pratiquants et lorsque l’enfant atteint 12 ans, ils l’emmènent avec eux pour la Pâque à Jérusalem. C’est au temple qu’ils vont retrouver l’Enfant après 3 jours d’inquiétude. Quelle stupéfaction de le voir dialoguer avec les docteurs de la loi. Que d’interrogation dans le cœur de la Maman: «Mon Enfant pourquoi nous as-tu fait cela, ton Père et moi, tout inquiets, nous t’avons cherché». La réponse va rappeler à Marie que son Enfant ne lui appartient pas. «Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père». L’Enfant grandit en grâce et en sagesse et travaille auprès de Joseph.

À trente ans débute sa vie publique où il va se heurter aux autorités religieuses bien établies. Pour la Maman, quelle souffrance de découvrir ce Fils rejeté et ridiculisé. Alors, qu’il n’est qu’amour et miséricorde. Il fréquente les gens de mauvaise renommée, les pécheurs, les rejetés du monde. Il s’invite chez les pécheurs et mange avec eux. Que de critiques ne va-t-il pas entendre? On veut le prendre en défaut, le faire tomber: «Faut-il payer l’impôt? Pourquoi ne respectes-tu pas le sabbat, puisque tu guéris des gens ce jour-là? Comment oses-tu dire que tes péchés sont pardonnés? Pour qui te prends-tu»?

Il va finir par être condamné au supplice de la croix alors qu’il est innocent, victime, de dire et d’être la vérité. En croix alors que la foule crie, qui est présent? Marie, sa Mère et Jean le disciple bien aimé. Une maman n’abandonne jamais son enfant. Avant de rendre le dernier souffle, il promet la gloire et le bonheur au criminel condamné avec lui.

Que retenir de la Fête de la Sainte Famille?

Il n’y a pas de famille qui ne connaisse pas la souffrance, les difficultés, qui peuvent venir de l’intérieur de la famille ou de l’extérieur. La famille de Jésus nous le montre bien. Les membres sont profondément unis entre eux mais les critiques, l’esprit de démolition des adversaires va conduire ce Fils unique, ce Fils de Dieu au supplice de la croix. Si les autorités croient avoir triomphé par cette exécution, nous chrétiens savons que c’est l’inverse. Au pied de la croix, Marie va recevoir le cadavre de son Enfant mais à Pâques, elle le retrouve glorieux, vivant. Ainsi Marie, comme tant de mamans aujourd’hui s’est trouvée seule pour porter la souffrance de son Enfant. Vous me direz: «Et Joseph que devient-il»? L’Evangile en parle si peu. Il nous dit simplement qu’il était juste, c’est-à-dire ajusté, attaché à Dieu. Selon toute vraisemblance, il serait mort assez tôt.

Si aujourd’hui on parle beaucoup de la crise de la famille ne faut-il pas rendre grâce pour toutes celles qui font peu de bruit et où règne l’amour. Le ciment de la famille c’est bien l’amour. L’amour de Dieu d’abord qui seul peut nous apprendre à nous écouter les uns les autres, à voir ensemble, à pardonner s’il le faut. N’est-ce pas celui qui a le plus d’amour qui fera le premier pas pour remettre la paix s’il y a eu des tensions.

Il y a tant de témoignages qui nous montre comment l’amour transforme une vie et devient source et ciment de la famille. Je pense au témoignage d’une femme venue dans notre région pour devenir servante dans une famille d’agriculteur. Le papa est devenu veuf avec 4 enfants. La jeune dame est arrivée en février et à Noël, un des enfants lui a demandé: «Madame vous ne voudriez pas devenir notre maman»? La dame fut touchée de cette question et répliqua: «Si vous êtes gentils pourquoi pas»! Elle épousa le paysan auquel elle donna 4 enfants. Les 8 enfants aujourd’hui encore très unis ne peuvent pas assez dire combien ils se sont sentis aimés par cette maman.

Pensons également à la maman de Guy Gilbert qui a accueilli 12 enfants. À la naissance du dernier, quelqu’un lui disait «Comment avez-vous fait pour diviser votre amour entre les 12 enfants»? Elle lui répondit: «Je ne l’ai jamais divisé mais multiplié». Ainsi, restons profondément unis à Jésus, source de tout amour et nos familles seront solides parce que bâtie sur le roc de l’Amour: En le Christ Jésus.

Amen.

Fête de la Sainte Famille

Lectures bibliques : Siracide 3, 3-7.14-17a; Psaume : 127; Colossiens 3, 12-21; Matthieu 2, 13-15.19-23

Homélie du 25 décembre 2013

Prédicateur : Mgr Denis Nulty
Date : 25 décembre 2013
Lieu : Cathédrale de l’Assomption, Carlow
Type : tv

Il est encore très tôt en ce matin de Noël!

Je sais que pour beaucoup, la nuit dernière a été une nuit merveilleuse, avec l’arrivée mystérieuse des cadeaux!

Tout compte fait, il y a beaucoup de bruit ce matin, dans chaque maison, pour essayer les nouveaux jouets, les jeux et les surprises pour la énième fois.

Je pense qu’il y avait aussi beaucoup de bruit au premier matin de Noël.

L’Evangile de ce matin se produit exactement au moment où le récit de minuit, la nuit dernière, se termine.

Luc décrit avec forces détails la scène de Bethléem, dans les premières heures de ce premier jour de Noël.

Peut-être comme dans votre maison ce matin, donc un endroit bruyant!

Du bruit fait par les anges et par les bergers: tous glorifient et louent Dieu !

Et pourtant il y a aune femme qui garde ces choses dans son cœur et les médite: c’est Marie…

Nous-mêmes sommes centrés sur Marie pour cette messe de l’aube.

La femme ne dit pas grand-chose mais ce qu’elle doit dire, elle le dit doucement et vaut toujours la peine d’être entendu.

Le regard de Marie est orienté sur cette mangeoire et ce nouveau-né: notre regard, ce matin, se porte sur la même mangeoire et le même enfant.

Le mot mangeoire est seulement cité trois fois dans l’Ecriture: nous l’avons entendu deux fois cette nuit et une fois ce matin.

L’étable dans laquelle Jésus est né, la mangeoire dans laquelle il a reposé était tout sauf un objet de design en bois d’olivier!

Nous avons amorti l’histoire de Noël… Trop de bougies, pas assez de cafards, trop de clinquant, pas assez de déchets, trop de décorations, pas assez de saleté…

Récemment, le pape François nous a mis récemment au défi avec sa vision de l’Eglise, une Eglise enracinée dans cette première mangeoire de Bethléem: «une Eglise accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Eglise malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités».

Il n’y a rien de certain quant à cette première mangeoire, cette première étable, ce premier Noël.

Mais avant cela, il y avait une mangeoire, l’enfant Jésus reposait dans la sécurité du ventre de Marie.

Dans la douceur, dans la chaleur de son ventre, Jésus était lié à sa mère et est lié aujourd’hui avec nous.

En cette messe de l’aube en ce jour de Noël, nous sommes invités à faire pour Jésus une mangeoire dans nos vies, à faire de la place dans le fouillis de nos étables, dans l’encombrement de nos propres vies.

Nous faisons de la place à Jésus par le respect avec lequel nous le recevons dans nos vies.

Nous lui faisons de la place en prenant du temps pour la réflexion et la méditation au milieu des distractions et du bruit.

Et nous lui faisons de la place en faisant le voyage avec des millions d’autres en ce matin de Noël 2013 pour glorifier et louer Dieu.

Avec C.S. Lewis, auteur irlandais de livres pour enfants et chrétien convaincu, décédé il y a cinquante ans, nous prions:

«Parmi les bœufs (je suis lent comme un bœuf), je vois poindre une gloire dans l’étable,
avec le caractère maussade du bœuf
que me soit donnée progressivement
la force du bœuf.

Parmi les ânes (je suis stupide comme eux), j’ai vu mon sauveur là où je cherchais du foin;
ainsi que mon animalité apprenne au moins la patience d’une bête.

Parmi les moutons (je me suis écarté comme un mouton)
Je regarde la mangeoire
où est couché mon Seigneur

Oh, que ma nature gagnerait à une telle innocence laineuse»

Noel, C.S. Lewis

Messe du jour de Noël

Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Psaume : 97; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18

Homélie du 25 décembre 2013

Prédicateur : Abbé Martial Python
Date : 25 décembre 2013
Lieu : Eglise Saint-Sulpice à Siviriez (FR)
Type : radio

Noël c’est d’abord l’expérience de Dieu qui se fait homme pour nous apprendre ce qu’est un homme dans sa relation d’être. Et entre le trop plein de tendresse qui est Dieu et le trop vide qu’est l’humanité, il y a toujours eu au cours de l’histoire des relais, soit des hommes et des femmes qui ont vécu un tel amour-charité qu’ils sont devenus pas autre chose que l’Evangile vécu chanté joué tel une symphonie. Aussi, pour donner le goût de Dieu aux homme et leur faire découvrir combien il est non seulement le Très Haut, mais le Très Bas, le Tout Proche, ils y chercheront tous les moyens. L’admirable crèche franciscaine ici présente dans cette église en est le rappel, avec pour thème: « DE GRECCIO À LA PIERRAZ ».

Greccio un village de l’Ombrie, où un certain Noël 1223 pour la première fois, frère François y instaure la crèche vivante dans une étable proche du bourg. « Je veux voir de mes propres yeux dit-il tel qu’il était cet enfant, soit couché dans une mangeoire. Après avoir proclamé la Parole sur le mystère de Noël, il fit célébrer l’Eucharistie, expérience de la Passion-Résurrection de Notre Seigneur. Et à la Pierraz, Marguerite évoque ce même mystère, en inaugurant la crèche dans la famille, alors que dans la région, à cette époque on commençait seulement à monter des crèches dans les églises. Marguerite Bays était tertiaire laïque franciscaine, soit inspirée de la spiritualité du pauvre d’Assise. Ainsi elle propose dans sa crèche plusieurs scènes illustrant la naissance, la vie publique et la passion du Christ telle une traversée pascale. Cette traversée pascale Marguerite comme François ils ne la signifient pas seulement, mais ils en vivent avec une telle intensité qu’ils deviendront tous deux comme le miroir du Christ et dont les stigmates en sont le seau.

Et ce matin avec le récit du Prologue de Jean, nous sommes invités à méditer le mystère de Noël jusqu’au commencement du monde. Ca nous rappelle le credo de chaque dimanche quand on dit que Jésus est né du Père avant tous les siècles, et c’est après cette naissance dans l’intemporel où Jésus naît du Père qu’il y a la création. Ce qui fait que si le Christ révèle Dieu, la création nous dit Dieu, le cosmos nous parle de Dieu, dont cette crèche dans cette église de Siviriez en est toute l’expression. Aussi ce matin, j’ai à mon côté un enfant du hameau de La Pierraz qui s’appelle Paul et qui a participé à l’élaboration de cette grande crèche. Pourrais-tu Paul nous partager l’une ou l’autre impression de ce que signifie pour toi cette crèche de Noël ci-présente: « Avec ces personnages au travail en habit de charpentier, commerçant, bûcheron, vigneron et berger, il y a beaucoup de vie, sans oublier la présence des animaux. Aussi, la nature et l’eau qui s’écoule, me donne un sentiment de bien-être, un peu comme si moi aussi je fais partie de la crèche et qu’avec toute cette foule, je vais à la rencontre de Jésus. Et mon vœu le plus cher pour chacun de vous, c’est qu’il vienne aussi dans votre vie et en ce sens je vous dis bon Noël! »»

Homélie du jour de Noël

Lectures bibliques: Isaïe 52,7-10, Hébreux 1,1-6, Jean 1,1-18

Homélie du 24 décembre 2013

Prédicateur : Mgr Rémy Berchier
Date : 24 décembre 2013
Lieu : Eglise Saint-Sulpice à Siviriez (FR)
Type : radio

Frères et Sœurs bien-aimés,

Au cœur de cette nuit une Bonne Nouvelle nous est annoncée ! Une nouvelle extraordinaire. Oh, elle n’est pas si nouvelle car il y a plus de 2000 ans qu’elle court le monde et pourtant elle est chaque fois nouvelle.

Nouvelle parce qu’elle vient s’installer dans notre quotidien, au milieu de la crèche de nos vies, sur la paille de nos joies et de nos soucis, dans la nuit du monde et au clair de lune de nos espérances. Elle est simple et bouleversante à la fois, elle est humaine et divine et elle change le cours de notre histoire. Dieu entre dans nos vies pour nous faire entrer dans la sienne.

« Aujourd’hui, vous est né un Sauveur. Il est le Messie, le Seigneur …

Il est Merveilleux-conseiller, Dieu-fort, Père à jamais, Prince de la Paix, Emmanuel : Dieu avec nous »

Telle est la Bonne Nouvelle : Dieu vient dans l’ordinaire de chacun de nous. Il est accessible à tous. Il devient tellement l’un de nous, que, par lui, nous devenons éternels. C’est ce que nous dit St Paul : « la grâce de Dieu s’est manifesté pour le salut de tous les hommes ».

St François d’Assise, au XIIIème siècle, avait si bien médité ce mystère de l’Incarnation, de ce Dieu qui nous rejoint au cœur de ce que nous sommes, qu’en 1223 il organise une crèche vivante, au cours d’un Eucharistie , dans le petit village de Greccio, près d’Assise. Il y avait rassemblé les habitants, les animaux, toute la création dans une grange et la mangeoire fut l’autel. Quelle merveille ! Six siècles et demi plus tard, une humble femme de chez nous, de la Pierraz, Marguerite Bays, consacré à Dieu dans le célibat, couturière, suivant comme laïque la règle de St François d’Assise, fait un pas de plus : elle met tout en œuvre pour que la crèche faite de personnages inanimés deviennent dans chaque maison familiale, chaque appartement, un lieu de catéchèse, de prière, d’action de grâce, de paix, de réconciliation, de joie, d’émerveillement. C’est le même esprit, la même foi chez ces deux saints, la même intention de nous dire Dieu dans l’ordinaire de nos vies et de lier le mystère de Noël à la lumière de Pâques. Bethléem, Greccio et la Pierraz, c’est toujours Dieu Emmanuel, avec nous.

Il en va de même en cette nuit d’aujourd’hui : Dieu vient habiter nos vies. Si vous passez à Siviriez, vous pouvez contempler la magnifique crèche qui représente Bethléem, Greccio et la Pierraz. Durant ces derniers jours, Marie, enceinte, et Joseph ont traversé le village de Greccio et cette nuit se sont installés dans la grange de Marguerite Bays à la Pierraz. Comme Dieu passe au milieu du marché et y rencontre les habitants, le boulanger, les lavandières, l’herboriste, l’école, le potier, la fleuriste, le restaurateur et sa taverne, il nous rejoint dans tout ce que nous sommes. Un jour, il rejoindra les disciples d’Emmaüs. Ceux-ci ne le reconnaissent pas. Il leur demande de quoi ils parlent en chemin. Ils les écoutent, entre dans leur souffrance, prend place au creux de leur détresse, gagne leur confiance, installe la paix, explique l’Ecriture et les conduit à l’Auberge : le lieu de la rencontre, là, Il leur transmet sa nouvelle présence : l’Eucharistie, alors tout devient lumière pour eux. Noël est le début de ce mystère extraordinaire de l’Incarnation de Dieu qui est à lier à la lumière de la Résurrection pour notre Rédemption : « Jésus, c’est-à-dire le Seigneur sauve, car c’est lui qui sauvera son peuple des péchés ! », nous dit St Matthieu. Alors oui, l’Emmanuel rejoint le malade, le désespéré, le stressé, le fatigué, le torturé, l’inquiet, le joyeux, l’épanoui quelle que soit notre condition. Et il nous transforme et nous transfigure ! Alors notre vie prend encore un tout autre sens. Le boulanger nous rappelle l’Eucharistie, la lavandière : la source d’eau vive, la taverne : Emmaüs, l’école : la Parole de Dieu, le potier : Dieu qui nous façonne, tout devient beauté de Dieu alors la crèche de nos vies s’anime et devient chant de fête.

Et nous, en cette nuit, en ces jours, sommes invités, à la suite de François d’Assise et de Marguerite Bays, à l’appel du Pape François, à devenir des témoins de cet Emmanuel, de l’Incarnation ! Cela ne peut se faire que si nous accueillons l’Enfant nouveau-né en nous, que si nous nous laissons faire par son Amour infini et que si nous intensifions notre lien avec Lui. Alors nous deviendrons Bonne Nouvelle. Ce sera Noël pour nous et Noël pour tous ceux que nous rencontrions.

A chacune et chacun Joyeux Noël, Sainte Nativité, va annoncer l’Emmanuel et sois dans la joie.

Amen

Messe de minuit

Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14

Homélie du 22 décembre 2013

Prédicateur : Abbé Marc Donzé
Date : 22 décembre 2013
Lieu : Basilique Notre-Dame, Lausanne
Type : radio

« Peut-être que j’ai faim de choses nouvelles », disait un écrivain aujourd’hui bien oublié qui s’appelait Valéry Larbaud. « Peut-être que j’ai faim de choses nouvelles ». C’est une faim que j’éprouve. N’est-ce pas aussi votre cas ?

Cette faim devient particulièrement forte au temps de l’Avent et à l’approche de Noël. Car Avent = avènement ; Avent = nouveauté. Noël aussi = nouveauté. Quoi de plus neuf que la naissance d’un enfant ! Et quel enfant !

Avec vous, j’ai rêvé d’un monde nouveau, où les épées deviennent des socs de charrue et je le vois apparaître, silencieusement, dans la force du Christ qui attire toutes choses à Lui, dans l’amour et la paix. Premier dimanche de l’Avent.

Avec vous, j’ai célébré Marie, la toute pure, la toute droite, la toute accordée à Dieu, parce qu’elle est la mère du Fils de Dieu ; elle nous montre déjà la beauté d’un monde nouveau. C’était le deuxième dimanche de l’Avent et la fête de l’Immaculée Conception.

Avec vous, et en compagnie de Jean le Baptiste, j’ai vu que le renouveau commence d’en bas, ô surprise : « les aveugles voient, les boiteux marchent… et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ». Et j’ai compris que nous sommes appelés à nous retrousser les manches en bas. Troisième dimanche de l’Avent.

Et aujourd’hui ? Avec Joseph, nous apprenons comment réagir aux choses nouvelles qui arrivent dans nos vies. Pour ce faire, nous sommes confrontés à deux attitudes très différentes : celle du roi Achaz (longtemps avant Jésus-Christ, mais hélas toujours actuel) et celle de saint Joseph.

Le roi Achaz, en Israël , menait ses affaires à sa guise, nous l’avons entendu tout à l’heure. Il régnait, il percevait des impôts, il jouait de diplomatie avec ses voisins et il guerroyait. Rien de neuf sous le soleil. Mais la nouveauté arrive sous la forme d’une menace : les rois voisins, devenus plus puissants, se mettent en mouvement pour envahir Israël. Que fait Achaz ? Rien de neuf : il fait confiance à sa diplomatie et à ses maigres troupes. Que fait Dieu ? Eh bien, il se trouve que Dieu est toujours partie prenante, quand il y a de la nouveauté. Il apporte sa part ; et sa part est toujours dans la direction de la vie, de l’amour, de la lumière, de la liberté. En l’occurrence, Dieu propose à Achaz un signe. Et ce signe, c’est la naissance d’un enfant : « Voici que la jeune fille concevra et elle enfantera un fils… ». Ce signe donc, la naissance d’un enfant sûrement royal, c’est l’assurance d’une vie qui se continue, d’une vie qui se renouvelle ; le contraire exact des menaces de guerre, d’envahissement et de mort.

Et Achaz refuse le signe. Il est dans le déni des menaces de guerre. Il veut rester dans le connu de ses diplomaties. En d’autres termes, il ne veut pas voir la nouveauté des faits. Et du même coup, il ne veut rien savoir de Dieu, de ses propositions, de son engagement, pour que l’événement nouveau puisse se transformer en événement de vie et d’espérance. Achaz n’a pas faim de choses nouvelles ; il ne veut pas avoir faim ; il se bouche les yeux et les oreilles, en particulier devant Dieu. Comme ont pu dire des chansonniers : Notre Père qui êtes aux cieux, restez-y…. ne venez surtout pas mettre du dérangement dans nos petites vies.

Tout autre est l’attitude de Joseph. La nouveauté arrive dans sa vie d’une façon assez inouïe. Marie, sa fiancée, est devenue enceinte, avant qu’ils aient habité ensemble. Joseph a dû être plongé dans un abîme de questions, de perplexités ; on le serait à moins. Je peux présumer qu’en homme droit, juste et pieux, il a remis ses questions entre les mains de Dieu. « Seigneur, je n’y comprends rien ; éclaire-moi ». Et Dieu va y mettre du sien. Par l’ange messager, il indique à Joseph ce qu’il peut faire : N’aie pas peur ; ce qui est en Marie vient de moi (sous-entendu, ce n’est pas quelque chose de tordu ; c’est tout pur, c’est tout clair). Et Joseph, en toute discrétion, mais avec grandeur d’âme, accueille Marie chez lui. La nouveauté ne sera pas toujours facile : voyage à Bethléem, naissance de Jésus sur la paille, fuite en Egypte, retour à Nazareth. Mais quel chemin porté par la vie, par la promesse de vie, par le don de l’amour.

Dès lors se pose la question pour nous : comment accueillons-nous les choses nouvelles ? et, d’abord, avons-nous faim, peut-être, de choses nouvelles ? ce qui revient à dire : sommes-nous disponibles aux appels nouveaux que la vie, peut-être, nous fait ?

Quoi qu’il en soit, il est inévitable que des choses nouvelles arrivent dans nos vies. Cela fait partie du dynamisme et de la variété de la vie. Elles sont parfois bonnes : rencontres, naissances, succès, chances ; elles sont parfois difficiles : maladies, échecs, deuils, guerres, échecs. Dans ces choses nouvelles, Dieu est avec nous, toujours. Mais attention : il est toujours avec nous dans le sens de la vie, de l’amour, de la lumière, de la grandeur d’âme. Toujours. Sa voix, au milieu des choses nouvelles, met en perspective la possibilité d’amour et de vie. Comme pour le roi Achaz à qui Dieu propose un chemin de vie et de confiance à travers la naissance d’un enfant. Comme pour Joseph à qui Dieu suggère de prendre Marie chez lui et d’inventer un chemin hors de l’ordinaire.

L’enjeu pour nous est dans la réponse. Est-ce que j’accueille les choses nouvelles, en intégrant la part de vie que Dieu y met, la petite lanterne que Dieu y infiltre, quand c’est particulièrement difficile ? ou est-ce que je n’accueille pas, préférant rester dans mon quant-à-moi, même branlant ? est-ce que je vais ressembler au roi Achaz, ou à saint Joseph ? au roi Hérode ou aux bergers de Noël ?

Que le Seigneur nous donne de discerner et d’accueillir ses chemins créatifs et vivants, au milieu des nouveautés qui nous surviennent ! c’est mon vœu pour ce jour et pour Noël. Amen.»

4e dimanche de l’Avent

Lectures bibliques : Isaïe 7, 10-16, Psaume 23, 1-2.3-4ab.5-6; Romains 1, 1-7; Matthieu 1, 18-24

Homélie du 15 décembre 2013

Prédicateur : Abbé Marc Donzé
Date : 15 décembre 2013
Lieu : Basilique Notre-Dame, Lausanne
Type : radio

Incroyable la question de Jean Baptiste depuis sa prison. Incroyable qu’il demande à propos de Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? ».

Jésus, il le connaissait. Ils étaient même petits cousins (si l’on en croit l’Evangile de Luc). Jésus, il l’avait reconnu comme le Messie, comme le Fils bien-aimé du Père, quand il l’avait baptisé dans le Jourdain.

Et voilà que Jean-Baptiste pose une question comme s’il ne connaissait pas Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? ». Incroyable. Mais cela peut s’expliquer tout de même. Jean-Baptiste attendait un Messie puissant et spectaculaire, encore plus puissant que Moïse quand il faisait la nique au Pharaon d’Egypte. Et il ne voyait rien de cela. Jean-Baptiste était désorienté au fond de sa prison.

Réponse de Jésus : il faut regarder ailleurs et autrement. « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. »

Peu avant de mourir, peu avant de se faire couper la tête, Jean-Baptiste doit encore changer sa vision. Il était le doigt, le très noble doigt qui désignait le Messie, dont il imaginait la puissance. Il est appelé à devenir le doigt qui désigne le relèvement des pauvres dans l’amour.

Et c’est ce que l’Église doit faire (entre autres). Être le doigt qui montre la justice de Dieu, cette justice qui remet debout les petits. Être le doigt qui montre la lumière du Christ sur le visage des hommes de réconciliation et de paix. Et voici que défilent au bout de ce doigt :

Nelson Mandela, chez qui le pardon, la justice, l’entente entre les races furent plus fort que tout ;

Jean Vanier qui considère les personnes avec un handicap mental comme infiniment dignes et qui les aime

L’abbé Pierre qui redonna dignité et travail à des personnes qui n’avaient ni toit, ni emploi

Raoul Follereau qui allait apporter de l’espérance au milieu des lépreux

Mais aussi tous ceux qui œuvrent au quotidien, en toute discrétion, pour redonner de la dignité et de l’espoir, pour ouvrir des perspectives d’avenir, pour partager une tendresse qui vient du cœur de Dieu : au lieu d’accueil des requérants à Vallorbe, dans les rues de Lausanne, à la table des cafés du désespoir, dans les centres funéraires, dans les hôpitaux, les EMS, les prisons, comme aussi dans les riches appartements quand le sens de la vie s’est perdu. Partout.

Mais encore défilent au bout de ce doigt tous ceux qui annoncent la Bonne Nouvelle du Christ. Et cette Bonne Nouvelle, c’est : tu es aimé, tu peux te relever, tu as un avenir, la vie a un avenir. Peut-être long, peut-être difficile, peut-être tortueux, mais la vie a un avenir, un horizon, une lumière. Pour toi, même pour toi.

Être le doigt qui montre ce que le bling-bling ne montre pas forcément. Mais, vous l’avez compris, il ne suffit pas d’être le doigt qui montre. Dans la mesure du possible, au nom de l’Evangile, nous sommes appelés à être la main qui agit et la voix qui annonce une Bonne Nouvelle qui va vers la vie, la réconciliation et la résurrection, avec des mots simples, avec cœur, avec respect.

Je pense ici à un doigt célèbre. Dom Helder Camara, qui fut archevêque de Recife au Brésil, ardent défenseur des pauvres et de la justice, était tout petit et très maigre. Mais il avait un long index, très décharné, et d’une force d’expression étonnante. Il tendait son bras et son doigt, en même temps que sa voix prenait du volume, de la chaleur et de la véhémence, pour désigner ce qu’il appelait « les communautés abrahamiques » : ces groupes de personnes qui se lancent dans l’aventure, comme Abraham, pour vivre l’Evangile, pour promouvoir la justice, pour témoigner de l’espérance. Ces communautés étaient importantes au Brésil pour défendre notamment les droits des paysans sans terre. Puissent ces groupes « abrahamiques » se multiplier de mille manières aujourd’hui, ici chez nous, afin que « les aveugles voient, et que la Bonne Nouvelle soit annoncée aux pauvres ».

Être le doigt qui montre, cela ne veut pas dire montrer du doigt pour critiquer, juger, voire stigmatiser ou exclure. Hélas, cela arrive, même dans l’Église, et des personnes se sentent exclues ; ou elles ne se sentent accueillies que partiellement ou du bout des lèvres. Chez nous, on peut penser aux questions qui concernent le divorce, le remariage, l’homosexualité, et bien d’autres encore. L’Église doit trouver des chemins de miséricorde plus clairs, dans la sagesse de l’Evangile, dont le premier mot n’est pas la loi, ni la puissance, mais l’amour dans toutes ses facettes. Montrer du doigt n’est jamais bon, il faut pouvoir élever, mettre debout, donner de l’espérance, si l’on veut être fidèle au Christ. « Les aveugles voient et la Bonne Nouvelle est annoncée. » Le pape François nous y invite ; que les fruits réalisent bientôt la promesse des fleurs. Et que Dieu lui-même nous en donne l’imagination et la force, car ce n’est pas facile de changer son regard et ses mains.

Je repense au doigt de Jean-Baptiste au fond de sa prison. L’Évangile ne dit pas explicitement ce qui est advenu. Mais je crois qu’il a été revêtu de tendresse et qu’il était caressé par une brise légère.

Amen.

3e dimanche de l’Avent

Lectures bibliques : Isaïe 35, 1-6a.10; Psaume 145, 7-10; Jacques 5, 7-10; Matthieu 11, 2-11

Homélie du 15 décembre 2013

Prédicateur : Mgr Rémy Berchier
Date : 15 décembre 2013
Lieu : Eglise Notre-Dame, Vevey
Type : tv

Frères et Sœurs en chemin d’Avent,

Nous sommes plongés, ce matin, en plein désert! Sa définition précise qu’il est une zone stérile, peu propice à la vie, inhabitée et non cultivée par l’homme. Isaïe nous dit qu’il est un pays aride, une terre de la soif. Et chacun de nous n’est qu’un grain de sable parmi des milliards de grains de sable dans le désert, tous avec nos pauvreté et nos richesses.

Désert du monde, désert d’une humanité désorientée dans sa recherche de sens, de fraternité et de paix; désert de la maladie et de la souffrance, désert au cœur du stress de nos vies parce que nous nous sentons si vides; désert par manque d’amour, d’écoute, désert de la solitude, désert de nos cœurs qui peinent à chercher Dieu. Et pourtant, à travers les siècles, nombreux sont ceux et celles qui vont au désert pour y trouver Dieu.

Savez-vous que dessous le désert du Sahara nous trouvons une mer immense au point que lorsqu’elle effleure la terre surgit une magnifique oasis? Savez-vous que dans un minuscule grain de sable, d’à peine 2 mm, nous pouvons trouver 180 minéraux différents? Quelle richesse nous portons en nous. Vraiment le désert peut exulter, fleurir, se couvrir de fleurs des champs, crier de joie!

Au cœur de ce désert, comme par l’intérieur, la source jaillit. Elle peut inonder chaque grain de sable, elle est Bonne Nouvelle: «Voici votre Dieu… Il vient lui-même et va vous sauver». – «On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu», nous dit Isaïe. Saint Jacques renchérit: «La venue du Seigneur est proche». Et dans l’Évangile Jésus prêche par ses œuvres: les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.

Quelle joie, quel bonheur: la Bonne Nouvelle est déposée dans nos déserts et sur le sable de nos vies! C’est le dimanche de la joie – Gaudete! Joie de l’espérance de la venue du Seigneur, impatience, effervescence parce que le Salut manifeste les premiers signes avant-coureurs d’une arrivée imminente.

Mais pour accueillir cette Bonne Nouvelle, pour découvrir la source en nous et pour que notre cœur fleurisse, une condition est indispensable, elle est la première qualité de Jésus, même sa seule ambition: être petit! Car lorsque Dieu vient visiter son peuple, Il s’habille de pauvreté, Il se cache dans le plus petit, et Il ne peut être reconnu comme Dieu que par celui qui l’accueille tel quel, comme infiniment petit, comme grandement petit aux yeux des hommes. Il nous a demandé de devenir comme un petit enfant pour entrer dans le Royaume de Dieu. Il nous a dit que c’est le plus petit qui est le plus grand, le dernier sur la terre qui sera le premier dans l’Éternité. De plus il se définit lui-même: «Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait».

Vraiment nous sommes invités à nous désapproprier de nous-même – «Heureux les pauvres de cœurs» – pour y retrouver l’image de Dieu, la source divine et découvrir notre ressemblance à Lui. Il nous suffit de forer profondément les sables et les terres arides de nos vies jusqu’à la rencontre des eaux divines pour faire naître de belles oasis. Dès lors, tout croyant est invité à devenir un poste de forage vers la nappe d’amour inépuisable qu’est Dieu en nous. Alors, le désert se couvrira de fleurs des champs et criera de joie.

Tout irradiés de cette Bonne Nouvelle devenue présence en nous et qui inspire notre manière d’être et de vivre, à la suite de Jean le Baptiste, nous sommes invités par Jésus à devenir des témoins de son Amour: «Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez».

Jean Baptiste est messager en avant du Seigneur, il prépare les chemins. Il nous appartient donc de faire fleurir les déserts du monde, de faire exulter et crier de joie nos terres arides, d’illuminer les visages en partageant le bonheur sans fin de Dieu parmi les hommes. Là encore, Isaïe et l’Apôtre Jacques nous donnent des conseils pour y parvenir: «Fortifiez… affermissez …» – «Dites aux gens qui s’affolent: prenez courage, ne craignez pas… voici votre Dieu». Ou Saint Jacques: «Ayez de la patience, vous aussi, et soyez fermes, car la venue du Seigneur est proche».

Frères et sœurs en chemin d’Avent, en ce dimanche de la joie, à quelques jours de Noël, je nous souhaite de forer nos cœurs pour nous laisser désaltérer par la source qu’est Dieu, de faire fleurir notre propre désert pour faire envie et proposer les fleurs des champs: la joie, la paix et l’amour au cœur de toutes ces rencontres qui bâtissent notre vie. Par notre amour partagé, par notre charité offerte et surtout par nos actes concrets et l’attention aux plus petits de nos frères ou sœurs, leurs déserts pourront refleurir, leurs pays arides crier de joie. Alors, Jésus pourrait-il dire de nous: «Allez rapporter ce que vous entendez d’eux et voyez chez eux»?

Dans la joie, bon Avent.

Amen.

3e dimanche de l’Avent

Lectures bibliques : Isaïe 35,1-6a; Jacques ,7-10; Matthieu 11, 2-11

Homélie du 08 décembre 2013

Prédicateur : Abbé Marc Donzé
Date : 08 décembre 2013
Lieu : Basilique Notre-Dame, Lausanne
Type : radio

Il y avait un homme au nom étrange. Il s’appelait Joachim et c’était un juste. Il respectait Dieu et la création. Il gardait ses moutons sur les montagnes de Galilée. Et le soir, près de sa cabane, il pleurait. Il pleurait, parce qu’il n’avait pas d’enfant. Sa femme, qui s’appelait Anne, pleurait aussi, car elle se sentait stérile. Et elle était déjà âgée. Elle aussi était juste, elle aussi était douloureuse.

Un beau jour, Joachim reçut une visite dans son cœur. Était-ce un rêve, un songe ? Était-ce un ange ? Je ne sais, Dieu le sait et peu importe. Cela avait l’air d’un grand coup de vent, un de ces vents chauds qui caressent et emportent ; un de ces vents qui transforment les idées et changent le cœur. Il comprit alors que sa femme allait avoir un enfant, malgré tout, au-delà de tout.

Alors, Joachim descendit de la montagne. Il alla trouver sa femme. Ils se connurent, comme dit la Bible. Ils conçurent un enfant, avec tout leur corps, tout leur cœur et toute leur foi. Et leur enfant reçut le nom de Marie, avec joie, avec une infinie reconnaissance.

Qu’est-ce que la conception d’un être humain ? Elle obéit aux lois de la nature, que nous connaissons tous. Anne et Joachim conçurent leur enfant selon les lois de la nature. Mais pas seulement. Leur histoire montre que Dieu y a mis du sien, pour que la femme et l’homme qui se croyaient stériles enfantent tout de même.

N’y a-t-il pas là une belle question pour nous tous ? Nous avons appris à connaître les lois de la nature ; et c’est tant mieux. Mais, souvent, nous avons perdu la trace du mystère. Car la vie demeure un mystère : aucun laboratoire d’ailleurs ne peut produire de la vie à partir d’éléments inanimés. La vie est une merveille, elle est d’une complexité et d’une subtilité affolantes. Elle est bien la résultante de lois de la nature, mais elle est aussi un don de Dieu. La rencontre anonyme des cellules et le don de l’Amour. On va me dire : votre affirmation n’est pas scientifique. En effet, elle ne l’est pas au niveau des sciences biologiques. Mais n’y a-t-il que la science et la matière ? N’y a-t-il pas des réalités que les microscopes ne peuvent pas saisir ? Le mystère de l’Amour qui est communiqué à un être, à une personne ? Je le crois, et cette foi, je la sais au profond du ventre de la personne humaine que je suis. Ne sentez-vous pas aussi la vibration de cette onde de l’amour, qui donne couleur à notre biologie ?

Donc, Dieu y met du sien, pour la venue de chaque personne humaine. Ne dit-il pas, dans le livre d’Isaïe : « Je t’ai appelé par ton nom, tu as du prix à mes yeux, tu es précieux pour moi, car je t’aime » ? Anne et Joachim l’ont bien compris, qui ne cessèrent de s’émerveiller de la naissance de Marie, leur fille.

En fait, pour la venue de Marie, Dieu y a mis du sien encore plus que d’habitude, si j’ose m’exprimer ainsi. Pourquoi ? Comme mère de Jésus, elle inaugurait un monde nouveau.

Nous tous les hommes et les femmes, nous venons au monde un peu tordus. Aimés par Dieu, oui, mais un peu tordus. Tordus, parce que nous sommes traversés par toutes les contorsions qu’a inventées l’humanité à travers les âges : accaparements, guerres, jalousies, excès de pouvoir. Nous ne sommes pas par voie de naissance dans la pleine harmonie de Dieu. C’est ainsi et il suffit d’un regard réaliste sur l’humanité pour le constater. C’est ainsi, nous sommes un peu tordus, mais ce n’est pas le dernier mot, car Dieu veut nous rendre droits, lumineux et heureux, à petits pas ou à grands pas selon la manière dont nous pouvons consentir à sa Présence. Car Dieu veut faire un monde nouveau, mais avec notre collaboration ; un monde tout nouveau, où il n’y aura que l’amour. Et l’amour est la réalité la plus passionnante du monde.

Dieu a déjà donné à voir ce qu’est un homme tout pur, tout aimant, tout donné, tout pétri de lumière et de réconciliation, traversant les tragédies de ce monde jusque dans la Résurrection. Jésus-Christ est l’homme tout en droiture d’amour. (Entre parenthèses, qu’est-ce que c’est beau un homme qui devient un être de réconciliation, comme Nelson Mandela !).

Et Marie, sa mère, – c’est si important une mère – est venue en ce monde toute droite. Car le monde nouveau qui s’inaugure en Jésus-Christ et déjà en sa mère doit commencer tout droit et non plus tordu. C’est pourquoi Dieu le Père y a mis du sien dans la conception de Marie, beaucoup du sien pour que Marie, mère de Jésus, soit le germe tout pur d’un monde renouvelé. C’est pourquoi, le mystère de Marie, c’est l’annonce de notre avenir, qui progresse à pas de silence et d’amour.

Il faut ajouter que Marie, née toute droite, n’en devient pas pour autant une petite femme préservée ou, comme disent certains esprits qui se croient forts, une « oie blanche ». Toute droite, elle traverse cependant un monde tordu. Aucun combat ne lui sera épargné. Et chaque fois, elle devra choisir de se tenir debout. Et elle se tiendra debout même au pire moment. Debout, douloureuse au pied de la Croix.

En cette fête de l’Immaculée Conception de Marie, et dans la préparation de la Nativité de Jésus, nous pouvons nous réjouir. Car en regardant Marie, née toute pure et toute droite, nous regardons notre avenir. Nous le regardons au-delà au-dedans de toutes les épreuves qu’elle a dû traverser et que nous avons à traverser nous aussi, chacun à notre manière. Car, comme dit saint Paul, « Dieu nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d’avance destiné à devenir pour lui des fils et des filles par Jésus-Christ. » Cette réalité est déjà commencée ; ce monde n’est plus seulement un monde tordu. C’est déjà commencé pour nous. Et c’est déjà pleinement accompli en Marie. Et c’est pourquoi c’est si plein d’espérance, de paix et d’énergie nouvelle quand on la regarde. Amen.»

2e dimanche de l’Avent – Fête de l’Immaculée Conception de Marie

Lectures bibliques : Isaïe 11, 1-10; Psaume 71; Romains 15, 4-9; Matthieu 3, 1-12 (2e Avent) Ephésiens 3-12; Luc 1, 26-38 (Fête de l’Immaculée conception de Marie)